1 juin 2023
Cour d'appel de Toulouse
RG n° 20/01684

1ere Chambre Section 2

Texte de la décision

01/06/2023



ARRÊT N°23/348



N° RG 20/01684 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NT3V

MA - VM



Décision déférée du 06 Juillet 2020 - Tribunal de Grande Instance de Toulouse - 19/23107

J-L. ESTEBE

















[C] [P]

[L] [O]

[U] [O]





C/





[G] [P]

[G] [D]





























































REFORMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 2

***

ARRÊT DU PREMIER JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS

***



APPELANTS



Monsieur [C] [P]

[Adresse 10]

[Localité 12]



Représenté par Me Jean-david BASCUGNANA de la SCP GARY, avocat au barreau de TOULOUSE



Monsieur [L] [O]

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représenté par Me Jean-david BASCUGNANA de la SCP GARY, avocat au barreau de TOULOUSE



Monsieur [U] [O]

[Adresse 5]

[Localité 11]



Représenté par Me Jean-david BASCUGNANA de la SCP GARY, avocat au barreau de TOULOUSE







INTIMÉS



Monsieur [G] [P]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représenté par Me Simon COHEN, avocat au barreau de TOULOUSE



Monsieur [G] [D]

[Adresse 5]

[Localité 11]



Représenté par Me Crystel CAZAUX, avocat au barreau de TOULOUSE







COMPOSITION DE LA COUR



Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 28 Mars 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :



C. DUCHAC, présidente

V. MICK, conseiller

V. CHARLES-MEUNIER, conseiller

qui en ont délibéré.



Greffier, lors des débats : M. TACHON







ARRET :



- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par C. DUCHAC, présidente, et par M. TACHON, greffier de chambre.


EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE



M. [F] [H] [P] est décédé le 8 février 2014 à [Localité 11] (31) en laissant à sa survivance ses trois enfants :



- M. [G] [P],

- Mme [A] [P] épouse [O],

- M. [C] [P].



Aux termes d'un testament olographe en date du 26 février 1997, M. [F] [P] avait institué sa fille Mme [A] [O] légataire de la quotité disponible.



Par acte du 4 juillet 2008, M. [F] [P] a fait par ailleurs donation entre vifs hors part successorale à sa fille de divers immeubles sis sur la commune d'[Localité 11] :



- une maison cadastrée section ZK n°[Cadastre 6] et [Cadastre 9], donnée en nue-propriété et évaluée à 154 000 € pour ladite nue-propriété,

- un bâtiment à usage de garage, atelier, bureau cadastré ZK n°[Cadastre 7] donné en pleine propriété pour une valeur de 134 000 €,

- une parcelle de terre cadastrée section ZK n°[Cadastre 8] donnée en pleine propriété et évaluée à la somme de 110 000 €, ayant finalement fait l'objet d'une donation en 2010 en faveur de son fils [U].



Les biens objets de la donation ont été évalués à la somme de 464 000 € au jour du décès.



A la suite du décès de M. [P], l'acte de notoriété a été établi le 20 juin 2014.



Le 27 février 2015, une réunion s'est tenue en présence des parties et de leurs conseils respectifs et à l'issue de cette dernière, l'accord des parties pour la vente des immeubles indivis a été acté dans les conditions suivantes



- mise en vente de l'immeuble chemin de la planète au prix de 360 000 €,

- mise en vente de l'immeuble chemin du bac au prix de 180 000 €.



Mme [P] épouse [O] est décédée à son tour le 13 juillet 2016, en laissant à sa survivance :



- son époux, M. [N] [O] dit '[L]',



- son fils, M. [U] [O],

- son fils, M. [G] [D], né d'une première union avec M. [B] [D].



Les héritiers n'ont pas réussi à partager amiablement la succession.





En date du 12 et 13 février 2019, M. [G] [P] a fait assigner MM. [C] [P], [G] [D], [N] et [U] [O] en partage devant le tribunal de grande instance de Toulouse.



