2 juin 2022
Cour d'appel de Douai
RG n° 20/02427

CHAMBRE 1 SECTION 1

Texte de la décision

République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 02/06/2022





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N° de MINUTE :

N° RG 20/02427 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TB53



Jugement (N° 18/01301) rendu le 03 juin 2020

par le tribunal judiciaire d'Arras







APPELANTS



Monsieur [R] [W]

né le 09 novembre 1986 à [Localité 7] ([Localité 7])

Madame [I] [D]

née le 05 février 1986 à [Localité 6] ([Localité 6])

demeurant ensemble [Adresse 1]

[Localité 2]



représentés et assistés de Me Christian Delevacque, membre de la SCP Robiquet Delevacque Verague Yahiaoui Passe, avocat au barreau d'Arras, substitué par Me Alexis Fatoux, avocat au barreau d'Arras





INTIMÉE



Madame Christine [B]

née le 14 février 1975 à [Localité 4] (62)

demeurant [Adresse 8]

[Localité 3]



représentée par Me Pascal Lenoir, avocat au barreau de Lille







DÉBATS à l'audience publique du 07 mars 2022 tenue par Céline Miller magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.





GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ



Christine Simon-Rossenthal, présidente de chambre

Emmanuelle Boutié, conseiller

Céline Miller, conseiller



ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 02 juin 2022 après prorogation du délibéré en date du 19 mai 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Christine Simon-Rossenthal, présidente et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.






ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 3 février 2022



****



Par acte authentique du 16 mars 2018, Mme Christine [B] a acquis de M. [R] [W] et Mme [I] [D] une maison à usage d'habitation sise à [Adresse 8].



Se plaignant notamment de l'affaissement d'une section de la toiture et d'une difficulté d'évacuation des sanitaires du bien objet de la vente, Mme [B] a cherché à obtenir réparation de la part des vendeurs, selon un échange de correspondance au printemps de l'année 2018.



En l'absence de résolution amiable du litige et par acte d'huissier en date du 24 juillet 2018, Madame [B] a assigné Monsieur [W] et Madame [D] aux fins de réparation des dommages allégués.



Par jugement du 03 juin 2020, le tribunal judiciaire d'Arras a notamment :


Condamné M.[W] et Mme [D] in solidum à verser à Mme [B] la somme de 14 267,06 euros en réparation des défauts de la toiture ;

Débouté Mme [B] de sa demande de réparation des défauts de l'évacuation des sanitaires ;

Débouté Mme [B] de sa demande de réparation d'un préjudice moral ;

Débouté M. [W] et Mme [D] de leur demande en réparation d'un préjudice né de l'abus de procédure et de leur demande au titre des frais irrépétibles ;

Condamné M. [W] et Mme [D] in solidum à verser à Mme [B] la somme de 1 500 euros en indemnisation des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Condamné M. [W] et Mme [D] in solidum aux entiers dépens de l'instance dont distraction sera ordonnée au profit de Maitre [N] [H] ;

Ordonné l'exécution provisoire.




M. [W] et Mme [D] ont interjeté appel de ce jugement.



Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 2 février 2022, M. [W] et Mme [D] demandent à la cour d'infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Arras le 03 juin 2020 en ce qu'il les a condamnés in solidum à verser à Mme Christine [B] la somme de 14 267,06 euros en réparation des défauts de la toiture, en ce qu'il les a déboutés de leur demande en réparation d'un préjudice né d'un abus de procédure et en ce qu'il les a condamnés au paiement d'une somme de 1 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et statuant à nouveau, de :


Débouter purement et simplement Mme Christine [B] de toutes ses demandes, fins et conclusions au titre du prétendu vice caché affectant la couverture de l'immeuble ;

Débouter Madame Christine [B] de toutes ses demandes, fins et conclusions présentées au titre du dol ;

Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Arras le 3 juin 2020 en ce qu'il a débouté Mme Christine [B] de sa demande de réparation des défauts d'évacuation des sanitaires ainsi que de sa demande de réparation d'un préjudice moral ;

Condamner Mme Christine [B] à payer à M. [R] [W] et à Mme [I] [D] la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Débouter Mme Christine [B] de toutes ses demandes, fins et conclusions et juger en toute hypothèse irrecevable et infondé l'appel incident de Mme Christine [B] ;

Condamner Mme Christine [B] au paiement d'une somme de 5 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile tant au titre de la procédure de première instance que de la procédure d'appel ;

Condamner Mme Christine [B] en tous les frais et dépens.




