21 septembre 2022
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 20/13251

Chambre 1-8

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8



ARRÊT AU FOND

DU 21 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/ 400





N° RG 20/13251



N° Portalis DBVB-V-B7E-BGWXJ





[P] [H]





C/





[G] [F]



[O] [L]



[V] [U]



[T] [E] épouse [U]



[C] [W]



[D] [Y] épouse [W]



[J] [B]



[T] [I] épouse [B]



[C] [A]



[K] [Z] épouse [A]



[S] [N]



[R] [X] épouse [N]











































































































Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Jean-Mathieu LASALARIE



Me Stéphane GALLO



Me Laurent CANTARINI



Me Solange CARRUGU-PRUNET



Me André GATT



Me Alain BOYER



Me Henri TROJMAN







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de proximité d'AUBAGNE en date du 08 Décembre 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 11-19-233.



APPELANTE



Madame [P] [H]

demeurant [Adresse 28]



représentée par Me Jean-Mathieu LASALARIE, membre de l'association WILSON/DAUMAS, avocat au barreau de MARSEILLE substituée et plaidant par Me Laura CABANAS, avocat au barreau de MARSEILLE



INTIMES



Monsieur [G] [F]

né le [Date naissance 8] 1965, demeurant [Adresse 10]



Madame [O] [L]

née le [Date naissance 6] 1962 à , demeurant [Adresse 3]



représentés par Me Stéphane GALLO, membre de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, substitué et plaidant par Me FRANCE Laëtitia, avocat au barreau de MARSEILLE



Monsieur [V] [U]

né le [Date naissance 9] 1961 à [Localité 29], demeurant [Adresse 12]



Madame [T] [E] épouse [U]

née le [Date naissance 16] 1962 à [Localité 25], demeurant [Adresse 12]



représentés par Me Laurent CANTARINI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



Monsieur [C] [W]

né le [Date naissance 17] 1949 à [Localité 27], demeurant [Adresse 11]



Madame [D] [Y] épouse [W]

née le [Date naissance 20] 1956 à [Localité 26], demeurant [Adresse 11]



représentés par Me Solange CARRUGU-PRUNET, avocat au barreau de MARSEILLE



Monsieur [J] [B]

né le [Date naissance 2] 1955 à [Localité 23], demeurant [Adresse 15]











Madame [T] [I] épouse [B]

née le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 22], demeurant [Adresse 14]



représentés par Me André GATT, avocat au barreau de MARSEILLE





Monsieur [C] [A]

né le [Date naissance 5] 1960 à [Localité 24], demeurant [Adresse 12]



Madame [K] [Z] épouse [A]

née le [Date naissance 4] 1961 à [Localité 24], demeurant [Adresse 10]



représentés par Me Alain BOYER, avocat au barreau de MARSEILLE





Monsieur [S] [N]

né le [Date naissance 18] 1953 à [Localité 21], demeurant [Adresse 13]



Madame [R] [X] épouse [N]

née le [Date naissance 19] 1953 à [Localité 31], demeurant [Adresse 11]



représentés par Me Henri TROJMAN, avocat au barreau de MARSEILLE substitué et plaidant par Me Iris TROJMAN-COHEN, avocat au barreau de MARSEILLE













*-*-*-*-*





COMPOSITION DE LA COUR



L'affaire a été débattue le 07 Juin 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.



La Cour était composée de :

Monsieur Philippe COULANGE, Président

Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère

Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller

qui en ont délibéré.





Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Septembre 2022.







ARRÊT



Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Septembre 2022, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




***





La propriété de Mme [H] est située en contrebas d'un groupement de six maisons appartenant aux consorts [F]/[L], [U], [W], [B], [A] [N]. Dans la nuit du 4 au 5 juin 2011 suite à de violents orages, le chemin d'accès indivisaire surpombant ce terrain s'est effondré entraînant ravinement et gravats. Mme [H] a déclaré le sinistre à son assurance le 14 juin 2011.



Mme [H] alléguant de désordres sur sa propriété située sur la commune de [Localité 30] ([Adresse 7] a saisi le juge des référés près le tribunal de Grande instance de MARSEILLE, qui par ordonnance en date du 18 septembre 2015 a désigné M.[M] en qualité d'expert avec la mission habituelle en pareille matière afin d'en déterminer les causes et l'origine. Il a déposé son rapport le 17 novembre 2017.