Par jugement contradictoire en date du 6 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Toulouse a :



- rejeté la demande relative à la caducité de l'assignation ;



- ordonné le partage de la succession de [F] [P] ;



- désigné pour y procéder Maître [E] [X], sous la surveillance du juge coordonnateur du service des affaires familiales du tribunal judiciaire de Toulouse ;



- dit que le notaire pourra :



- interroger le Ficoba, le ficovie et le fichier de l'agira ;

- recenser tous contrats d'assurance-vie, en déterminer les bénéficiaires, et se faire remettre l'historique de tous les mouvements de capitaux (versements, rachats) de chacun de ces contrats en identifiant le patrimoine donnant ou recevant les fonds ;

- procéder à l'établissement des actes de notoriété, sauf à y réserver ce qui est contesté en justice ;

- procéder à l'ouverture de tout coffre bancaire, en faire l'inventaire, rapatrier les liquidités dans la comptabilité de son étude et placer les titres sur un compte ouvert au nom de l'indivision ;



- rappelé que les parties devront remettre au notaire toutes les pièces utiles à l'accomplissement de sa mission ;



- rappelé que le notaire devra dresser un projet d'état liquidatif dans le délai d'un an à compter de sa désignation, et le transmettre au juge chargé de surveiller ces opérations ;



- dit que le notaire financera son travail sur les fonds indivis, avec l'accord des parties, et qu'à défaut elles lui verseront les provisions et les émoluments dus pour son travail ;



- dit que la partie qui bénéficie ou bénéficiera de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, sera dispensée de verser une provision au notaire ;



- dit qu'en cas d'empêchement du notaire il sera pourvu à son remplacement par ordonnance rendue sur requête ;



- rejeté la fin de non-recevoir opposée à la demande de réduction des libéralités excessives ;



- dit que la somme de 99 091. 86 euros a été remise à M. [C] [P] à titre de prêt ;



- rejeté la demande de [G] [P] relative à la donation de fruits;



- dit n'y avoir lieu de donner mission au notaire de chiffrer la créance résultant de l'occupation des biens immobiliers du défunt avant son décès



- rejeté la demande d'exécution provisoire ;



- sursoit à statuer sur les autres demandes et sur les dépens, dans l'attente de l'issue du travail du notaire.





Par déclaration électronique en date du 9 juillet 2020, M. [C] [P], MM. [N] et [U] [O] ont interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :



- rejeté la fin de non-recevoir opposée à la demande de réduction des libéralités excessives.







Par ordonnance contradictoire en date du 8 janvier 2021, le conseiller de la mise en état a débouté les appelants de leur demande visant à voir l'action en réduction prescrite et les a condamnés aux dépens dudit incident avant renvoi à la mise en état.



Par ordonnance contradictoire en date du 28 mai 2021, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables, pour cause de tardiveté, les conclusions déposées par M. [G] [D] en date du 9 mars 2021 de même que toutes les pièces déposées au soutien de ces conclusions et réservé les dépens qui seront joints au fond.





Dans leurs dernières conclusions d'appelants en date du 7 mars 2023, MM. [C] [P], [N] et [U] [O] demandent à la cour de bien vouloir :



- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré irrecevable la fin de non-recevoir tirée de la prescription,



- statuant à nouveau,



- juger que M. [G] [P] a eu connaissance de l'atteinte portée à sa réserve le 20 juin fin juillet 2015,



- juger en toute hypothèse, que l'action en réduction introduite par M. [G] [P] a été introduite plus de cinq ans après le décès,



- en conséquence,



- déclarer que l'action de M. [G] [P] tendant à obtenir la réduction de la libéralité consentie à Mme [A] [P] est prescrite,



- déclarer les demandes de ce dernier à ce titre irrecevables,



- débouter M. [G] [P] de l'ensemble de ses demandes,



- confirmer la décision entreprise pour le surplus,



- condamner M. [G] [P] au paiement de la somme de 5 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Jean-David Bascugnana.



