17 mai 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-21.712

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:SO00544

Texte de la décision

SOC.

AF1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 17 mai 2023




Rejet


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 544 F-D


Pourvois n°
J 21-21.712
K 21-21.713
M 21-21.714
N 21-21.715
P 21-21.716
Q 21-21.717
R 21-21.718 JONCTION






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 17 MAI 2023

La Société ID Logistics sélective 4, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 7], a formé les pourvois n° J 21-21.712, K 21-21.713, M 21-21.714, N 21-21.715, P 21-21.716, Q 21-21.717, R 21-21.718 contre sept arrêts rendus le 1er juillet 2021 par la cour d'appel de Versailles (21e chambre), dans les litiges l'opposant respectivement :

1°/ à M. [F] [P], domicilié [Adresse 4],

2°/ à M. [V] [B], domicilié [Adresse 8],

3°/ à Mme [S] [O], domiciliée [Adresse 3],

4°/ à M. [A] [D], domicilié [Adresse 2],

5°/ à M. [N] [K], domicilié [Adresse 5],

6°/ à M. [I] [H], domicilié [Adresse 6],

7°/ à M. [C] [M], domicilié [Adresse 9],

8°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société ID Logistics sélective 4, de la SCP Poupet & Kacenelenbogen, avocat de M. [P] et des six autres salariés, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, Mme Grandemange, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° J 21-21.712 à R 21-21.718 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Versailles, 1er juillet 2021) et les productions, la société Fujifilm France a engagé Mme [O], MM. [P], [H] et [M] en qualité d'employés logistique, M. [D] en qualité d'agent d'exploitation, M. [B] en qualité de manutentionnaire et M. [K] en qualité d'employé de maintenance. Dans le dernier état de la relation contractuelle, M. [B] était employé logistique et M. [D] adjoint responsable de zone.

3. Les contrats de travail ont été repris le 1er mai 2008 par la société CEPL Coignières, filiale du groupe CEPL, lequel a été cédé en totalité le 22 juillet 2013 au groupe ID Logistics. La société CEPL Coignières est devenue la société ID Logistics sélective 4 (la société).

4. Licenciés pour motif économique le 27 février 2015, les salariés ont saisi la juridiction prud'homale d'une contestation de la rupture de leur contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

5. La société fait grief aux arrêts de juger les licenciements dépourvus de cause réelle et sérieuse, de la condamner à payer à chacun des salariés une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de lui ordonner de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage payées aux salariés dans la limite de six mois, alors :

« 1°/ qu'un délai de six semaines entre la consultation des instances représentatives du personnel et le licenciement pour motif économique du salarié n'est pas, en lui-même, révélateur d'un manque de sérieux ou d'un défaut de complétude des recherches de reclassement ; qu'en relevant qu' ''il est remarquable de relever (...) que six semaines tout au plus [se sont] écoulées entre la consultation du délégué du personnel et le licenciement prononce'', la cour d'appel s'est fondée sur un motif impropre à caractériser un manquement de l'employeur à son obligation de reclassement et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail ;

2°/ qu'une offre de reclassement est suffisamment précise dès lors qu'elle comporte des indications sur les principales caractéristiques des emplois proposés ; qu'en l'espèce, le courrier comportant les offres de reclassement soumises aux salaries précisait, pour chaque poste, la région, le site, la ville, le client, l'intitulé du poste, le nombre de postes disponibles et les horaires de travail ; que ce courrier précisait également qu' ''un emploi équivalent sera assorti d'une rémunération globale équivalente'' et que les salariés pouvaient ''obtenir des informations complémentaires'' sur les postes proposes en s'adressant à Mme [L] ; qu'en affirmant néanmoins que ces offres de reclassement n'étaient pas suffisamment précises, dès lors que « la liste ne mentionne aucune rémunération, ni mesure d'accompagnement telle que la formation nécessaire pour certains postes nécessitant des permis, la seule mention figurant dans la lettre d'accompagnement selon laquelle ''un emploi équivalent sera assorti d'une rémunération globale équivalente'' ne permettant pas au salarié de se positionner utilement », la cour d'appel, qui n'a pas identifié quels postes auraient nécessité une formation ou un ''permis'', a ajouté des exigences à la loi, en violation de l'article L. 1233-4 du code du travail ;