Par acte d'huissier en date du 05 mars 2018, Mme [H] a assigné ses voisins M.et Mme [A], M.et Mme [U], M.et Mme [W], M.et Mme [B], M.et Mme [N] et M.[F] et Mme [L] devant le Tribunal de grande instance de MARSEILLE pour, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, dire et juger que les requis sont solidairement responsables des désordres subis par elle et les voir condamner solidairement à faire réaliser les travaux préconisés par l'expert judiciaire en page 25/45 de son rapport sous astreinte de 150,00 € parjour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, condamner les requis au paiement de la somme de 10.000,00 € en réparation du préjudice de jouissance subi par elle, à la somme de 2.500,00 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et les entiers dépens en ce compris les frais d'expertise.



Par ordonnance d'incident du 23 avril 2019, le tribunal de grande instance de MARSEILLE a été déclaré incompétent au profit du tribunal d'instance d'AUBAGNE, qui par jugement rendu le 8 décembre 2020, a:

CONSTATE que l'action de Mme [H] est atteinte par la prescription acquisitive,

DECLARE en conséquence irrecevable l'action de Mme [H],

CONSTATE que l'action de Mme [H] est atteinte par la prescription extinctive,

DECLARE en conséquence irrecevable l'action de Mme [H],

DECLARE l'assignation introductive d'instance nulle et de nul effet,

DEBOUTE en conséquence Mme [H] de l'intégralité de ses demandes, fins et

conclusions à l'encontre de M.et Mme [A], M.et Mme [U], M.et Mme [W], M.et Mme [B], M.et Mme [N] et M.[F] et Mme [L]

Reconventiormellement,

CONDAMNE Mme [H] à payer à M.et Mme [A] la somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1 .500,00 €) au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [H] à payer à M.et Mme [U] la somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1 .500,00 €) au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [H] à payer à M.et Mme [W] la somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1 .500,00€) au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [H] à payer à M.et Mme [B] la somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1.500,00 €) au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [H] à payer à M.et Mme [N] la somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1 .500,00€) au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [H] à payer à M.[F] et Mme [L] la somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1.500,00€) au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

REJETE toutes autres demandes des parties plus amples ou contraires,

CONDAMNE Mme [H] aux dépens de l'instance y compris à d'expertise.



Par déclaration au greffe en date du 30 décembre 2020, Mme [H] a interjeté appel de cette décision.



Elle sollicite:

REFORMER le jugement rendu parle Tribunal de Proximité d'AUBAGNE le 8 décembre 2020 en ce qu'il a :

- Constaté que l''action de Mme [H] est atteinte par la prescription acquisitive,

- Déclaré en conséquence irrecevable l'action de Mme [H],

- Constaté que l'action de Mme [H] est atteinte par la prescription extinctive,

- Déclaré en conséquence irrecevable l'action de Mme [H],

- Déclaré l'assignation introductive d'instance nulle et de nul effet,

- Débouté en conséquence Mme [H] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre des défendeurs



Reconventionnellement,

- Condamné Mme [H] à des articles 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

STATUANT A NOUVEAU,

DIRE ET JUGER que les intimés n'ont pas acquis la servitude d'écoulement des eaux pluviales alléguée par possession trentenaire.

DIRE ET JUGER que l'action de Mme [H] n'est pas atteinte par la prescription acquisitive.

DIRE ET JUGER que l'action de Mme [H] n'est pas atteinte par la prescription extinctive.

DECLARER recevable l'action de Mme [H].

DIRE ET JUGER que l'assignation introductive d'instance délivrée à la requête de Mme [H] n'est pas entachée de nullité.

DIRE ET JUGER que les intimés sont solidairement responsables des désordres subis par Mme [H].

Les CONDAMNER solidairement à faire réaliser les travaux propres à remédier aux désordres objectivés par le rapport de l'expert judiciaire, sous astreinte de 150,00 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir.

CONDAMNER solidairement les mêmes au paiement de la somme de 15.000,00 € en réparation du préjudice de jouissance subi par Mme [H].

