15 décembre 2022
Cour d'appel de Paris
RG n° 20/00187

Pôle 6 - Chambre 8

Texte de la décision

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 15 DECEMBRE 2022



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00187 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBG5A



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Novembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/06668





APPELANTE



Madame [Z] [D] [F]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Tamara LOWY, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 141





INTIMÉE



SCP [E] prise en la personne de Me [Y] [E] ès qualités de mandataire ad'hoc de la SARL AYLAN ET LEILA

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représenté par Me Horia DAZI MASMI, avocat au barreau de PARIS, toque : E1303







COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, Présidente, chargée du rapport et Mme Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée.



Ces magistrat ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente, rédactrice

Madame Corinne JACQUEMIN, conseillère

Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée



Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU









ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.






EXPOSÉ DU LITIGE



Mme [Z] [F] a été engagée le 2 décembre 2013 en qualité de cuisinière par la société Aylan et Leila exploitant un fond de restaurant sous l'enseigne 'Ruby's' à [Localité 5].



La convention collective applicable à la relation de travail est celle des hôtels, cafés et restaurants.



Le 16 juillet 2014, la société a convoqué la salariée à un entretien préalable fixé au 28 juillet suivant et l'informait de sa mise à pied à titre conservatoire.



Le 31 juillet 2014, Mme [F] était licenciée pour faute grave.



Contestant le bien fondé de la mesure prise à son encontre, l'intéressée a saisi le conseil des prud'hommes de Paris le 6 août 2014.



Le 31 décembre 2015, la société Aylan et Leila a fait l'objet d'une liquidation amiable et le 25 septembre 2017, le greffe du tribunal de commerce de Paris a procédé à sa radiation définitive du registre du commerce et des sociétés.



Par ordonnance du 12 septembre 2019, le président du tribunal de commerce de Paris a désigné la SCP [E] en qualité de mandataire ad hoc de la société Aylan et Leila.



Par jugement du 4 novembre 2019, notifié aux parties par lettre du 20 décembre 2019, le conseil de prud'hommes de Paris a :

-déclaré éteinte l'instance par effet du dépassement du délai de péremption de l'article 386 du code de procédure civile,

-condamné Mme [F] aux entiers dépens.



Par déclaration du 2 janvier 2020, Mme [F] a interjeté appel de ce jugement.



Par ordonnance du 29 septembre 2020, il a été procédé à la jonction des procédures n°20/00187 et n°20/00495.



Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 8 juin 2022, l'appelante demande à la cour :

-d'infirmer la décision du conseil de prud'hommes de Paris du 4 novembre 2019, en ce qu'elle a considéré que l'instance de Mme [F] était éteinte du fait du dépassement du délai de péremption,

-de dire et juger Mme [F] recevable et bien fondée en ses demandes,

par conséquent,

-de fixer au passif de la société Aylan et Leila les sommes suivantes :

-12 349 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,

-1 234 euros à titre de congés-payés afférents,

-1 698 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut d'information relatif au repos compensateur,

-23 268 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

-5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat,

-3 876 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

-987 euros à titre de congés-payés afférents,

-46 536 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,

à titre subsidiaire,

- de condamner la société Aylan ET Leila à payer ces mêmes sommes,

- d'ordonner la délivrance des bulletins de salaires, du certificat de travail, et de l'attestation pôle emploi conformes, et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document, la Cour se réservant la liquidation de l'astreinte,

- de condamner la société Aylan et Leila à régler les intérêts légaux,

- de condamner la société Aylan et Leila à régler à Me Lowy 3 000 euros au titre de l'alinéa 2 de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

- de la condamner aux entiers dépens.



Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 22 août 2020, la SCP [E] en qualité de mandataire ad hoc de la société Aylan et Leila demande à la cour :

-de dire l'appel de Madame [Z] [F] mal fondé,

-de la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions,

-de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a dit éteinte l'instance introduite le 4 septembre 2014 par Madame [Z] [F], laquelle fut enregistrée à l'origine sous le numéro RG F.14/10729 puis sous le numéro F 19/06668 après son rétablissement,

en tout état de cause :

-de dire et juger que les deux diligences imposées par l'ordonnance de radiation en date du 25 avril 2017 à la charge de Madame [Z] [F], à savoir :

«- 1ère diligence : procéder à la communication à l'attention de la SARL Aylan et Leila de l'ensemble de ses moyens de droit et de faits ainsi que les pièces qui en viennent à l'appui et ce, dès qu'elle considérera être prête à être entendue sur le fond par le Conseil,

- 2ème diligence : communiquer ensuite au Conseil une copie de ses moyens de droit et de faits, la liste des pièces communiquées et la preuve de l'exécution de la 1ère diligence. »

n'ont pas été accomplies dans le délai de deux ans de la péremption d'instance, et ce, à supposer même que ce délai ait eu pour point de départ le 1er août 2017 date à laquelle Mme [Z] [F] reconnaît avoir reçu notification de la décision du 25 avril 2017, l'intimée justifiant qu'elle en a eu connaissance dès le 18 mai 2017,

-de dire et juger que la 1ère diligence exigée par l'ordonnance du 25 avril 2017 n'ayant été accomplie que le 24 Septembre 2019 par exploit de la SCP Gatimel, Armengaud-Gatimel, Montalembert d'Esse Huissiers de justice à Paris par la signification des moyens de droit et de fait (mais sans les pièces au soutien des moyens) à la personne habilitée à représenter en justice la SARL Aylan et Leila, société radiée définitivement du Registre du Commerce et des Sociétés de Paris depuis le 25 septembre 2017 dont Madame [F] a sollicité et obtenu par Ordonnance du Président du tribunal de commerce de Paris rendue le 12 septembre 2019 la désignation d'un Mandataire ad hoc aux fins de la représenter en justice en la personne de la SCP [E] prise en la personne de Me [Y] [E], l'instance est nécessairement éteinte,

