4 octobre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-15.976

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:SO00987

Texte de la décision

SOC.

HP



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 4 octobre 2023




Cassation partielle


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 987 F-D

Pourvoi n° V 22-15.976


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 OCTOBRE 2023

M. [P] [Z], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 22-15.976 contre l'arrêt rendu le 9 mars 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant :

1°/ au comité social et économique exploitation aérienne de la société Air France, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits du comité d'établissement lignes opérations aériennes Air France,

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

Le comité social et économique exploitation aérienne de la société Air France a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bérard, conseiller, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de M. [Z], de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat du comité social et économique exploitation aérienne de la société Air France, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bérard, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 mars 2022), M. [Z] a été engagé en qualité de cadre le 1er novembre 2000 par le comité d'établissement Lignes, aux droits duquel vient le comité social et économique exploitation aérienne de la société Air France (le comité social et économique). Aux derniers temps de la relation de travail, il était cadre coefficient 808 niveau C4.

2. Le salarié a été licencié pour faute grave le 16 juillet 2013.

3. Se prévalant de la qualité de salarié protégé, il a saisi la juridiction prud'homale le 18 octobre 2013 de diverses demandes de rappel de salaire et d'indemnités au titre d'un licenciement nul et pour violation du statut protecteur, et subsidiairement au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse en l'absence de réunion du conseil de discipline.


Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal et sur le moyen du pourvoi incident, pris en ses troisième, quatrième, cinquième, sixième, huitième et neuvième branches, ainsi qu'en sa septième branche en ce qu'il fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, de condamner le comité social et économique à payer au salarié diverses sommes à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à titre d'indemnité de licenciement, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, et d'ordonner la remise de bulletins de paye et d'une attestation Pôle emploi conformes à l'arrêt



4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y

a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen du pourvoi incident, pris en ses première et deuxième branches, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, de condamner le comité social et économique à payer au salarié diverses sommes à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à titre d'indemnité de licenciement, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, et d'ordonner la remise de bulletins de paye et d'une attestation Pôle emploi conformes à l'arrêt

Enoncé du moyen

5. Le comité social et économique fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, de le condamner à payer au salarié diverses sommes à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à titre d'indemnité de licenciement, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, et d'ordonner la remise de bulletins de paye et d'une attestation Pôle emploi conformes à l'arrêt, alors :

« 1°/ que le CSE lignes soulignait que le bureau s'était réuni de façon extraordinaire le 27 juin 2013 pour se prononcer à l'unanimité en faveur du licenciement de M. [Z] mais sans la présence de deux délégués du personnel parce que c'était impossible, que tous les délégués du personnel présents dans l'entreprise se trouvaient sous son autorité, que dans un tel cas l'article 7.2 du règlement intérieur prohibait leur participation au conseil de discipline, que cela s'apparentait à un cas de force majeure, qu'il ne pouvait être fait une application stricte du règlement intérieur et que la procédure était donc régulière ; qu'en jugeant au contraire que l'obligation de consulter le conseil de discipline n'avait pas été respectée sans s'expliquer sur le point de savoir s'il n'était pas impossible de faire participer les délégués du personnel à la réunion du 27 juin 2013, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 7.2 du règlement intérieur du CSE lignes et de l'article L. 1235-1 du code du travail ;

2°/ qu'en considérant que l'obligation de consulter le conseil de discipline n'avait pas été respectée, sans constater que la non-participation de deux délégués du personnel à la réunion extraordinaire du 27 juin 2013 avait influé sur la décision du CSE lignes de licencier M. [Z], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 7.2 du règlement intérieur du CSE lignes et de l'article L.1235-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

6. La consultation d'un organisme chargé, en vertu d'une disposition conventionnelle ou d'un règlement intérieur, de donner son avis sur un licenciement envisagé par un employeur constitue une garantie de fond, en sorte que le licenciement prononcé sans que cet organisme ait été consulté ne peut avoir de cause réelle et sérieuse.

7. L'irrégularité commise dans le déroulement de la procédure disciplinaire prévue par une disposition conventionnelle ou un règlement intérieur, est assimilée à la violation d'une garantie de fond et rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse lorsqu'elle a privé le salarié de droits de sa défense ou lorsqu'elle est susceptible d'avoir exercé en l'espèce une influence sur la décision finale de licenciement par l'employeur.