CONDAMNER solidairement les mêmes au paiement de la somme de 5.000,00 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNER solidairement les mêmes aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Jean-Mathieu LASALARIE, Avocat sur son affirmation de droit, en ce compris les frais d'expertise.

ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant toute voie de recours.



A l'appui de son recours, elle fait valoir:

-que son assignation n'est pas nulle, l'objet de la demande étant parfaitement déterminé, à savoir obtenir la condamnation des intimés à faire réaliser les travaux nécessaires à charge pour eux de définir la solution à mettre en place l'expert en préconisant deux, outre la réparation du préjudice subi,

-que la première solution est moins onéreuse mais nécessite de nombreuses autorisations que la deuxième solution est très onéreuse et se justifie si les autorisations ne sont pas données,

-qu'en outre aucun des intimés ne rapporte la preuve d'un quelconque grief,

-que pour pouvoir s'acquérir par l'effet du temps (30 ans) la servitude d'écoulement des eaux pluviales doit être continue et apparente, or elle n'est ni apparente (pas d'ouvrage extérieur, qui ne saurait être le chemin incriminé) ni continue (travaux réalisés en 1999 et 2013 qui ont accentué la concentration des effluents au niveau de sa propriété, donc modifié la servitude d'écoulement),

-que pour apprécier de la prescription extinctive, il faut retenir comme point de départ de cette prescription non la date de l'acquisition de la propriété mais la date de manifestation du dommage soit le 4 juin 2011 son assignation étant du 23 février 2015, son action est recevable,

-que l'expert judiciaire retient la responsabilité des intimés, du fait de l'aggravation de la servitude d'écoulement résultant des travaux successifs sur le chemin indivis le rendant imperméable et des merlons mis en place par les intimés pour protéger leurs propres habitations,

-que les fonds dominants ne peuvent aggraver l'écoulement sur le fond voisin, ce qui a été fait en l'espèce par les travaux de 1999 et de 2013 selon l'expert judiciaire, et justifie les condamnations requises,

-qu'elle subit quotidiennement des désordres (écoulements importants d'eau pluviale, apport de terre, de pierres et de gravats, dégradation du mur de pierres),

-que l'expert retient que le défaut d'entretien de la rigole sur sa propriété est sans incidence sur les dommages,

-que la complexité des travaux à réaliser ne saurait décharger les intimés de leur responsabilité,

-que les désordres ne s'expliquent pas par la seule configuration des lieux comme le prétendent les intimés,

-que sa déclartion d'appel est régulière au regard de l'article 901 du code de procédure civile, le formulaire reprenant expressément l'ensemble des chefs de jugements critiqués étant joint à la déclaration d'appel.



M.[F] et Mme [L] concluent:

-à la confirmation du Jugement entrepris rendu par le Tribunal de Proximité d'Aubagne le 8 décembre 2020 en toutes ses dispositions



ET IN LIMINE LITIS

-à LA NULLITE de l'assignation introductive de première instance délivrée à la requête de Mme [H]

-à LA NULLITE de la déclaration d'appel de Mme [H] ainsi que de ses conclusions d'appelant notifiées le 2 mars 2021



Vu l'article 2270-1 ancien du Code civil



-au constat que l'action de Mme [H] est atteinte par la prescription extinctive

-qu'il soit dit et jugé que l'action de Mme [H] est irrecevable et l'en débouter



A TITRE PRINCIPAL



Vu l'article 640 du Code civil



-qu'il soit dit et jugé que Mme [H] ne démontre pas l'existence d'une aggravation de la servitude légale d'écoulement des eaux pluviales fixée par l'article 640 du Code civil

-qu'il soit dit et jugé que Mme [H] ne démontre pas le caractère justifié des travaux dont elle sollicite la réalisation par les consorts [F] et [L]

-au rejet de l'intégralité des prétentions formées par Mme [H]



A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE



Vu l'article 690 du Code civil



-qu'il soit dit et jugé que les consorts [F] et [L] ont acquis une servitude d'écoulement des eaux de pluie sur le fonds de Mme [H] par prescription trentenaire

-au rejet de l'intégralité des prétentions formées par Mme [H]