Ils font valoir essentiellement que le tribunal ne pouvait se fonder uniquement sur un simple compte rendu d'artisan pour apprécier la nature et les conséquences d'un fléchissement localisé de la toiture, et ce au regard de la jurisprudence constante de la Cour de cassation (cf. arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation en date du 1er octobre 2014, pourvoi n°13- 25226, l'arrêt rendu par la 2ème chambre civile de la Cour de cassation le 06 février 2014, pourvoi n°13-11793, l'arrêt rendu de la chambre mixte de la Cour de cassation en date du 28 septembre 2012, pourvoi n°11-18710) ; qu'en l'absence d'expertise, il n'est pas établi que l'immeuble vendu était affecté d'un vice au niveau de la couverture rendant l'ouvrage impropre à son usage ou à sa destination ou diminuant son usage et sa destination ; qu'en toute hypothèse ce vice n'était pas caché ; que l'infiltration alléguée par Mme [B] concerne les gaines de ventilation et non pas la toiture ; que Mme [B] tente d'obtenir par la présente procédure un rabais du prix de vente de la maison et de leur faire payer les travaux d'isolation de la toiture qu'elle a estimé bon de mettre en oeuvre mais qui ne correspondent pas à la stricte réparation du désordre allégué.



Ils affirment en tout état de cause qu'ils ne sont pas des professionnels du bâtiment, qu'ils ne pouvaient pas avoir connaissance ni conscience de ce qu'un phénomène localisé de fléchissement de la couverture pouvait constituer un vice caché et que par voie de conséquence, la clause exonératoire de garantie des vices cachés doit produire son plein et entier effet.



Ils ajoutent qu'ils n'ont commis aucun dol ou man'uvre dolosive et que les demandes de Mme [B] formées sur ce fondement juridique doivent être écartées.

Ils soutiennent enfin que la procédure diligentée par Mme [B] à leur encontre est abusive.



Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 2 février 2022, Mme [B] demande à la cour de la déclarer recevable et bien-fondée en toutes ses demandes, fins, moyens et prétentions  et y faisant droit, de confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a limité le montant de la réparation de la toiture à la somme de 14 267,06 euros, en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes de réparation des défauts de l'évacuation des sanitaires et d'un préjudice moral et en ce qu'il a limité la condamnation in solidum de M. [W] et Mme [D] à la somme de 1 500 euros en indemnisation des frais exposés et non compris dans les dépens, et conséquence, statuant à nouveau, de :



A titre principal,


Condamner in solidum M. [W] et Mme [D] à payer à Mme [B] la somme de 14 301,78 euros correspondant aux travaux de remise en état de la toiture de l'extension de l'immeuble sur le fondement de la garantie des vices cachés ;

Condamner in solidum M. [W] et Mme [D] à payer à Mme [B] la somme de 2 890,73 euros correspondant aux travaux de remise en état de la canalisation et aux travaux consécutifs, sur le fondement de la garantie des vices cachés ;


Subsidiairement,


Condamner in solidum M. [W] et Mme [D] à payer à [U] [B] la somme de 18 000 euros à titre de dommages et intérêts.


En tout état de cause,


Débouter M. [W] et Mme [D] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

Condamner in solidum M. [W] et Mme [D] à payer à Mme [B] la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral subi ;

Condamner in solidum M. [W] et Mme [D] à payer à Mme [B] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dont distraction au profit de Maitre Pascal Lenoir ;

Les condamner in solidum aux entiers dépens.




Elle fait essentiellement valoir que lors des négociations pré-contractuelles avec M. [W] et Mme [D], elle a visité la maison à deux reprises et qu'elle a formulé une proposition d'achat à hauteur de 125 000 euros alors que la maison était proposée à la vente au prix de 130 000 euros en considération du fait qu'aucune difficulté particulière n'avait été relevée, la toiture de l'extension ne semblant nécessiter qu'un simple nettoyage ; qu'elle avait questionné les vendeurs sur l'évacuation des toilettes sans qu'ils ne lui signalent de difficulté ; qu'une fois la vente signée, son nouveau voisin l'a alertée sur l'état de la toiture de l'extension de sa maison qui s'affaissait dangereusement, ce qui n'était pas visible depuis son propre jardin ; que celui-ci a précisé avoir déjà averti les vendeurs à plusieurs reprises ; qu'elle a immédiatement fait appel à un professionnel, la société Activ toit, laquelle a confirmé les inquiétudes du voisin ; que de même, elle a mandaté la société Allo débouchage pour examiner la canalisation d'évacuation des eaux usées, laquelle a conclu à une présence massive de calcaire stagnante depuis plusieurs années, mais également à l'affaissement du tuyau nécessitant des travaux conséquents et coûteux ; qu'elle a sollicité ses vendeurs pour la prise en charge des travaux nécessaires à hauteur de 16 000 euros et que conscients d'avoir délibérément caché des défauts de l'immeuble, ils lui ont d'abord proposé une somme de 5 000 euros avant de se rétracter et de refuser purement et simplement toute prise en charge.



