28 septembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-13.034

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO01093

Texte de la décision

SOC.

OR



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 28 septembre 2022




Cassation partielle


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1093 F-D

Pourvoi n° B 21-13.034





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022

La société [K] Multiservices Holding, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 3], a formé le pourvoi n° B 21-13.034 contre l'arrêt rendu le 7 janvier 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 5), dans le litige l'opposant à M. [A] [H], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société [K] multiservices Holding, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [H], après débats en l'audience publique du 12 juillet 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour d cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 janvier 2021), M. [H] a été engagé le 14 novembre 2012 par la société [K] intérim, en qualité de directeur d'activité. Le 1er mai 2013, son contrat a été transféré à la société [K] Multiservices Holding (la société) en qualité de directeur de l'activité intérim tertiaire, statut cadre dirigeant, et il exerçait les fonctions de directeur général de la société [K] intérim. Puis par avenant du 4 octobre 2016, il s'est vu confier le rapprochement et la réorganisation de l'activité des filiales de travail temporaire du groupe [K].

2. Après avoir été convoqué, le 25 avril 2017, à un entretien préalable à un éventuel licenciement avec mise à pied à titre conservatoire, il a été licencié pour faute grave par lettre du 18 mai 2017.

3. Contestant le bien-fondé de cette rupture, le salarié a saisi la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur le cinquième moyen, ci-après annexé


4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le deuxième moyen, pris en sa dixième branche

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement du salarié reposait sur une cause réelle et sérieuse, et en conséquence, de le condamner à lui verser diverses sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, du rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire, de l'indemnité légale de licenciement, des conditions vexatoires de la rupture du contrat de travail et du rappel de primes contractuelles, alors « que si aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, ces dispositions ne font pas obstacle à la prise en considération de faits antérieurs à deux mois dès lors que le comportement du salarié s'est poursuivi ou s'est réitéré dans ce délai ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'une des notes de frais litigieuses était intervenue dans le délai de deux mois précédant l'engagement de la procédure de licenciement ; qu'en jugeant cependant que l'employeur n'était pas recevable à contester les frais engagés plus de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1332-4 du code du travail :

6. Si aux termes de ce texte, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, ces dispositions ne font pas obstacle à la prise en considération de faits antérieurs à deux mois dès lors que le comportement du salarié s'est poursuivi ou s'est réitéré dans ce délai.

7. Pour requalifier le licenciement notifié au salarié pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse et condamner la société à lui payer diverses sommes à ce titre, l'arrêt retient que l'employeur n'établit pas avoir été informé tardivement des demandes de remboursement des notes de frais de son salarié, de sorte qu'il n'est pas recevable à contester les frais engagés antérieurement au délai de deux mois ayant précédé le licenciement, soit avant le 25 février 2017. Il ajoute que pour le surplus, seule une note de frais est reprochée au-delà de cette date à hauteur de 7,20 euros en date du mardi 14 mars 2017 pour l'achat de consommations et d'un cookie amande à une station BP.

8. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que les faits non prescrits procédaient du même comportement d'abus de notes de frais, soit la persistance d'un comportement fautif, sans examiner les griefs antérieurs au 25 février 2017, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

9. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser au salarié une certaine somme au titre des conditions vexatoires de la rupture du contrat de travail, alors « que le juge ne peut modifier les termes du litige ; qu'en l'espèce, le salarié sollicitait une indemnisation globale pour "licenciement sans motif réel et sérieux et comportement vexatoire" ; que la cour d'appel a jugé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse ; qu'en lui allouant des dommages-intérêts au titre des conditions vexatoires de la rupture du contrat de travail, quand le salarié ne formulait aucune demande distincte à ce titre, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

10. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

11. Pour condamner l'employeur à verser au salarié des dommages-intérêts au titre des conditions vexatoires de la rupture du contrat de travail, l'arrêt, après avoir relevé que le salarié revendiquait la somme de 149 499,96 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans motif réel et sérieux et comportement vexatoire de l'employeur et dit s'agissant du licenciement que celui-ci était fondé sur une cause réelle et sérieuse, retient que le caractère vexatoire de la rupture du contrat de travail est en revanche établi par la notification d'une mise à pied conservatoire mettant un terme brutal au contrat de travail eu égard à son statut directorial.

12. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions d'appel, le salarié ne formulait aucune demande distincte au titre des conditions vexatoires de la rupture, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.

Et sur le quatrième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

13. L'employeur fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande reconventionnelle tendant à condamner le salarié à lui rembourser une certaine somme au titre des notes de frais indûment payées et des frais personnels exposés par lui pris en charge par la société, alors « que la cassation à intervenir sur la neuvième et/ou la dixième branche du deuxième moyen entraînera, par voie de conséquence et en application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure de l'arrêt en ce qu'il a rejeté la demande de remboursement des frais professionnels injustifiés, la cour d'appel s'étant fondé, pour motiver ce rejet, sur la mise à l'écart du grief de licenciement correspondant. »






Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

14. La cassation prononcée sur le deuxième moyen entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif critiqué par le quatrième moyen relatif à la demande reconventionnelle en remboursement au titre des notes de frais indûment payées et des frais personnels exposés par le salarié pris en charge par la société, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen et les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le licenciement de M. [H] repose sur une cause réelle et sérieuse, et en conséquence, condamne la société [K] Multiservices Holding à lui verser les sommes de 37 375 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 3 737,50 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, 9 878,08 euros au titre du rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire, 11 750,66 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, 1 000 euros au titre des conditions vexatoires de la rupture du contrat de travail et 34 800 euros au titre du rappel de primes contractuelles, 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, et en ce qu'il déboute la société [K] Multiservices Holding de sa demande en remboursement de la somme de 3 169,89 euros au titre des notes de frais indûment payées et des frais personnels exposés par M. [H] pris en charge par la société, l'arrêt rendu le 7 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne M. [H] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société [K] Multiservices Holding

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La société [K] multiservices holding FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de M. [A] [H] reposait sur une cause réelle et sérieuse, et en conséquence, de l'AVOIR condamnée à verser à M. [H] les sommes de 37 375 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 3 737,50 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, 9 878,08 euros au titre du rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire, 11 750,66 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, 1 000 euros au titre des conditions vexatoires de la rupture du contrat de travail et 34 800 euros au titre du rappel de primes contractuelles,

1. ALORS QUE la violation par un salarié cadre dirigeant de la clause d'exclusivité prévue par son contrat de travail constitue une faute grave ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. [H], cadre dirigeant et directeur général salarié de la société, avait violé la clause d'exclusivité figurant à son contrat de travail pendant plus de deux ans, en créant en janvier 2015 une société dont il était le président et qui était restée en activité durant toute l'exécution de son contrat de travail ; qu'en jugeant cependant que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave mais seulement sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail et l'article L. 1234-9 du même code dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ;

2. ALORS QUE le manquement d'un cadre dirigeant à son obligation de loyauté constitue une faute grave ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que M. [H], cadre dirigeant et directeur général salarié de la société, avait manqué à son obligation de loyauté en décidant, le jour de l'engagement d'une procédure de licenciement à son encontre, de lever la clause de non-concurrence de deux cadres stratégiques de l'entreprise, en dehors de toute procédure de licenciement les concernant, les deux salariées manifestant leur incompréhension à l'égard de cette soudaine décision et l'interprétant comme une volonté de la part de M. [H] de désorganiser l'entreprise ; qu'en jugeant cependant que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave mais seulement sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 du Code du travail et l'article L. 1234-9 du même code dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ;


3. ALORS QUE la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. [H], cadre dirigeant et directeur général salarié de la société, avait d'une part violé la clause d'exclusivité figurant à son contrat de travail pendant plus de deux ans en créant en janvier 2015 une société dont il était le président et qui était restée en activité durant toute l'exécution de son contrat de travail, avait d'autre part manqué à son obligation de loyauté en décidant, le jour de l'engagement d'une procédure de licenciement à son encontre, de lever la clause de non-concurrence de deux cadres stratégiques de l'entreprise, en dehors de toute procédure de licenciement les concernant, les deux salariées manifestant leur incompréhension à l'égard de cette soudaine décision et l'interprétant comme une volonté de la part de M. [H] de désorganiser l'entreprise ; qu'en jugeant cependant que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave mais seulement sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail et l'article L. 1234-9 du même code dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.

DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION

La société [K] multiservices holding FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de M. [A] [H] reposait sur une cause réelle et sérieuse, et en conséquence, de l'AVOIR condamnée à verser à M. [H] les sommes de 37 375 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 3 737,50 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, 9 878,08 euros au titre du rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire, 11 750,66 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, 1 000 euros au titre des conditions vexatoires de la rupture du contrat de travail, et 34 800 euros au titre du rappel de primes contractuelles,

1. ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les écrits soumis à son examen ; qu'en l'espèce, Mme [L] indiquait notamment dans son attestation (prod. 11) : « malgré le poste qu'il occupait ne se déplaçait pas au sein des agences. Les équipes de mon périmètre l'ont vu la première année de son arrivée et qu'à partir de 2016 il ne s'y présentait quasiment plus pour finalement ne plus se déplacer du tout (...) Les équipes du siège me disaient également qu'elles ne le voyaient que très rarement sur le site de Lafayette (...) Ce manque d'investissement ne nous a pas permis de mettre en place des changements majeurs (...) comme le compte épargne temps, la dématérialisation, etc. Ces points majeurs ont souvent été mentionnés à M. [H] sans retour de sa part. Pire que tout nous avons perdu notre certification qualité en 2015 et lorsque je m'en suis étonnée auprès de M. [H] il m'a dit que le groupe ne souhaitait pas la renouveler et que cela ne servait à rien. J'ai quand même été surprise car nous avons besoin de cette certification pour répondre à nos appels d'offres. Au départ de M. [H] nous avons fait ce qu'il fallait pour récupérer notre certification, que nous avons eue en août 2017 (...) nous avons défendu sans sa présence des dossiers majeurs d'appel d'offres lors de soutenance qui ont participé à la croissance de notre entreprise : Natixis, Vente privée, BNP, le Plomb français... J'ai longtemps pensé et mes collègues aussi que M. [H] était en déplacement professionnel. J'ai finalement réalisé pendant son mois d'absence en discutant tous les jours avec M. [K] qu'en fait il n'était ni présent chez nous ni pour la filiale ni pour les équipes. » et ajoutait avoir indiqué à M. [H] à son retour qu'il les avait délaissés et que c'était M. [K] qui les avait soutenus durant le difficile mois d'avril 2017 ; que Mme Le Juge confirmait que M. [H] était « très peu présent au siège » (prod. 12), tandis que Mme [S] précisait qu'il était présent « environ un lundi toutes les semaines mais à partir de mai 2016, sa présence s'est réduite à 1 lundi tous les 15 jours » et que « la communication quasi exclusive par mail pouvait engendrer des incompréhensions ou des retards de traitement sur certaines prises de position notamment en période de clôture » (prod. 13) ; que Mme [C] mentionnait dans son attestation (prod. 15) qu'entre 2014 et 2017 M. [H] ne s'était « présenté qu'à deux reprises sur l'agence de [Localité 6] » et que « toutes les directives et objectifs pour l'agence » lui avaient « été transmises par Mme [L] » ; que M. [M] témoignait pour sa part avoir été engagé dans l'entreprise le 8 février 2017 en qualité de responsable développement régional et ne pas avoir été intégré par M. [H] qu'il avait seulement aperçu une seule fois au siège, son intégration ayant été prise en charge par Mme [L] (prod. 16) ; que ces attestations comportaient donc des éléments précis concernant le désinvestissement de M. [H] et son absence de soutien ; qu'en affirmant cependant que les témoignages recueillis auprès de certains salariés se plaignant de leur charge de travail et de l'absence de soutien de la part de M. [H] étaient vagues et imprécis pour justifier du grief de désinvestissement des fonctions managériales, la cour d'appel a dénaturé les attestations précitées, en violation du principe susvisé ;

2. ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, pour établir le désinvestissement volontaire résultant de l'absence d'accompagnement et de management des équipes, l'employeur invoquait (conclusions d'appel, pp. 30 à 33 et 48 à 51), outre des attestations, de nombreuses autres pièces (prod. 17 à 29) et notamment des courriels faisant apparaître, d'une part, l'absence de participation du salarié aux appels d'offres et aux dossiers sensibles sur lesquels le président le sollicitait (prod. 18 à 25), d'autre part, le désarroi de ses équipes (prod. 26 à 29) ; qu'il se prévalait sur ce dernier point d'un courriel de Mme [L] du 31 mars 2017 à une de ses collègues : « bon, là ça devient n'importe quoi… Je n'arrive plus à suivre… où il va ce qu'il veut… Suis désolée mais je n'y arrive plus du tout… Je m'avance vers une demande de rupture conventionnelle ma valou. Ça devient n'importe quoi… Je vais réfléchir posément ce we mais franchement y a plus de pilote » (prod. 29), d'un courriel de Mme [L] à M. [H] du 19 avril 2017 exposant « je regrette tout simplement tous ces échanges de mails, toute cette situation. Nous sommes là fidèles au poste, essayant de maintenir le navire et assistons impuissants à tout cela… J'ai l'impression d'un énorme gâchis... » (prod. 28), d'un courriel de M. [D], directeur régional Sud adressé le 13 avril 2017 à M. [H] lui indiquant « suite au changement d'organisation sur l'annexe de [Localité 4] et votre dernier mail. Je pense que nous avons besoin de précisions sur le résultat attendu. Mais nous n'arrivons plus à suivre les évolutions successives du PSE et à comprendre l'objectif à terme (production prestation/équipes » (prod. 26) ainsi que, en réponse à l'interrogation « c'est qui nous ? » adressée par M. [H] en copie à Mme [L] (prod. 26), du courriel adressé par cette dernière à M. [H] (prod. 27) : « [B]. Je ne mettrai personne en copie mais Nous est un comité de direction qui travaille avec vous depuis plus de 5 ans. Qui vous doit respect et loyauté mais qui est aujourd'hui désemparé car a besoin de vous sur des sujets importants concernant l'avenir d'une entreprise pour laquelle nous avons toujours voulu succès et réussite. Nous sommes épuisés par les inquiétudes… » ; qu'en se bornant à énoncer que les témoignages recueillis auprès de certains salariés se plaignant de leur charge de travail et de l'absence de soutien de la part de M. [H] étaient insuffisants pour en justifier au regard du caractère vague et imprécis de leur contenu, sans examiner les nombreuses autres pièces venant confirmer le grief de désinvestissement volontaire se traduisant par un délaissement des équipes, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

3. ALORS QUE l'absence de reproche formulé ou d'avertissement préalablement au licenciement ne suffit pas à exclure la réalité des griefs énoncés dans la lettre de licenciement ; qu'en énonçant, pour écarter le grief tenant au désinvestissement volontaire de M. [H] de ses fonctions, que le courriel de M. [K] du 19 avril 2017 n'émettait aucun reproche à l'encontre du salarié concernant la période et la durée de ses congés ni aucune observation sur le fait qu'il n'avait pas assisté ses équipes durant les négociations liées à la mise en place d'un plan social destiné à restructurer les agences ou suite à un article de presse paru le 4 avril 2017 mettant en cause la société DMH dans le cadre d'un mouvement social de travailleurs en situation irrégulière, et ne comportait nulle évocation du courriel de désarroi de Mme [I] en date du 4 avril 2017, ou encore qu'il n'était pas justifié d'une demande expresse de la société DMH, au regard de la situation conflictuelle avec les organisations représentatives du personnel suite à la réduction drastique des effectifs, d'une demande de retour anticipé du salarié de ses vacances afin de gérer la situation, et qu'ainsi M. [H] n'avait reçu aucun avertissement préalable lui faisant grief de se désinvestir de ses fonctions managériales, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail et de l'article L. 1234-9 du même code dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ;

