27 février 2023
Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion
RG n° 21/00768

Chambre civile TGI

Texte de la décision

ARRÊT N°23/

YC



R.G : N° RG 21/00768 - N° Portalis DBWB-V-B7F-FRNA





[U]



C/



[O]

[O]

[U]























COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS



ARRÊT DU 27 FEVRIER 2023



Chambre civile TGI





Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SAINT DENIS en date du 02 FEVRIER 2021 suivant déclaration d'appel en date du 04 MAI 2021 RG n° 19/02296





APPELANT :



Monsieur [W] [I] [N] [U]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentant : Me Caroline BOBTCHEFF de la SELARL CAROLINE BOBTCHEFF, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION





INTIMÉS :



Monsieur [Y] [O]

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentant : Me Hélène ANDRIOT, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION



Monsieur [L] [O]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentant : Me Hélène ANDRIOT, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION



Madame [R] [U]

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentant : Me Hélène ANDRIOT, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION





DATE DE CLÔTURE : 28/04/2022





DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 novembre 2022 devant Monsieur CATTIN Yann, Président de chambre à la chambre d'appel de Mamoudzou délégué à la cour d'appel de Saint-Denis par ordonnance de Monsieur le Premier Président, assisté de Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, les parties ne s'y étant pas opposées.



Ce magistrat a indiqué, à l'issue des débats, que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 27 février 2023.





Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :





Président : Monsieur Yann CATTIN, Président de chambre

Conseiller : Madame Nathalie COURTOIS, Présidente de chambre

Conseiller : Madame Nathalie BRUN, Conseillère



Qui en ont délibéré



Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 27 février 2023.





* * *



LA COUR



Faits et procédure



Mme [J] [P], née à [Localité 10], le 9 septembre 1956, est décédée à [Localité 12] le 26 mars 2007, laissant pour recueillir sa succession:

- Son conjoint survivant, M. [W] [U], avec lequel elle était mariée sous le régime de communauté réduite aux acquêts, à défaut de contrat de mariage, préalable à leur union célébrée à la mairie de [Localité 11] le 31 mars 1990,

- Et ses trois enfants :


M. [Y] [D] [X] [O],

M. [L] [T] [O], tous deux issus de sa relation avec M. [V] [O], de qui elle s'était séparée en janvier 1988,

Madame [R] [S] [B] [J] [U] issue de son union avec M. [W] [U],


ainsi qu'il résulte de l'acte de notoriété dressé après son décès par M. [M], notaire associé à [Localité 12], le 16 janvier 2008.



En application de l'article 757 du code civil, les droits du conjoint survivant sont d'un quart en pleine propriété dans la succession de son épouse prédécédée.



Il dépend de la communauté ayant existé entre [J] [P] et M. [U] divers biens mobiliers dont des parts de société sud africaine, donnant droit à une villa à [Localité 9] (Afrique du Sud).



MM. [Y] [O], [L] [O] et Mme [R] [U] se sont rapprochés de leur beau-père et père en vue d'un partage de la succession de leur mère. Les échanges et réunions n'ont pas abouti.

Un procès-verbal de difficultés a été dressé par M. [A], notaire à [Localité 13], le 24 mai 2019, constatant le désaccord des parties.



Par acte d'huissier en date du 25 juin 2019, MM. [Y] [O], [L] [O] et Mme [R] [U] ont assigné M. [W] [U], et ont demandé au tribunal de :

- Constater que M. [W] [U] s'est opposé à toute solution de liquidation de succession,

- Déclarer leur demande recevable et bien fondée,

- Dire et juger que MM. [Y] [O], [L] [O] et Mme [R] [U] ne sont pas tenus de rester dans l'indivision,



En conséquence,

Prononcer la liquidation et le partage de la succession,

- Attribuer à :


M. [Y] [O] la de 40 985,65 euros,

M. [L] [O] la part de 40 985,65 euros,

Mme [R] [U] la part de 40 985,65 euros,

M. [W] [U] la somme 40 985,65 euros.




Par jugement du 2 février 2021, le tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion a :



- Dit que la demande de [Y] [O], [L] [O] et [R] [U] est bien fondée et recevable,

- Ordonné les opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de Mme [J] [P] épouse [U] ;

- Désigné M. le président de la chambre des notaires de La Réunion ou son délégataire, pour y procéder et dit qu'il pourra remplacer le notaire qu'il aura délégué en cas d'empêchement ou de récusation dûment justifiée de celui-ci par l'une des parties ;

- Dit que la délégation ainsi faite s'imposera aux parties, sauf motif dirimant dûment justifié qui sera soumis à l'appréciation de M. le président de la chambre ;

