30 mars 2023
Cour d'appel de Paris
RG n° 21/00292

Pôle 1 - Chambre 9

Texte de la décision

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 9



ORDONNANCE DU 30 MARS 2023

Contestations d'Honoraires d'Avocat

(N° /2023, 2 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00292 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDX3D





NOUS, Michel RISPE, Président de chambre à la Cour d'Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Eléa DESPRETZ, Greffière présente lors des débats ainsi que lors du prononcé de l'ordonnance.





Vu le recours formé par :





Monsieur [Y] [D]

[Adresse 3]

[Localité 4]



Comparant en personne,

Demandeur au recours,





contre une décision du Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS dans un litige l'opposant à :





La SCP D'AVOCAT PAUL AKAR

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée par Me Jacques ZOUKER, avocat au barreau de PARIS, toque : E0883

Défendeur au recours,







Par décision contradictoire, statuant par mise à disposition au Greffe, après avoir entendu les parties présentes à notre audience publique du 09 Mars 2023 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,



L'affaire a été mise en délibéré au 30 Mars 2023 :



Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;













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RÉSUMÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :



Suivant courrier daté du 11 septembre 2020, portant cachet de réception en main propre du 16 septembre 2020, la SCP Paul Akar, avocat inscrite au barreau de Paris, a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats d'une demande de fixation des honoraires dus par M. [Y] [D], à raison de diligences réalisées pour son compte en vue de l'expulsion de squatters, à hauteur de la somme d'un montant total de 9.597,22 euros hors taxes dont 133,32 euros avaient été réglés et 9.263,90 euros restaient dus.



Par lettres recommandées en date du 17 novembre 2020, le bâtonnier de l'ordre des avocats a convoqué les parties à venir s'expliquer devant son délégataire le 15 décembre 2020.



Par une décision contradictoire en date du 27 avril 2021, le délégataire du bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris a :

' fixé à la somme de 9.012,50 euros hors taxes, le montant total des honoraires dus à la SCP Paul Akar par M. [Y] [D] ;

' condamné en conséquence M. [Y] [D] à payer à la SCP Paul Akar la somme de 9.012,50 euros, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée au taux en vigueur et des intérêts de droit à compter de la décision, ainsi que les frais d'huissier de justice, en cas de signification de la présente décision, outre une somme de 251,40 euros au titre des débours et les éventuels frais de signification ;

' prononcé l'exécution provisoire de la décision.



Cette décision a été notifiée aux parties par lettres recommandées en date du 03 mai 2021, remise le 05 mai suivant à M. [Y] [D].



Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception, posté le 28 mai 2021, M. [Y] [D] a formé un recours contre ladite décision du bâtonnier.



Par lettres recommandées en date du 09 décembre 2022, avec demandes d'avis de réception, les parties ont été convoquées par le greffe de la cour à l'audience du 09 mars 2023, date à laquelle, elles ont comparu.




A cette audience, M. [Y] [D] a sollicité le bénéfice de son recours tendant à voir infirmer la décision du décision du bâtonnier en ce que celui-ci a refusé de prendre en compte l'exception de prescription biennale qu'il avait soulevée.



Il a souligné que les diligences revendiquées n'étaient pas justifiées et que le délégataire du bâtonnier s'était prononcé sur les frais, qui ne sont pas de la compétence du juge de l'honoraire.



M. [Y] [D] a précisé qu'aux termes de la convention d'honoraire la mission était de présenter une requête de constat pour voir qui occupait les locaux et prendre toutes les dispositions pour libérer les lieux.



Selon lui, la mission s'était terminée avec l'expulsion des occupants sans droit ni titre des locaux le 19 avril 2018.



A titre subsidiaire, il a indiqué que la dernière date qui pourrait être retenue pour le départ de la prescription était le 25 avril 2018, correspondant au dernier courrier en rapport avec cette mission, en sorte que la prescription était acquise au 25 avril 2020.



A titre infiniment subsidiaire, il a soulevé le caractère abusif de la clause prévoyant les honoraires, laquelle ne pouvait en conséquence servir de base à la réclamation de l'avocat.





Faisant valoir que la somme réclamée était excessive pour un simple jugement d'expulsion rendu par défaut, il demandait la diminution de la réclamation. Il entendait encore qu'il soit déclaré que les débours étaient hors de la compétence du juge de l'honoraire.



Enfin, il a sollicité l'octroi d'une indemnité d'un montant de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



'''



En réponse, la SCP Paul Akar a demandé la confirmation de la décision du bâtonnier, après avoir souligné la difficulté pour un particulier d'obtenir la libération d'un appartement occupé sans droit ni titre.



