27 septembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-21.085

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:SO00919

Texte de la décision

SOC.

ZB1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 27 septembre 2023




Cassation partielle


Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 919 F-D

Pourvoi n° C 21-21.085




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 SEPTEMBRE 2023

M. [G] [Y], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 21-21.085 contre l'arrêt rendu le 9 juin 2021 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [C] [F], domicilié [Adresse 5], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Easy confort,

2°/ à l'UNEDIC, délégation AGS CGEA de [Localité 6], dont le siège est [Adresse 1],

3°/ à l'agence FHB, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], ayant l'établissement secondaire, [Adresse 4], représentée par M. [S], prise en qualité de mandataire ad hoc de la société Easy confort,

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Nirdé-Dorail, conseiller, les observations de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de M. [Y], après débats en l'audience publique du 4 juillet 2023 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Nirdé-Dorail, conseiller rapporteur, Lacquemant, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 9 juin 2021) M. [Y] a été engagé, le 6 septembre 2010, en qualité d'agent commercial pour assurer la représentation et la vente de produits photovoltaïques et d'isolation de combles auprès de particuliers par la société Easy confort (la société).

2. Il était inscrit en qualité d'auto-entrepreneur au répertoire des entreprises et des établissements à compter du 1er octobre 2010 ainsi qu'au registre spécial des agents commerciaux.

3. Le 14 octobre 2014, il a pris acte de la rupture du contrat puis a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de requalification du contrat d'agent commercial en contrat de travail et de diverses demandes au titre de la rupture.

4. La liquidation judiciaire de la société a été prononcée le 26 juillet 2017, M. [F] étant nommé mandataire liquidateur. Par jugement du 8 février 2023, les opérations de liquidation judiciaire ont été clôturées pour insuffisance d'actif et suivant l'ordonnance du président du tribunal de commerce du 6 avril 2023, la société FHB, prise en la personne de M. [S], a été désignée en qualité de mandataire ad hoc.

Examen des moyens

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

5. M. [Y] fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, alors :

« 1°/ que le juge doit en toutes circonstances faire respecter et respecter lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur un moyen qu'il a relevé d'office sans l'avoir soumis préalablement à la discussion contradictoire des parties ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de la participation de M. [Y] à la dissimulation de sa situation et de la perception de revenus bien supérieurs à ce qu'il aurait perçu s'il avait perçu un salaire, pour débouter celui-ci de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé, sans qu'il résulte de l'arrêt attaqué que ce moyen aurait été soumis à la discussion des parties, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°/ que lorsqu'une personne physique inscrite au registre des agents commerciaux fournit directement à un donneur d'ordre des prestations dans des conditions la plaçant dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci, la dissimulation d'emploi salarié est établie si le donneur d'ordre s'est intentionnellement soustrait à l'accomplissement, lui incombant, de l'une des formalités prévues aux articles L. 1221-10 du code du travail en ce qui concerne la déclaration préalable d'embauche et L. 3243-2 en ce qui concerne la délivrance du bulletin de paie ; qu'ayant requalifié le contrat d'agent commercial en contrat de travail et ayant constaté que la société avait omis de procéder à la déclaration d'embauche de M. [Y] et ne lui avait pas délivré de bulletins de paie, la cour d'appel, pour débouter ce dernier de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé, a énoncé qu'il était inscrit au registre des agents commerciaux et au répertoire des entreprises et des établissements et qu'il bénéficiait d'une couverture sociale de sorte qu'il avait participé à la dissimulation de sa situation ; que la cour d'appel qui a ainsi statué par un motif inopérant, sans constater que la société ne s'était pas soustraite intentionnellement aux formalités prévues par les articles L. 1221-10 et L. 3243-2 du code du travail lui incombant, a violé les articles L. 8221-5, L. 8221-6 et L. 8223-1 du code du travail, le premier texte dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et le deuxième dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 applicable au litige. »

Réponse de la Cour

6. Sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi, le moyen, qui en sa première branche est inopérant en ce qu'il critique des motifs surabondants, ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve par laquelle la cour d'appel a retenu l'absence de caractère intentionnel dans l'absence de déclaration préalable à l'embauche et de délivrance de bulletins de salaire.



Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. M. [Y] fait grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte de la rupture du 14 octobre 2014 s'analyse en une démission et de le débouter de ses demandes d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis et d'indemnité de licenciement, alors « que la prise d'acte par le salarié de la rupture de son contrat de travail a les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse lorsque les faits qu'il reproche à son employeur sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail ; qu'en énonçant, pour dire que la prise d'acte par M. [Y] de la rupture de son contrat de travail produisait les effets d'une démission, que les griefs étaient trop anciens pour empêcher ou rendre impossible la poursuite du contrat de travail en octobre 2014, sans examiner les griefs formulés et sans rechercher s'ils n'étaient pas suffisamment graves pour justifier la rupture du contrat aux torts de l'employeur, en dépit de leur ancienneté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1, L. 1234-1, L. 1234-9, L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail ces trois derniers textes dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et l'article L. 1231-1 du code du travail :

8. Pour dire que la prise d'acte de la rupture s'analyse en une démission et débouter le salarié de ses demandes d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis et d'indemnité de licenciement, l'arrêt constate que les griefs que le salarié reproche à son employeur résultent de faits trop anciens et ne sont donc pas de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

9. En se déterminant ainsi, en se référant uniquement à l'ancienneté des manquements, la cour d'appel, à laquelle il appartenait d'apprécier la réalité et la gravité de ces manquements et de dire s'ils étaient de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, n'a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquence de la cassation

10. La cassation prononcée sur le premier moyen n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la prise d'acte de la rupture du 14 octobre 2014 s'analysait en une démission et en ce qu'il déboute M. [Y] de ses demandes d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis et d'indemnité de licenciement, l'arrêt rendu le 9 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne la société FHB, prise en la personne de M. [S], en qualité de mandataire ad hoc de la société Easy confort, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société FHB, prise en la personne de M. [S], ès qualités, à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille vingt-trois.

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