27 septembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-10.776

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:CO00619

Texte de la décision

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 27 septembre 2023




Cassation partielle


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 619 F-D

Pourvoi n° T 22-10.776








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 27 SEPTEMBRE 2023

1°/ la société Vega gestion, société anonyme,

2°/ la société Vega voyages, société à responsabilité limitée,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° T 22-10.776 contre l'arrêt rendu le 4 novembre 2021 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Beleggingsmaatschappij Wiemeijer BV, dont le siège est [Adresse 4] (Pays-Bas), venant aux droits de la société Fineural international SA,

2°/ à la Société immobilière et hôtelière du Parc Monceau (SIHPM), dont le siège est [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, quatre moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bessaud, conseiller référendaire, les observations de
la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat des sociétés Vega gestion et Vega voyages, de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de société Beleggingsmaatschappij Wiemeijer BV et de la Société immobilière et hôtelière du Parc Monceau (SIHPM), après débats en l'audience publique du 27 juin 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bessaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 4 novembre 2021), la société Fineural international est titulaire de la marque verbale française « L'Hôtel du Collectionneur » n° 3982091, déposée le 12 février 2013 pour désigner des produits et services en classes 5, 8, 21 et 43.

2. Le 7 septembre 2012, la Société immobilière et hôtelière du Parc Monceau (la SIHPM), qui a pour activités le service d'hôtellerie, la gestion et l'exploitation d'hôtels et de restaurants et qui exploite l'hôtel « Hôtel du Collectionneur » à [Localité 5], a déposé la marque verbale française « Le Collectionneur » n° 3944325 pour désigner des produits et services en classes 5, 8, 21 et 43. La société Fineural international lui a confié une licence d'exploitation de la marque n° 3982091.

3. La société Vega voyages exerce une activité d'agence de voyages et de centrale de réservation pour les hôteliers et restaurateurs. La société Vega gestion, sa société mère, exploite le guide « Les collectionneurs » et est titulaire des marques verbales françaises « Le Collectionneur » n° 4356054, « Les Collectionneurs » n° 4356060, « Collectionneur » n° 4356057 et « Collectionneurs » n° 4356059, déposées le 20 avril 2017 pour désigner des produits et services en classes 35 et 39, ainsi que des marques « Le Collectionneur » n° 4358039, « Les Collectionneurs » n° 4358038, « Collectionneur » n° 4358044 et « Collectionneurs » n° 4358042, déposées le 28 avril 2017 pour désigner des produits et services en classes 9, 38 et 41, et de la marque semi-figurative française n° 4382540, déposée le 11 août 2017 pour désigner des produits et services en classes 9, 16, 35, 36, 38, 39 et 41.

4. Soutenant qu'il était porté atteinte à leurs droits, la SIHPM et la société Fineural international ont assigné les sociétés Vega voyages et Vega gestion (les sociétés Vega) en contrefaçon de marques, concurrence déloyale et parasitisme.

5. La société Beleggingsmaatschappij Wiemeijer BV vient aux droits de la société Fineural international à la suite d'une fusion-absorption du 19 mars 2020.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et sur le deuxième moyen, pris en ses quatre premières branches


6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le deuxième moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

7. Les sociétés Vega font grief à l'arrêt d'annuler les marques « Le Collectionneur » n° 4 356 054, « Collectionneur » n° 4 356 057, « Collectionneurs » n° 4 356 059, « Les Collectionneurs » n° 4 356 060, « Les Collectionneurs » n° 4 358 038, « Le Collectionneur » n° 4 358 039, « Collectionneurs » n° 4 358 042, « Collectionneurs » n° 4 358 044, « Les Collectionneurs » n° 4 382 540, alors « que la validité d'une marque doit s'apprécier au regard de chacun des produits et services désignés dans son enregistrement ; qu'en prononçant l'annulation totale des marques "Le Collectionneur" n° 4 356 054, "Collectionneur" n° 4 356 057, Collectionneurs" n° 4 356 059, Les Collectionneurs » n° 4 356 060, "Les Collectionneurs" n° 4 358 038, "Le Collectionneur" n° 4 358 039, "Collectionneurs" n° 4 358 042, "Collectionneurs" n° 4 358 044, "Les Collectionneurs" n° 4 382 540, appartenant à la société Vega gestion, sans constater un risque de confusion avec les marques antérieures "Le Collectionneur" n° 3 944 325 et "L'Hôtel du Collectionneur" n° 3 982 091 pour chacun des produits et services visés par les marques de la société Vega gestion, la cour d'appel a violé l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

8. Les sociétés Beleggingsmaatschappij Wiemeijer BV et SIHPM contestent la recevabilité du moyen. Elles soutiennent que les sociétés Vega n'ont pas fait valoir, devant la cour d'appel, que seule une annulation partielle de leur marque pourrait être prononcée et qu'elles pourraient continuer d'user des services figurant dans les classes visées à l'enregistrement de leurs marques n'emportant aucune confusion avec ceux visés par les marques antérieures. Elles en déduisent que le grief, mélangé de fait et de droit, est nouveau et donc irrecevable.

