22 septembre 2022
Cour d'appel de Montpellier
RG n° 17/03962

3e chambre civile

Texte de la décision

Grosse + copie

délivrées le

à









COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



3e chambre civile



ARRET DU 22 SEPTEMBRE 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 17/03962 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NH4B



ARRET N°



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 08 juin 2017

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 15/04361



APPELANTS :



Monsieur [Z] [O]

né le 02 Octobre 1946 à [Localité 15] (99)

de nationalité Française

[Adresse 10]

[Localité 5]

et

Madame [V] [T] épouse [O]

née le 17 Janvier 1955 à [Localité 13] (11)

de nationalité Française

[Adresse 10]

[Localité 5]



Représentés par Me Marie-Camille PEPRATX NEGRE de la SCP ERIC NEGRE, MARIE CAMILLE PEPRATX NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER et assistés à l'instance par Me Richard MARCOU, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué à l'audience par Me Marie-Hélène DUPUIS BREGAND, avocat au barreau de MONTPELLIER





INTIMES :



Maître [J] [P], ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL LES ARTISANS COMPLICES

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 8]

et

Monsieur [N] [D]

né le 08 Avril 1970 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 9]

[Localité 6]



Représentés par Me Karine GARDIER de la SCP TRIAS, VERINE, VIDAL, GARDIER LEONIL, avocat au barreau de MONTPELLIER

SA MAAF ASSURANCES

[Adresse 14]

[Localité 12]

Représentée par Me Christophe BEAUREGARD de la SCP CALAUDI/BEAUREGARD/MOLINIER/LEMOINE, avocat au barreau de MONTPELLIER



SARL AG INGENIERIE, représentée par Me [K] [H] mandataire ad hoc suivant ordonnance du 03/05/2019 du TC de Montpellier

[Adresse 1]

[Adresse 4]

[Localité 7]





INTERVENANT :



Maître [K] [H], ès qualités de mandataire ad hoc aux fins de représenter la SARL AG INGENIERIE suivant ordonnance du 03/05/2019 du TC de Montpellier

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représenté par Me Cyrille AUCHE de la SCP VERBATEAM MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER









Ordonnance de clôture du 24 Mai 2022

COMPOSITION DE LA COUR :





En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 JUIN 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de président de chambre et M. Fabrice DURAND, Conseiller, chargé du rapport.



Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de président de chambre

M. Fabrice DURAND, Conseiller

Mme Marie-Claude SIMON, Vice-présidente placée par ordonnance du premier président du 20 avril 2022



Greffier lors des débats : Mme Camille MOLINA



ARRET :



- contradictoire ;



- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;



- signé par M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de président de chambre, et par Mme Camille MOLINA, Greffière.






*

**





EXPOSE DU LITIGE



M. [Z] [O] et Mme [V] [T] épouse [O] sont propriétaires d'une maison à usage d'habitation sise [Adresse 11] (34).



Courant août 2008, M. et Mme [O] ont entrepris des travaux de rénovation et d'extension de leur maison : construction d'un garage, d'un mur de soutènement et d'une terrasse et aménagement d'un accès pour personne handicapée.



Le terrassement et les fondations (armatures et béton) ont été réalisés selon des modalités contractuelles mal connues par M. [O] lui-même, par l'entreprise de terrassement [Localité 5] Location et la SARL Agde Rénovation, entreprise de maçonnerie. La SAS Larosa est également intervenue pour étudier et fabriquer les armatures en acier nécessaires aux fondations.



M. et Mme [O] n'ont jamais remis en cause la qualité du travail des trois entreprises précitées et soutiennent n'avoir pu achever le chantier avec la SARL Agde Rénovation pour raison de " force majeure " non précisée.



M. et Mme [O] se sont alors rapprochés de M. [N] [D], gérant de la SARL Les Artisans Complices, et ont conclu le 2 septembre 2008 avec cette société un contrat d'entreprise en vue de l'achèvement des ouvrages au prix de 37 392,47 euros selon devis daté du 31 août 2008.



La SARL Les Artisans Complices a souscrit auprès de la SA MAAF Assurances une police d'assurance de responsabilité décennale et de responsabilité multirisque professionnelle.



