27 septembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-17.029

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:SO00931

Texte de la décision

SOC.

CH9



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 27 septembre 2023




Cassation partielle


Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 931 F-D

Pourvoi n° U 21-17.029




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 SEPTEMBRE 2023

M. [T] [S] [J], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 21-17.029 contre l'arrêt rendu le 25 mars 2021 par la cour d'appel d'Angers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la Société mutualiste VYV3 Pays de la Loire pôle services et biens médicaux (mutuelle), dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée Mutualité française Anjou Mayenne - VYV3 PdL SBM, défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Sornay, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [J], de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la Société mutualiste VYV3 Pays de la Loire pôle services et biens médicaux (mutuelle), après débats en l'audience publique du 5 juillet 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Sornay, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué ( Angers, 25 mars 2021), M. [J] a été engagé en qualité de chirurgien dentiste à compter du 10 mai 1999 par la Mutualité de la Mayenne, aux droits de laquelle vient la Société mutualiste VYV3 Pays de la Loire pôle services et biens médicaux (la mutuelle).

2. Le 15 mai 2018, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail et en paiement par la mutuelle de diverses sommes au titre de l'exécution et la rupture de la relation de travail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire qu'il n'y pas eu d'exécution déloyale de son contrat de travail, de rejeter toutes ses demandes à ce titre et de le condamner à payer à l'employeur une certaine somme, sous réserve des retenues sur salaire déjà effectuées, alors « que la charge, et donc le risque, de la preuve du caractère indu du paiement auquel le demandeur à la restitution prétend avoir procédé pèse sur celui-ci ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a fait peser sur le salarié la preuve du caractère dû des sommes versées à lui à titre de rémunération, violant l'article 1353 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1315, devenu 1353, du code civil :

4. Aux termes de ce texte, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

5. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur et le condamner au paiement d'une certaine somme en répétition de l'indu, l'arrêt retient, après avoir constaté que l'intéressé contestait le trop-perçu qui lui était réclamé par son employeur et les retenues sur salaires que celui-ci avait pratiquées à ce titre, qu'à la lecture de ses bulletins de salaire de décembre 2017, janvier 2018 et février 2018, il a perçu des appointements bien supérieurs à ceux constatés pour le reste de l'année 2017.

6. Estimant que cette différence conséquente, nullement justifiée par le salarié, accrédite la thèse défendue par l'employeur d'un trop-perçu, la cour d'appel en a déduit que l'employeur était bien fondé à solliciter la condamnation de l'intéressé à lui payer cette somme, sous réserve de la prise en compte des sommes déjà retenues à ce titre sur sa rémunération.

7. En statuant ainsi, par des motifs inopérants pris de la comparaison entre les réclamations salariales de l'intéressé et les rémunérations par lui perçues au cours d'autres périodes, alors qu'il incombait à l'employeur de rapporter la preuve, au vu des actes médicaux réellement accomplis par le salarié lors des périodes litigieuses, du trop-perçu allégué, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

8. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'un rappel de salaire, alors « que pour débouter le salarié de sa demande, la cour d'appel - après avoir rappelé que "M. [J] prétend qu'entre octobre 2017 et février 2018, il a traité 2752 cas et aurait dû percevoir la somme de 58 735,30 euros au lieu de 57 101,28 euros" - s'est bornée à retenir que "cela reviendrait en moyenne à un appointement mensuel de près de 12 000 euros" et que "ce montant n'a pas été constaté dans les bulletins de salaire de l'année 2017 pour les mois de janvier à novembre" ; qu'en statuant ainsi par des motifs inopérants tirés de l'importance des revenus et d'un niveau de rémunération non atteint au cours des mois précédents, sans constater que l'employeur établissait les éléments justifiant que le salarié avait été rempli de ses droits à rémunération, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, et L. 1221-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1315, devenu 1353, du code civil :

9. Il résulte de ce texte que c'est à l'employeur qu'il incombe d'établir qu'il a effectivement payé au salarié la rémunération qu'il lui doit. Lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire.

10. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'un rappel de salaires, outre congés payés afférents, au titre des mois d'octobre 2017 à février 2018, l'arrêt relève que le salarié prétend qu'au cours de cette période, il a traité 2752 cas et aurait dû percevoir la somme de 58 735,30 euros au lieu de 57 101,28 euros. Il retient que, comme le fait remarquer à juste titre l'employeur, cela reviendrait en moyenne à un appointement mensuel de près de 12 000 euros, alors que ce montant n'a pas été constaté dans les bulletins de salaire de l'année 2017 pour les mois de janvier à novembre.

11. La cour d'appel en a déduit que cette demande de rappel de salaire n'était pas justifiée.

12. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

13. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée sur les deuxième et troisième moyens entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs du dispositif déboutant le salarié de ses demandes en résiliation judiciaire de son contrat de travail et en paiement d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que des chefs du dispositif portant sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il constate l'absence d'exécution déloyale du contrat de travail par la Société mutualiste VYV3 Pays de la Loire pôle services et biens médicaux, rejette la demande en résiliation judiciaire du contrat de travail, déboute M. [J] de ses demandes en paiement d'un rappel de salaires, de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat, d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile, et le condamne à payer à la Société mutualiste VYV3 Pays de la Loire pôle services et biens médicaux la somme de 16 575,54 euros, sous réserve des retenues déjà effectuées, et la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 précité, ainsi qu'à supporter les dépens de première instance et d'appel, l'arrêt rendu le 25 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;

Condamne la Société mutualiste VYV3 Pays de la Loire pôle services et biens médicaux aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société mutualiste VYV3 Pays de la Loire pôle services et biens médicaux et la condamne à payer à M. [J] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille vingt-trois.

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