Elle soutient que les défauts qu'elle allègue existaient au moment de la vente, qu'ils n'étaient pas apparents et que la clause de non garantie des vices cachés insérée dans l'acte de vente ne peut trouver à s'appliquer dès lors que les vendeurs avaient connaissance du vice. Elle fait valoir en effet que les vendeurs ne contestent pas que la toiture soit affectée de désordres et qu'ils se contentent d'indiquer que cela n'est pas étonnant compte tenu de l'ancienneté de la toiture ; que le fait d'avoir eu les clefs quatre jours avant la vente ne lui a pas permis de détecter le vice de la toiture du fait de l'orientation de la maison et de l'absence de recul de la propriété, le vice n'étant apparent que depuis chez le voisin ; que la société Activ Toit a conclu à un affaissement important de la toiture, lequel risque de s'aggraver et d'entraîner l'apparition de fuites à plus ou moins long terme, comme en atteste le sinistre dont elle a été victime par la suite ; que les vendeurs avaient parfaitement connaissance des désordres affectant la toiture pour en avoir été informés par le voisin et les avoir constatés depuis le fonds de celui-ci, mais qu'ils les ont délibérément tus pendant les négociations précontractuelles, sachant qu'elle ne pourrait pas les voir lors de ses visites de l'immeuble ; que cette déformation de la toiture fragilise la structure de l'immeuble et conduira inévitablement à des infiltrations d'eau voire à l'effondrement de la toiture. Elle ajoute que suite à la survenance d'un sinistre consécutif à une infiltration d'eau par les gaines de ventilation en raison du défaut d'étanchéité de la toiture, elle a été contrainte d'engager les travaux de réparation de sa toiture à hauteur de la somme de 14 301,78 euros suivant facture de la société Activ Toit.

S'agissant de l'évacuation des toilettes, elle fait valoir que ses vendeurs ayant une famille plus nombreuse que la sienne ne peuvent avoir ignoré le problème. Elle ajoute qu'elle a fait l'objet d'un sinistre le 7 mai 2021 résultant d'une fuite sur la canalisation d'évacuation des eaux usées des WC encastrés dans le sol de la maison qui ont entraîné des dommages aux plafonds et murs de sa cave ; que ce sinistre a justifié l'intervention de la société Allo Débouchage, laquelle a mis en évidence 'la présence de contre-pentes empêchant la bonne fonctionnalité du réseau d'assainissement [Localité 5]. En effet, ces contre-pentes provoquent une stagnation des eaux usées pouvant résulter en un bouchon', ainsi que 'la présence de décalage circulaire (déboitement de la canalisation) créant une ouverture dans le réseau, entraînant des fuites d'eau et des infiltrations de déchets dans la canalisation'. Elle ajoute qu'elle a été contrainte de mettre en oeuvre les travaux de réhabilitation de la zone concernée à hauteur de 2 890,73 euros. Elle soutient enfin que ce dysfonctionnement de l'évacuation résultant de l'existence de ces contre-pentes et du déboitement des canalisations était préexistant à la vente sans que les vendeurs aient pu l'ignorer.



Subsidiairement, au visa de l'article 1137 du code civil, elle fait valoir que la réticence dolosive de ses voisins lui a fait perdre la chance de négocier le prix de vente de l'immeuble en tenant compte de l'étendue des travaux urgents à réaliser et demande leur condamnation à lui payer la somme arrondie à 18 000 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à la différence entre le prix payé lors de la vente et celui qui l'aurait été si les vendeurs avaient été de bonne foi lors de la négociation précontractuelle, compte tenu du coût des réparations effectuées.



Elle ajoute enfin qu'elle subit un préjudice moral lié à la mauvaise foi absolue et la désinvolture des vendeurs depuis la vente, ayant généré un état d'anxiété qui l'a contrainte à une prise quotidienne d'anxiolytiques. Elle fait valoir que sa procédure est entièrement justifiée et aucunement abusive.






