17 octobre 2022
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 22/00396

Chambre 1-11 référés

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11 référés





ORDONNANCE DE REFERE

du 17 Octobre 2022



N° 2022/ 468





Rôle N° RG 22/00396 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJWMA







[M] [E]





C/



Société KYANEOS PIERRE





























Copie exécutoire délivrée





le :





à :



- Me Pascale VAYSSIERE



- Me Elie MUSACCHIA





Prononcée à la suite d'une assignation en référé en date du 07 Juillet 2022.





DEMANDERESSE



Madame [M] [E], demeurant [Adresse 1]



(Bénéficie d'une aide juridictionnelle totale n°2022/004900 accordée le 10 juin 2022 par le Bureau d'Aide Juridictionnelle d'AIX-EN-PROVENCE)



représentée par Me Pascale VAYSSIERE, avocat au barreau de TOULON substituée par Me Eric MARTINS-MESTRE, avocat au barreau de TOULON





DEFENDERESSE



Société KYANEOS PIERRE SCPI immatriculée au RCS d'Avignon sous le numéro 839 154 614, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège,, demeurant [Adresse 2]



représentée par Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Karine SANCHEZ, avocat au barreau D'AVIGNON















* * * *





DÉBATS ET DÉLIBÉRÉ







L'affaire a été débattue le 05 Septembre 2022 en audience publique devant



Véronique NOCLAIN, Président,



déléguée par ordonnance du premier président.



En application des articles 957 et 965 du code de procédure civile



Greffier lors des débats : Manon BOURDARIAS.



Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Octobre 2022.







ORDONNANCE







Contradictoire,



Prononcée par mise à disposition au greffe le 17 Octobre 2022.





Signée par Véronique NOCLAIN, Président et Manon BOURDARIAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.








***





RAPPEL DE LA PROCÉDURE





Par ordonnance de référé assortie de l'exécution provisoire de droit en date du 26 novembre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulon a principalement :

- dit que Mme [M] [E] est occupante sans droit ni titre de l'appartement situé au premier étage de l'immeuble sis [Adresse 1] ;

- ordonné en conséquence l'expulsion de Mme [M] [E] ainsi que celle de tous occupants des locaux à défaut de libération volontaire ;

- condamné Mme [M] [E] à payer à la société civile de placement immobilier KYANEOS PIERRE la somme de 1872.26 € au titre de la dette locative arrêtée au 29 septembre 2021 ainsi que celle de 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [M] [E] aux dépens.



Par déclaration du 14 février 2022, Mme [M] [E] a interjeté appel de cette décision.



Par acte d'huissier du 24 juin 2022 reçu et enregistré au greffe le 7 juillet 2022, Mme [M] [E] a fait assigner la SCPI KYANEOS PIERRE devant le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence au visa des dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile aux fins d'arrêt de l'exécution provisoire de la décision déférée et de voir condamner la SCPI KYANEOS PIERRE aux entiers dépens.













Se référant à ses écritures déposées à l'audience du 5 septembre 2022, la demanderesse indique que:

- selon protocole transactionnel et convention d'occupation à titre gratuit signés le 18 janvier 2021, la SCPI KYANEOS PIERRE s'est engagée à la reloger gracieusement à compter du 20 janvier 2021 dans un appartement situé au premier étage du même immeuble dans l'attente de la réalisation des travaux de réhabilitation concernant l'appartement situé au rez de chaussée qu'elle occupait, de prendre en charge le déplacement de ses meubles entre les deux appartements en présence d'un huissier de justice mandaté par la bailleresse, la convention d'occupation précaire précisant qu'en cas de retard dans la réalisation des travaux, la convention pourrait être prorogée par périodes de 15 jours,

- qu'étant entrée dans les lieux le 27 janvier 2021, elle devait restituer cet appartement le 26 février 2021,

- que cependant, ainsi qu'il résulte des procès-verbaux de constat d'huissier établis à cette occasion, elle n'a pu, après réalisation des travaux, entreposer ses meubles à savoir son lave linge, son sèche linge et son lave vaisselle dans l'appartement du rez de chaussée ,

- que l'emplacement sous l'évier ne comportait pas de raccordement nécessaire à l'évacuation des eaux usées et le volet roulant du salon dont l'interrupteur se trouvait coincé sous le placo installé par la SCPI KYANEOS ne pouvait être relevé,

- que l'avis technique en date du 17 mai 2021 de M. [W] retenu par le juge des référés pour estimer que les travaux nécessaires étaient réalisés au 26 février 2021 est inopérant, alors même que les échanges entre les conseils des parties du 19 avril 2021 démontrent que ces raccordements n'étaient pas réalisés,

