27 septembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 23-84.303

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:CR01242

Texte de la décision

N° J 23-84.303 F-D

N° 01242


SL2
27 SEPTEMBRE 2023


REJET


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 27 SEPTEMBRE 2023



M. [R] [D] a formé un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Toulouse, en date du 6 juillet 2023, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de meurtre, a ordonné la prolongation exceptionnelle de sa détention provisoire.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme Piazza, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [R] [D], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 27 septembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Piazza, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Mis en examen le 24 janvier 2019 du chef susvisé, M. [R] [D] a été placé le même jour sous mandat de dépôt criminel.

3. Par ordonnance du 29 octobre 2021, le juge d'instruction a ordonné son renvoi devant la cour d'assises de ce chef.

4. Par arrêt en date du 6 juillet 2022 de la cour d'assises de
la Haute-Garonne, il a été déclaré coupable et condamné à vingt ans de réclusion criminelle.

5. Il a interjeté appel de cette condamnation.

6. Le 15 mai 2023, le procureur général a saisi le président de la chambre de l'instruction aux fins de prolongation de sa détention provisoire pour une durée de six mois.

Examen du moyen

Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit bien fondée la requête du parquet et ordonné, à titre exceptionnel, la prolongation de la détention provisoire de M. [D] pour une durée de six mois à compter du 8 juillet 2023, alors :

« 1°/ d'une part que l'accusé doit comparaître devant la cour d'assises statuant en appel sur l'action publique dans un délai d'un an à compter de l'appel ; que si l'audience sur le fond ne peut se tenir avant l'expiration de ce délai, le président de la chambre de l'instruction peut, à titre exceptionnel, par une décision mentionnant les raisons de fait ou de droit faisant obstacle au jugement de l'affaire, ordonner la prolongation de la détention pour une nouvelle durée de six mois ; que la décision du président de la chambre de l'instruction doit alors caractériser les diligences particulières mises en oeuvre pour permettre l'examen du dossier par la cour d'assises dans le délai légal ou les circonstances insurmontables qui ont empêché d'y parvenir ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure que Monsieur [D] a interjeté appel de l'arrêt par lequel la cour d'assises de la Haute-Garonne l'a déclaré coupable du chef de meurtre et condamné à la peine de vingt années de réclusion criminelle ; que sa comparution devant la cour d'assises du Tarn et Garonne, statuant en appel, n'a pas été organisée dans le délai de l'article 380-3-1 du code de procédure pénale ; qu'en se bornant à retenir, pour faire droit à la requête du Procureur Général sollicitant la prolongation exceptionnelle de la détention de l'exposant pour une durée de six mois, que « la cour d'appel de Toulouse, comme l'ensemble des juridictions françaises, a été confrontée au cours de l'année 2020 à une situation inédite de grève sans précédent de l'ensemble des barreaux pendant quasiment deux mois, de sorte que les cours d'assises du ressort ont été contraintes de renvoyer une grande partie des dossiers qui avaient été audiencés au début de l'année 2020 ; cet événement remontant à plus de trois ans ne pourrait à lui seul justifier une prolongation exceptionnelle de détention provisoire, mais tel n'est pas le cas en l'espèce, car immédiatement après cette grève, le pays a été paralysé par la crise sanitaire due à la pandémie de la Covid-19 et l'ensemble des sessions qui avaient été programmées du 17 mars 2020 au mois de juin 2020 a été annulé et reporté, afin de ne pas exposer l'ensemble des acteurs des procès au virus, à une époque où les malades affluaient dans ces services d'urgence et beaucoup y décédaient à défaut de traitement efficace » et que « lorsque l'épidémie de Covid a enfin été maîtrisée, la cour d'appel a mis en oeuvre tous les moyens dont elle disposait pour parvenir à rétablir un audiencement conforme aux prescriptions du code de procédure pénale, en augmentant en Haute-Garonne le nombre de sessions et de jours d'audience dans la limite des capacités d'occupation des salles disponibles, les deux présidents de la cour d'assises se relayant pour siéger, de sorte que la cour d'assises de la Haute-Garonne siège de façon quasi continue, hors périodes de service allégé, jusqu'à être au maximum de ses capacités matérielles et humaines, par ailleurs il vient d'être décidé et approuvé par l'assemblée générale des magistrats de la cour d'appel, un renfort des cours d'assises du ressort, à compter du mois de septembre 2023, par un quatrième magistrat pour les présider, à effectif égal et donc au détriment d'autres services, de sorte que ce seront en tout quatre conseillers de la cour d'appel qui seront exclusivement affectés à la présidence des cours d'assises du ressort. Ce quatrième conseiller sera plus spécialement affecté à renforcer les cours d'assises extérieures, et donc celle du département de Tarn et Garonne, et une fois formé à ces fonctions particulières, devrait être totalement opérationnel d'ici le dernier trimestre de l'année 2023 », quand ces motifs sont inopérants à caractériser les diligences particulières mises en oeuvre pour permettre l'examen du présent dossier par la cour d'assises d'appel dans le délai légal ou la persistance, plusieurs années après les événements invoqués, de circonstances insurmontables qui ont empêché d'y parvenir, le président de la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision au regard des articles 380-3-1, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ d'autre part que l'accusé doit comparaître devant la cour d'assises statuant en appel sur l'action publique dans un délai d'un an à compter de l'appel ; que si l'audience sur le fond ne peut se tenir avant l'expiration de ce délai, le président de la chambre de l'instruction peut, à titre exceptionnel, par une décision mentionnant les raisons de fait ou de droit faisant obstacle au jugement de l'affaire, ordonner la prolongation de la détention pour une nouvelle durée de six mois ; que la décision du président de la chambre de l'instruction doit alors caractériser les diligences particulières mises en oeuvre pour permettre l'examen du dossier par la cour d'assises dans le délai légal ou les circonstances insurmontables qui ont empêché d'y parvenir ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure que Monsieur [D] a interjeté appel de l'arrêt par lequel la cour d'assises de la Haute-Garonne l'a déclaré coupable du chef de meurtre et condamné à la peine de vingt années de réclusion criminelle ; que sa comparution devant la cour d'assises du Tarn et Garonne, statuant en appel, n'a pas été organisée dans le délai de l'article 380-3-1 du code de procédure pénale ; qu'en se bornant à retenir, pour faire droit à la requête du Procureur Général sollicitant la prolongation exceptionnelle de la détention de l'exposant pour une durée de six mois, que « les rôles de la cour d'assises de la Haute-Garonne et des cours d'assises extérieures ont dû être aménagés pour connaître d'affaires particulièrement chronophages », quand ces circonstances, qui relèvent des seules difficultés récurrentes de fonctionnement des cours d'assises du ressort de la chambre de l'instruction, et ne concernent même pas systématiquement la cour d'assises du Tarn et Garonne devant laquelle doit comparaître Monsieur [D], sont inopérantes à justifier la prolongation exceptionnelle de sa détention, le président de la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision au regard des articles 380-3-1, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