MOTIFS DE LA DECISION



I- Sur la garantie des vices cachés



A/ Sur les désordres affectant la toiture



* Sur l'existence du vice caché



Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.



Il incombe à l'acquéreur de rapporter la preuve du vice caché et de ses différents caractères. Il doit ainsi établir que la chose vendue est atteinte d'un vice :

- inhérent à la chose et constituant la cause technique des défectuosités,

- présentant un caractère de gravité de nature à porter atteinte à l'usage attendu de la chose,

- existant antérieurement à la vente, au moins en l'état de germe,



- n'étant, au moment de la vente, ni apparent ni connu de lui, le vendeur n'étant pas tenu ' des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même' conformément à l'article 1642 du code civil,

- et d'une importance telle que s'il en avait eu connaissance, il n'aurait pas acquis la chose ou n'en aurait offert qu'un moindre prix.



En vertu de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.



En application de ce texte, il est admis que si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties par un technicien de son choix, peu important qu'elle l'ait été en présence de la partie adverse. Ainsi, si le juge peut tenir compte d'une expertise réalisée non contradictoirement, c'est à la condition que cette dernière vienne corroborer d'autres éléments de preuve.



Mme [B] fait état de ce que la toiture de l'extension de l'immeuble sis à [Adresse 8] qu'elle a acquis auprès de M. [W] et Mme [D] présenterait un fléchissement localisé constituant un vice caché en ce qu'il est susceptible, selon l'avis donné par M. [G] [Z] de la société Activ toit, 'd'entraîner à plus ou moins long terme des fuites sur le vélux ou sous les tuiles du fait de la pente insuffisante' et en ce que 'la charpente trop sollicitée par le poids des tuiles et probablement par la trop faible section des bois, présente un risque d'aggravation dans son affaissement.'



Sans contester l'existence même de ce fléchissement localisé, M. [W] et Mme [D] en questionnent la gravité et le fait qu'il soit susceptible de présenter les caractéristiques du vice caché visé à l'article 1641 précité. Ils critiquent le jugement de première instance en ce qu'il s'est fondé exclusivement sur les constatations non contradictoires de M. [G] [Z] de la société Activ'Toit, pour asseoir sa conviction.



Il ressort des photographies versées aux débats, de l'attestation de M. [A], occupant du fonds voisin et des constatations de M. [G] [Z] de la société Activ'Toit envoyées par mail le 27 mars 2018 qu'il existe en effet, sur la toiture de l'extension de l'immeuble vendu à Mme [B] un fléchissement localisé de la toiture.



Mandaté par Mme Christine [B] pour donner son avis sur ce fléchissement, c'est cependant de manière non contradictoire que M. [G] [Z] de la société Activ'Toit a procédé à ses constatations dont il ressort que :



' - La toiture est composée d'une charpente probablement sous dimensionnée présentant un flambage significatif entre les fermes. La section des bois est certainement en cause, ainsi que la répartition du poids des tuiles sur un pan pas assez pentu.

- Un vélux a été implanté sur cette pente insuffisante, nécessitant la réalisation d'un ouvrage 'peu professionnel' pour le protégéer. Aucune fuite n'a toutefois été relevée dans la chambre.

- La tuile utilisée, en l'occurrence une tuile béton, n'est pas adaptée à la pente relevée (10°), donc inférieure à 15° qui est le minimum requis pour cette tuile, qui plus est avec un écran de sous toiture en vulgaire plastique non respirant.

En conclusion, cette toiture présentera, à plus ou moins long terme, des fuites sur le vélux ou sous les tuiles du fait de la pente insuffisante. La charpente, trop sollicitée par le poids des tuiles et probablement par la trop faible section des bois, présente un risque d'aggravation dans son affaissement.

Fait pour faire valoir ce que de droit, ne voulant pas me substituer à un expert qui pourrait être mandaté, mais simplement exprimer l'avis du professionnel que je suis.'



Or s'il n'est pas interdit pour le juge de se fonder sur une expertise non contradictoire produite par une partie pourvu qu'elle ait été soumise à la discussion contradictoire des parties, c'est à la condition de ne pas se fonder exclusivement sur cet élément, lequel doit être corroboré par d'autres éléments, notamment techniques s'agissant d'un vice caché.



