12 septembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-87.385

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:CR00899

Texte de la décision

N° P 22-87.385 F-D

N° 00899


ODVS
12 SEPTEMBRE 2023


REJET


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 12 SEPTEMBRE 2023


La société Etudes et applications composants Guiraud frères a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, en date du 15 novembre 2022, qui, pour blessures involontaires et infractions à la réglementation sur l'hygiène et la sécurité des travailleurs, l'a condamnée à 80 000 euros d'amende, a ordonné une mesure d'affichage et a prononcé sur les intérêts civils.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Etudes et applications composants Guiraud frères, et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 juin 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Joly, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, M. Lagauche, avocat général, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [J] [S] a subi un accident du travail, son avant-bras ayant été arraché alors qu'il intervenait sur la vis sans fin d'un mélangeur à ciment au sein de la société Etudes et applications composants Guiraud frères (la société), son employeur.

3. Le tribunal correctionnel a condamné la société pour blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de trois mois et pour ne pas avoir mis à la disposition de la victime des équipements de travail conformes, ne pas l'avoir formée et ne pas avoir protégé les machines-outils.

4. La société et le procureur de la République ont formé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens


5. Il ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.


Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société Etudes et applications composants Guiraud frères coupable des faits d'emploi de travailleur temporaire sans organisation et dispense d'une information et formation pratique et appropriée en matière de santé et de sécurité, et de blessures involontaires avec incapacité supérieure à 3 mois dans le cadre du travail, commis le 4 septembre 2014 à Villette d'Anthon, alors :

« 1°/ que les juges ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis ; que convoquée devant la juridiction correctionnelle du chef de blessures involontaires ayant causé une incapacité totale de travail supérieure à trois mois pour avoir par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, en l'espèce en mettant à la disposition de la victime des équipements de travail non mis en conformité avec les prescriptions générales du code du travail éditées en vue de préserver la santé et la sécurité des travailleurs et également avec les prescriptions techniques concernant la protection des éléments mobiles concourant au travail et en ne délivrant pas la formation renforcée à la sécurité du personnel, la société SEAC Etudes et Applications Composants Guiraud Frères a été déclarée coupable d'avoir « violé de manière délibérée une obligation de sécurité prévue par la loi, exposant les salariés à un risque qu'elle connaissait, ne prenant pas les mesures permettant d'éviter le dommage dont M. [S] a été victime » (arrêt, p. 11, antépénultième §) ; qu'en retenant l'existence d'une faute délibérée quand la prévention ne visait qu'une faute simple, la cour d'appel, excédant les limites de sa saisine, a violé les articles 6, § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, 121-2, 121-3, 222-19, 222-21 du code pénal, préliminaire, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ en toute hypothèse, que s'il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification, c'est à la condition que le prévenu ait été en mesure de présenter sa défense sur la nouvelle qualification envisagée ; qu'en retenant pour la première fois à hauteur d'appel une faute délibérée commise par la société SEAC Etudes et Applications Composants Guiraud Frères quand la prévention ne visait qu'une faute simple, sans mettre en mesure la prévenue de présenter sa défense sur cette nouvelle qualification de faute délibérée, la cour d'appel a violé les articles 6, § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, 121-2, 121-3, 222-19, 222-21 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

3°/ que la faute délibérée ne peut résulter de la seule constatation de la violation d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ; qu'en ne caractérisant pas, autrement que par voie de simple affirmation, le caractère manifestement délibéré des manquements de M. [V], titulaire d'une délégation de pouvoir en matière de sécurité du travail, agissant pour le compte de la société SEAC Etudes et Applications Composants Guiraud Frères, à son obligation d'assurer la sécurité des salariés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 121-2, 121-3, 222-19, 222-21 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

7. Pour déclarer la société coupable de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de trois mois et d'infraction à la réglementation sur l'hygiène et la sécurité des travailleurs, l'arrêt attaqué énonce que, même si le risque d'un accident du travail tel que celui dont M. [S] a été victime a été identifié par la société, une discordance existe entre les mesures de prévention des risques et la réalité des problèmes récurrents d'écoulement du ciment dans les silos, qui nécessitait des interventions rapides, facilitées par un accès non sécurisé de tous les opérateurs, même de ceux qui ne sont pas chargés de la maintenance, aux silos et à des outils inappropriés et archaïques, afin de procéder aux opérations de « débourrage » et de permettre la poursuite de l'activité de production.

8. Les juges ajoutent que le silo sur lequel la victime est intervenu pour débloquer la vis n'était ni protégé ni équipé de telle sorte qu'elle ne puisse pas atteindre la zone dangereuse, de même qu'aucune consigne de sécurité n'était prévue à proximité de la trappe pour alerter des risques d'écrasement et de cisaillement en cas d'introduction de la main pour débloquer le ciment.

9. Ils relèvent que, bien qu'alertée, notamment par un salarié auditionné lors de l'enquête et qui était chargé de former la victime, des interventions récurrentes pour résoudre les problèmes d'écoulement du ciment rencontrés par ses salariés, la société a manqué à son obligation d'assurer la sécurité et de protéger la santé physique de tous ses opérateurs.

10. Ils ajoutent que l'inspection du travail a constaté que cette pratique était retenue dans une optique d'efficacité compte tenu des exigences de productivité et des vacances de postes.

11. Ils en déduisent que la société a violé de manière délibérée une obligation de sécurité prévue par la loi, exposant les salariés à un risque qu'elle connaissait et ne prenant pas les mesures permettant d'éviter le dommage dont M. [S] a été victime.

12. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.

13. En effet, il résulte de ces motifs que la cour d'appel n'a pas relevé l'existence d'une violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité imposée par la loi ou le règlement, et qu'elle a ainsi, sans excéder les limites de sa saisine, statué sur le fondement des seules dispositions du premier alinéa de l'article 222-19 du code pénal mentionnées par la citation directe, qui répriment le manquement à une obligation de sécurité imposée par la loi ou le règlement ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de trois mois.

14. Ainsi, le moyen, qui conteste des motifs surabondants, doit être écarté.

15. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du douze septembre deux mille vingt-trois.

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