- Dit qu'il appartiendra à la partie la plus diligente de saisir la chambre des notaires de La Réunion dans le délai de trois mois suivant la signification du présent jugement ;

- Dit que chaque partie devra verser une provision de 750 euros soit 3 000 euros au total, à la comptabilité du notaire délégué, dans le délai d'un mois suivant l'invitation que ce dernier leur adressera ; et que ladite somme fera l'objet d°un rétablissement aux termes du partage à intervenir ;

- Dit que le notaire devra procéder, dans le délai d'une année à compter de sa désignation, sur la base de la présente décision et des documents régulièrement produits par les parties, à une proposition de liquidation de la communauté ayant existé entre les époux [P] / [U] et de la succession de Mme [J] [U], avec actualisation des valeurs des éléments composant la masse à partager, et ce, afin de déterminer les quote parts revenant à [W] [U], [Y] [O], [L] [O] et [R] [U] ;

- Dit que le suivi de cette affaire est assuré par le juge commissaire (1ère chambre civile) du tribunal de céans qui tranchera de toute difficulté ;

- Dit qu'une récompense d'un montant de 91 072,87 euros est due par la communauté [P] / [U] à M. [W] [U] ;

- Débouté M. [U] de sa demande de constat de la renonciation tacite de [L] [O], [Y] [O] et [R] [U] à la succession de leur mére, Madame [J] [P] [U] ;

- Débouté M. [U] de sa demande de compensation des sommes versées par lui au titre des obligations naturelles à de [L] [O], [Y] [O] et [R] [U] sur les sommes revenant à ces derniers dans la succession de leur mére, Mme [J] [P] épouse [U] ;

- Dit que [Y] [O], [L] [O] et [R] [U] ne sont pas encore remplis de leurs droits dans la succession de leur mère, Mme [J] [P];

- Dit qu'il y a lieu de retenir une valeur de 3 500 euros relativement au véhicule Citroen type C3 dépendant de la communauté [P] / [U], et la valeur de 0 euro pour le véhicule Toyota ;

- Dit qu'il y a lieu de retenir la somme de 191 471 euros au titre de la valeur des parts sociales sud africaine donnant la jouissance à un bien immobilier sis en Afrique du Sud à [Localité 9], bien dépendant de la communauté [P] / [U] ;

- Dit qu'il n'y a pas lieu à répétition de l'indû relativement aux sommes remises par M. [W] [U] à [Y] [O], [L] [O] et [R] [U];

- Débouté les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires ;

- Ordonné l'exécution provisoire ;

- Dit n'y avoir lieu a faire application de l'article 700 du code de procédure civile;

- Ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage, qui seront supportés par les co-partageants à proportion de leurs droits dans le partage.



Par déclaration du 4 mai 2021, M. [U] a relevé appel limité de cette décision.





Prétentions des parties



Par conclusions déposées au RPVA le 14 avril 2022 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [U] demande à la cour, infirmant le jugement partiellement, de :



- Débouter les consorts [U] / [O] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

- Juger qu'en vertu de l'accord intervenu entre les parties au décès de feue Mme [P], épouse [U], les consorts [O] / [U] sont mal fondés à solliciter l'attribution des sommes leur revenant au titre du partage de la succession de leur défunte mère alors que ces derniers ont d'ores et déjà bénéficié de la part leur revenant, durant l'indivision successorale, par le biais des versements opérés par M. [U] en leur faveur pour un montant total de 105 595, 22 euros,



A titre subsidiaire,

- Juger que les versements opérés par M. [W] [U] sont dépourvus de cause,

- Juger que les consorts [O] / [U] devront restituer les sommes perçues sur le fondement de la restitution de l'indu,

- Juger qu'il s'est opéré une compensation entre les sommes dont les cohéritiers ont pu bénéficier durant l'indivision successorale et le sommes leurs revenants au titre du partage successoral,



En tout état de cause,

- Confirmer le jugement entrepris pour le surplus,

- Juger que les cohéritiers ont d'ores et déjà été remplis de l'intégralité de leurs droits successoraux,

- Juger qu'il a mis sur un compte (livret banque postale) au nom de [R] [U], bloqué jusqu'à sa majorité une somme de 2 000 euros qui devra être déduite de toute éventuelle somme à lui payer,

- Débouter les consorts [U] / [O] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

- Condamner les demandeurs à verser à M. [U] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.



Par conclusions déposées au RPVA le 1er mars 2022 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, MM. [Y] [O] et [L] [O] et Mme [R] [U] demandent à la cour de :

- Confirmer intégralement le jugement déféré,

- Débouter M. [U] de toutes ses demandes fins et prétentions,

- Condamner M. [U] à leur payer la somme de 3 000 euros, outre les dépens.