EN TOUT ETAT DE CAUSE



-au rejet des prétentions formées à l'encontre de Mme [L] au titre de la réalisation de travaux sous astreintes

-à la condamnation de Mme [H] à verser aux consorts [F] et [L] la somme de 4000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

-à la condamnation de Mme [H] aux entiers dépens de l'instance







Ils soutiennent:

-que les prétentions de l'appelante sont indéterminées ce qui entâche de nullité tant l'assignation que la déclaration d'appel et les conclusions d'appel,

-que leur propriété a été édifiée en 1982 et l'appelante étant propriétaire depuis 1998 elle a pu observer le ruissellement des eaux pluviales depuis lors de sorte que son action est prescrite,

-qu'il n'y a pas eu aggravation de la servitude d'écoulement des eaux pluviales, les aménagements réalisés étant conformes aux usages et les dommages résultant d'un épisode de pluie exceptionnel,

-que la rigole située sur le fonds de l'appelante est mal entretenue et sous dimensionnée, et le muret en limite de propriété ne permet pas d'évacuer les eaux,

-que l'expert ne préconise pas une remise en l'état antérieur à une éventuelle aggravation,

-que l'appelante sollicite la condamnation sous astreinte des intimés à des travaux dont elle ne démontre ni le caractère justifié ni la légalité,

-que si la cour retient l'existence d'une aggravation ils ont acquis par prescription acquisitive cette aggravation,

-que Mme [L] a cédé ses parts d'indivision sur le bien immobilier à M.[F], aucune condamnation ne peut être prononcée à son encontre.



M.et Mme [U] demandent :

-JUGER nulle et de nul effet la déclaration d'appe1 de Mme [H] en date du 31 décembre 2020.

-DECLARER irrecevable l'appe1 interjeté par Mme [H].



A titre subsidiaire,

-CONFIRMER le jugement du tribunal de proximité d'AUBAGNE en ce qu'il a :

- juger que l'action de Mme [H] est atteinte par la prescription acquisitive

- Déclaré en conséquence irrecevable l'action de Mme [H]

- Constaté que l'action de Mme [H] est atteinte par la prescription extinctive.

- Déclaré en conséquence irrecevable l'action de Mme [H].

- Déclaré l'assignation introductive d'instance nulle et de nul effet.

- Débouté en conséquence Mme [H] de 1'intégralité de ses demandes fins et conclusion à l'encontre de l'ensemble des défendeurs.

- Condamné Mme [H] à payer aux époux [U] la somme de 1500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure



A titre infiniment subsidiaire sur le fonds.

-JUGER mal fondées les prétentions de Mme [H].



En conséquence,

-DEBOUTER Mme [H] de l'intégralitné de ses demandes fins et conclusions.



En tout état de cause,

-CONDAMNER Mme [H] à payer aux époux [U] la somme de 3 600 € au titre en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

-CONDAMNER Mme [H] aux entiers dépens, y compris les frais d'expertise.



Ils font valoir:

-que le secteur litigieux présente une pente forte de l'ordre de 10%,

-que le fait pour l'appelante de solliciter dans son assignation la condamnation des défendeurs à réaliser les travaux préconisés par l'expert alors que ce dernier préconise deux solutions dont l'une est douze fois plus onéreuse que l'autre rend sa demande indéterminée, tant en première instance qu'en appel,

-qu'elle a pu constaté depuis l'acquisition de sa propriété en 1998 l'écoulement des eaux sur le chemin qui est un ouvrage visible,

-que ni en 1999 ni en 2013 les aménagements ne sont à l'origine des désordres de juin 2011, ils n'ont pas modifié la situation antérieure,

-que l'action menée près de 17 ans après la manifestation du dommages doit être déclarée irrecevable car prescrite,

-que l'aggravation de la servitude d'écoulement des eaux pluviales ne saurait se déduire des aménagements normaux et nécessaires à toute habitation comme la reprise du revêtement du chemin indivis nécessaire à la desserte des propriétés,

-que l'absence d'entretien de la rigole et son sou dimensionnement comme l'absence de barcane sur le mur de l'appelante ont contribué à son dommage,

-que les solutions de l'expert sont onéreuses et irréalistes sur le plan juridique et technique.