M. et Mme [O] ont également confié une mission de louage d'ouvrage (dont la nature précise est discutée entre les parties) à la SARL AG Ingénierie.



Par ordonnance de 11 juin 2009, le juge des référés a ordonné une expertise confiée à M. [N] [G].



L'expert judiciaire a déposé son pré-rapport le 25 novembre 2009 puis son dernier rapport en l'état le 1er février 2010 après autorisation du magistrat chargé du contrôle des expertises.



La SARL Les Artisans Complices a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Montpellier du 28 avril 2010 et Me [J] [P] nommé mandataire liquidateur de cette société.



La SARL AG Ingénierie a fait l'objet d'une liquidation amiable et a été radiée du RCS le 25 novembre 2016. M. [K] [H] a été désigné administrateur ad hoc de cette société par ordonnance du président du tribunal de commerce de Montpellier.



Par actes d'huissier des 2 et 3 juillet 2015, M. et Mme [O] ont fait assigner Me [P], la SA MAAF Assurances, la SARL AG Ingénierie et M. [D] aux fins de les voir déclarer responsables des désordres et condamner à les indemniser des préjudices subis.



Par jugement du 8 juin 2017, le tribunal de grande instance de Montpellier a :

- déclaré irrecevable la demande de condamnation in solidum de M. [D] et de Me [P] à verser la somme de 71 841 euros ;

- dit que seule est recevable la demande de condamnation de M. [D] en sa qualité de gérant ;

- la déclare cependant infondée en l'absence de démonstration de toute faute personnelle dolosive ;

- déclare irrecevable la demande de condamnation in solidum de la SARL A Ingénierie et de Me [P] à réparer l'entier préjudice de M. et Mme [O] ;

- dit que seule est recevable la demande de condamnation de la SARL AG Ingénierie ;

- déboute toutefois M. et Mme [O] de leur demande à l'encontre de la SARL AG Ingénierie comme mal fondée ;

- déboute M. et Mme [O] de l'ensemble de leurs autres demandes comme mal fondées ;

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. et Mme [O] aux dépens.



Par déclaration au greffe du 13 juillet 2017, M. et Mme [O] ont relevé appel total de ce jugement contre Me [P], M. [D], la SA MAAF Assurances et la SARL AG Ingénierie.



Vu les dernières conclusions de M. et Mme [O] déposées au greffe le 24 mai 2022 ;



Vu les dernières conclusions de Me [P] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Les Artisans Complices et de M. [D] remises au greffe le 19 décembre 2019 ;

Vu les dernières conclusions de Me [H] ès qualités de mandataire ad hoc de la SARL AG Ingénierie remises au greffe le 7 juin 2022 ;



Vu les dernières conclusions de la SA MAAF Assurances remises au greffe le 25 mai 2022 ;






MOTIFS DE L'ARRET



A titre liminaire, il convient de rappeler que, conformément aux dispositions du troisième alinéa de l'article 954 du code de procédure civile, les demandes tendant simplement à voir " constater ", " rappeler " ou " dire et juger " ne constituent pas des demandes en justice visant à ce qu'i1 soit tranché sur un point litigieux mais des moyens, de sorte que la cour n'y répondra pas dans le dispositif du présent arrêt.



Sur la recevabilité des demandes formées par M. et Mme [O],



Sur les demandes formées contre Me [P],



M. et Mme [O] ont régulièrement déclaré leur créance de 70 000 euros à la procédure collective de la SARL Les Artisans Complices.



Sur appel relevé contre l'ordonnance du juge commissaire du 7 septembre 2011 ayant rejeté cette créance, la cour d'appel de Montpellier par arrêt du 2 juin 2015 a sursis à statuer de ce chef et enjoint à M. et Mme [O] de saisir la juridiction compétente dans les conditions de l'article L. 624-5 du code de commerce aux fins de fixation du montant de la créance.



En conséquence, les demandes formées par M. et Mme [O] contre Me [P], mandataire liquidateur de la SARL Les Artisans Complices, sont donc recevables sauf à préciser que ces demandes n'ont pas pour objet de condamner cette société mais seulement de fixer le montant de la créance.



Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a déclaré cette action irrecevable.



Sur les demandes formées contre la SARL AG Ingénierie,



La SARL AG Ingénierie soutient que les demandes formées contre elle par M. et Mme [O] sont irrecevables en raison de son inexistence juridique consécutive à sa radiation du RCS.



Toutefois, la personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation et jusqu'à la réalisation complète des opérations de la liquidation. La personnalité morale subsiste aussi longtemps que les droits et obligations à caractère social ne sont pas complètement liquidés.

Tel est précisément le cas en l'espèce, la SARL AG Ingénierie étant engagée dans une instance judiciaire afférente à un élément du passif dont le mandataire liquidateur n'a pas pu tenir compte.



Me [H] a été régulièrement désigné comme administrateur ad hoc pour représenter la SARL AG Ingénierie dans le cadre de ces opérations de liquidation et notamment dans le cadre du présent procès.



En l'absence de procédure collective ouverte contre la SARL AG Ingénierie, M. et Mme [O] ne sont pas tenus de justifier d'une quelconque déclaration de créance.



Me [H] ès qualités de mandataire ad hoc de la SARL AG Ingénierie soulève également une fin de non recevoir tenant à la prescription de l'action.



En l'absence de réception de l'ouvrage, le délai de prescription de l'action du maître de l'ouvrage en responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur est de cinq ans conformément à l'article 2224 du code civil.



Toutefois, lorsque deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent vers un seul et même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première, l'interruption de la prescription par l'exercice d'une action vaut aussi interruption de la prescription de la seconde action.



En l'espèce, il convient donc de tenir compte du fait que l'exercice par M. et Mme [O] de l'action en indemnisation fondée sur la responsabilité décennale a interrompu la prescription de l'action en responsabilité de droit commun.



En conséquence, M. et Mme [O] sont recevables à agir contre la SARL AG Ingénierie, ce en quoi le jugement déféré sera confirmé.





Sur la réception de l'ouvrage,



M. et Mme [O] sollicitent l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté leur demande de fixation de la réception judiciaire des travaux à la date du 8 novembre 2008. Ils font également valoir la réception tacite de l'ouvrage à la même date du 8 novembre 2008.



La réception judiciaire de l'ouvrage peut être demandée par le maître de l'ouvrage au tribunal qui la fixe au moment où l'ouvrage est en état d'être reçu.



En l'absence de réception amiable, la réception judiciaire ne peut être prononcée que si l'ouvrage est en état d'être reçu, c'est-à-dire habitable dans le cas d'un immeuble d'habitation.



En l'espèce, il ressort des constats d'huissier du 12 janvier 2009 et du 19 avril 2010 ainsi que du rapport d'expertise qu'à la date du 8 novembre 2008 l'ouvrage litigieux était inachevé, non clos et non desservi par les réseaux. Un tel ouvrage ne pouvait pas être utilisé et n'était pas habitable.



Le jugement déféré ayant rejeté la demande de réception judiciaire de cet ouvrage doit donc être confirmé.



S'agissant de la réception tacite, l'abondance des griefs formés par le maître d'ouvrage et les multiples et graves désordres affectant l'ouvrage empêchent de considérer comme acquise la volonté du maître de recevoir cet ouvrage.



Par courrier du 15 novembre 2008, M. [O] a fait état de malfaçons et d'un abandon de chantier par la SARL Les Artisans Complices sans aucunement manifester la volonté de recevoir un ouvrage inachevé et frappé de vices qu'ils estimaient majeurs.



Par ailleurs, M. et Mme [O] ont réglé à la SARL Les Artisans Complices un montant total de 30 737,49 euros et ont retenu le montant de 7 294,20 euros correspondant aux factures n°525 et 526.



En conséquence, le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de M. et Mme [O] visant à voir constater la réception tacite de l'ouvrage.





Sur la responsabilité de la SARL Les Artisans Complices et la garantie de la SA MAAF Assurances,



Sur le fondement principal,



M. et Mme [O] fondent leurs demandes contre la SARL Les Artisans Complices et son assureur MAAF à titre principal sur les articles 1792 et suivants du code civil.