Dans ses dernières conclusions d'intimé en date du 27 février 2023, M. [G] [P] demande à la cour de bien vouloir :



- rejeter toutes demandes et conclusions contraires comme injustes et mal fondées,



- confirmer le jugement du 6 juillet 2020 dont appel en ce qu'il a :



- rejeté la fin de non-recevoir opposés à la demande de réduction des libéralités excessives perçues par [A] [P],



- ordonné le partage de la succession de [F] [P],

- désigné pour y procéder Maître [X], sous la surveillance du juge coordonnateur du service des affaires familiales du tribunal judiciaire de Toulouse,

- rejeté la demande de [G] [P] relative à la donation de fruits,

- dit n'y avoir lieu de donner mission au notaire de chiffrer la créance résultant de l'occupation des biens immobiliers du défunt avant son décès,



- infirmer le jugement du 6 juillet 2020 dont appel en ce qu'il a :



- dit que la somme de 99.091,86 € a été remise à [C] [P] à titre de prêt,



- en conséquence, statuant à nouveau,



- dire que la somme de 99.091,86 € a été remise à [C] [P] à titre de donation,



- débouter [N] (dit « [L] ») [O], [U] [O] et [C] [P] de l'ensemble de leurs demandes,



- réserver les entiers dépens.





La clôture de la mise en état a été ordonnée le 13 mars 2023 et l'audience de plaidoiries fixée le 28 mars 2023 à 14 heures.



La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.




MOTIFS DE LA DECISION



Sur l'effet dévolutif :



Aux termes des dispositions de l'article 562 du Code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La cour n'est donc saisie que par les chefs critiqués dans l'acte d'appel ou par voie d'appel incident.



En l'espèce aucun appel n'a été relevé concernant le partage de la succession de [F] [P], la désignation pour y procéder de Maître [X], sous la surveillance du juge coordonnateur du service des affaires familiales du tribunal judiciaire de Toulouse, le rejet de la demande de [G] [P] relative à la donation de fruits et le fait de ne dire y avoir lieu à donner mission au notaire de chiffrer la créance résultant de l'occupation des biens immobiliers du défunt avant son décès.



Il n'y a pas lieu en conséquence de confirmer le jugement de ces chefs, non attaqués de quiconque, comme demandé par l'intimé.



Sur la prescription de l'action en réduction :



Les appelants font valoir, par voie d'infirmation, que l'action en réduction diligentée par l'intimé sur les libéralités accordées par le défunt [F] [P] au profit de sa fille [A] [P] épouse [O], désormais représentée par eux-même suite à son décès intervenu le 13 juillet 2016, est prescrite. Ils exposent que s'il est exact qu'une demande d'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage d'une succession peut comporter intrinsèquement une action en réduction, ils considèrent que l'interruption du délai de prescription de l'action ne peut résulter que d'une action en justice ou de la reconnaissance par le débiteur du bien-fondé des prétentions des créanciers. Or, ils indiquent que rien de tel n'est survenu avant l'expiration du délai de prescription dès lors que l'assignation en justice de l'intimé a été délivrée le 13 février 2019 soit plus de cinq années après le décès du de cujus survenu le 8 février 2014. Ils soulignent ainsi, sur le fondement de l'article 921 alinéa 2 du code civil, que quel soit le délai retenu, biennal ou quinquennal ouvert par ledit article, l'intimé n'a pas agi dans les temps. Ils considèrent en effet que l'institution de [A] [P] épouse [O] en qualité de légataire universelle de la quotité disponible était nécessairement de nature à porter atteinte à la réserve de sorte que la connaissance de la teneur de ce testament marquait le point de départ du délai de deux années. Or, ils font remarquer que l'intimé a eu connaissance de ce testament le 20 juin 2014 à travers l'acte de notoriété alors dressé. Ils exposent qu'en toutes hypothèses, la déclaration de succession avait été communiquée aux conseils de l'intimé pour avis en date du 28 juillet 2015, laquelle faisait état de l'existence d'une indemnité de réduction chiffrée et sans ambiguïté dont serait débitrice [A] [P] épouse [O] suite à la libéralité hors part successorale consentie en 2008. Or, à nouveau, l'intimé n'a pas agi dans le délai de deux ans à la suite de la connaissance de l'atteinte à sa réserve pour n'introduire son action en justice qu'en février 2019. Ils s'opposent enfin à l'argumentaire adverse visant à démontrer que la déclaration de succession souscrite aurait valu reconnaissance par [A] [P] épouse [O] du bien-fondé de l'action en réduction de l'intimé de sorte qu'elle aurait permis l'interruption de prescription. Ils font ainsi remarquer que la reconnaissance par le débiteur d'une créance suppose une absence d'équivocité pour valoir interruption de la prescription. Or, ils soulignent d'une part que l'acte en question n'avait pas été dressé pour le compte de la gratifiée mais par le notaire en charge du règlement de la succession de sorte qu'elle n'émanait pas de son mandataire, d'autre part que celui-ci n'a pas la qualité de déclarant à l'acte, ni celle de signataire, le document en question ayant été dressé à la demande exclusive d'[C] [P], seul déclarant. En toutes hypothèses, et subsidiairement, ils considèrent qu'une déclaration de succession ne figure pas dans la liste des actes interruptifs de prescription.