La cour ne peut que constater que le courriel de M. [Z] de la société Activ Toit, certes menuisier professionnel, n'est qu'un simple avis succinct donné à Mme [B] à la demande de celle-ci, de manière non contradictoire, et non une expertise ainsi que le relève lui-même M. [Z] qui se prononce de manière prudente et n'évoque que des désordres éventuels à plus ou moins long terme, avec la possibilité de survenance de fuites sur le vélux ou sous les tuiles et un risque d'aggravation de l'affaissement de la toiture.



Les autres éléments versés aux débats sont des photographies et le témoignage de M. [A], qui s'ils permettent d'attester de la réalité du fléchissement de la toiture, ne suffisent pas à caractériser un vice présentant un caractère de gravité de nature à porter atteinte à l'usage attendu de la chose.



Il n'est par ailleurs pas établi que le sinistre de dégât des eaux survenu trois ans plus tard par des infiltrations via les gaines de ventilation de la cuisine et des toilettes soit lié au désordre allégué.



Enfin, le courrier du directeur de la société Activ-toit, M. [S], en date du 14 octobre 2021, fait état des constatations effectuées par M. [Z] en 2018 et évoque des infiltrations constatées par leurs soins en 2020 mais de manière non circonstanciée et ne permettant pas de déterminer la cause des infiltrations évoquées.



Les parties ne sollicitent cependant pas d'expertise judiciaire et en tout état de cause, la cour constate que Mme [B] a déjà effectué les travaux de réfection de toiture dont elle demande le remboursement, de sorte qu'un expert judiciaire ne serait plus à même de constater les désordres allégués.



Dans ces conditions, la cour estimant que la preuve n'est pas suffisamment rapportée de l'existence d'un vice de la toiture présentant les caractères de gravité visés à l'article 1641du code civil, infirmera la décision déférée en ce qu'elle a condamné les vendeurs, M. [R] [W] et Mme [I] [D], à verser à Mme Christine [B] la somme de 14 267,06 euros en réparation de la toiture et statuant à nouveau, déboutera Mme Christine [B] de sa demande à ce titre.



B/ Sur les désordres affectant l'évacuation des eaux usées



C'est par des motifs parfaitement pertinents, que la cour adopte, que le premier juge a constaté que s'il ressortait d'une facture de la société Allo Débouchage en date du 27 avril 2018 que celle-ci était intervenue pour effectuer sur l'évacuation des sanitaires de l'immeuble un débouchage haute pression et 'une extraction massive de calcaire stagnant dans des canalisations depuis plusieurs années', il n'était pas clairement indiqué que ce dépôt de calcaire était à l'origine des difficultés d'évacuation qui peuvent aussi survenir de manière inopinée ; que si la demanderesse produisait par ailleurs un devis établi par la société Atout Renov pour le changement d'un tuyau affaissé, ces documents n'établissaient ni la cause de la dégradation, dont la manifestation ne pouvait être présumée anormale dans une construction ancienne, ni qu'elle était à l'origine des difficultés d'évacuation ; que dès lors, il apparaissait que les pièces produites ne permettaient pas de retenir avec certitude que le bouchage et l'affaissement de la canalisation étaient réalisés ou même prévisibles au jour de la vente, étant observé que l'acquéreur d'un bien ancien s'expose nécessairement à la survenance fortuite de l'obsolescence de certaines installations ; qu'il a relevé qu'en l'absence de toute certitude quant à sa cause, l'évacuation difficile d'une canalisation sanitaire ne paraissait pas constituer, pour un bien ancien, un défaut qui compromette suffisamment l'usage de l'immeuble pour admettre que l'acquéreur aurait renoncé à son achat ou en aurait donné un prix moindre, de sorte que le défaut d'évacuation des sanitaires évoqué ne pouvait être considéré comme un vice caché au sens de l'article 1641 du code civil.



C'est encore de manière toute à fait pertinente, quoique surabondante, que ce juge a considéré que la connaissance du désordre par M. [W] et Mme [D] n'était pas établie de sorte qu'en tout état de cause, la clause exonératoire de garantie stipulée à l'acte de vente aurait trouvé à s'appliquer.



La décision déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a débouté Mme [B] de sa demande en réparation des défauts de l'évacuation des sanitaires fondée sur l'existence d'un vice caché, ainsi que de sa demande en réparation du préjudice moral lié.





II- Sur le dol



L'article 1104 du code civil dispose que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.



L'article 1112-1 précise que dans le cadre des négociations précontractuelles, celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. (...) Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties. Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie. (...) Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.



