21 juin 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-23.516

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:CO00466

Texte de la décision

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 21 juin 2023




Cassation partielle sans renvoi


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 466 F-D

Pourvoi n° D 19-23.516










R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 JUIN 2023

La société Bolloré logistics, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 19-23.516 contre l'arrêt rendu le 10 septembre 2019 par la cour d'appel de Caen (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la direction interrégionale des douanes et droits indirects de [Localité 3],

2°/ à la recette régionale des douanes et droits indirects de [Localité 3],

ayant toutes deux leur siège [Adresse 2],

3°/ à la société Bolloré ports de Cherbourg, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Tostain, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Bolloré logistics, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la direction interrégionale des douanes et droits indirects de [Localité 3] et de la recette régionale des douanes et droits indirects de [Localité 3], l'avis écrit de Mme Gueguen, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Tostain, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Bolloré logistics (la société Bolloré) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Bolloré ports de Cherbourg (la société BPC).

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 10 septembre 2019), le 9 mars 2016, l'administration des douanes a notifié à la société BPC une décision définitive de constat d'une dette douanière ainsi qu'un avis de paiement, puis, le 21 mars 2016, a pris en compte le montant de cette dette et adressé à ladite société un avis de mise en recouvrement (AMR) de la somme de 454 807 euros.

3. Les 21 mars et 21 juin 2016, l'administration des douanes a notifié à la société Bolloré, prise en sa qualité de caution de la société BPC en vertu d'une soumission générale cautionnée pour le dédouanement souscrite le 5 juin 2008, deux AMR portant sur les sommes respectives de 46 132 euros et 58 133 euros correspondant aux droits de douane garantis.

4. Ayant vainement contesté les AMR émis à leur encontre, les sociétés BPC et Bolloré ont assigné l'administration des douanes aux fins de voir annuler tant ces AMR que les décisions de rejet qui leur avaient été notifiées le 26 octobre 2016.

5. Par l'arrêt attaqué, la cour d'appel, retenant que la communication des droits à la société BPC était irrégulière, a annulé l'AMR notifié à cette société et rejeté les demandes formées par l'administration des douanes à son encontre. Elle a, en revanche, rejeté les demandes de la société Bolloré d'annulation des AMR qui lui avaient été notifiés et l'a condamnée à payer, au titre de son engagement de caution, les droits de douane garantis.

6. Par un arrêt du 25 mai 2022, la Cour de cassation a déclaré recevable le premier moyen de cassation soulevé par la société Bolloré et saisi la Cour de justice de l'Union européenne (la Cour de justice) d'une question préjudicielle portant sur l'interprétation des articles 195, 217 et 221 du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil du 12 octobre 1992 établissant le code des douanes communautaire, modifié.

7. Par un arrêt du 9 mars 2023, Bolloré logistics (C-358/22), la Cour de justice a répondu à la question posée.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

8. La société Bolloré fait grief à l'arrêt de rejeter toutes ses demandes et de la condamner à payer à la direction régionale des douanes et des droits indirects de [Localité 3] la somme de 101 842 euros au titre de son engagement de caution des droits de douane dus par la société BPC, alors « que la caution qui garantit le paiement de la dette douanière ne peut être recherchée que si les droits de douane sont exigibles à l'égard du principal obligé ; qu'ayant retenu que les droits de douane n'avaient pas été pris en compte à l'égard de la société BPC, principal obligé, que l'AMR délivré à l'encontre de celle-ci devait être annulé et ayant débouté l'administration des douanes de toutes ses demandes dirigées contre la société BPC, la cour d'appel ne pouvait pas condamner la société Bolloré en qualité de caution, sans violer l'article 405 du code des douanes, l'article 88 du code des douanes communautaire et l'article 2288 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 195, 217, paragraphe 1, et 221, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 2913/92 du 12 octobre 1992 établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement (CE) n° 648/2005 du 13 avril 2005 (le code des douanes communautaire) :

9. L'article 195 du code des douanes communautaire dispose, à son paragraphe 1, que la caution doit s'engager par écrit à payer solidairement avec le débiteur le montant garanti de la dette douanière dont le paiement devient exigible.