3°/ que l'employeur peut proposer les mêmes postes à des salariés qui appartiennent à des catégories professionnelles différentes, dès lors que chacun d'entre eux est susceptible d'occuper l'ensemble de ces postes, au besoin après une formation d'adaptation ; qu'en se bornant à relever, pour dire que l'employeur n'a pas procédé loyalement à une recherche personnalisée de reclassement, que « les sept salariés font partie de trois catégories différentes, à savoir ''employés logistiques, adjoint responsable et agent de maintenance'' et que la société CEPL Coignières ''s'est bornée à leur adresser la même liste de postes'' », sans relever dans cette liste l'existence de postes que l'un ou l'autre des salariés n'aurait pas pu occuper moyennant une formation d'adaptation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail ;

4°/ que l'employeur qui a proposé au salarié plusieurs dizaines de postes adaptés à sa situation n'est pas tenu de multiplier à l'infini ses offres de reclassement, ni de justifier de l'exhaustivité de ses recherches ; qu'en l'espèce, il est constant que la société CEPL Coignières a proposé à chacun des sept salariés, à titre d'offres de reclassement, 128 postes dont plusieurs étaient identiques à ceux qu'ils occupaient ; qu'en considérant néanmoins que la société CEPL Coignières ne justifiait pas avoir effectué une recherche exhaustive de solutions de reclassement, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

6. La cour d'appel a, d'abord, retenu que la liste des postes disponibles au sein du groupe auquel appartient la société et jointe à la lettre du 22 janvier 2015 par laquelle l'employeur a adressé aux salariés concernés par le licenciement des propositions écrites de reclassement, ne mentionnait aucune rémunération, que cette lettre d'accompagnement indiquait seulement qu' « un emploi équivalent sera assorti d'une rémunération globale équivalente » et qu'en raison de cette imprécision sur la rémunération le salarié ne pouvait se positionner utilement.

7. Elle a, ensuite, constaté que l'employeur avait proposé en termes identiques des postes disponibles au sein du groupe à des salariés qui exerçaient des fonctions distinctes (employés logistiques, adjoint responsable, agent de maintenance) et que cette liste de propositions ne mentionnait pas de mesure de formation pour les postes nécessitant des permis.

8. Elle a, enfin, relevé que l'employeur avait pris l'engagement, dans la note d'information sur le projet de fermeture de la société qu'il avait adressée au représentant du personnel, que les propositions de reclassement préciseraient notamment la rémunération et porteraient sur des postes vacants susceptibles de correspondre au profil de chaque salarié au regard de ses compétences et de ses aptitudes requises.

9. De ces constatations et énonciations, dont il ressortait que les offres de reclassements n'étaient pas personnalisées, la cour d'appel a pu, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, déduire que l'employeur avait manqué de loyauté dans la mise en oeuvre de son obligation de reclassement, de sorte qu'à ce titre les licenciements économiques étaient dépourvus de cause réelle et sérieuse et a légalement justifié sa décision.

10. Le moyen, inopérant en ses première et quatrième branches en ce qu'elles critiquent des motifs surabondants, n'est donc pas fondé pour le surplus.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

