22 juin 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-15.803

Deuxième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C200666

Titres et sommaires

SECURITE SOCIALE - Cotisations - Recouvrement - Mise en demeure - Effets dans le temps - Cotisations des trois années civiles qui précèdent l'année de son envoi - Exigibilité - Fait générateur - Versement de la rémunération - Cas - Prêt à taux préférentiel

Aux termes de l'article L. 244-3 du code de la sécurité sociale, la mise en demeure ne peut concerner que les cotisations exigibles au cours des trois années civiles qui précèdent l'année de son envoi, ainsi que les cotisations exigibles au cours de l'année de son envoi. Il résulte de la combinaison des articles L. 242-1, alinéa 1er, et R. 243-6 du code de la sécurité sociale que le versement de la rémunération constitue le fait générateur des cotisations sociales. Sont considérées comme rémunérations les sommes versées aux salariés en contrepartie ou à l'occasion de leur travail, notamment les avantages en nature. Lorsqu'un établissement bancaire accorde à ses salariés des prêts à taux préférentiel en raison de leur appartenance à l'entreprise, les cotisations afférentes à l'avantage en résultant sont exigibles à la date du remboursement de chaque échéance des prêts. Cet avantage doit être évalué par comparaison entre le taux préférentiel des prêts consentis aux salariés et le taux accordé aux clients emprunteurs non salariés de l'établissement bancaire à la même date de souscription des prêts

SECURITE SOCIALE - Cotisations - Assiette - Avantages en nature - Prêts à taux bonifiés accordés aux salariés d'une banque - Evaluation - Comparaison avec le taux accordé aux clients non salariés

SECURITE SOCIALE - Cotisations - Assiette - Avantages en nature - Prêts à taux bonifiés accordés aux salariés d'une banque - Date d'exigibilité des cotisations - Date du remboursement de chaque échéance

Texte de la décision

CIV. 2

CM


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 22 juin 2023




Cassation partielle


Mme TAILLANDIER-THOMAS, conseiller doyen faisant fonction de président



Arrêt n° 666 FS-B


Pourvois n°
M 21-15.803
et
B 21-16.070 JONCTION








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 JUIN 2023

I. La société [5], société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

a formé le pourvoi n° M 21-15.803 contre un arrêt n° RG 18/03720 rendu le 4 mars 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales [Localité 3], dont le siège est [Adresse 2],

défenderesse à la cassation.

II. L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales [Localité 3],

a formé le pourvoi n° B 21-16.070 contre le même arrêt n° RG 18/03720 rendu le 4 mars 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à la société [5], société anonyme,

défenderesse à la cassation.
La demanderesse au pourvoi n° M 21-15.803 invoque, à l'appui de son recours, quatre moyens de cassation.

La demanderesse au pourvoi n° B 21-16.070 invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations écrites et orales de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [5], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales [Localité 3], et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 16 mai 2023 où étaient présents Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller, Mme Coutou, M. Rovinski, Mmes Cassignard, Lapasset, conseillers, Mmes Vigneras, Dudit, MM. Labaune, Montfort, conseillers référendaires, M. Gaillardot, premier avocat général, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 2115803 et 2116070 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 4 mars 2021), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2010 à 2012, l'URSSAF d'[Localité 3] (l'URSSAF) a notifié à la société [5] (la société) une lettre d'observations envisageant plusieurs chefs de redressement, suivie, le 13 décembre 2013, d'une mise en demeure.

3. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur les deuxième et quatrième moyens du pourvoi n° 2115803 du [5]


4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi n° 2115803 du [5]

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors :

