23 février 2023
Cour d'appel de Chambéry
RG n° 22/00763

2ème Chambre

Texte de la décision

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY







2ème Chambre



Arrêt du Jeudi 23 Février 2023





N° RG 22/00763 - N° Portalis DBVY-V-B7G-G7GB



Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge de l'exécution d'ALBERTVILLE en date du 12 Avril 2022, RG 21/00782



Appelant



M. [M] [V]

né le [Date naissance 1] 1959 à[Localité 6]), demeurant [Adresse 4]



Représenté par Me Davy COUREAU, avocat au barreau d'ALBERTVILLE



Intimée



S.A.S. MCS ET ASSOCIES, dont le siège social est sis [Adresse 2] prise en la personne de son représentant légal



Représentée par Me Christian ASSIER de l'AARPI ASSIER & SALAUN, avocat au barreau d'ALBERTVILLE



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COMPOSITION DE LA COUR :



Lors de l'audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, le 13 décembre 2022 par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller, avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,



Et lors du délibéré, par :



- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, qui a rendu compte des plaidoiries



- Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,



- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,




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EXPOSÉ DU LITIGE



Par jugement rendu le 11 janvier 2010, le tribunal d'instance d'Annecy a condamné solidairement M. [M] [V] et la société Valbonnaise de transactions à payer à la société Financo la somme de 38.505,00 euros, au titre du solde impayé d'un crédit, outre 27.877,42 euros au titre des intérêts au taux conventionnel de 19,60 % à compter du 6 avril 2009.



Par acte du 11 septembre 2014, la société Financo a fait procéder à une saisie-attribution des comptes bancaires de M. [V] détenus auprès du Crédit Lyonnais pour paiement de la somme de 29.664,61 euros. Cet acte a été dénoncé à M. [V] le 16 septembre 2014.



Par acte du 9 juillet 2015, la société Financo a fait procéder à une deuxième saisie-attribution des comptes bancaires de M. [V] au Crédit Lyonnais pour paiement de la somme de 29.957,68 euros, dénoncée au débiteur le 13 juillet 2015.



Le 6 décembre 2017, la société Financo a cédé à la société DSO Capital diverses créances, dont une créance n°00307511 «STE VALBONNAISE DE TRANSACTIO». La société DSO Capital a fait l'objet d'une fusion par voie d'absorption par la société MCS et associés le 31 décembre 2019.



Par acte du 6 juillet 2021, la société MCS et associés, venant aux droits de la société DSO Capital, a fait procéder à une saisie-attribution des comptes bancaires de M. [V] détenus auprès du Crédit Lyonnais pour paiement de la somme de 40.099,80 euros.



Par acte du 8 juillet 2021, la société MCS et associés, venant aux droits de la société DSO Capital, a fait signifier à M. [V] la cession de créance du 6 décembre 2017 et la saisie-attribution du 6 juillet 2021.



C'est dans ces conditions que, par acte délivré le 2 août 2021, M. [V] a fait assigner la société MCS et associés devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Albertville pour obtenir la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 6 juillet 2021, et la condamnation de la société MCS et associés à lui payer 1.500 euros à titre de dommages et intérêts et 15.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



Par jugement contradictoire rendu le 12 avril 2022, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Albertville a :




déclaré M. [V] recevable en la forme dans sa contestation,

dit que la société MCS et associés a qualité à agir dans la présente procédure,

dit que l'acte de cession de créance en date du 6 décembre 2017 est opposable à M. [V],

dit que la signification du jugement du 11 janvier 2010 survenue le 25 février 2010 est régulière en la forme,

dit que l'action n'est pas prescrite,

débouté M. [V] de sa demande de mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 6 juillet 2021 sur ses comptes bancaires détenus auprès du Crédit Lyonnais,

rejeté la demande de dommages et intérêts formée part M. [V],

condamné M. [V] à verser à la société MCS et associés la somme de 700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné M. [V] aux dépens.




Par déclaration du 28 avril 2022, M. [V] a interjeté appel de ce jugement.



Par conclusions notifiées le 18 juin 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [M] [V] demande en dernier lieu à la cour de:



Vu les dispositions des articles L. 111-4, L. 121-2, L. 121-4, R. 121-6, R. 211-1 et R. 211-3 du code des procédures civiles d'exécution, 478, 503 et 659 du code de procédure civile et 1690 du code civil,




dire recevable et bien fondé l'appel interjeté par M. [V] à l'encontre du jugement du juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Albertville rendu le 12 avril 2022,

réformer le jugement querellé en ce qu'il a dit que l'acte de cession de créance en date du 6 décembre 2017 était opposable à M. [V]; dit que la signification du jugement du 11 janvier 2010 survenue le 25 février 2010 était régulière en la forme; dit que l'action n'était pas prescrite; débouté M. [V] de sa demande de main levée de la saisie-attribution pratiquée le 6 juillet sur ses comptes bancaires détenus auprès du crédit Lyonnais; rejeté la demande de dommages et intérêts formée par M. [V]; condamné M. [V] à verser à la société MCS et associés la somme de 700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamné M. [V] aux dépens,