En l'absence de réception des ouvrages, ces demandes fondées tant sur la garantie de parfait achèvement que sur la responsabilité décennale ne pourront qu'être rejetées, ce en quoi le jugement déféré sera confirmé.



Sur le fondement subsidiaire,



En cause d'appel, M. et Mme [O] font valoir le fondement subsidiaire de la responsabilité de droit commun de l'article 1147 ancien du code civil. Ce fondement impose aux appelants d'apporter la preuve d'une faute contractuelle et d'un préjudice en lien de causalité directe avec cette faute.



En l'espèce, il ressort des constatations de l'expert judiciaire que M. [O] a agi comme constructeur aux côtés de la SARL Les Artisans Complices pour réaliser le projet. En effet, les opérations de l'expert judiciaire ont mis en évidence que M. [O] s'était réservé une part très importante des travaux (définition du projet, terrassements, travaux de réservations et fourreaux, étanchéité murs et planchers, travaux de drainage, menuiseries, gaz et électricité) ainsi que cette répartition ressort du tableau figurant en annexe n°3 du rapport d'expertise.



L'expert judiciaire a notamment relevé que M. [O] avait livré les terrassements généraux et réalisé la semelle de fondation du local technique et qu'il était l'auteur des esquisses manuscrites imprécises constituant les seuls documents descriptifs des ouvrages réalisés à défaut de tout autre plan, descriptif ou note technique.



Il ressort également des pièces et des courriers versés aux débats que M. [O] s'est impliqué fortement dans les choix techniques et dans le suivi des travaux du chantier auprès de la SARL Les Artisans Complices et en lien avec la SARL AG Ingénierie.



En dépit de la complexité technique du projet (liée notamment à la nature du terrain exigu et en pente, à la présence d'argile, à la maison existante à proximité, au talus de fouille de hauteur importante, à l'imbrication de multiples ouvrages de gros 'uvre et à la présence de réseaux multiples à proximité), M. [O] n'a fait procédé à aucune étude géotechnique, aucune note de calcul de stabilité et de dimensionnement des ouvrages, aucune étude de BET structure ni aucun plan d'exécution des ouvrages indispensable au regard de la complexité du projet.



M. et Mme [O] n'ont pas tenu compte des réserves du permis de construire concernant l'entrée charretière, la note de calcul de stabilité des soutènements et les raccordements avec les différents réseaux.



M. et Mme [O] n'ont pas davantage eu recours à un maître d''uvre de conception pour s'assurer de la bonne définition des ouvrages, ni d'un maître d''uvre d'exécution pour suivre et contrôler le bon déroulement du chantier. Par ailleurs, les conditions particulièrement floues dans lesquelles ils ont fait réaliser le terrassement sans tenir compte des contraintes techniques des ouvrages à venir ont largement contribué à aggraver les risques inhérent à ce chantier.



En dépit de ces multiples fautes imputables à M. et Mme [O], il convient de relever que la SARL Les Artisans Complices a elle aussi commis des fautes de négligence en n'attirant pas l'attention de M. et Mme [O] sur les lacunes du projet et en co-réalisant avec les maîtres d'ouvrage des constructions présentant des désordres important compromettant la solidité de l'immeuble (page 10 du rapport).



En effet, l'expert judiciaire a relevé dans son rapport (page 8) l'absence de stabilité des ouvrages liée à des défauts majeurs de conception et d'exécution qui rendent nécessaire la démolition et la reconstruction.



Au regard des fautes respectives des parties, la responsabilité des désordres sera attribuée à hauteur de 50% à la charge de M. et Mme [O] et de 50% à la charge de la SARL Les Artisans Complices.



Le coût des travaux de démolition nécessaires ont été évalués par l'expert à hauteur de 10 184,38 euros TTC, somme à laquelle il convient d'ajouter les frais de mise en sécurité qui ont été nécessaires pour 1 831,94 euros TTC.



Au vu des éléments techniques mentionnés par l'expert judiciaire dans son rapport et notamment de la description des ouvrages à reconstruire, le coût de la reconstruction est évalué à hauteur de 40 000 euros TTC.