« 1°/ que la contribution spécifique sur les avantages de préretraite d'entreprise, prévue par l'article L. 137-10 du code de la sécurité sociale - dans ses versions issues de la loi du 19 décembre 2007 et de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 applicables au litige - porte sur « les avantages de préretraite ou de cessation anticipée d'activité versés, sous quelque forme que ce soit, à d'anciens salariés » ; que la prise en charge par l'employeur des cotisations salariales afférentes au régime de protection sociale des préretraités ne constitue pas un « avantage de préretraite ou de cession anticipée » et ne doit pas, en conséquence, être incluse dans l'assiette de la contribution spécifique instituée par l'article L. 137-10 du code de la sécurité sociale ; qu'en décidant néanmoins, pour valider le redressement, que « les cotisations de retraite complémentaire, de prévoyance, de mutuelles et d'assurance vieillesse volontaire que la société prend en charge à la place des anciens salariés constituent des avantages entrant dans l'assiette de la contribution spécifique créée par la loi du 21 août 2003 modifiée, laquelle ne distingue pas selon que ces avantages ont ou non un caractère indemnitaire », refusant ainsi de tenir compte de la nature indemnitaire de la prise en charge par la société des cotisations salariales afférentes aux régimes de protection sociale des préretraités incompatible avec son inclusion dans l'assiette de la contribution spécifique sur les avantages de préretraite d'entreprise, la cour d'appel a violé l'article L. 137-10 du code de la sécurité sociale dans ses versions issues de la loi 2007-1786 du 19 décembre 2007 et de la loi 2011-1906 du 21 décembre 2011 applicables au litige ;

2°/ qu'il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale que les sommes versées au salarié lors ou à l'issue de la rupture du contrat de travail autres que les indemnités mentionnées au dixième alinéa sont comprises dans l'assiette de cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, à moins que l'employeur ne rapporte la preuve qu'elles concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l'indemnisation d'un préjudice ; que présente un caractère indemnitaire, et n'a pas à être soumise à contribution, la prise en charge par l'employeur dans le cadre du dispositif de départ anticipé de fin de carrière institué par accord d'entreprise, au profit de salariés partis en préretraite, de leurs cotisations au régime de retraite et de prévoyance complémentaire et supplémentaire, dès lors que cette prise en charge a pour objet d'éviter que la cessation d'activité n'entraîne pour ces derniers un préjudice après la rupture du contrat de travail sous la forme d'une diminution de leur pension de retraite et de leur couverture de prévoyance ; que tel est le cas en l'espèce de la prise en charge par la société, dans le cadre du dispositif de départ anticipé de fin de carrière (DAFC), des cotisations salariales aux régimes de retraite et de prévoyance complémentaire et supplémentaire de ses anciens salariés qui ont opté pour un départ en préretraite, ce afin que ces derniers conservent un même niveau de couverture ; qu'en décidant néanmoins d'assujettir à la contribution spécifique de l'article L. 137-10 du code de la sécurité sociale la prise en charge par la société des cotisations salariales des préretraités au régime de retraite et de prévoyance complémentaire et supplémentaire, motif pris de ce que « les cotisations de retraite complémentaire, de prévoyance, de mutuelles et d'assurance vieillesse volontaire que la société prend en charge à la place des anciens salariés constituent des avantages entrant dans l'assiette de la contribution spécifique créée par la loi du 21 août 2003 modifiée, laquelle ne distingue pas selon que ces avantages ont ou non un caractère indemnitaire », refusant ainsi de tenir compte de la nature indemnitaire de la prise en charge des cotisations salariales afférentes au régime de protection sociale des préretraités, la cour d'appel a violé l'article L. 137-10 du code de la sécurité sociale dans ses versions issues de la loi 2007-1786 du 19 décembre 2007 et de la loi 2011-1906 du 21 décembre 2011 applicables au litige et l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale pris en sa version applicable au litige ;

3°/ qu'en décidant d'assujettir à la contribution spécifique de l'article L. 137-10 du code de la sécurité sociale la prise en charge par l'employeur des cotisations salariales des préretraités aux régimes de retraite et de prévoyance complémentaire et supplémentaire, sans rechercher si cette prise en charge ne présentait pas un caractère indemnitaire et si elle n'était pas pour cette raison exclue de l'assiette de la contribution de l'article L. 137-10 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 137-10 du code de la sécurité sociale dans ses versions issues de la loi 2007-1786 du 19 décembre 2007 et de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 applicables au litige et de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale pris en sa version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article L. 137-10 du code de la sécurité sociale, dans ses rédactions successives issues de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 et de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011, applicables au litige, il est institué, à la charge des employeurs et au profit de la [4], une contribution sur les avantages de préretraite ou de cessation anticipée d'activité versés, sous quelque forme que ce soit, à d'anciens salariés directement par l'employeur ou pour son compte, par l'intermédiaire d'un tiers, en vertu d'une convention, d'un accord collectif, de toute autre stipulation contractuelle ou d'une décision unilatérale de l'employeur.

