29 septembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-24.293

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:C200985

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 29 septembre 2022




Rejet


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 985 F-D

Pourvoi n° Q 21-24.293







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 SEPTEMBRE 2022


La société Piveteau bois, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], exerçant sous l'enseigne « Vivre en bois Piveteau bois », a formé le pourvoi n° Q 21-24.293 contre l'arrêt rendu le 8 novembre 2021 par la cour d'appel de Nancy (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Burger et cie, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits de la société Architecture du bois,

2°/ à la société Ledoux jardin, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Piveteau bois, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Burger et cie, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Ledoux jardin, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 8 novembre 2021), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 4 juin 2020, pourvoi n° 19-17.232), la société Architecture du bois (ADB), aux droits de laquelle vient la société Burger et cie, conçoit, fabrique et commercialise des terrasses d'agrément en lames de bois composite, constituées d'un système breveté de fixation des lames de bois dénommé Clipjuan et d'un procédé de montage des lames de bois appelé Easywex. Les lames de bois composite sont acquises auprès de la société Piveteau bois exerçant sous l'enseigne « Vivre en bois Piveteau bois » (la société Piveteau).

2. La société Ledoux jardin (la société Ledoux), qui a conclu, le 8 décembre 2005, un contrat de franchise avec la société ADB, a installé des terrasses qui ont été atteintes de désordres pour lesquels les clients l'ont attraite devant un tribunal de grande instance en responsabilité et paiement d'indemnités.

3. La société Ledoux a assigné devant un juge des référés, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, les sociétés ADB et Piveteau à fin de désignation d'un expert.

4. Par ordonnance du 10 septembre 2017, il a été fait droit à sa demande.

5. En cours de mission, l'expert a conclu à la nécessité de recourir à un sapiteur pour procéder à une expertise chimique.

6. La société Ledoux a saisi un juge des référés, sur le fondement de l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile, en vue d'obtenir une provision pour frais d'instance.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé


7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

8. La société Piveteau fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance rendue le 7 novembre 2018 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Reims l'ayant condamnée à payer à la société Ledoux la somme de 87 673 euros à titre de provision, alors « que le juge des référés ne peut accorder une provision qu'à la condition que l'obligation en cause ne se heurte à aucune contestation sérieuse ; que cette condition s'applique tant à la créance invoquée au fond, qu'aux frais d'expertise nécessaires à son établissement dès lors que la créance susceptible de se fonder sur cette expertise est elle-même sérieusement contestable ; qu'en jugeant, après avoir rappelé les termes du rapport d'expertise qui impute à la société Piveteau les désordres constatés, que sa « contestation réelle » tenant à la prescription de l'action de son adversaire est « dépourvue de sérieux dès lors que les conditions de mise en jeu de la responsabilité de l'appelante tenant au non respect de ses obligations apparaissent comme possibles », la cour d'appel, qui n'a pas exclu l'existence d'une contestation sérieuse tirée de la prescription de l'action en indemnisation engagée par son adversaire, a violé l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

9. Ayant relevé, d'une part, que l'action qui pouvait être engagée par la société Ledoux contre la société Piveteau sur le fondement des vices cachés n'encourait pas à l'évidence une prescription, le point de départ du délai de prescription de deux ans applicable à cette action étant susceptible d'être reporté à la date de la notification du rapport d'expertise et retenu, d'autre part, que compte tenu des conclusions du rapport d'expertise constatant que les désordres étaient dus à une défaillance du produit composite de la société Piveteau, de sorte que la responsabilité de cette dernière pouvait être mise en jeu au titre de la garantie décennale ou de la livraison conforme, la cour d'appel, qui a ainsi exclu que la prescription de l'action au titre de la garantie des vices cachés puisse constituer une contestation sérieuse et retenu que la responsabilité de la société Piveteau pouvait être recherchée sur d'autres fondements pour lesquels la prescription n'était pas invoquée, a pu en déduire que la demande de provision était justifiée.

10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur la demande de mise hors de cause

11. Le pourvoi étant rejeté, la demande de mise hors de cause formée par la société Burger et cie est sans objet.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Piveteau bois aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Piveteau bois et la condamne à payer à la société Burger et cie, venant aux droits de la société Architecture du bois, la somme de 3 000 euros et à la société Ledoux jardin la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société Piveteau bois exerçant sous l'enseigne « Vivre en bois Piveteau bois »

La société Piveteau Bois fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance rendue le 7 novembre 2018 par le juge des référés près le tribunal de grande instance de Reims l'ayant condamnée à payer à la société Ledoux Jardin la somme de 87 673 euros à titre de provision ;

1°/ ALORS QUE le juge des référés ne peut accorder une provision qu'à la condition que l'obligation en cause ne se heurte à aucune contestation sérieuse ; que l'action de l'acquéreur invoquant des vices rédhibitoires doit être intentée contre son vendeur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice, tout en étant enfermée dans le délai de la prescription quinquennale qui court à compter de la date de la vente conclue entre les parties ; qu'en jugeant qu'« en principe le point de départ de ce délai [de prescription] court à compter de la découverte du vice ; cependant il est admis qu'il puisse être reporté à la date de la notification du rapport d'expertise ; dès lors l'action qui pourra être engagée par la société Ledoux Jardin contre elle sur ce fondement n'encourt pas à l'évidence, une prescription » (arrêt, p.8, §5), la cour d'appel, qui n'a pas recherché si le délai de prescription de droit commun n'était pas écoulé, a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, ensemble les articles 1648 du code civil et L110-4 du code de commerce ;

2°/ ALORS QUE le juge des référés ne peut accorder une provision qu'à la condition que l'obligation en cause ne se heurte à aucune contestation sérieuse ; que cette condition s'applique tant à la créance invoquée au fond, qu'aux frais d'expertise nécessaires à son établissement dès lors que la créance susceptible de se fonder sur cette expertise est elle-même sérieusement contestable ; qu'en jugeant, après avoir rappelé les termes du rapport d'expertise qui impute à la société Piveteau les désordres constatés, que sa « contestation réelle » tenant à la prescription de l'action de son adversaire est « dépourvue de sérieux dès lors que les conditions de mise en jeu de la responsabilité de l'appelante tenant au non respect de ses obligations apparaissent comme possibles » (arrêt, p.9, §1er), la cour d'appel, qui n'a pas exclu l'existence d'une contestation sérieuse tirée de la prescription de l'action en indemnisation engagée par son adversaire, a violé l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile.

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