28 février 2023
Cour d'appel de Rouen
RG n° 22/00275

1ère ch. civile

Texte de la décision

N° RG 22/00275 - N° Portalis DBV2-V-B7G-I7RY





COUR D'APPEL DE ROUEN



1ERE CHAMBRE CIVILE



ORDONNANCE DU 28 FEVRIER 2023











DÉCISION DÉFÉRÉE :



20/03028

Tribunal judiciaire d'Evreux du 21 décembre 2021





DEMANDEUR A L'INCIDENT :



Maître [O] [Y]

membre de la Scp Elsa BOUGEARD - [O] [Y]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représenté et assistée par Me Laurent SPAGNOL de la SCP SPAGNOL DESLANDES MELO, avocat au barreau de l'Eure







DEFENDEUR A L'INCIDENT :



Madame [X] [Z]

[Adresse 3]

[Adresse 3]



représentée et assistée par Me Henri BONTE de la SELARL HBH AVOCATS, avocat au barreau de Rouen



* * * * *





Mme Edwige Wittrant, présidente de la mise en état à la 1ère chambre civile, assistée de Mme Catherine Chevalier, greffier,





Après avoir entendu les parties en leurs observations lors de l'audience publique du 17 janvier 2023, l'affaire a été mise en délibéré, pour décision rendue ce jour, signée par Mme Wittrant, présidente et Mme Develet, greffier présent lors de la mise à disposition.





* * * * *



* * *









Mme [F] [Z], conjoint survivant, et Mme [X] [Z], unique héritière, ont confié à Me [O] [Y], notaire, le règlement de la succession de M. [E] [Z], décédé le [Date décès 2] 2015. Les déclarations de succession établies par la professionnelle saisie ont été déposées auprès de l'administration fiscale les 1er et 7 avril 2016.



Le 9 décembre 2019, ces déclarations de succession ont fait l'objet de propositions de rectification par l'administration en raison de l'omission de différents actifs. Mme [X] [Z] a versé dans le cadre de cette procédure la somme de 81 259 euros au Trésor public au titre de l'imposition due.



Par acte d'huissier du 21 octobre 2020, Mme [X] [Z] a fait assigner Me [Y] sur une action en responsabilité et indemnisation des préjudices.



Par jugement contradictoire du 21 décembre 2021, le tribunal judiciaire d'Evreux a essentiellement :

- déclaré recevable l'action formée par Mme [Z],

- déclaré Me [Y] responsable des préjudices subis par Mme [Z],

- condamné Me [Y] à lui payer la somme de 10 457 euros au titre des intérêts de retard,

- condamné Me [Y] à lui payer la somme de 46 911 euros au titre de la perte de chance de bénéficier d'une exonération fiscale,

- condamné Me [Y] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties pour le surplus,

- condamné Me [Y] aux dépens.



Par déclaration reçue au greffe le 21 janvier 2022, Me [O] [Y] a formé appel du jugement ; elle a conclu au fond dès le 20 avril 2022. L'intimée s'est constituée le 22 juin 2022 et a conclu le 16 septembre 2022.



Par conclusions sur incident notifiées le 22 septembre 2022, Me [Y] demande, au visa des articles 908, 909 et 911-1 du code de procédure civile, que soient déclarées irrecevables les conclusions d'intimées du 16 septembre 2022, la condamnation de cette dernière à lui payer la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de la Scp Spagnol Deslandes Mélo conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



Elle fait valoir que les conclusions ont été notifiées hors le délai de trois mois fixé par l'article 909 du code de procédure civile.



Par conclusions notifées le 23 septembre 2022, Mme [Z] demande, au visa des articles 908, 909 et 911, 700 du code de procédure civile, de déclarer recevable ses conclusions, de débouter Me [Y] de ses demandes, de la condamner à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.



Mme [Z] expose que son avocat n'a pas été informé de l'appel formé ; qu'étant persuadée que son avocat l'était, elle a omis de lui faire part de la signification reçue par huissier de justice le 21 avril 2022 ; qu'elle s'est constituée intimée le 22 juin et a reçu les conclusions par le RPVA le 23 juin 2022 ; que le greffe lui a confirmé qu'elle disposait jusqu'au 23 septembre 2022 pour conclure, ce que son conseil a fait sept jours avant l'expiration du délai indiqué.







Le 9 février 2023, les parties ont été invitées à former leurs observations sur les dispositions de l'article 910-3 du code de procédure civile.



Par note en délibéré reçue le 21 février 2023, le conseil de Mme [Z] se réfère aux termes de la circulaire du 4 août 2017 relative à la présentation des dispositions du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d'incompétence et à l'appel en matière civile modifié par le décret n° 2017-1227 du 2 août 2017 qui vise l'article 910-3 susvisé comme le moyen 'd'atténuer la rigueur des délais impératifs et de leur sanction', 'une soupape en cas de circonstances exceptionnelles empêchant le respect des délais impératifs pour conclure et vise ainsi à écarter le risque d'une application disproprotionnée de la sanction'. Il invoque donc la force majeure pour expliquer en l'espèce le non-respect des délais en raison de l'erreur commise par le greffe.