7. Il en résulte que les cotisations salariales aux régimes de retraite ou de prévoyance que l'employeur prend en charge à la place des anciens salariés constituent des avantages entrant dans l'assiette de cette contribution.

8. Ayant constaté que les cotisations de retraite complémentaire, de prévoyance, de mutuelles et d'assurance vieillesse volontaire ont été prises en charge par la société à la place des anciens salariés, en application du dispositif de départ anticipé de fin de carrière, la cour d'appel, qui n'avait pas à rechercher si ces avantages avaient ou non un caractère indemnitaire, a exactement déduit qu'ils entraient dans l'assiette de la contribution spécifique.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Et sur le troisième moyen du pourvoi n° 2116070 de l'URSSAF

Enoncé du moyen

10. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler le redressement portant sur l'assujettissement des royalties au forfait social, alors « que les rémunérations et gains assujettis à la contribution mentionnée à l'article L. 136-1 et exclus de l'assiette des cotisations de sécurités sociales définies au premier alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, sont soumis au forfait social ; qu'est exclue de l'assiette des cotisations sociales la rémunération due à l'artiste à l'occasion de la vente ou de l'exploitation de l'enregistrement de son interprétation, exécution ou présentation par l'employeur ou tout autre utilisateur lorsque les conditions posées à l'article L. 7121-8 du code du travail sont remplies, à savoir dès que la présence physique de l'artiste n'est plus requise pour exploiter cet enregistrement et que cette rémunération n'est pas fonction du salaire perçu pour la production de son interprétation, exécution ou présentation, mais est fonction du produit de la vente ou de l'exploitation de cet enregistrement, une telle rémunération n'étant alors pas considérée comme salaire ; qu'en l'espèce il est constant et non contesté que la société verse à des artistes qu'elle salarie des royalties destinées à les rémunérer à l'occasion de la vente ou de l'exploitation de l'enregistrement de leur interprétation et que ces rémunérations remplissaient les conditions posées à l'article L. 7121-8 du code du travail ; qu'en jugeant que ces sommes, qui s'analyseraient comme une contrepartie de l'exercice d'un droit de la propriété intellectuelle, ne seraient pas exclues de l'assiette des cotisations définies au premier alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale mais seraient en dehors du champ d'application de cet article, de sorte qu'elles ne seraient pas soumises au forfait social, la cour d'appel a violé l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale ses rédactions applicables au litige issues de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009, de l'ordonnance n° 2010-462 du 6 mai 2010, de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 et de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011, l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 et l'article L. 7121-8 du code du travail. »

Réponse de la Cour

11. Selon l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, les rémunérations ou gains assujettis à la contribution mentionnée à l'article L. 136-1 et exclus de l'assiette des cotisations de sécurité sociale définie au premier alinéa de l'article L. 242-1 du même code et au deuxième alinéa de l'article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime sont soumis à une contribution à la charge de l'employeur.

12. Selon l'article L. 7121-8 du code du travail, la rémunération due à l'artiste à l'occasion de la vente ou de l'exploitation de l'enregistrement de son interprétation, exécution ou présentation par l'employeur ou tout autre utilisateur n'est pas considérée comme salaire dès que la présence physique de l'artiste n'est plus requise pour exploiter cet enregistrement et cette rémunération n'est pas fonction du salaire reçu pour la production de son interprétation, exécution ou présentation, mais est fonction du produit de la vente ou de l'exploitation de cet enregistrement.

13. Il en résulte que les redevances versées aux artistes ne sont pas dues en contrepartie de leur travail de sorte qu'elles n'entrent pas dans l'assiette du forfait social.