Aux termes de l'article 1130 du code civil, l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.



L'article 1137 dudit code précise que le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.



En l'espèce, s'il n'est pas contesté que la toiture de l'extension de l'immeuble vendu présentait un fléchissement, lequel était difficilement visible depuis le jardin, il ressort des développements qui précèdent que la gravité du vice n'est pas établie. Bien plus, il n'est pas démontré que les vendeurs, quand bien même ils auraient eu connaissance de l'existence de ce désordre dès lors que leur voisin semble avoir attiré leur attention sur ce point, auraient eu conscience de sa gravité et du caractère potentiellement déterminant du consentement de leur acquéreure, Mme [B], de sorte que le silence gardé sur ce point n'apparaît pas fautif, étant précisé par ailleurs que plusieurs visites de l'immeuble ont été organisées avant la vente, dont une précisément pour vérifier l'état du toit, et que les clefs du logement ont été confiées à Mme [B] quatre jours avant la vente, de sorte que les vendeurs ne peuvent avoir chercher intentionnellement à dissimuler l'état de la toiture.



Par ailleurs, il n'est pas établi qu'ils aient eu connaissance avant la vente d'une difficulté d'évacuation des toilettes et du caractère déterminant du consentement de leur acquéreur de cette information, étant rappelé que s'agissant d'un logement ancien, l'acquéreur pouvait légitimement s'attendre à ce que certains équipements soient atteints de vétusté.



La décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a rejeté les demandes formées par Mme [B] sur le fondement du dol.





III- Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive



Il résulte des articles 1240 du code civil et 32-1 du code de procédure civile, qu'une partie ne peut engager sa responsabilité pour avoir exercé une action en justice ou s'être défendue que si l'exercice de son droit a dégénéré en abus. L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'étant pas, en soi, constitutive d'une faute, l'abus ne peut se déduire du seul rejet des prétentions par le tribunal.



En l'espèce, aucun élément au dossier ne permet de caractériser un comportement de l'intimée ayant dégénéré en abus, la seule appréciation inexacte de ses droits par celle-ci n'étant pas suffisante à caractériser l'existence d'un abus au sens des dispositions susvisées de sorte qu'il y a lieu de débouter M. [W] et Mme [D] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.



Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.





IV- Sur les demandes accessoires



Mme Christine [B], qui succombe en appel, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.



Il convient par ailleurs d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. [W] et Mme [D] in solidum à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles et en ce qu'il les a déboutés de leur demande à ce titre et statuant à nouveau, de la débouter de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner à leur payer la somme de 1 500 euros sur ce fondement.



Il apparaît par ailleurs équitable de la condamner à payer à M. [W] et Mme [D] la somme de 2 500 euros au titre de leurs frais irrépétibles et de débouter M. [W] et Mme [D] de leur demande à ce titre.



PAR CES MOTIFS



La cour,



Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- Condamné M. [R] [W] et Mme [I] [D] in solidum à verser à Mme Christine [B] la somme de 14 267,06 euros en réparation des défauts de la toiture ;

- Condamné M. [R] [W] et Mme [I] [D] in solidum à verser à Mme Christine [B] la somme de 1 500 euros en indemnisation des frais exposés et non compris dans les dépens ;

- Condamné M. [R] [W] et Mme [I] [D] in solidum aux entiers dépens de l'instance dont distraction sera ordonnée au profit de Maître Pascal Lenoir ;

- Débouté M. [R] [W] et Mme [I] [D] de leur demande au titre des frais irrépétibles ;



Statuant à nouveau,



- Déboute Mme Christine [B] de sa demande en réparation des défauts de la toiture formée tant sur le fondement de la garantie des vices cachés que sur le fondement du dol ;

- Condamne Mme Christine [B] aux entiers dépens de première instance ;

- Condamne Mme Christine [B] à payer à M. [R] [W] et Mme [D] la somme de 1 500 euros au titre de leurs frais irrépétibles de première instance ;



Le confirme pour le surplus ;



Y ajoutant,



- Condamne Mme Christine [B] aux entiers dépens d'appel ;

- Condamne Mme Christine [B] à verser à M. [R] [W] et Mme [I] [D] la somme de 2 500 euros au titre de leurs frais irrépétibles d'appel ;

- Déboute Mme Christine [B] de sa demande d'indemnité de procédure.







Le greffier,La présidente,

Delphine Verhaeghe.Christine Simon-Rossenthal.

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