Par note en délibéré du 16 février 2023, le conseil de Me [Y] rappelle les différentes informations délivrées à l'intimée : lettre simple par le greffe lors de la déclaration d'appel, signification par acte d'huissier le 25 mars 2022 sans aviser son conseil démontrant la négligence de Mme [Z].






MOTIFS



L'article 909 du code de procédure civile précise que l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.



L'article 910-3 du code de procédure civile dispose qu'en cas de force majeure, le président de la chambre ou le conseiller de la mise en état peut écarter l'application des sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 911.



Selon l'article 911 du même code, sous les sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 910, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour. Sous les mêmes sanctions, elles sont signifiées au plus tard dans le mois suivant l'expiration des délais prévus à ces articles aux parties qui n'ont pas constitué avocat ; cependant, si, entre-temps, celles-ci ont constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à leur avocat.



La notification de conclusions au sens de l'article 910-1 faite à une partie dans le délai prévu aux articles 905-2 et 908 à 910 ainsi qu'à l'alinéa premier du présent article constitue le point de départ du délai dont cette partie dispose pour remettre ses conclusions au greffe.



Par acte du 25 mars 2022 remis en l'étude de l'huissier instrumentaire, Me [Y] a fait signifier à Mme [Z] la déclaration d'appel reçue au greffe le 21 janvier 2022.



Ses conclusions remises au greffe le 20 avril 2022 ont été signifiées à Mme [Z] le 21 avril 2022, de nouveau en l'étude de l'huissier instrumentaire,



Le conseil de Mme [Z] s'est constitué le 22 juin 2022. Me [Y] a notifié ses conclusions'n°1' dans le réseau privé virtuel des avocats le 23 juin 2022.



Par courriels du 30 juin 2022, le greffe de la chambre a confirmé, à deux reprises au conseil de Mme [Z], que le délai pour notifier les conclusions d'intimée prenait fin le 23 septembre 2022, en omettant de tenir compte de la signification des mêmes conclusions le 20 avril 2022. Il a manifestement été induit en erreur par l'intitulé des conclusions de l'appelante notifiées avec une numérotation 1 le 22 juin 2022 et le message automatique délivré par l'applicatif informatique.



L'intimée n'a notifié des conclusions par voie électronique que le 16 septembre 2022.



Le délai de trois mois dont dispose l'intimée pour conclure court à compter de la signification qui lui a été faite avant constitution par la voie de l'acte extrajudiciaire soit à compter du 21 avril 2022 . Les conclusions remises au greffe le 16 septembre 2022 sont manifestement irrecevables.



Pour écarter la sanction encourue, l'intimée ne peut que démontrer l'existence d'un cas de force majeure, irrésistible et imprévisible, ayant fait obstacle au respect des délais.



En l'espèce, le conseil de Mme [Z] ne se prévaut que de l'erreur du greffe qui ne présente pas ces caractéristiques.



En effet, dès le 25 mars 2022, Mme [Z] était avisée du recours formé contre le jugement prononcé le 21 décembre 2021 par mention incluse dans l'acte extrajudiciaire, rappelant expressément, dans un encart matérialisé, que 'faute pour lui de constituer avocat inscrit dans le ressort de ladite Cour d'Appel dans un délai de quinze jours ...à compter du présent acte, il s'expose à ce qu'un arrêt soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son advsersaire et que, faute de conclure dans le délai mentionné à l'article 909 du code de procédure civile, il s'expose à ce que ses écritures soient déclarées d'office irrecevables'.



Elle a reçu ensuite la signification des conclusions le 21 avril 2022. Son conseil ne s'est constitué que deux mois plus tard le 22 juin 2022.



Si le greffier a commis une erreur dans la computation des délais, il n'en reste pas moins qu'il est le collaborateur du juge et non des parties ; qu'en toutes hypothèses, son analyse ne dispense pas le professionnel du droit qu'est l'avocat de procéder à la vérification de la procédure dont il supporte la responsabilité dans l'intérêt de son mandant à charge pour lui d'obtenir les informations utiles, notamment auprès de celui-ci.



Devant être en possession des deux significations délivrées à Mme [Z], soit directement par la remise des pièces par sa cliente, soit par la demande formée auprès du conseil de l'appelante, l'avocat de celle-ci ne s'est pas heurté à un cas de force majeure constituant un obstacle au respect des délais de procédure.



L'erreur du greffier, auteur du message, ne présentait aucunement un caractère irrésistible et imprévisible.



En conséquence, les conclusions notifiées tardivement pour Mme [Z] sont irrecevables.



Mme [Z] qui succombe à l'incident en supportera les dépens.



L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS,



statuant par ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe,





Déclare irrecevable les conclusions notifiées le 16 septembre 2022 pour Mme [X] [Z],



Déboute Me [O] [Y] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne Mme [X] [Z] aux dépens de l'incident.









Le greffier, La présidente de chambre,

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