Elle a fait état d'un décompte très précis des diligences menées et du grand nombre de courriers échangés avec M. [Y] [D]. Elle a fait valoir que la prescription ne commençait pas lorsque le jugement était rendu, mais après en avoir obtenu l'exécution.



'''



Les parties comparantes ayant été entendues, l'affaire a été mise en délibéré pour prononcé de la décision par mise à disposition au greffe, dès le 30 mars 2023.






SUR CE



La présente ordonnance sera rendue contradictoirement entre les parties.



En matière de contestation d'honoraires d'avocats, l'article 53, 6° de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques a renvoyé au pouvoir exécutif le soin de prévoir la procédure applicable, dans le respect de l'indépendance de l'avocat, de l'autonomie des conseils de l'ordre et du caractère libéral de la profession, au moyen de décrets en Conseil d'Etat.



Cette procédure est actuellement régie par le décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, dont la section V est intitulée 'Contestations en matière d'honoraires et débours'.



En cette matière, regroupées dans la section V dudit décret, les dispositions des articles 174 à 179 doivent dès lors recevoir application, alors qu'elles sont d'ordre public et instituent une procédure obligatoire et exclusive (cf. Cass. 2ème Civ., 1er juin 2011, pourvoi n° 10-16.381, Bull. n 124 ; 2 Civ. , 13 septembre 2012, P. pourvoi n° 10-21.144).



Dans ce cadre, il appartient au bâtonnier de l'ordre des avocats et, en appel, au premier président, à qui une contestation d'honoraires est soumise d'apprécier, d'après les conventions des parties et les circonstances de la cause, le montant de l'honoraire dû à l'avocat.



Toutefois, pour faire échec à l'action de l'avocat pour le paiement de ses honoraires, le client peut invoquer la prescription prévue par l'article L.218-2 du code de la consommation qui énonce que 'L'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.'



Le délai de prescription biennal court à compter de la date à laquelle le mandat confié à l'avocat a pris fin.



'''



Il n'est pas discuté ni discutable que le recours interjeté par M. [Y] [D] est recevable, pour avoir été formé dans le délai requis, soit d'un mois, conformément aux prévisions de l'article 176 du décret du 27 novembre 1991 précité.



'''



Au cas présent, l'appelant a soulevé devant le bâtonnier de l'ordre des avocats l'exception d'irrecevabilité de la demande de fixation d'honoraires de l'avocat.



Cependant, le délégataire du bâtonnier a écarté dans sa décision ce moyen en retenant que:

'Constate qu'il existe une convention d'honoraires.

Constate qu'il est produit une feuille de diligences et de temps passés qui n'ont jamais été contestés.

Constate, contrairement à ce que soutient Monsieur [D] que la mission de la SCP AKAR ne s'est pas achevée le 28 décembre 2017, mais s'est poursuivie pendant l'année 2018 et l'année 2019, ainsi qu'en témoignent les échanges de correspondances et les actions menées par la SCP AKAR auprès des huissiers ( pièces 28 à 34 ).

Considère donc que le motif tiré de la prescription est dénué de pertinence, et qu'il y a éléments suffisants pour apprécier et fixer les honoraires dus à la SCP AKAR par Monsieur [D] à la somme de 9012,50 € HT, outre 251,40 € de débours justifiés.'.



A hauteur d'appel, M. [Y] [D] a maintenu sa demande de ce chef.



L'applicabilité des dispositions prévues par l'article L.218-2 du code de la consommation n'a pas été contestée dans son principe, mais les parties s'opposent sur la date de la fin de mission confiée à l'avocat en tant qu'il s'agit du point de départ de la prescription.



Il est constant et non contesté qu'aux termes de la convention d'honoraires conclue entre les parties et signée par celles-ci en date du 31 septembre 2015, la mission confiée par M. [Y] [D] à la SCP Paul Akar est ainsi définie :

'Il est convenu que le client ou la cliente confie à la S.C.P. une mission d'assistance, de représentation et plus généralement de réalisation de toutes les diligences, démarches utiles ou actions appropriées, tant en France que le cas échéant à l'étranger, à raison :

- Requête afin de constat pour savoir qui occupe les locaux sis à [Localité 5] (94).

- Assignation en référé expulsion ou tout autre procédure visant à la libération effective des lieux indûment occupés.'.



Il est encore constant que dans le cadre de l'exécution de cette mission a notamment été obtenu un jugement prononcé le 22 novembre 2016 par le tribunal d'instance d'Ivry-sur-Seine lequel a:

' prononcé la résiliation du bail consenti à Madame [K] [T] à compter de ce jour.