11. La société fait le même grief aux arrêts, alors :

« 1°/ que hors situation de coemploi, la cessation complète et définitive d'activité d'une société constitue un motif autonome de licenciement, sauf faute ou légèreté blâmable de l'employeur ; qu'en cas de perte d'un client dont les commandes représentent l'essentiel de son activité, l'employeur peut, sans faute, mettre un terme à son activité, de manière totale et définitive ; qu'en l'espèce, la société CEPL Coignières établissait que l'activité exercée au profit de la société Fujifilm représentait plus de 95 % de son chiffre d'affaires, l'activité exercée pour la société Vente-privée.com n'étant qu'accessoire et très irrégulière ; que la résiliation par la société Fujifilm du contrat qui les liait l'avait en conséquence conduite à cesser son activité, la seule activité exercée pour la société Vente-privée.com ne générant pas suffisamment de revenus pour couvrir le seul loyer des locaux ; qu'en retenant que la dénonciation du contrat liant la société CEPL Coignières à Fujifilm n'emportait pas, à elle seule, cessation de toute l'activité de l'entreprise et qu'il était indifférent que la société Vente-privée.com n'ait pas exigé que sa logistique soit spécifiquement traitée par la société CEPL Coignières, pour juger que les licenciements ne reposaient pas sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel s'est fondée sur une circonstance impropre à faire ressortir que la cessation d'activité de la société CEPL Coignières n'était pas totale ou qu'elle procédait d'une faute ou d'une légèreté blâmable de l'employeur, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ;

2°/ que hors situation de coemploi, la cessation complète et définitive d'activité d'une filiale d'un groupe constitue un motif autonome de licenciement, sauf faute ou légèreté blâmable de l'employeur ; qu'en cas de cessation d'activité de l'entreprise, le juge ne peut déduire l'existence d'une faute ou d'une légèreté blâmable de l'absence de recherche de solutions alternatives à la fermeture de l'entreprise ; qu'en retenant, pour considérer que l'existence d'une légèreté blâmable de l'employeur était établie, que ce dernier n'a pris aucune initiative de décembre 2013 à janvier 2015 afin de compenser la perte d'activité liée à la rupture du contrat Fujifilm, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs en subordonnant la décision de l'employeur de cesser son activité à la recherche de solutions alternatives et violé l'article L. 1233-3 du code du travail ;

3°/ que hors situation de coemploi, la cessation complète et définitive d'activité d'une filiale d'un groupe constitue un motif autonome de licenciement, sauf faute ou légèreté blâmable de l'employeur ; que la circonstance que d'autres entreprises du groupe poursuivent une activité de même nature ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que la cessation d'activité de l'entreprise soit regardée comme totale et définitive ; qu'en retenant, en l'espèce, qu'il est établi que l'activité exercée par la société CEPL Coignières pour le compte de la société Fujifilm a été transférée à une autre filiale du groupe ID Logistics, implantée aux Pays-Bas, la cour d'appel s'est fondée sur des motifs impropres à faire ressortir que la cessation d'activité de la société CEPL Coignières n'était pas totale et définitive, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ;

4°/ que hors situation de coemploi, la cessation complète et définitive d'activité d'une filiale d'un groupe constitue un motif autonome de licenciement, sauf faute ou légèreté blâmable de l'employeur ; que l'employeur ne peut se voir imputer à faute des décisions prises par un client ou une autre entité du groupe auquel il appartient ; qu'en retenant encore que la société CEPL Coignières ne produit aucun élément démontrant que la société Fujifilm aurait pris l'initiative d'interrompre le contrat la liant à la société CEPL Coignières, cependant que le salarié démontre que l'activité Fujifilm a été transférée au sein du groupe ID Logistics sur un de ses établissements néerlandais, la cour d'appel n'a pas fait ressortir que la société CEPL Coignières aurait elle-même décidé de mettre fin au contrat la liant à la société Fujifilm, ni par conséquent caractérisé une faute imputable à l'employeur et non à une autre entité du groupe, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

12. Ce moyen critique des motifs surabondants, la cour d'appel ayant suffisamment justifié sa décision en retenant que l'employeur avait méconnu son obligation de recherche d'un reclassement.

13. Le moyen, qui est inopérant, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société ID Logistics sélective 4 aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société ID Logistics sélective 4 et la condamne à payer à Mme [O], à MM. [P], [B], [D], [K], [H] et [M] chacun la somme de 430 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille vingt-trois.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.