- que l'appartement n'était toujours pas décent le 26 février 2021, au sens du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 et les désordres ont persisté jusqu'au 22 juin 2022, date des derniers travaux réalisés,

- qu'en outre, la superficie de l'appartement s'est trouvée réduite suite aux travaux, ce qui nécessitait l'établissement d'un nouveau bail et qu'elle était fondée à rester dans l'appartement de remplacement dans l'attente de cette signature laquelle n'est intervenue que le 7 mars 2022 , date à laquelle elle n'a toutefois pas pu récupérer les clefs de l'appartement du rez de chaussée conservées par la bailleresse,

- qu'enfin , la bailleresse n'a pas remédié au problème de l'introduction d'oiseaux dans le faux plafond des WC,

- qu'il existait donc une contestation sérieuse et que la bailleresse ne peut se prévaloir d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite ;

- qu'au surplus, l'assignation en référé était irrecevable à tout le moins pour défaut de tentative préalable de conciliation conformément à l'article 750-1 du code de procédure civile, alors qu'il existait une prétention non connexe inférieure à 5000 € portant sur la demande d'indemnisation des frais de déménagement à hauteur de 470 €, et qu'il n'est pas justifié d'un cas d'urgence manifeste,

- qu'elle est donc fondée à solliciter l'arrêt de l'exécution provisoire en application des dispositions de l'article 514-1 du code de procédure civile en ce qu'il existe des moyens sérieux de réformation de la décision querellée;

- qu'en outre, il existe des conséquences manifestement excessives à l'exécution provisoire en ce qu'elle a perdu le droit à l'allocation logement, le montant de la dette locative retenu étant erroné et le refus de délais de paiement ayant des conséquences difficilement réparables alors qu'elle bénéficie de l'allocation de solidarité spécifique et héberge son fils âgé de 19 ans.



Elle sollicite, outre l'arrêt de l'exécution provisoire de la décision, la condamnation de la SCPI KYANEOS PIERRE à payer à Me Pascale FARHAT-VAYSSIERE avocate, la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile sous réserve de sa renonciation à l'indemnité qui lui revient au titre de l'aide juridictionnelle , conformément aux dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ainsi qu'aux entiers dépens.



Par écritures précédemment notifiées à la demanderesse dans des délais qui lui ont permis de répliquer et déposées à l'audience, la SCPI KYANEOS PIERRE demande de rejeter les prétentions de Mme [E] aux motifs que l'appelante s'est abstenue de formuler des observations sur l'exécution provisoire dans le cadre de la première instance et qu'il n'existe pas de moyens sérieux de réformation de l'ordonnance de référé en date du 26 novembre 2021; elle demande de la condamner à lui payer, outre la somme de 1000 € au titre de son préjudice moral, celle de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.















Elle expose que selon la convention d'occupation temporaire en date du 18 janvier 2021, Mme [E] s'était engagée à libérer les lieux à la date où l'huissier aurait constaté la décence du logement après réalisation des travaux et que contrairement à ce que soutient la demanderesse, le branchement de son lave-linge était possible à un emplacement différent, qu'en outre la réduction de la surface de l'appartement de 3,8 % est due à la réalisation de travaux d'isolation complète des murs par l'intérieur, que Mme [E] s'est indûment maintenue dans le logement situé au premier étage jusqu'au 7 mars 2022, que la décision querellée n'est pas à l'origine de l'absence de paiement de l'allocation logement et que les griefs de Mme [E] portant sur un montant de la dette locative erroné et le refus de délais de paiement par le premier juge ne sont pas caractérisés.





Il sera renvoyé aux écritures des parties pour un examen complet des moyens soutenus.






MOTIFS DE LA DÉCISION





Sur la recevabilité de la demande en suspension de l'exécution provisoire :





Aux termes de l'article 514-1 du code de procédure civile , en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.



La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.



La condition de recevabilité de la demande prévue par l'article 514-3 du code civil n'est pas opérante en l'espèce, le juge des référés n'ayant pas le pouvoir de ne pas assortir sa décision de l'exécution provisoire ainsi que l'indique l'article 514-1 du code de procédure civile ; la demande de Mme [E] est donc recevable, nonobstant le fait de n'avoir pas fait d' observations sur l'exécution provisoire devant le premier juge et elle n'a pas à démontrer un risque de conséquences manifestement excessives révélées postérieurement à la décision de première instance.





Sur le bien fondé de la demande en suspension de l'exécution provisoire :





Il appartient, en application de l'article 514-3 alinéa 1er du code de procédure civile, à la partie qui demande la suspension de l'exécution provisoire, de démontrer à la fois l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision querellée et un risque de conséquences manifestement excessives résultant de cette exécution.