En l'absence de description plus précise du préjudice de jouissance subi, celui-ci sera fixé à hauteur de 5 000 euros.



Le caractère nécessaire des frais engagés par M. et Mme [O] de 3 111 euros, alors même qu'une expertise judiciaire était en cours avant d'être interrompue avant son terme, n'est pas établie. Cette demande sera donc rejetée.



La somme de 1 655 euros relative aux honoraires de l'expert judiciaire n'a pas à être remboursée à M. et Mme [O] dans la mesure où elle a été payée par leur assureur MAIF et où elle relève du régime des dépens.



De même la demande formée par M. et Mme [O] de paiement des frais de procédure de 3 750 euros doit être rejetée dans la mesure où cette somme a été payée par leur assureur MAIF et où elle relève du régime de l'article 700 du code de procédure civile.



Le coût total du préjudice subi part M. et Mme [O] est donc évalué à 57 016 euros TTC, dont il convient d'inscrire la moitié soit 28 508 euros TTC au passif de la procédure collective de la SARL Les Artisans Complices.



La SA MAAF Assurances, tenue de couvrir les seuls désordres décennaux, doit être mise hors de cause s'agissant d'une condamnation de son assurée fondée sur la responsabilité de droit commun non couverte par la police souscrite.



Sur les demandes formées contre le gérant M. [D],



M. et Mme [O] n'apportent pas la preuve d'une quelconque faute imputable à M. [D] et détachable de ses fonctions de gérant susceptible d'engager sa responsabilité envers les maîtres d'ouvrage.



Contrairement à la position soutenue par M. et Mme [O], M. [D] n'a pas volontairement refusé la réception des travaux mais a notifié à ses clients qu'il n'était plus en mesure d'accomplir sa mission en raison de leur immixtion sur le chantier et de leur refus de payer les factures des travaux.



Les autres allégations de dégradations volontaires des ouvrages et de dissimulation de vices de construction ne sont pas davantage démontrées par M. et Mme [O] et ne ressortent pas davantage des constatations opérées par l'expert judiciaire.



Le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef.



La demande de M. et Mme [O] contre M. [D] sera rejetée tant sur le fondement de la responsabilité contractuelle que sur le fondement de la responsabilité délictuelle.





Sur la responsabilité de la SARL AG Ingénierie,



M. et Mme [O] invoque un " contrat d'assistance technique " conclu le 9 septembre 2008 entre M. et Mme [O] et la SARL AG Ingénierie.



Ce contrat résulte matériellement du courrier adressé le 9 septembre 2008 par la SARL AG Ingénierie à M. [O]. Ce courrier décrit la mission acceptée par l'entreprise en ces termes :

" - établir les plans d'exécution de la piscine et du garage (vues en plan et coupes correspondantes de coffrage et ferraillage) ;

- établir le ferraillage type des murs servant de soutènement afin que vous puissiez faire referrailler les murs déjà préparés par le maçon et qui ne sont pas satisfaisants ".



Cette lettre de mission, acceptée par M. et Mme [O], n'établit pas qu'ils auraient confié une mission de maîtrise d''uvre à la SARL AG Ingénierie dont cette dernière conteste fermement l'existence.



M. et Mme [O] fondent leur demande contre la SARL AG Ingénierie à titre principal sur la responsabilité décennale des articles 1792 et suivants du code civil et à titre subsidiaire sur la responsabilité contractuelle de droit commun.



En l'absence de réception de l'ouvrage, la demande principale fondée sur les articles 1792 et suivants du code civil ne peut qu'être rejetée.

S'agissant du fondement contractuel de droit commun invoqué pour la première fois à titre subsidiaire en cause d'appel, M. et Mme [O] n'apportent pas la preuve d'une quelconque faute contractuelle commise par la SARL AG Ingénierie dans l'exécution de sa mission.





En effet, d'une part la SARL AG Ingénierie n'était pas maître d''uvre de l'opération de construction mais n'apportait qu'une assistance technique aux maîtres d'ouvrage. En particulier, elle n'était tenue d'aucune obligation de surveillance de l'entreprise d'exécution.