9. Cependant, ce moyen, qui invoque un vice qui ne pouvait être décelé avant que l'arrêt ne soit rendu, n'est pas susceptible d'être argué de nouveauté.

10. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 711-4 et L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 :

11. Selon le premier de ces textes, ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment à une marque antérieure enregistrée. L'atteinte doit s'apprécier au regard de chacun des produits et services désignés dans l'enregistrement des marques en présence.

12. Selon le second, est déclaré nul par décision de justice l'enregistrement d'une marque qui n'est pas conforme aux dispositions de l'article L. 711-4 du code précité.

13. Après avoir retenu la contrefaçon des marques « Le Collectionneur » n° 3944325 et « L'Hôtel du Collectionneur » n° 3982091 par les marques « Le Collectionneur » n° 4356054, « Collectionneur » n° 4356057, « Collectionneurs » n° 4356059, « Les Collectionneurs » n° 4356060, « Les Collectionneurs » n° 4358038, « Le Collectionneur » n° 4358039, « Collectionneurs », n° 4358042, « Collectionneurs », n° 4358044, « Les Collectionneurs » n° 4382540 en raison de la similitude de certains seulement des produits et services désignés, l'arrêt prononce l'annulation totale de ces marques.

14. En statuant ainsi, sans constater l'existence d'un risque de confusion entre les marques en présence pour l'ensemble des produits et services visés à l'enregistrement des marques incriminées, la cour d'appel a violé les textes précités.

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

15. Les sociétés Vega font grief à l'arrêt de leur faire interdiction, sous astreinte, de faire usage ou d'exploiter les marques annulées, alors « que la cassation à intervenir sur le premier et/ou deuxième moyens entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef visé par le présent moyen et ce, par application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

16. Aux termes de ce texte, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

17. La cassation du chef de dispositif de l'arrêt annulant les marques « Le Collectionneur » n° 4356054, « Collectionneur » n° 4356057, « Collectionneurs » n° 4356059, « Les Collectionneurs » n° 4356060, « Les Collectionneurs » n° 4358038, « Le Collectionneur » n° 4358039, « Collectionneurs » n° 4358042, « Collectionneurs », n° 4358044, « Les Collectionneurs » n° 4382540 entraîne la cassation du chef de dispositif faisant interdiction, sous astreinte, aux sociétés Vega d'en faire usage ou de les exploiter, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. 

Sur le quatrième moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

18. Les sociétés Vega font grief à l'arrêt de dire qu'elles ont commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la SIHPM et de les condamner in solidum à payer à cette dernière la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice causé par ces actes, alors « que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en indiquant que le procès-verbal du 22 décembre 2017 montrerait qu'une "recherche sur le site chateauxhotels.com sur le terme "collectionneur"" faisait apparaître l'hôtel du collectionneur dirigé par la SIHPM mais aussi un établissement "les collectionneurs" à Issy-les-Moulineaux, quand ce procès-verbal de constat ne fait aucunement état d'une telle recherche sur le site chateauxhotels.com, la cour d'appel a dénaturé le procès-verbal du 22 décembre 2017 produit par la SIHPM, en violation du principe susvisé. »

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

19. Pour condamner les sociétés Vega à des dommages et intérêts pour avoir commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la SIHPM, l'arrêt retient que le procès-verbal du 22 décembre 2017 montre qu'une « recherche sur le site chateauxhotels.com sur le terme "collectionneur" » fait apparaître l'hôtel du collectionneur dirigé par la SIHPM mais aussi un établissement « les collectionneurs » à [Localité 3].

20. En statuant ainsi, alors que le procès-verbal du 22 décembre 2017 ne mentionnait aucune recherche à partir du terme « collectionneur » sur le site « chateauxhotels.com », la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de ce document, a violé le principe susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement ayant prononcé la déchéance partielle de la marque « le collectionneur » n° 3944325 pour les services de traiteurs, crèches d'enfants, mise à disposition de terrains de camping, maisons de retraite pour personnes âgées, pensions pour animaux, en classe 43, et rejeté la demande formée par la Société immobilière et hôtelière du Parc Monceau au titre du parasitisme, en ce qu'il dit que les sociétés Vega gestion et Vega voyages ont commis des actes de contrefaçon par imitation des marques « Le Collectionneur » n° 3944325 et « L'hôtel du Collectionneur » n° 3982091 et en ce qu'il les condamne à payer la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice causé par les actes de contrefaçon, l'arrêt rendu le 4 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la société Beleggingsmaatschappij Wiemeijer BV et la Société immobilière et hôtelière du Parc Monceau aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Beleggingsmaatschappij Wiemeijer BV et la Société immobilière et hôtelière du Parc Monceau et les condamne in solidum à payer aux sociétés Vega gestion et Vega voyages la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille vingt-trois.

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