L'intimé plaide pour la confirmation du rejet de la fin de non-recevoir tirée de la prescription de son action en réduction. Il fait premièrement valoir que la demande en réduction peut être expresse ou tacite et n'est soumise à aucun formalisme particulier. Il poursuit en soulignant que la déclaration de succession de [F] [P] fait expressément état d'une atteinte à la réserve et indique que [A] [P] sera redevable d'une indemnité de réduction. Il considère donc que le notaire ayant établi la déclaration de succession, établie moins de cinq ans après l'ouverture de la succession, a clairement mis en évidence l'intention de ses mandants et donc de lui-même de faire procéder à la réduction des libéralités excessives consenties à [A] [P] épouse [O]. Il précise qu'il est indifférent que [A] [P] épouse [O] n'ait pas signé ladite déclaration, précisant sur le plan contextuel qu'il avait privilégié dans un premier temps la voie amiable pour régler la succession de façon finalement néanmoins infructueuse. Il ajoute en tout état de cause que la communication de la déclaration de succession par le notaire d'[C] et [A] [P], qui était donc leur mandataire, a constitué un acte interruptif de prescription dès lors qu'il s'agissait d'une reconnaissance de dette au sens de l'article 2240 du code civil.

Aux termes des dispositions de l'article 921 alinéa 2 du code civil, le délai de prescription de l'action en réduction est fixé à cinq ans à compter de l'ouverture de la succession ou deux ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l'atteinte portée à la réserve, sans jamais pouvoir excéder dix ans à compter du décès.

Il ressort de cet article un double délai de prescription à savoir un délai quinquennal à compter de l'ouverture de la succession, c'est-à-dire la date de décès du défunt, dès lors qu'est ignorée la date à laquelle l'héritier réservataire a eu connaissance de l'atteinte portée à sa réserve ou, à défaut, un délai de deux ans à compter du jour de la connaissance de l'atteinte portée à la réserve, peu important dès lors que cette connaissance soit intervenue dans les cinq ans de l'ouverture de la succession ou postérieurement, cette action devant toutefois être exercée dans un délai de dix ans à compter du décès. Aussi, avant l'achèvement du délai de cinq ans, il appartient au défendeur d'établir que son adversaire était informé de l'atteinte portée à sa réserve depuis plus de deux ans et qu'il est donc tardif ; au-delà du délai de cinq ans, il appartiendrait au demandeur de prouver l'ignorance lui ouvrant droit à une prolongation de deux ans dans la limite de dix années.

En l'espèce, M. [F] [P] est décédé le 8 février 2014. L'acte de notoriété a été établi le 20 juin 2014 et c'est à l'occasion de ce rendez-vous que le notaire a donné connaissance aux parties du testament olographe en date du 26 février 1997 par lequel le défunt instituait sa fille [A] légataire à titre universel de la quotité disponible de ses biens en plein propriété.



C'est donc à compter de cette date que M. [G] [P] a eu connaissance de l'atteinte à sa réserve de sorte que celle-ci constitue le point de départ du délai de prescription prévu à l'article 921 alinéa 2 du code civil soit deux ans.



La réduction opère par voie d'action. S'il est exact que l'action en réduction n'est soumise à aucun formalisme particulier, il appartient néanmoins à l'héritier réservataire de formaliser sa demande nécessairement au moyen d'un acte interruptif de prescription.