' autorisé Monsieur [Y] [D], à défaut de libération volontaire des lieux, à procéder, à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la délivrance d'un commandement d'avoir à quitter les lieux, à l'expulsion de Madame [K] [T] des lieux qu'elle occupe, tant de sa personne que de ses biens ainsi que celle de tous occupants de son chef, avec assistance de la Force Publique si besoin est.

' dit que les meubles trouvés dans les lieux seront traités conformément aux dispositions des articles 433-1 et suivants du code des Procédures Civiles d'Exécution.

' condamné Madame [K] [T] à payer à Monsieur [Y] [D] une somme de 13.128 euros à titre de loyers et charges impayés du le novembre 2014 au 31 octobre 2016 (loyer d'octobre 2016 inclus) avec intérêts au taux légal à compter de ce jour.

' condamné Madame [K] [T] à payer à Monsieur [Y] [D] une indemnité mensuelle d'occupation des lieux d'un montant de 550 euros (sans indexation possible et charges comprises) à partir du 1e novembre 2016 et jusqu'à parfaite libération des locaux.

' rejeté les prétentions plus amples ou contraires.

' dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement.

' condamné Madame [K] [T] aux dépens qui comprendront les frais le l'assignation délivrée le 21 septembre 2015 s'élevant à 66,49 euros et de sa notification au préfet le 23 décembre 2015 mais à l'exclusion des frais du procès verbal de constat du 21 août 2015 lesquels resteront à la charge de Monsieur [D].'.



Il n'est pas contesté que ledit jugement a été signifié le 12 décembre 2016 et qu'il n'en a pas été relevé appel.



Enfin, il apparaît qu'en vertu de ce titre et suivant procès-verbal dressé par un huissier (commissaire) de justice en date du 19 avril 2018, il a été procédé à l'expulsion de Mme [K] [T].



Pour s'opposer à la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par M. [Y] [D], la SCP Paul Akar fait tot d'abord valoir qu'en fait la mission ne s'est terminée que le jour où la SCP lui a adressé son compte récapitulatif de diligences, c'est-à-dire au plus tôt le 31 décembre 2017.



Toutefois, il est constant que le point de départ du délai de prescription biennale de l'action en fixation des honoraires d'avocat se situe au jour de la fin du mandat et non à celui, indifférent, de l'établissement de la facture (cf. Cass. 2ème Civ pourvoi n ° 17-20.508).



Mais, la SCP Paul Akar soutient encore qu'il a existé une continuité d'échanges avec son client en faisant état, en particulier, de courriels des 28 mai 2018, 19 octobre 2018, 2 janvier 2019, 21 janvier 2019, ce dernier mentionnant que M. [Y] [D] a avancé dans sa réflexion sur ses honoraires, ce qui selon elle interrompt bien le cours de l'éventuelle prescription.



Toutefois, si l'examen des pièces ainsi invoquées permet d'en déduire l'existence d'une discussion sur les honoraires réclamés par la SCP Paul Akar à son client, contestés par celui-ci, aucune ne permet de caractériser une quelconque diligence accomplie par l'avocat dans le cadre de sa mission, qui ne s'est en réalité, au vu des pièces produites, pas poursuivie au-delà de la libération effective des lieux grâce à la mise à exécution du jugement d'expulsion obtenu, soit le 19 avril 2018.



La date de la fin de mission doit donc être fixée au 19 avril 2018.



C'est dès lors tardivement que le 16 septembre 2020, la SCP Paul Akar a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats, soit plus de deux ans après que son mandat ait pris fin.



Par voie de conséquence, il sera fait droit à la fin de non-recevoir soulevée par l'appelant et la décision du délégataire du bâtonnier sera infirmée en toutes ses dispositions.



Statuant à nouveau, cette juridiction déclarera l'action de la SCP Paul Akar irrecevable comme prescrite.



Les dépens d'appel seront mis à la charge de la SCP Paul Akar, partie perdante.



Il n'apparaît pas justifié, en équité, de faire droit à la demande de M. [Y] [D] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.









'''







PAR CES MOTIFS



Statuant publiquement en dernier ressort, par ordonnance contradictoire prononcée par mise à disposition au greffe,



Infirme la décision déférée en toutes ses dispositions ;



statuant à nouveau



Déclare irrecevable comme prescrite l'action en fixation d'honoraires introduite tardivement par la SCP Paul Akar ;



Condamne la SCP Paul Akar aux dépens d'appel ;



Dit qu'en application de l'article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l'ordonnance sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception;



Rejette toute demande plus ample ou contraires des parties.





LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE

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