Les époux [W] concluent:

Entendre la Cour CONFIRMER le jugement rendu le 8 décembre 2020 par le tribunal de Proximité d'Aubagne en ce qu'il a condamné Mme [H] à régler aux époux [W] la somme de 1 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.



Vu l'article 901 du code de procédure civile,

Entendre la Cour DIRE et JUGER nulle et de nul effet la déclaration d'appel de Mme [H].



Pour le cas où la Cour déclarerait valable la déclaration d'appel de Mme [H],



Vu l'article 56 du code de procédure civile,

Entendre la Cour DIRE et JUGER nulle et de nul effet, l'assignation introductive d'instance de Mme [H],



Vu l'article 690 du code civil,

Entendre la Cour DIRE et JUGER que M.et Mme [W] ont acquis une servitude d'écoulement des eaux pluviales par possession trentenaire.



En conséquence, entendre la Cour DIRE et JUGER irrecevables les demandes de Mme [H].



Vu l'article 2270-1 ancien du code civil,

Entendre la Cour DIRE et JUGER que l'action de Mme [H] est prescrite.



En conséquence, entendre la Cour DIRE et JUGER irrecevables les demandes de Mme [H].



A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE :



Et pour le cas ou la Cour estimerait devoir examiner le fond de cette affaire,



Vu les articles 640 et 1242 du code civil,

Entendre DEBOUTER Mme [H] de l'intégralité de ses demandes dirigées à l'encontre des époux [W],



En toutes hypothèses,



Entendre CONDAMNER Mme [H] à régler aux époux [W] la somme de 3 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



L'entendre CONDAMNER aux entiers dépens tant de première instance que d'appel, en ceux compris les frais d'expertise.



Ils font valoir:

-qu'aucun formulaire n'étant annexé à la déclaration d'appel visant les chefs du jugement critiqués, la déclaration d'appel est entachée de nullité,

-que l'assignation en première instances comme la déclaration d'appel est nulle pour demandes indéterminées et imprécises,

-que la servitude d'écoulement des eaux pluviales est continue (configuration similaire des lieux) et apparente (canalisée par le chemin de desserte) depuis plus de trente ans,

-que l'appelante qui est propriétaire depuis 1998 a pu se rendre compte de l'écoulement des eaux depuis lors et ne saurait agir plus de 17 ans après,

-qu'il n'y a eu aucune aggravation de la servitude,

-que les préconisations de l'expert sont irréalistes comme nécessitant l'accord de tiers à la procédure.



M.et Mme [B] concluent:

A TITRE PRINCIPAL,

CONFIRMER le jugement en toutes ses dispositi ons, y compris les condamnati ons prononcées

A TITRE SUBSIDIAIRE, débouter entièrement Mme [H], appelante,

EN TOUT ETAT DE CAUSE, la condamner à payer aux époux [B] une nouvelle somme de 1500 € au titre des dispositi ons de l'arti cle 700 du Code de Procédure Civile, ainsi que les enti ers dépens à distraire,s'il y a lieu , au profit de Maître André GATT, Avocat, sur son offre de droit.



Ils font valoir:

- la nullité de l'assignation pour demandes indéterminées et imprécises,

- la prescription de l'action entreprise,

- que les solutions expertales sont inapplicables,

- qu'il n'est pas possible de relever une aggravation de la servitude,

- que depuis l'épisode pluvieux exceptionnel de juin 2011, l'appelante ne subit plus de dommage.



M.et Mme [N] concluent:

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Mme [H] à payer à M. et Mme [N] la somme de 1.500,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;



Pour le surplus :

Au principal,

Dire et juger l'action irrecevable comme introduite par une assignation entachée d'une nullité de forme ayant causé un grief aux défendcurs ;

Ou encore, dire et juger la déclaration d'appel frappée de nullité pour défaut des mentions visées aux articles 901, 57 et 54 du Code de Procédure Civile ;



Subsidiairement,

Déclarer Mme [H] irrecevable en ses demandes en vertu d'une prescription acquisitive (article 2262 du Code Civil) ;



Plus subsidiairement,

Déclarer Mme [H] irrecevable en ses demandes en vertu d'une prescription extinctive (article 2270-1 ancien du Code Civil) ;



A titre infiniment subsidiaire,

Vu les articles 640, 1241 et 1242 du Code Civil,

Débouter Mme [H] de toutes ses demandes, fins et conclusions comme infondées ;



En toute hypothèse,

Condamner Mme [H] à payer à M. et Mme [N] la somme de 2.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour frais irrépétibies en cause d'appel ;

Condamner Mme [H] aux entiers dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertise judiciaire.