14. L'arrêt relève qu'il n'est pas contesté par l'URSSAF qu'en application des dispositions de l'article L. 7121-8 du code du travail, les royalties versées aux artistes sont la contrepartie de l'exercice d'un droit de propriété intellectuelle. Il retient en conséquence que ces redevances sont en dehors du champ d'application de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et non exclues de l'assiette des cotisations au sens de l'article L. 137-15 du même code.

15. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel a exactement décidé que les redevances litigieuses ne devaient pas être soumises au forfait social et que le redressement de ce chef devait être annulé.

16. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le troisième moyen du pourvoi n° 2115803 du [5]

Enoncé du moyen

17. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors :

« 1°/ que la mise en demeure ne peut concerner que les cotisations exigibles au cours des trois années civiles qui précèdent l'année de son envoi ainsi que les cotisations exigibles au cours de l'année de son envoi ; que lorsque l'octroi d'un contrat de prêt par une banque à l'un de ses salariés est considéré comme constituant un avantage en nature au regard du taux préférentiel de crédit accordé, cet avantage a pour fait générateur la décision d'octroi dudit prêt à de telles conditions au jour de sa souscription ; que c'est en effet au jour de la souscription du prêt que naissent les obligations respectives des parties découlant du contrat de prêt, à savoir le versement instantané par la banque du capital emprunté dès la signature du contrat et le remboursement à échéance du prêt par le salarié emprunteur ; qu'en admettant que l'octroi par la société à ses salariés de contrats de prêt constitue un avantage assujetti à cotisations, le fait générateur des cotisations découle de la décision d'octroi de ce prêt au jour de sa souscription ; que l'exposante a dès lors soutenu que les contrats de prêt visés par le redressement ayant été souscrits à compter du 1er janvier 2007, lors de la notification de la mise en demeure du 13 décembre 2013 le redressement portait, au moins pour partie, sur des cotisations sociales dont le fait générateur était antérieur de plus de trois années ; qu'en retenant, pour écarter ce moyen, que « les contrats de prêt inclus dans l'assiette de redressement, bien que souscrits antérieurement à la période contrôlée, produisaient des effets, du fait de leur exécution successive, pendant ladite période » et en validant ainsi le redressement « peu important que les contrats de prêts aient été souscrits depuis le 1er janvier 2007, soit antérieurement à la période contrôlée », alors que le redressement ne pouvait porter sur des avantages qui ont un fait générateur - qui découle de la souscription du contrat de prêt à compter du 1er janvier 2007 - qui a pris naissance plus de trois ans avant l'année d'envoi de la lettre de mise en demeure, la cour d'appel a violé les articles L. 242-1, R. 243-6, L. 244-2 et L. 244-3 du code de la sécurité sociale pris en leur version applicable au litige ;

2°/ qu'à supposer, tel que l'a retenu la cour d'appel, que l'avantage découlant de l'octroi d'un prêt à un taux préférentiel ait pour fait générateur, non la souscription du contrat de prêt, mais chaque paiement des mensualités du crédit, le montant de l'avantage - c'est à dire la différence entre le taux public et le taux préférentiel accordé - doit alors être apprécié, non pas au regard des taux publics en vigueur lors de la souscription du prêt, mais au regard des taux publics en vigueur sur la même périodicité que celle du paiement de l'échéance de prêt ; qu'en l'espèce, pour considérer que l'URSSAF avait pu redresser la société au titre de contrats de prêt conclus à compter du 1er janvier 2007, c'est à dire au-delà de la période de trois années antérieures à la mise en demeure, la cour d'appel a retenu que « les contrats de prêt inclus dans l'assiette de redressement, bien que souscrits antérieurement à la période contrôlée, produisaient des effets, du fait de leur exécution successive, pendant ladite période » ; que, tel que l'a fait valoir la société, à supposer que l'on se place ainsi à la date des remboursements des échéances de prêt - et non à la date de souscription du prêt - pour faire naitre le point de départ du fait générateur de l'avantage et juger que le redressement pouvait porter sur des contrats « souscrits antérieurement à la période contrôlée », c'est alors à cette date de prise d'effet des contrats de prêt qu'il convenait de se placer pour apprécier l'étendue de l'avantage en nature accordé aux salariés en tenant compte de l'évolution des taux d'intérêt intervenue depuis la souscription des contrats ; qu'en validant néanmoins le chef de redressement prenant en compte les taux d'intérêts publics applicables au jour de la souscription des contrats de prêt, c'est à dire dès le 1er janvier 2007, pour retenir l'existence d'un avantage en nature accordé aux salariés du fait de l'octroi de prêts à des taux préférentiels supérieurs à la limite de 30 % et fixer le montant du redressement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 242-1, R. 243-6, L.244-2 et L. 244-3 du code de la sécurité sociale ;