Il ressort du courrier adressé le 24 septembre 2008 par la SARL AG Ingénierie à M. et Mme [O] qu'elle a été placée dans l'impossibilité de réaliser sa mission en raison des vices affectant les ouvrages déjà réalisés.



La SARL AG Ingénierie a en outre subi le refus de la SARL Les Artisans Complices et des maîtres d'ouvrage eux-mêmes de tenir compte de ses préconisations techniques destinées à éviter tout sinistre, notamment au regard du risque d'effondrement du mur de soutènement et de la piscine insuffisamment ancrés dans le sol.



Il en résulte qu'aucune faute contractuelle n'est établie contre la SARL AG Ingénierie dans le cadre de sa mission d'assistance technique.



Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes formées par M. et Mme [O] contre la SARL AG Ingénierie.



S'agissant de la demande de 3 000 euros de dommages-intérêts pour préjudice moral formée par la SARL AG Ingénierie contre M. et Mme [O], elle sera rejetée en l'absence de démonstration d'une faute caractérisée commise par les appelants matérialisant un abus du droit d'ester en justice ou d'exercer les voies de recours.





Sur les demandes accessoires,



Le jugement déféré sera infirmé en ses dispositions ayant statué sur les dépens et sur les demandes relatives aux frais non compris dans les dépens.



Me [P] ès qualités et M. et Mme [O] succombent partiellement en cause d'appel. Ils seront donc tenus in solidum de supporter les dépens avec répartition définitive entre eux à hauteur de moitié chacun.



M. et Mme [O] seront condamnés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à payer :

- 2 000 euros à M. [D] ;

- 2 000 euros à la SARL AG Ingénierie représentée par Me [H] ès qualités de mandataire ad hoc ;

- 2 000 euros à la SA MAAF Assurances ;



Me [P] ès qualités sera condamné à payer 3 000 euros à M. et Mme [O] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS,





La cour,



Infirme partiellement le jugement déféré en ses dispositions ayant déclaré l'action exercée par M. [Z] [O] et Mme [V] [T] épouse [O] contre Me [P] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Les Artisans Complices irrecevable et ayant statué sur les dépens et sur les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;



Le confirme pour le surplus de ses dispositions ;



Statuant à nouveau sur les chefs infirmés tout en reprenant les dispositions confirmées du jugement pour une meilleure compréhension du dispositif du présent arrêt,



Déclare recevable l'action exercée par M. [Z] [O] et Mme [V] [T] épouse [O] contre Me [P] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Les Artisans Complices et contre M. [N] [D] ;



Déclare recevable l'action exercée par M. [Z] [O] et Mme [V] [T] épouse [O] contre la SARL AG Ingénierie représentée par Me [H] ès qualités de mandataire ad hoc ;



Rejette les demandes formées par M. [Z] [O] et Mme [V] [T] épouse [O] visant à voir constater la réception tacite ou prononcer la réception judiciaire de l'ouvrage ;



Fixe au passif de la procédure collective de la SARL Les Artisans Complices la créance de 28 508 euros TTC au profit de M. [Z] [O] et Mme [V] [T] épouse [O] ;



Met M. [N] [D] hors de cause ;



Met la SA MAAF Assurances hors de cause ;



Déboute M. [Z] [O] et Mme [V] [T] épouse [O] de leurs demandes formées contre la SARL AG Ingénierie représentée par Me [H] ès qualités de mandataire ad hoc ;



Fait masse des dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertise judiciaire, et dit que ces dépens seront supportés in solidum avec répartition définitive pour moitié entre Me [P] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Les Artisans Complices et M. et Mme [O] ;



Condamne Me [P] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Les Artisans Complices à payer 3 000 euros à M. [Z] [O] et Mme [V] [T] épouse [O] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;



Condamne M. [Z] [O] et Mme [V] [T] épouse [O] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à payer :

- 2 000 euros à M. [N] [D] ;

- 2 000 euros à la SARL AG Ingénierie représentée par Me [H] ès qualités de mandataire ad hoc ;

- 2 000 euros à la SA MAAF Assurances ;



Déboute les parties de leurs plus amples demandes.





Le greffier, Le conseiller faisant fonction de président de chambre,

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