Aux termes des dispositions de l'article 2241 du code civil, la demande en justice est interruptive de prescription. Aucune action en justice de M. [P] n'a été introduite dans le délai précité, son assignation n'ayant été délivrée que le 12 février 2019.



S'agissant des dispositions de l'article 2240 du code civil dont il se prévaut en terme de reconnaissance de ses droits émanant de la débitrice par le biais de la déclaration de succession, qui serait par voie de conséquence de nature interruptive, le simple calcul opéré par le notaire en charge de la succession de l'indemnité de réduction due par l'intéressée, auquel le professionnel est tenu légalement par application des dispositions de l'article 921 alinéa 2, ne vaut pas reconnaissance de la part de la débitrice du bien-fondé d'une telle indemnité, en dehors de tout autre élément extrinsèque.

A ce titre, d'une part, ladite déclaration n'a jamais été signée de la main de l'intéressée, d'autre part elle n'est pas à l'origine de la déclaration, celle-ci ayant été établie par le notaire instrumentaire, enfin à supposer reconnue une telle valeur interruptive à l'acte en question, en matière d'interruption instantanée, ce qui est le cas, la nouvelle prescription court sitôt l'acte recognitif de sorte que la prescription de l'action en réduction, tenant la date de demande en justice de l'intimé, serait tout autant acquise.



Dans ces conditions, il y a lieu d'infirmer le chef de dispositif déféré et accueillir la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en réduction diligentée.



Sur la remise d'une somme de 99 091,86 € (650 000 F) au profit de M. [C] [P] en 1995 :



L'intimé revendique infirmation du chef de dispositif ayant qualifié cette somme remise en 1995 de prêt sans intérêt de la part du défunt au profit d'[C] [P]. Il expose d'une part que le défunt en prévoyant que ces fonds seraient remboursables à son décès soit après la perte de sa personnalité juridique, celui-ci avait entendu définitivement se dépouiller de la somme en question de sorte qu'il s'agissait en réalité d'une donation entre vifs. Il considère d'autre part que l'intention libérale ne faisait aucun doute en ce qu'elle résultait tant du projet de donation-partage établi en 2006 que de la déclaration de succession mentionnant des dons manuels consentis en avancement de part successorale, outre que le prêt ne portait aucun intérêt, la somme était importante, les liens filiaux évidents, enfin aucun remboursement n'avait eu lieu jusqu'au décès du prêteur. Il ajoute que la prétendue reconnaissance de dette qui fonderait la qualification de prêt a été établie treize années après le versement des fonds, délai qui démontrerait parfaitement le caractère réel de libéralité. Il souligne que le bénéficiaire lui-même reconnaît qu'il s'agissait en réalité d'une donation, par conséquent rapportable à la succession, les fonds en question lui ayant en réalité permis non à régler son crédit immobilier mais à éviter une saisie de sa maison à la requête de l'avocat de l'un des créanciers poursuivants. Il considère dès lors que les droits issus de cette donation déguisée ne doivent pas être évalués en valeur nominale mais à la valeur du bien financé à la date du partage. Il souligne enfin que le projet de donation-partage confectionné courant 2006 établissait bien le caractère en réalité de donation de l'opération en mentionnant d'une part que la somme en question devait faire l'objet d'une réévaluation à hauteur de 260 000 €, double du nominal et correspondant manifestement à la valeur de la maison de l'intéressé à cette date, d'autre part, alors que les héritiers étaient allotis de biens d'une valeur identique, lui-même devant rapporter le don manuel pour son profit subsistant de 260 000€.



Les appelants demandent confirmation. Ils font valoir l'absence de toute ambiguïté quant à la reconnaissance de dette dont le terme était simplement le décès du prêteur, sans que rien ne soit criticable à ce sujet et parallèlement l'absence de preuve de toute libéralité du côté adverse. Ils soutiennent donc le mécanisme du rapport de dette.