Ils font valoir:

-que l'indétermination des demandes leur cause grief,

-que l'action est prescrite,

-qu'ou bien il existe une aggravation dommageable et le fonds dominant peut être condamné à réparation, à la fois par le paiement de dommages et intérêts et par l'obligation de procéder à des travaux de supression (ou de modification) des ouvrages, cause de l'aggravation, ou bien il n'y a pas d'aggravation du fait de l'homme et les servitudes dérivant de la situation des lieux donnent lieu à aucun règlement entre les propriétaires des fonds servant et dominant, celui-ci n'étant tenu ni de réparer ni d elimiter les conséquences de l'écoulement naturel,



M.et Mme [A] concluent:

- Au principal, in limine litis :

+ Déclarer l'assignation introductive d'instance nulle et de nul effet sur le fondement de l'article 56 du Code de Procédure Civile.

+ Déclarer la déclaration d'appel nulle et de nul effet sur le fondement des Articles 901, 57 et 54 du Code de Procédure Civile.

+ Dire et Juger que l'action de Mme [H] est en conséquence irrecevable et l'en débouter.



- A titre subsidiaire :

+ Constater que l'action de Mme [H] est atteinte par la prescription acquisitive sur le fondement de l'Article 2262 du Code Civil

+ Dire et Juger que l'action de Mme [H] est en conséquence irrecevable et l'en débouter.



- Plus subsidiairement :

+ Constater que l'action de Mme [H] est atteinte par la prescription extinctive sur le fondement de l'ancien Article 2270-1 du Code Civil.

+ Dire et Juger que l'action de Mme [H] est en conséquence irrecevable et l'en débouter.



- A titre infiniment subsidiaire :

+ Débouter Mme [H] de toutes ses demandes, fins et conclusions, comme infondées et injustifiées sur le fondement des Articles 640, 1241 et 1242 du Code Civil.



- En toute hypothèse :

+ Confirmer le Jugement rendu par le Tribunal de Proximité d'Aubagne le 8 décembre 2020 en ce qu'il a condamné Mme [H] à payer à M.et Mme [A] la somme de 1 500,00 € sur le fondement de |'Article 700 du Code de Procédure Civile.

+ Confirmer le Jugement rendu par le Tribunal de Proximité d'Aubagne le 8 décembre 2020 en ce qu'il a condamné Mme [H] aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise.



Y ajoutant :

+ Condamner Mme [H] à verser à M.et Mme [A] la somme de 4 000,00€ sur le fondement de l'Article 700 du Code de Procédure Civile compte tenu des frais qu'ils ont été contraints d'exposer pour assurer leur défense en Justice en cause d'appel.

+ Condamner Mme [H] aux entiers dépens d'appeI distraits au profit de Maître Alain BOYER, Avocat, qui y a pourvu.



Ils font valoir:

- la nullité de l'assignation, et de la déclaration d'appel,

- la prescription acquisitive et extinctive,

- le défaut d'aggravation de la servitude d'écoulement des eaux de pluie,

- l'inappropriété des conclusions de l'expert aux faits de l'espèce.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 mai 2022.






MOTIFS DE LA DECISION



Sur la nullité de l'assignation



L'article 53 du code de procédure civile dispose que la demande initiale est celle par laquelle un plaideur prend l'initiative d'un procès en soumettant au juge ses prétentions, elle introduit l'instance.



L'article 4 du même code énonce que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, qui sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense.



L'article 56 du même code impose à peine de nullité que l'assignation contienne l'objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit.



L'article 114 du même code énonce qu'aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.



En l'espèce, Mme [H] demande, dans son acte introductif d'instance, la condamnation solidaire des requis à faire réaliser les travaux préconisés par l'expert judiciaire en page 25/45 de son rapport, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir.