Motifs



- Sur la demande de constat de renonciation tacite



L'appelant expose que si la renonciation à une succession ne se présume pas, la preuve par écrit n'est pas exigée dès lors qu'il existait, en raison des liens affectifs ou familiaux qui unissaient les parties, une impossibilité morale de se procurer une telle preuve et, qu'en l'espèce, au moment de la rédaction de l'acte de notoriété et de la déclaration de succession, MM. [Y] et [L] [O], majeurs, avaient fait savoir qu'ils n'entendaient pas réclamer quelque somme que ce soit dans la mesure où il s'était toujours et continuait à s'occuper d'eux, et il se prévaut d'une attestation de Mme L. S.

Il ajoute que le fait qu'aucune des parties présentes lors de la signature de l'acte de notoriété et de la déclaration de succession n'ait sollicité le partage pendant plus de dix ans démontre en soi que [Y] et [L] n'entendaient pas réclamer les sommes indiquées lors de la déclaration de succession.



Sur ce,



MM. [Y] et [L] [O] et Mme [R] [U] sont héritiers de leur mère [J] [P], épouse [U].



Selon l'article 804 du code civil, la renonciation à une succession ne se présume pas, elle ne peut en conséquence, être tacite.



En l'espèce, il n'existe pas de renonciation à la succession par MM. [L] [O], [Y] [O] et Mme [R] [U] à la succession de leur mère [J] [P]. Aucun élément ne permet de constater l'existence d'une renonciation et les seules affirmations de l'appelant et l'attestation de Mme L. S., compagne de l'appelant, sont inopérantes à établir l'existence d'une telle renonciation.



Le jugement ayant débouté l'appelant à ce titre sera confirmé.





- Sur le partage de la succession



M. [W] [U] demande, à titre principal, à la cour de juger que les consorts [O] [U] sont mal fondés à solliciter l'attribution des sommes leur revenant au titre du partage de la succession de leur défunte mère.



Sur ce,



Le jugement, en son dispositif non contesté, a ordonné les opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [J] [P] et a désigné le président de la chambre des notaires pour y procéder, le premier juge ayant constaté que les parties se trouvent dans la phase d'un partage judiciaire. Il en résulte que la demande de M. [W] [U] à ce titre, est sans objet.





- Sur la demande subsidiaire de répétition de l'indû



M. [W] [U] excipant de sa qualité de beau-père au sens de parâtre soutient qu'il n'était pas tenu d'une obligation alimentaire à l'égard des fils de [J] [P], et se prévalant de l'autonomie financière de sa fille [R] à compter d'octobre 2014, il affirme que son obligation d'entretien avait cessé. Il précise que la cause des versements qu'il fixe, dans les développements de ses conclusions à la somme de 105 595,22 euros, trouve son origine dans le fait qu'il pensait que les récipiendaires renonçaient à solliciter le partage successoral.



Sur ce,



L'article 1235 devenu 1302 du code civil prévoit que 'Tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution.

La restitution n'est pas admise à l'égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées'.



Il y a obligation naturelle lorsqu'une personne s'oblige envers une autre ou lui verse une somme d'argent, non sous l'impulsion d'une intention libérale, mais afin de remplir un devoir de conscience et d'honneur.



En l'espèce, outre les liens familiaux, directs et indirects, avec sa fille et les fils de [J] [P], l'appelant explique qu'il a veillé à ce que ceux-ci ne manquent de rien, dont il s'en déduit qu'il remplissait son devoir de conscience et l'hypothèse selon laquelle il escomptait une renonciation future à la succession de leur part étant inopérante pour fonder la demande de répétition des sommes versées.



Le jugement ayant débouté M. [W] [U] de ce chef sera encore confirmé.



En l'état de la confirmation du jugement en ses chefs critiqués, l'appelant sera débouté de sa demande de juger que les cohéritiers ont été remplis de l'intégralité de leurs droits ainsi que de celle, nouvelle en cause d'appel et dénuée de moyens, de demande de déduction d'une somme sur un livret au nom de [R] [U].





PAR CES MOTIFS





La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile, par mise à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile ;





Confirme le jugement en toutes ses dispositions critiqués,



Y ajoutant,



Par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [W] [U] à payer à M. [Y] [O], M. [L] [O] et Mme [R] [U], ensemble, la somme de 2 000 euros,



Rejette toutes demandes plus amples ou contraires,



Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens.





Le présent arrêt a été signé par Monsieur Yann CATTIN, Président de chambre, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

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