8. Aux termes de l'article 7.1 du règlement intérieur du comité d'établissement opérations aériennes applicable au salarié, le conseil de discipline est un organisme paritaire chargé d'examiner les propositions de sanctions du second degré présentées par le secrétaire du CE à l'encontre d'un salarié d'une ancienneté au CE égale ou supérieure à 3 ans.

9. L'article 7.2 de ce règlement intérieur précise que le conseil de discipline est notamment composé de deux délégués du personnel ayant une voix délibérative désignés par les délégués du personnel, mais que ne peuvent être désignés membres du conseil de discipline toute personne exerçant une autorité hiérarchique sur le salarié ou, au contraire, qui serait placée sous l'autorité de ce salarié.

10. Ayant relevé qu'une réunion extraordinaire de bureau avait eu lieu le 27 juin 2013 lors de laquelle il a été décidé de convoquer le salarié à un entretien préalable en vue d'une sanction disciplinaire le 11 juillet et a été adoptée à l'unanimité une mise à pied conservatoire, l'arrêt a fait ressortir que cette réunion ne constituait pas un conseil de discipline.

11. Ayant constaté l'absence de convocation du conseil de discipline, la cour d'appel, qui n'avait dès lors, ni à s'expliquer sur les motifs de l'absence de délégués du personnel à la réunion du 27 juin 2013, ni à constater que leur absence à cette réunion avait influé sur la décision du comité d'établissement de licencier le salarié, a exactement décidé que le licenciement était intervenu en violation de la garantie de fond prévue par le règlement intérieur et était, en conséquence, sans cause réelle et sérieuse.

12.Le moyen est, dès lors, inopérant.

Mais sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa septième branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner le comité social et économique à verser les sommes de 32 942,60 euros à titre d'indemnité de préavis et de 3 294,60 euros à titre de congés payés afférents

Enoncé du moyen

13. Le comité social et économique fait grief à l'arrêt de le condamner à verser les sommes de 32 942,60 euros à titre d'indemnité de préavis et de 3 294,60 euros à titre de congés payés afférents, alors « que le règlement intérieur applicable au personnel du comité d'établissement opérations aériennes ne comporte aucune disposition relative à la durée du préavis ; qu'en revanche, le règlement du personnel CCE / CE / ASAF prévoit d'une part que les cadres principaux bénéficient d'un délai de 3 mois, d'autre part qu'ont la qualité de cadre principaux les salariés de niveau C 4 ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. [Z] avait la qualité de cadre, en dernier état au coefficient 808 niveau C4", ce dont il résulte qu'en application du règlement du personnel précité, il n'avait droit qu'à un préavis de trois mois ; qu'en décidant que M. [Z], salarié de niveau C4, bénéficiait d'un préavis de 6 mois, la cour d'appel a violé le règlement intérieur par fausse application et le règlement du personnel par refus d'application. »

Réponse de la Cour

Vu la réglementation du personnel CCE.AF-CE.AF-ASAF en son titre 9, point 4.3 et son annexe I relative à la définition de l'emploi et au classement hiérarchique :

14. Pour condamner le comité social et économique à verser au salarié les sommes de 32 942,58 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 3 294,25 euros à titre de congés payés afférents, l'arrêt retient qu'il résulte du règlement intérieur que les cadres de la catégorie C3 sont des cadres supérieurs et que ceux-ci doivent bénéficier d'un préavis de 6 mois.

15. En statuant ainsi, alors que la réglementation du personnel CCE.AF-CE.AF-ASAF prévoit en son titre 9, point 4.3, un préavis de licenciement dont le délai est de 3 mois pour les personnels du groupe C (cadres et cadres principaux) et 6 mois pour les personnels du groupe C (cadres supérieurs) et qu'il résulte de la « grille des coefficients de rémunération-tableau général des emplois » de l'annexe I relative à la définition de l'emploi et au classement hiérarchique que les trois niveaux de classement des « cadres supérieurs » sont : C09, C08, C07 et que les trois niveaux de classement des « cadres principaux » sont : C06, C05, C04, et qu'elle avait constaté qu'au vu de ses bulletins de salaire le salarié relevait de la catégorie C4, la cour d'appel a violé le texte susvisé.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne le comité social et économique exploitation aérienne de la société Air France à payer à M. [Z] les sommes de 32 942,58 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de 3 294,25 euros au titre des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 9 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne le comité social et économique exploitation aérienne de la société Air France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le comité social et économique exploitation aérienne de la société Air France et le condamne à payer à M. [Z] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre octobre deux mille vingt-trois.

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