Aux termes de l'article 860 du code civil, le rapport est dû de la valeur du bien donné à l'époque du partage, d'après son état à l'époque de la donation. Si le bien a été aliéné avant le partage, on tient compte de la valeur qu'il avait à l'époque de l'aliénation. Si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, on tient compte de la valeur de ce nouveau bien à l'époque du partage, d'après son état à l'époque de l'acquisition. Toutefois, si la dépréciation du nouveau bien était, en raison de sa nature, inéluctable au jour de son acquisition, il n'est pas tenu compte de la subrogation.



Aux termes de l'article 860-1 du code civil, le rapport d'une somme d'argent est égal à son montant. Toutefois, si elle a servi à acquérir un bien, le rapport est dû de la valeur de ce bien, dans les conditions prévues à l'article 860.



Aux termes de l'article 864 du code civil, lorsque la masse partageable comprend une créance à l'encontre de l'un des copartageants, exigible ou non, ce dernier en est alloti dans le partage à concurrence de ses droits dans la masse. A due concurrence, la dette s'éteint par confusion. Si son montant excède les droits du débiteur dans cette masse, il doit le paiement du solde sous les conditions et délais qui affectaient l'obligation.



Il est acquis que le 14 avril 2008, M. [C] [P] a établi un document manuscrit contresigné de son père aux termes duquel il reconnaissait avoir reçu de ce dernier les sommes de 550 000 et 100 000 F soit un total de 650 000 F (99 091,86 €) en règlement de son crédit immobilier sur un bien lui appartenant sis [Localité 12]. Il était précisé 'cette somme sera remboursable au décès de mon père par prélèvement de la part me revenant de la succession et ne produira pas d'intérêt jusque là'.



Les termes du document pré-cité, signé du défunt, sont dépourvus de toute ambiguïté en ce qu'il est fait état du 'remboursement' d'une somme, de l'absence 'd'intérêts' et enfin d'un terme, constitutif du décès du prêteur. A ce titre, ce terme, parfaitement licite, ne souffre d'aucune difficulté, le prêt viager hypothécaire en étant une autre illustration légale.



Ce document, par ses termes clairs et dénués d'ambiguïté, constitue indéniablement une reconnaissance de dette et fait présumer à ce titre la créance du défunt à l'encontre de M. [C] [P] dans le cadre d'un contrat de prêt à la consommation parfaitement qualifié en application des dispositions de l'article 1892 du code civil.



Dans de telles conditions, il n'y a pas lieu de requalifier ou redresser l'acte en question, en particulier sous forme de libéralité, dès lors qu'il ne résulte en toutes hypothèses de rien ni un dépouillement irrévocable du défunt en l'état de l'existence d'un terme avec prélèvement de la somme sur la part revenant au débiteur dans le cadre de la succession, ni une intention libérale du défunt dès lors qu'à nouveau le terme du prêt était précisément fixé à son décès, les longs développements portant sur un projet de donation-partage antérieure étant par ailleurs inopérants dès lors que le document n'a jamais constitué qu'un projet et qu'il datait de plus de deux années avant le document établi le 14 avril 2008.



La simulation ou le déguisement ne sont donc pas acquis et il n'y a rien à redresser.



Dans ces conditions, la somme en question constituait donc bien une dette d'un cohéritier à l'égard du défunt créancier de sorte que, soumise aux prescriptions de l'article 864 du code civil, le débiteur en sera alloti dans le partage à concurrence de ses droits dans la masse partageable au principe du nominalisme monétaire.



Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :



Chaque partie assumera la moitié des dépens d'appel sans qu'il y ait lieu de modifier la charge de ceux de première instance.









L'équité ne commande pas l'application d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS



La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,



statuant dans les limites de sa saisine :



- infirme le jugement attaqué en ce qu'il a :



- rejeté la fin de non-recevoir opposée à la demande de réduction des libéralités excessives ;



statuant à nouveau du chef de jugement infirmé :



- déclare irrecevable pour cause de prescription la demande de réduction des libéralités formulée par M. [G] [P] à l'encontre des ayant-droits de Mme [A] [P] épouse [O]



- confirme le jugement attaqué pour le surplus ;



- rejette toute autre demande plus ample ou contraire ;



- dit que chaque partie assumera la moitié des dépens d'appel et l'y condamne en tant que de besoin.



LE GREFFIER LA PRESIDENTE

M. TACHON C. DUCHAC

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