18 octobre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-18.742

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C100568

Titres et sommaires

ETRANGER - mesures d'éloignement - rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire - prolongation de la rétention - requête du préfet - recevabilité - conditions - registre actualisé du centre de rétention - cas - transfert entre centres de rétention

Prive sa décision de base légale, au regard des articles L. 743-9 et R. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et de l'annexe de l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention, le premier président qui écarte le moyen pris de l'irrecevabilité de la requête du préfet en prolongation d'une mesure de rétention administrative d'un étranger ayant été transféré d'un lieu de rétention vers un autre, faute de rechercher, comme il y était invité, si cette requête était accompagnée du registre actualisé du centre de rétention, comportant le jour et l'heure de ce transfert

Texte de la décision

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 18 octobre 2023




Cassation sans renvoi


Mme CHAMPALAUNE, président



Arrêt n° 568 F-B

Pourvoi n° B 22-18.742

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [R] [V] [T].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 10 mai 2022.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 18 OCTOBRE 2023

M. [R] [V] [T], domicilié chez M. [F] [K], avocat, [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 22-18.742 contre l'ordonnance rendue le 31 décembre 2021 par le premier président de la cour d'appel de Paris, dans le litige l'opposant :

1°/ au préfet des Hauts-de-Seine, représentant l'Etat, domicilié [Adresse 1],

2°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [V] [T], et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 septembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 31 décembre 2021) et les pièces de la procédure, le 29 novembre 2021, M. [V] [T], de nationalité cubaine, en situation irrégulière sur le territoire national, a été placé en rétention administrative, en exécution d'un arrêté d'expulsion. Par ordonnance du 2 décembre 2021, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention pour vingt-huit jours.

2. Le 29 décembre 2021, le préfet a demandé une deuxième prolongation sur le fondement de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. M. [V] [T] fait grief à l'ordonnance de rejeter les moyens soulevés et de maintenir la mesure de rétention pour une durée maximale de trente jours, alors « que toute requête en prolongation de la rétention administrative d'un étranger doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée d'une copie d'un registre actualisé, tenu dans le centre de rétention, mentionnant l'état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention ; que la non-production de cette pièce constitue une fin de non-recevoir pouvant être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief ; qu'en énonçant, pour écarter le moyen tiré de l'irrecevabilité de la requête de la préfecture, que les deux registres du centre de rétention [3] et de [5] figuraient à la procédure, sans rechercher, comme il y était invité, si la requête était accompagnée du registre du centre de rétention actualisé [3], le délégué du premier président a violé les articles L. 743-9 et R. 743-2 du CESEDA. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 743-9 et R.743-2 du CESEDA et l'annexe de l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention :

4. Il résulte du premier texte que le juge des libertés et de la détention s'assure, lors de l'examen de chaque demande de prolongation d'une mesure de rétention d'un étranger, que, depuis sa précédente présentation, celui-ci a été placé en mesure de faire valoir ses droits, notamment d'après les mentions du registre de rétention.

5. Il ressort du deuxième que toute requête en prolongation de la rétention administrative d'un étranger doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée d'une copie de ce registre.

6. Selon le troisième, le registre doit, en particulier, comporter des données relatives au lieu de placement en rétention, aux date et heure d'admission au centre de rétention administrative, et, le cas échéant, aux date, heure et motif du transfert d'un lieu de rétention administrative à un autre lieu de rétention.

7. Pour écarter le moyen pris de l'irrecevabilité de la requête du préfet, faute d'être accompagnée de la copie du registre actualisé du centre de rétention [3], l'ordonnance constate que les deux registres des centres [3] et de [5] figurent bien à la procédure respectant ainsi les exigences de l'article L. 744-2 du CESEDA.

8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il y était invité, si la requête était accompagnée du registre actualisé du centre [3] comportant le jour et l'heure auxquels M. [V] [T] avait quitté ce centre pour être transféré à celui de [5], le premier président a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

10. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que, les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 31 décembre 2021, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

LAISSE les dépens à la charge de l'Etat ;



En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille vingt-trois.

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