Et, statuant à nouveau,


déclarer les demandes de M. [V] recevables et bien fondées, et en conséquence,

ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 6 juillet 2021 dans les livres du Crédit Lyonnais sur les comptes ouverts par M. [V],

constater que la mesure d'exécution forcée en l'espèce est abusive,

condamner la société MCS et associés à payer à M. [V] la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts,

condamner la société MCS et associés à verser à M. [V] la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la société MCS et associés aux dépens de première instance et d'appel, et dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Me Davy Coureau pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu de provision.




La société MCS et associés a constitué avocat devant la cour mais n'a pas conclu.



L'affaire a été clôturée à la date du 14 novembre 2022 et renvoyée à l'audience du 13 décembre 2022, à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré à la date du 23 février 2023.




MOTIFS ET DÉCISION



Conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile, la société MCS et associés, qui n'a pas conclu, est réputée demander la confirmation du jugement déféré et s'en approprier les moyens.



Sur la nullité de la dénonciation de la saisie-attribution



En application de l'article R. 211-3 du code des procédures civiles d'exécution, à peine de caducité, la saisie est dénoncée au débiteur dans un délai de huit jours. Cet acte contient à peine de nullité une copie du procès-verbal de saisie.



M. [V] réitère en appel le moyen tiré de la nullité de la dénonciation de la saisie-attribution qui lui a été signifiée le 8 juillet 2021, au motif que la copie du procès-verbal de saisie-attribution ne lui aurait pas été remise avec l'acte, puisque l'acte fait mention de neuf pages parmi lesquelles le procès-verbal de saisie-attribution ne figurerait pas.



Toutefois, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte expressément que le premier juge a retenu que, l'huissier ayant mentionné sur son acte «je vous dénonce et vous laisse copie: d'un procès-verbal contenant saisie-attribution, par acte de mon ministère en date du 06/07/2021, entre les mains de: Crédit Lyonnais (...)», cette mention fait foi jusqu'à inscription de faux, de sorte que la contestation de M. [V] n'est pas fondée.



Aussi, c'est en vain que M. [V] fait grief au jugement d'avoir statué ainsi, dès lors que les mentions de l'acte établi par un officier public et ministériel concernant les diligences que celui-ci a lui-même accomplies ne peuvent être combattues que par l'inscription de faux.



En application de l'article R. 211-3 du code des procédures civiles d'exécution, la dénonciation de la saisie au débiteur contient, à peine de nullité, en caractères apparents, l'indication que les contestations doivent être soulevées, à peine d'irrecevabilité, dans le délai d'un mois qui suit la signification de l'acte par assignation, et la date à laquelle expire ce délai ainsi que l'indication que l'assignation est dénoncée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception le même jour à l'huissier de justice ayant procédé à la saisie.



M. [V] soutient à nouveau en appel que la signification de la saisie-attribution serait nulle en ce qu'elle comporte une indication incomplète et trompeuse s'agissant des modalités de la contestation.



Toutefois, c'est encore par des motifs pertinents que la cour adopte expressément, et que l'appelant ne critique pas utilement, que le premier juge a écarté la nullité invoquée en retenant que, nonobstant la mention de l'acte laissant entendre que le recours pourrait être fait par huissier ou par avocat, alors qu'au regard du montant du litige, le recours à un avocat était obligatoire, M. [V] a régulièrement exercé son recours contre l'acte incriminé, de sorte que l'éventuelle incomplétude des mentions de l'acte ne lui a pas fait grief.



Il sera en effet ajouté que, conformément aux dispositions de l'article 114 du code de procédure civile, la nullité d'un acte pour vice de forme ne peut être prononcée qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.



Or l'irrégularité alléguée par l'appelant, qui ne peut constituer qu'un vice de forme, ne lui a manifestement pas fait grief puisqu'il a valablement saisi le juge de l'exécution de sa contestation de la saisie-attribution.



Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de la nullité de l'acte de dénonciation de la saisie-attribution.



Sur l'inopposabilité de la cession de créance



En application de l'article 1690 du code civil, le cessionnaire n'est saisi à l'égard des tiers que par la signification du transport faite au débiteur.



La signification de la cession, qui peut valablement résulter d'un acte de signification, d'une assignation ou de conclusions prises par le cessionnaire, à condition que l'acte portant subrogation et cession de créance a été remis au débiteur cédé et contient l'information lui permettant d'identifier la créance.