3°/ qu'en toute hypothèse en considérant que l'URSSAF avait pu redresser la société au titre de « stocks » de contrats de prêt conclus à compter du 1er janvier 2007, motifs pris de ce que ces contrats continuaient à prendre effet au cours de la période contrôlée, sans tenir compte dans le même temps - pour apprécier la valeur de l'avantage en nature accordé et le quantum du redressement - des taux d'intérêts en vigueur au cours de la période de contrôle, c'est à dire lors des années 2010 à 2012, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 242-1, R. 243-6, L. 244-2 et L. 244-3 du code de la sécurité sociale ;

4°/ qu'en validant le chef de redressement prenant en considération les taux d'intérêt bancaires publics applicables au jour de la souscription des contrats de prêt à compter du 1er janvier 2007 pour retenir l'existence d'un avantage en nature accordé aux salariés du fait de l'octroi de prêts à des taux préférentiels supérieurs à la limite de 30 % et fixer le montant du redressement, sans répondre au moyen de la société soutenant que, à supposer que l'on se place comme l'a fait l'URSSAF à la date des remboursements des échéances de prêt et non à la date de souscription des prêts, pour estimer le fait générateur de l'avantage retenu, c'est alors également à cette date de prise d'effet des contrats de prêt qu'il convenait de se placer pour apprécier l'étendue de l'avantage en nature accordé aux salariés en tenant compte de l'évolution des taux d'intérêt intervenue depuis la souscription des contrats, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

18. Aux termes de l'article L. 244-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, la mise en demeure ne peut concerner que les cotisations exigibles au cours des trois années civiles qui précèdent l'année de son envoi, ainsi que les cotisations exigibles au cours de l'année de son envoi.

19. Il résulte de la combinaison des articles L. 242-1, alinéa 1er, et R. 243-6 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, que le versement de la rémunération constitue le fait générateur des cotisations sociales.

20. Sont considérées comme rémunérations les sommes versées aux salariés en contrepartie ou à l'occasion de leur travail, notamment les avantages en nature.

21. Lorsqu'un établissement bancaire accorde à ses salariés des prêts à taux préférentiel en raison de leur appartenance à l'entreprise, les cotisations afférentes à l'avantage en résultant sont exigibles à la date du remboursement de chaque échéance des prêts.

22. Cet avantage doit être évalué par comparaison entre le taux préférentiel des prêts consentis aux salariés et le taux accordé aux clients emprunteurs non salariés de l'établissement bancaire à la même date de souscription des prêts.

23. Pour valider le redressement relatif aux prêts à taux préférentiel consentis aux salariés, calculé par comparaison avec les taux accordés, à la même date, pour des prêts de même nature, à des clients non salariés, l'arrêt retient que, bien que souscrits antérieurement à la période contrôlée, ces prêts ont produit des effets du fait de leur exécution successive pendant ladite période.

24. En l'état de ces constatations, la cour d'appel a exactement décidé, sans encourir les griefs du moyen, que les cotisations afférentes aux avantages litigieux n'étaient pas prescrites.

25. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur les premier et deuxième moyens du pourvoi n° 2116070 de l'URSSAF, pris en leur première branche

Enoncé des moyens

26. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler le redressement relatif aux cotisations ouvrières d'assurance maladie sur l'avantage retraite servi par l'employeur et sur la cotisation sociale généralisée (CSG) et la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) assises sur les avantages préretraite-mutuelle alors :

- premier moyen : « 1°/ que l'article L. 131-2 alinéa 2 du code de la sécurité sociale prévoit qu'une cotisation d'assurance maladie, maternité, invalidité et décès est prélevée sur les avantages alloués aux assurés en situation de préretraite ou de cessation d'activité en application notamment de dispositions réglementaires ou conventionnelles ; que les cotisations de frais de santé ou de prévoyance que la société prend en charge à la place des anciens salariés en situation de préretraite, dans le cadre d'un dispositif de départ anticipé de fin de carrière prévue par accord d'entreprise, constituent des avantages entrant dans l'assiette de la cotisation précitée, peu important que ces avantages aient ou non un caractère indemnitaire, la loi n'opérant aucune distinction en ce sens ; qu'en jugeant que la prise en charge par l'employeur des cotisations de prévoyance des salariés préretraités ayant adhéré au dispositif de départ anticipé de fin de carrière prévue par accord d'entreprise, et dont le contrat était rompu, constituait un avantage devant être exclu de l'assiette des cotisations de par sa nature indemnitaire, la cour d'appel qui a distingué là où la loi ne distinguait pas, a violé l'article L. 131-2 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-32 du 19 janvier 2005 et dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011, applicables au litige. »

- deuxième moyen : « 1°/ que les avantages de préretraites visés à l'article L. 131-2 du code de la sécurité sociale sont inclus dans l'assiette de la contribution sociale généralisée; que la contribution au remboursement de la dette sociale porte sur la même assiette que la contribution sociale généralisée ; qu'en jugeant que la prise en charge par l'employeur des cotisations de prévoyance des salariés préretraités ayant adhéré au dispositif de départ anticipé de fin de carrière prévue par accord d'entreprise, dont le contrat était rompu, constituait un avantage devant être exclu de l'assiette des cotisations de par sa nature indemnitaire, et annulant le point 14 du redressement portant sur la soumission de cet avantage à la CSG et à la CRDS, la cour d'appel a violé les articles L. 136-1, L. 136-2 et L. 136-8 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction issue de l'ordonnance 2001-377 du 2 mai 2001, les deux suivants dans leur rédaction postérieure à la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007, ensemble l'article 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 modifiée par la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011, applicables au litige. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 131-2, alinéa 2, L. 136-1, L. 136-2 et L. 136-8 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, et l'article 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 modifiée :

27. Selon le premier de ces textes, une cotisation d'assurance maladie, maternité, invalidité et décès est prélevée sur les avantages alloués aux assurés en situation de préretraite ou de cessation d'activité en application de l'article L. 322-4 du code du travail, de l'ordonnance n° 82-108 du 30 janvier 1982 ainsi que des ordonnances n° 82-297 et n° 82-298 du 31 mai 1982 ou de dispositions réglementaires ou conventionnelles.

28. Il résulte de la combinaison du deuxième et du dernier qu'une contribution sociale généralisée et une contribution au remboursement de la dette sociale sont instituées sur les revenus d'activité et les revenus de remplacement perçus par les personnes physiques qui sont à la fois considérées comme domiciliées en France pour l'établissement de l'impôt sur le revenu et à la charge, à quelque titre que ce soit, d'un régime obligatoire français d'assurance maladie.

29. Pour annuler les redressements litigieux, l'arrêt retient que les versements effectués par l'entreprise afin d'éviter que la mise en préretraite et la rupture anticipée du contrat de travail n'entraînent pour les salariés un préjudice après la rupture du contrat de travail ont une nature indemnitaire et ne sont pas soumis aux cotisations sociales.

30. En statuant ainsi, alors que la prise en charge par l'employeur, à la place des anciens salariés en situation de préretraite, des cotisations de prévoyance et de mutuelle, dans le cadre du dispositif de départ anticipé de fin de carrière, constituait un avantage de retraite entrant dans l'assiette de la cotisation prévue à l'article L. 131-2 du code de la sécurité sociale et dans celle de la CSG et de la CRDS, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il annule le redressement relatif aux cotisations ouvrières d'assurance maladie ainsi qu'à la CSG et à la CRDS sur les avantages préretraite mutuelle servis par l'employeur, l'arrêt rendu le 4 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne la société [5] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société [5] et la condamne à payer à l'URSSAF d'[Localité 3] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-trois.

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