4. ALORS QUE le désinvestissement volontaire du dirigeant salarié dans le management de ses équipes constitue une faute grave ; qu'en l'espèce, il était notamment reproché à M. [H] une absence d'accompagnement et de management de ses équipes et une désertion de l'entreprise, grief à l'appui duquel l'employeur invoquait les déplacements que Mme [L] était contrainte de faire seule en région pour assurer toute l'activité en l'absence de M. [H] (conclusions d'appel, p. 49-50 ; prod. 18) ; que l'employeur soulignait par ailleurs que si l'effectif total des deux sociétés dont M. [H] avait la responsabilité était, en 2016, de 5 310 salariés, une large majorité d'entre eux étaient des salariés intérimaires, mis à la disposition d'entreprises clientes et ne nécessitant donc aucun management de la part de M. [H], et que l'effectif de salariés permanents sur l'année 2016 se limitait à 184 salariés au total (conclusions d'appel, p. 17) ; qu'en énonçant à l'appui de sa décision que le seul fait que M. [H] ne soit pas régulièrement présent sur les différents sites, s'expliquait légitimement par l'ampleur de la tâche qui lui était confiée et le nombre de salariés sous sa responsabilité, soit au nombre de 5000, sans s'expliquer sur le nombre réel de salariés nécessitant un management et un accompagnement de la part de M. [H], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail et de l'article L. 1234-9 du même code dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ;

5. ALORS QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; qu'en l'espèce, ni la lettre de licenciement ni les conclusions d'appel de l'employeur n'indiquaient que la direction n'aurait jamais été informée de l'existence du congé pris par M. [H] du 27 mars au 21 avril mais lui reprochaient une absence d'information de la direction générale préalablement à son départ en congé pour quatre semaines ; que dans son courriel du 19 avril 2017 (prod. 30), à une date donc où les congés de M. [H] avaient largement commencé, M. [T] [K] indiquait précisément « tenez-nous au courant quand vous rentrez de vacances, je n'ai pas eu cette date », de sorte que si, à cette date, il était certes informé de ce que M. [H] était en congé, il ne connaissait toujours pas sa date de retour ; qu'en se bornant à indiquer qu'il résultait de ce courriel que l'employeur était bien informé du congé de M. [H], sans rechercher s'il n'en résultait pas qu'à quelques jours de la fin prévue de ce congé, l'employeur n'était toujours pas informé de leur date de fin, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-6 et L. 1234-9 du même code dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 et des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail ;

6. ALORS QUE le juge ne peut modifier les termes du litige tels qu'ils résultent des conclusions des parties ; qu'en l'espèce, le salarié ne contestait pas que la société [K] multiservices holding était propriétaire du véhicule « Renault Talisman », se bornant à nier avoir été l'auteur de la commande de ce véhicule (conclusions d'appel adverses, p. 24), lors même que l'employeur produisait à cet égard une attestation et le bon de commande signé de la main du salarié (conclusions d'appel, p. 35, prod. 33) ; qu'en énonçant à l'appui de sa décision qu'il n'était pas établi que la société DMH soit la propriétaire du véhicule Renault Talisman et en ait fait l'acquisition, pour en déduire qu'elle ne pouvait reprocher à M. [H] l'acquisition de ce second véhicule, la cour d'appel a modifié les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