Retenant que l'expert judiciaire au terme de son rapport avance deux préconisations:

- soit la pose d'une conduite se déversant dans un ruisseau communal, la reprise d'un muret situé sur la propriété [H] et ajout de barbacanes, la suppression d'un affouillement et le re-talutage au niveau du bâtiment de jardin de la propriété [H] pour un coût de 22 245,60 euros TTC

- soit la création d'un bassin de rétention de 250m3 pour la somme de 276 000 euros TTC,

c'est à juste titre que le premier juge a considéré que Mme [H] ne retenant aucune de ces deux préconisations et demandant la condamnation des requis 'aux travaux préconisés par l'expert judiciaire en page 25/45 de son rapport' a formulée une demande imprécise et indéterminée rendant son assignation nulle et de nul effet, d'autant que cette nullité fait nécessaire grief aux intimés.



En effet, l'assignation de Mme [H] ne permet pas à ses adversaires de connaître ses prétentions et de se défendre utilement, face à une demande visant à obtenir leur condamnation à faire réaliser sous astreinte des travaux sans savoir desquels il s'agit.



Aussi, le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a retenu la nullité de l'assignation.

Nullité qui par contagion entraîne la nullité des actes subséquents dont la déclaration d'appel et les conclusions d'appelant, dans la mesure où les prétentions ne sont pas davantage précisées en cause d'appel, Mme [H] reprenant la même demande imprécise et indéterminée.





Sur la prescription acquisitive



Il résulte de l'article 690 du code civil que les servitudes continues et apparentes s'acquièrent par titre ou par la possession de trente ans.



S'il résulte des pièces versées aux débats que Mme [H] a acquis son fonds en 1998 et que la plupart des constructions des intimés ont été édifiées en 1982, il ne peut être retenu que la configuration actuelle des lieux est restée la même depuis au moins 33 ans lors de la délivrance à la requête de Mme [H] de son assignation en référé à la date du 23 février 2015, puisqu'il n'est pas contesté que des travaux relatifs à l'écoulement des eaux pluviales ont été réalisés en 1999 et 2013, comme cela résulte de l'expertise judiciaire (sans réussir à solutionner la difficulté), interrompant la prescription acquisitive alléguée.



Ainsi faute d'une servitude d'écoulement des eaux naturelles continue pendant 30 ans, les intimés n'ont pu acquérir une servitude d'écoulement des eaux pluviales par possession trentenaire et le jugement entrepris doit être réformé en ce qu'il a déclaré les demandes de Mme [H] irrecevables du fait de cette prescription acquisitive.





Sur la prescription extinctive



Il résulte de l'article 2270-1 du code civil que les actions en responsabilité civile extra contractuelle se prescrivent par 10 ans à compter de la date de manifestation du dommage ou de son aggravation.



Le point de départ de la prescription extinctive ne peut donc être la date d'acquisition de la propriété mais bien celle de la manifestation du dommage soit le 4 juin 2011, or l'assignation étant du 23 février 2015, l'action de Mme [H] est bien recevable et non prescrite.



Le jugement déféré est également réformé sur ce point.





Sur les autres demandes



Mme [H] est condamnée aux dépens d'appel.



Il n'y a pas lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.





PAR CES MOTIFS,



La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,



CONFIRME le jugement rendu le 8 décembre 2020 par le Tribunal de proximité d'AUBAGNE



SAUF en ce qu'il a:

CONSTATE que l'action de Mme [H] est atteinte par la prescription acquisitive,

DECLARE en conséquence irrecevable l'action de Mme [H],

CONSTATE que l'action de Mme [H] est atteinte par la prescription extinctive

DECLARE en conséquence irrecevable l'action de Mme [H],



Y ajoutant



REJETTE les exceptions de prescription acquisitive et extinctive,



DECLARE nulle et de nul effet la déclaration d'appel et les conclusions d'appelant,



DIT n'y avoir lieu à condamnation en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure Civile,



CONDAMNE Mme [H] aux entiers dépens de l'appel, avec distraction au profit de Maître GATT et de Maître BOYER, pour la part leur revenant.





LA GREFFIERELE PRESIDENT

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