Concernant ce dernier point, il est établi que Mme [E] a finalement quitté l'appartement situé au premier étage de la résidence le 7 mars 2022 pour réintégrer le logement du rez de chaussée ayant fait l'objet de travaux de réhabilitation, ce qui exclut tout risque d'expulsion du logement du premier étage concerné par l'ordonnance de référé et permet de constater qu'il n'existe donc aucun risque à ce sujet.



La demanderesse soutient que l'exécution provisoire de la décision querellée aurait des conséquences manifestement excessives en ce qu'elle serait de nature à la priver de son droit à bénéficier à nouveau de l'allocation logement ; toutefois, s'il est justifié du défaut de versement de cette allocation, les explications données par Mme [E] selon lesquelles l'APL pour le logement restauré ne pouvait être rétablie du fait de l'existence d'un arriéré de loyers déclaré par la bailleresse et de l'occupation d'un autre logement sans contrat de bail sont sans rapport avec l'exécution provisoire de la décision déférée, la réintégration du logement du rez de chaussée faisant l'objet du contrat de bail apparaissant au contraire de nature à solutionner la restauration de ses droits à l'APL.









Par ailleurs, Mme [E] conteste la fixation de l'arriéré de loyers dus au 29 septembre 2021 par le juge des référés à la somme de 1972,26 € portant sur les loyers dus entre mars et septembre 2021, lequel résulte du relevé de compte locatif de la bailleresse faisant état d'un loyer mensuel de 644,50 € charges comprises ainsi que du rejet de sa demande de délais de paiement ; cette contestation qui porte en réalité sur la contestation de son statut d'occupant sans droit ni titre et sur le principe de la dette d'occupation en résultant, ne permet pas de caractériser l'existence de conséquences manifestement excessives liées à l'exécution de la décision déférée.



Reste que Mme [E] indique ne pas être en mesure de s'acquitter sans délais de paiement du montant de la condamnation au paiement d'une somme de 1872.26 € arrêtée au 29 septembre 2021 correspondant aux loyers dus pour l'appartement du premier étage entre le 26 février 2021 et le 28 septembre 2021 ainsi que la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en ce qu'elle perçoit seulement des revenus d'environ 1145 € par mois correspondant à l'allocation spécifique de solidarité et des revenus de son fils, apprenti, occupant le même logement.

Toutefois, à ce dernier titre, elle ne justifie pas d'un risque conséquences manifestement excessives résultant de l'exécution provisoire de cette condamnation à paiement, laquelle n'impactera pas son droit à continuer d'occuper le logement sis au rez de chaussée de l'immeuble tant qu'il n'aura pas été statué sur ce point par une décision de justice.



Par ailleurs, il ressort de l'extrait de compte locataire en date du 28 mars 2022 l'existence de règlements effectués par Mme [E] à hauteur de la somme de 3228,10 € entre avril et septembre 2021 au titre des loyers dus, ce qui démontre une certaine capacité de paiement de la somme, plus modeste, mise à sa charge par la décision contestée. Enfin, Mme [E], contrairement à ses allégations, ne démontre pas que la SCPI KYANEOS PIERRE ne sera pas en mesure de lui restituer la somme réglée en cas de réformation de la décision de première instance.



Dès lors que la preuve d'un risque de conséquences d'une particulière gravité à exécuter la décision dont appel n'est pas rapportée, il convient de rejeter la demande d'arrêt de l'exécution provisoire de la décision déférée sans qu'il y ait lieu de se prononcer, eu égard au caractère cumulatif des conditions fixées par l'article 514 -3 alinéa 1er du code de procédure civile, sur l'existence de moyens sérieux d'annulation ou de réformation.



La SCPI KYANEOS PIERRE qui se prévaut d'un préjudice moral résultant du non paiement des loyers dus en dépit de la réalisation de travaux de rénovation de l'appartement loué sera déboutée de sa demande en paiement de dommages intérêts, laquelle ne trouve pas sa place dans une instance en suspension de l'exécution provisoire.



L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile tel que sollicitée par les parties en cause.



Mme [M] [E] qui succombe en ses demandes, supportera les entiers dépens de l'instance, recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.





PAR CES MOTIFS,





Statuant en référés, après débats en audience publique, par décision contradictoire



REJETONS la demande de Mme [M] [E] tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire de l'ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Toulon ;



DEBOUTONS la SCPI KYANEOS PIERRE de sa demande de dommages-intérêts ;















DISONS n' y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;



CONDAMNONS Mme [M] [E] aux dépens de la présente instance, recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.







LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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