7. ALORS QUE constitue une faute grave l'utilisation abusive des biens de l'entreprise ; qu'en l'espèce, l'employeur contestait avoir donné son autorisation au salarié pour qu'il utilise à titre professionnel son deux-roues et la carte carburant de l'entreprise pour régler les pleins de ce véhicule (conclusions d'appel, p. 37) ; qu'en relevant à l'appui de sa décision que le salarié soutenait avoir fait usage, en sus des deux véhicules automobiles, d'une motocyclette pour se déplacer plus facilement en zone urbaine, sans rechercher si l'employeur avait autorisé l'usage de la carte Total de l'entreprise pour régler les pleins de ce véhicule, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail et de l'article L. 1234-9 du même code dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ;

8. ALORS QU'à la supposer avérée, l'autorisation d'utiliser un véhicule de fonction à des fins privées n'implique pas celle de faire supporter à l'entreprise les frais de carburant afférents à une telle utilisation ; qu'en l'espèce, il était notamment reproché au salarié d'avoir utilisé la carte carburant de l'entreprise pour régler des pleins effectués durant ses congés ; qu'en se bornant à relever qu'il résultait du contrat de travail que l'usage mixte du véhicule de fonction était autorisé, motif impropre à écarter le grief tenant à la réalisation de pleins durant les congés avec la carte carburant de l'entreprise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1232-6 et L. 1234-9 du même code dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 et des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail ;

9. ALORS QUE la prescription de l'article L. 1332-4 du code du travail ne court que du jour où l'employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié ; qu'en l'espèce, l'employeur soulignait, preuve à l'appui, que M. [H], en sa qualité de directeur d'activités, cadre dirigeant, validait lui-même ses notes de frais sans contrôle du président de la société, son responsable hiérarchique, ou des services RH, de sorte qu'il était impossible pour la société d'avoir connaissance des faits litigieux au moment de leur commission et que c'était à la suite du constat de son désinvestissement qu'elle avait procédé à des contrôles et que ses pratiques avaient été découvertes en avril 2017 (conclusions d'appel, pp. 20-21 et 39-40 ; prod. 35 à 37) ; qu'en se bornant à affirmer que l'employeur n'établissait pas avoir été informé tardivement des demandes de remboursement des notes de frais de son salarié, sans constater à quelle date l'employeur avait eu une connaissance du caractère indu des frais dont le salarié avait demandé le remboursement, et sans examiner pour cela les éléments produits établissant qu'il n'avait eu connaissance de ce caractère indu qu'en avril 2017, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

10. ALORS en tout état de cause QUE si aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, ces dispositions ne font pas obstacle à la prise en considération de faits antérieurs à deux mois dès lors que le comportement du salarié s'est poursuivi ou s'est réitéré dans ce délai ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'une des notes de frais litigieuses était intervenue dans le délai de deux mois précédant l'engagement de la procédure de licenciement ; qu'en jugeant cependant que l'employeur n'était pas recevable à contester les frais engagés plus de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

TROISIÈME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

La société [K] multiservices holding FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR condamnée à verser à M. [H] la somme de 1 000 euros au titre des conditions vexatoires de la rupture du contrat de travail,

1. ALORS QUE le juge ne peut modifier les termes du litige ; qu'en l'espèce, le salarié sollicitait une indemnisation globale pour « licenciement sans motif réel et sérieux et comportement vexatoire » ; que la cour d'appel a jugé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse ; qu'en lui allouant des dommages et intérêts au titre des conditions vexatoires de la rupture du contrat de travail, quand le salarié ne formulait aucune demande distincte à ce titre, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2. ALORS en tout état de cause QUE le salarié peut prétendre à des dommages-intérêts en cas de comportement fautif de l'employeur dans les circonstances de la rupture ayant causé au salarié un préjudice distinct de celui résultant du licenciement ; que n'est pas fautive ni ne caractérise en elle-même un préjudice, la notification d'une mise à pied conservatoire, serait-elle in fine jugée injustifiée en l'absence de faute grave retenue ; qu'en se bornant à affirmer que le caractère vexatoire de la rupture du contrat de travail était établi par la notification d'une mise à pied conservatoire mettant un terme brutal au contrat de travail eu égard au statut directorial du salarié, la cour d'appel n'a pas caractérisé le comportement fautif de l'employeur dans les circonstances de la rupture ni le préjudice en résultant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