-de dire et juger l'instance introduite le 4 septembre 2014 par Mme [Z] [F] enregistrée sous le numéro F.14/10729 puis rétablie sous le numéro 19/06668, éteinte avec toutes conséquences en droit,

-de condamner Madame [Z] [F] à verser en cause d'appel :

- 2 000 euros à la SCP [E] es qualité de mandataire ad hoc de la SARL Aylan et Leila par application de l'article 700 du code de procédure civile,

-de dire que Madame [Z] [F] supportera les dépens de première instance et d'appel.



L'ordonnance de clôture est intervenue le 28 juin 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience du 10 novembre 2022 pour y être examinée.



Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure et aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.






MOTIFS



I- sur la péremption de l'instance,



L'article 381 du code de procédure civile définit la radiation comme sanctionnant dans les conditions de la loi le défaut de diligence des parties.



C'est une simple mesure d'administration judiciaire laissant persister l'instance, laquelle peut être reprise ultérieurement.



Elle est notifiée par lettre simple aux parties ainsi qu'à leurs représentants.



Selon l'article 386 du code de procédure civile, 'l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans'.



Les diligences accomplies postérieurement à la radiation interrompent la péremption.



Il est admis que la notion de diligence doit être comprise comme toute démarche ayant pour but de faire avancer le litige vers sa conclusion.



Aux termes de l'article R.1452-8 du code du travail dans sa rédaction antérieure au décret N° 2016-660 du 20 mai 2016, laquelle doit être appliquée dès lors que l'instance initiale a été introduite devant le conseil des prud'hommes le 6 août 2014 et que l'article 45 du-dit décret dispose que les articles 8,12 et 23 sont applicables aux instance introduites devant les conseil des prud'hommes à compter du 1er août 2016, 'en matière prud'homale, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction.'



Comme il a été rappelé ci-dessus, Mme [F] a saisi le conseil des prud'hommes de Paris le 6 août 2014.



Cette instance a donné lieu aux événements suivants tels que rappelés dans la décision du 25 avril 2017 par laquelle il a été procédé à la radiation et tels qu'ils résultent des pièces produites de part et d'autre :



- 14 octobre 2014: audience de conciliation en présence de Mme [F], et renvoi au 26 juin 2015 devant le bureau de jugement.



- 26 juin 2015: renvoi contradictoire à une audience du 11 juillet 2016, puis de nouveau et de manière contradictoire à une audience du 25 avril 2017.



- 24 avril 2017: Maître Lowy, avocat de Mme [F] a sollicité par courrier la radiation de l'affaire.



- 25 avril 2017: aucune des parties n'a comparu et le conseil des prud'hommes a rendu en sa formation de jugement la décision de radiation suivante :

'- ordonne au regard des dispositions de l'article 381 et suivants du code de procédure civile la radiation de l'affaire,

met expressément à la charge de Mme [Z] [F] les diligences suivantes:

- 1ère diligence: procéder à la communication à l'attention de la SARL Aylan et leila de l'ensemble de ses moyens de droit et de faits ainsi que les pièces qui en viennent à l'appui et ce, dès qu'elle considérera être prête à être entendue sur le fond par le conseil,

- 2ème diligence: communiquer ensuite au conseil une copie de ses moyens de droit et de faits, la liste des pièces communiquées et la preuve de l'exécution de la 1ère diligence.



Dit que le rétablissement de l'affaire ne pourra intervenir qu'après vérification par le président d'audience de l'accomplissement par Mme [F] des diligences mises à sa charge.'.



Conformément aux dispositions ci-dessus rappelées, cette décision a été notifiée par lettre simple le 1er août 2017.



Par requête du 3 juillet 2019, Mme [F] a sollicité du président du tribunal de commerce de Paris, la désignation d'un mandataire ad litem pour représenter la société Aylan et Leila objet d'une liquidation amiable close le 13 septembre 2017, rappelant qu'elle avait saisi le conseil des prud'hommes de Paris contre cette société le 6 août 2014.



Par ordonnance du 5 juillet 2019, M.[B] a été désigné à cette fin, puis finalement remplacé par M. [E], mandataire de justice par ordonnance du 12 septembre suivant.



L'analyse des éléments chronologiques ci-dessus rappelés démontre qu'à supposer même que le courrier écrit par l'avocat de Mme [F] le 24 avril 2017 pour demander au conseil des prud'hommes la radiation de l'affaire s'analyse en une diligence, aucune autre démarche de nature à faire avancer le litige vers sa conclusion n'a été entreprise par la demanderesse avant le 3 juillet 2019.



Le délai de deux ans tel que fixé par l'article 386 du code de procédure civile est donc dépassé.



La décision de radiation, mesure d'administration judiciaire non susceptible de recours, ne s'analyse pas en une diligence effectuée par Mme [F] et ne peut interrompre le délai de péremption qui lui est opposé quand bien même fixe-t- elle des conditions à la réinscription de l'affaire au rang des affaires en cours, sa notification par lettre simple le 1er août 2017 étant également sans effet interruptif.



Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a constaté la péremption de l'instance.





PAR CES MOTIFS



La cour,



CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,



LAISSE à chacune des partie la charge de ses propre frais irrépétibles,



CONDAMNE Mme [F] aux dépens de première instance et d'appel.





LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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