3°/ enfin et en tout état de cause que le respect dû aux droits de la défense et en particulier au principe du contradictoire interdit aux juges de fonder leur décision sur des éléments qui n'ont pas été mis dans le débat et dont la défense n'a pas lieu de discuter la réalité ou la pertinence ; qu'au cas d'espèce, pour solliciter la prolongation de la détention de l'exposant, le parquet général invoquait les seules conséquences persistantes de la grève des avocats et de la pandémie de coronavirus de 2020 ; qu'en se fondant en outre, pour faire droit à cette requête, sur le prétendu afflux massif de nouveaux dossiers d'instruction clôturés et non-audiencés depuis la pandémie de Covid-19, sur l'organisation de procès prétendument « chronophages », sur l'augmentation alléguée du rythme des audiences des cours d'assises du ressort de la chambre de l'instruction ou encore sur le supposé recrutement d'un magistrat supplémentaire pour gérer ce flux, quand ces éléments, qui ne figurent pas en procédure et ne sont au demeurant pas établis, n'ont jamais été communiqués à la défense et n'ont ainsi pas pu être discutés par elle, le président de la chambre de l'instruction a méconnu le principe du contradictoire et les droits de la défense et a violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 380-3-1, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

8. Pour prolonger, à titre exceptionnel, la détention provisoire de M. [D], l'ordonnance attaquée retient que la grève des avocats suivie, au cours de l'année 2020, de la crise sanitaire liée à l'épidémie de Covid-19 a conduit au report des sessions du second trimestre et à celui de nombreuses affaires.
9. Le juge précise que par la suite, plusieurs sessions programmées ont encore été annulées et reportées en raison de la contamination d'accusés, avocats ou autres acteurs essentiels du procès et que les créneaux d'audience initialement prévus pour évoquer un certain nombre de procédures criminelles ont été utilisés pour le renvoi de ces procès et le jugement de nouveaux dossiers criminels, lesquels n'ont cessé d'arriver des cabinets d'instruction qui se sont mis à jour de leurs ordonnances de règlement.

10. Il ajoute que le rôle a eu à connaître de plusieurs affaires qu'il cite, qui, en 2021 et en 2022, ont nécessité de longs débats en raison du nombre d'accusés, du nombre de parties civiles ou de la présence d'interprètes.

9. Il ajoute encore que le nombre de sessions a augmenté, que la cour d'assises de la Haute-Garonne a siégé de façon quasi-continue et que les trois magistrats affectés à la présidence des cours d'assises du ressort ont été renforcés d'un quatrième sur les effectifs de la cour.

10. Il relève, enfin, que la durée totale de la détention provisoire, qui serait de cinq ans moins deux semaines s'il était fait droit à la requête, ne serait ni excessive ni disproportionnée ni déraisonnable au sens de la jurisprudence européenne, au regard de la gravité des faits faisant encourir trente ans de réclusion criminelle.

11. En l'état de ces énonciations et dès lors que l'ordonnance attaquée expose, sans insuffisance ni contradiction, les raisons de fait et de droit faisant obstacle au jugement de l'affaire dans le délai légal et les diligences particulières mises en oeuvre pour permettre l'examen du dossier par la cour d'assises, le président de la chambre de l'instruction, qui pouvait se fonder, comme il l'a fait, sur les éléments administratifs d'organisation et d'effectifs connus des intéressés, a justifié sa décision.

12. Ainsi, le moyen doit être écarté.

13. Par ailleurs, l'ordonnance est régulière en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille vingt-trois.

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