M. [V] soutient à nouveau en appel que la cession de créance lui est inopposable, la liste qui lui a été transmise avec la convention de cession ne permettant pas de l'identifier puisque son nom n'y est pas mentionné.



Toutefois, c'est par des motifs pertinents, et non utilement critiqués par M. [V], que le premier juge a retenu que la convention de cession de créance, en date du 6 décembre 2017, qui est jointe à l'acte de signification du 8 juillet 2021, permet d'identifier le cédant, soit la société Financo, et le cessionnaire, soit la société DSO Capital, aux droits de laquelle vient désormais la société MCS et associés, suite à une fusion absorption intervenue le 31 décembre 2019.



Le premier juge a encore exactement retenu que, concernant l'identification de la créance cédée, l'annexe à la convention de cession comporte la mention «00307511/03/STE VALBONNAISE DE TRANSACTIO», et que le numéro 00307511 correspond exactement au numéro du crédit consenti par la société Financo, et signé par M. [V] et la société Valbonnaise de transactions, comme a pu le vérifier le juge de l'exécution.



C'est donc à juste titre que le jugement déféré a retenu que les informations fournies étaient suffisantes pour permettre à M. [V] d'identifier la créance cédée.



Sur le caractère exécutoire du titre invoqué



En application de l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, l'exécution des titres exécutoires mentionnées aux 1° à 3° de l'article L. 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long.



L'article 503 du code de procédure civile dispose par ailleurs que les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés, à moins que l'exécution n'en soit volontaire.



M. [V] soutient encore que le jugement dont la société MCS et associés prétend obtenir l'exécution ne lui aurait jamais été valablement signifié, l'adresse à laquelle la signification a été faite, par procès-verbal de recherches infructueuses, le 25 février 2010, n'ayant jamais été la sienne. Il soutient que les diligences de l'huissier n'ont pas été suffisantes pour tenter de le retrouver.



Toutefois, le premier juge a procédé à une analyse détaillée du procès-verbal de signification de l'huissier et des pièces produites par la société MCS et associés, et a retenu, à bon droit, que :

- les diligences accomplies étaient suffisantes, en ce que l'huissier a effectué les vérifications suivantes: «je n'ai pas pu identifier ni la boîte aux lettres, ni la porte d'entrée du débiteur et l'enquête auprès du voisinage s'est avérée infructueuse. La consultation des pages blanches par internet n'a donné aucun résultat. Les autres organismes sociaux, le service des Eaux, EDF ne se trouvant pas autorisés à divulguer des renseignements, il ne m'a pas été possible de retrouver le destinataire de l'acte»,

- l'adresse à laquelle l'acte a été signifié, soit [Adresse 3], à [Localité 5], correspond à l'adresse figurant sur les relevés de loyers adressés par la société Financo à son locataire, tant la société Valbonnaise de transaction que M. [V], lesquels sont revenus refusés ou non réclamés,

- l'adresse n'est donc pas fictive et l'acte de signification du jugement est régulier.



Il sera ajouté que M. [V] n'a jamais contesté être le signataire du contrat qui a donné lieu aux poursuites engagées par la société Financo et au jugement rendu par le tribunal d'instance d'Annecy le 11 janvier 2010, et que le fait qu'il ait disposé à l'époque d'une autre adresse que celle à laquelle il a été assigné, et à laquelle le jugement lui a été signifié, est insuffisant pour invalider ce dernier acte, alors qu'il ne justifie pas avoir communiqué à la société Financo son adresse réelle.



Postérieurement, des actes interruptifs de prescription ont été délivrés, à savoir le commandement aux fins de saisie-vente en date du 24 janvier 2014, que M. [V] a reçu en personne, outre les autres actes d'exécution déjà énumérés ci-dessus.



En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a jugé que le titre fondant les poursuites est exécutoire, définitif et non prescrit.







Sur la demande de dommages et intérêts



M. [V] forme une demande de dommages et intérêts en soutenant que la caducité, ou au moins la prescription, du titre en vertu duquel la société MCS et associés prétend pratiquer la saisie attribution est manifeste.



Toutefois, dès lors que la saisie-attribution a été valablement pratiquée, et aucune autre faute n'étant alléguée, la demande de dommages et intérêts ne peut qu'être rejetée. Le jugement déféré sera encore confirmé de ce chef.



M. [V], qui succombe en son appel, en supportera les entiers dépens.



Il sera débouté de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS



La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,



Confirme le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Albertville le 12 avril 2022 en toutes ses dispositions,



Y ajoutant,



Déboute M. [M] [V] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne M. [M] [V] aux entiers dépens de l'appel.



Ainsi prononcé publiquement le 23 février 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.



La Greffière La Présidente

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