QUATRIÈME MOYEN DE CASSATION

La société [K] multiservices holding FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déboutée de sa demande reconventionnelle tendant à voir condamner M. [H] à lui rembourser la somme de 3 169,89 € au titre des notes de frais indûment payées et des frais personnels exposés par lui pris en charge par la société,

1. ALORS QUE la cassation à intervenir sur la neuvième et/ou la dixième branche du deuxième moyen entraînera, par voie de conséquence et en application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure de l'arrêt en ce qu'il a rejeté la demande de remboursement des frais professionnels injustifiés, la cour d'appel s'étant fondé, pour motiver ce rejet, sur la mise à l'écart du grief de licenciement correspondant ;

2. ALORS en tout état de cause QUE l'employeur est en droit de solliciter la répétition de sommes indûment versées au salarié à titre de remboursement de frais, même si les notes de frais litigieuses sont prescrites d'un point de vue disciplinaire ; qu'en l'espèce, dans le cadre de l'examen du licenciement, la cour d'appel a écarté le grief tenant aux notes de frais en raison de la prescription de la quasi-totalité des notes de frais ; qu'en jugeant que n'ayant pas retenu ce grief à l'encontre du salarié dans le cadre du licenciement, elle devait rejeter la demande de l'employeur en remboursement de notes de frais injustifiées, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1376 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

3. ALORS enfin QUE le juge ne peut modifier les termes du litige ; qu'en l'espèce, le salarié ne contestait pas que les notes de frais litigieuses lui avaient été remboursées, prétendant qu'elles auraient été validées par M. [T] [K] et tentant de démontrer le caractère justifié des dépenses litigieuses, notamment les dépenses de restauration et les paiements de carburant effectués via les cartes Total de l'entreprise mises à sa disposition (conclusions d'appel adverses, p. 23 à 26) ; que bien plus, concernant le week-end à [Localité 5] avec son épouse, il prétendait que M. [K] lui aurait proposé, en compensation de sa charge de travail, « de rester quelques jours de plus à [Localité 5] avec son épouse aux frais de l'entreprise à la fin du séminaire » de sorte qu'il aurait reconnu que ces frais avaient été pris en charge par l'entreprise (p. 26, § 2) ; qu'en énonçant, par motifs éventuellement adoptés, que la société n'apportait comme éléments de la réalité des dépenses effectuées et dont le remboursement était sollicité, que des photocopies inexploitables du fait de leur particulière mauvaise qualité et ne fournissait pas d'éléments comptables ou autres justifiant qu'elle avait réellement dû s'acquitter des frais en cause, la cour d'appel a modifié les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile.

CINQUIÈME MOYEN DE CASSATION

La société [K] multiservices holding FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'AVOIR déboutée de sa demande reconventionnelle tendant à voir condamner M. [H] à lui payer des dommages et intérêts pour non-respect de la clause d'exclusivité,

ALORS QUE la cour d'appel a constaté que M. [H] avait violé la clause d'exclusivité figurant à son contrat de travail pendant plus de deux ans, en créant en janvier 2015 une société dont il était le président et qui était restée en activité durant toute l'exécution de son contrat de travail ; que la société soulignait que la gérance unique d'une société, telle qu'assumée par M. [H], nécessitait l'accomplissement d'un nombre minimum d'heures de direction, de gestion et d'administration, heures pendant lesquelles l'intéressé n'avait pu se consacrer normalement et exclusivement à son activité salariée, et qu'ainsi, du fait de la violation de la clause d'exclusivité par le salarié, elle n'avait pas obtenu en contrepartie du salaire versé, la totalité de la prestation de travail qu'elle était en droit d'attendre contractuellement de son cadre dirigeant (conclusions d'appel, p. 64-65) ; qu'en affirmant péremptoirement que la société ne justifiait d'aucun préjudice issu de l'activité parallèle de M. [H] au profit de sa propre entreprise non concurrentielle, sans s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

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