10. Aux termes de l'article 217, paragraphe 1, du même code, tout montant de droits à l'importation ou de droits à l'exportation qui résulte d'une dette douanière doit être calculé par les autorités douanières dès qu'elles disposent des éléments nécessaires et faire l'objet d'une inscription, qualifiée de « prise en compte », par lesdites autorités dans les registres comptables ou sur tout autre support qui en tient lieu.

11. Selon l'article 221, paragraphe 1, dudit code, le montant des droits doit être communiqué au débiteur selon des modalités appropriées dès qu'il a été pris en compte. Interprétant cette disposition, la Cour de justice juge que la communication par les autorités douanières au débiteur, selon les modalités appropriées, du montant des droits à l'importation ou à l'exportation à payer ne peut être valablement effectuée que si le montant de ces droits a été préalablement pris en compte par lesdites autorités (arrêt du 28 janvier 2010, Direct Parcel Distribution Belgium, C-264/08, point 28).

12. Répondant à la question préjudicielle dans l'arrêt Bolloré logistics, précité, la Cour de justice, après avoir retenu, d'une part, que la dette douanière n'est pas exigible à l'égard du débiteur en l'absence d'une prise en compte préalable du montant des droits de douane sans laquelle la communication dudit montant audit débiteur n'est pas régulière, d'autre part, que la caution ne saurait être tenue de garantir le paiement de ladite dette tant que celle-ci n'est pas devenue exigible à l'égard du débiteur (point 43), a dit pour droit que l'article 195, l'article 217, paragraphe 1, et l'article 221, paragraphe 1, du code des douanes communautaire doivent être interprétés en ce sens que les autorités douanières ne peuvent pas exiger de la caution visée audit article 195 le paiement d'une dette douanière tant que le montant des droits n'a pas été régulièrement communiqué au débiteur.

13. Pour condamner la société Bolloré à payer, au titre de son engagement de caution, les droits de douane litigieux, l'arrêt retient que ces droits sont devenus exigibles à l'égard de la société Bolloré en sa qualité de caution solidaire pour n'avoir pas été payés à l'échéance par la société BPC, celle-ci n'ayant déféré ni à l'avis de paiement du 9 mars 2016 ni à l'AMR du 21 mars 2016.

14. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le montant des droits n'avait pas été régulièrement communiqué à la société BPC, de sorte que la dette douanière n'était devenue exigible ni à l'égard de cette société, débitrice principale, ni à l'égard de la société Bolloré, caution, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

15. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

16. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

17. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler les AMR émis contre la société Bolloré les 21 mars et 21 juin 2016 portant sur les sommes respectives de 46 132 euros et 58 133 euros correspondant aux droits de douane garantis, ainsi que la décision du 26 octobre 2016 rejetant la contestation de cette société.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il rejette toutes les demandes de la société Bolloré logistics et condamne cette société à payer à la direction régionale des douanes et des droits indirects de [Localité 3] la somme de 101 842 euros au titre de son engagement de caution des droits de douane dus par la société Bolloré ports Cherbourg et la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et en ce qu'il condamne la société Bolloré logistics à payer à la direction régionale des douanes et des droits indirects de [Localité 3] la somme complémentaire de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 10 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Annule les avis de mise en recouvrement émis contre la société Bolloré logistics les 21 mars et 21 juin 2016 portant respectivement sur les sommes de 46 132 euros et 58 133 euros ;

Annule la décision du 26 octobre 2016 rejetant la contestation de la société Bolloré logistics ;

Condamne la direction interrégionale des douanes et droits indirects de [Localité 3] et la recette régionale des douanes et droits indirects de [Localité 3] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la direction interrégionale des douanes et droits indirects de [Localité 3] et la recette régionale des douanes et droits indirects de [Localité 3] et les condamne à payer à la société Bolloré logistics la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille vingt-trois.

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