18 mai 2022
Cour d'appel d'Agen
RG n° 21/00778

CHAMBRE CIVILE

Texte de la décision

ARRÊT DU

18 Mai 2022





CV / NC



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N° RG 21/00778

N° Portalis DBVO-V-B7F -C5NQ

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SA AXA FRANCE



C/



[H] [R]



[P] [W]



[J] [N]



[A] [F] épouse [N]



SARL VIGNAUX ET FILS



-------------------































GROSSES le

aux avocats









ARRÊT n°











COUR D'APPEL D'AGEN



Chambre Civile









LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,







ENTRE :



SA AXA FRANCE prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège RCS NANTERRE 722 057 460

[Adresse 2]

[Localité 8]



représentée par Me Hélène PLENIER, SCP HANDBURGER PLENIER, avocate postulante au barreau du GERS

et Me Odile LACAMP, avocate associée de la SCP LERIDON LACAMP, avocate plaidante au barreau de TOULOUSE





APPELANTE d'une ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'AUCH en date du 06 juillet 2021,

RG 21/00381



D'une part,







ET :



Monsieur [P] [W]

né le 02 août 1991 à [Localité 10]

de nationalité française, ouvrier travaux publics



Madame [H], [I], [E] [R]

née le 27 juillet 1995 à [Localité 10]

de nationalité française, employée



domiciliés ensemble : [Adresse 1]

[Localité 5]



représentés par Me Mathieu GENY, SCP PGTA, avocat postulant inscrit au barreau du GERS

et Me François LARRIEU, avocat plaidant inscrit au barreau de TOULOUSE





Monsieur [J] [N]

né le 17 juillet 1964 à [Localité 10] (31)

de nationalité française, technicien aéronautique



Madame [A] [F] épouse [N]

née le 09 juin 1969 à [Localité 9]

de nationalité française, responsable d'équipe logistique



domiciliés ensemble : [Adresse 7]

[Localité 3]



représentés par Me Christine BERENGUER-GRELET, avocate postulante au barreau du GERS

et Me Simona FISCHETTI, avocate plaidante au barreau de TOULOUSE





SARL VIGNAUX ET FILS prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège RCS AUCH 383 933 454

'[T]'

[Localité 4]



représentée par Me Alain PEYROUZET, avocat au barreau du GERS





INTIMÉS

D'autre part,





COMPOSITION DE LA COUR :



l'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 16 mars 2022, sans opposition des parties, devant la cour composée de :



Cyril VIDALIE, Conseiller



qui en a rendu compte dans le délibéré de la cour composée outre lui-même de :



Valérie SCHMIDT et Jean-Yves SEGONNES, Conseillers



en application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, et après qu'il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés,





Greffière : Nathalie CAILHETON





ARRÊT : prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile




' '

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Faits et procédure :



Par acte du 17 juillet 2019, Mme [H] [R] et M. [P] [W] (les consorts [R]-[W]) ont acquis auprès de M. [J] [N] et de Mme [A] [F] épouse [N] (les époux [N]) une maison à usage d'habitation située [Adresse 1] (32) cadastrée section BM n°[Cadastre 6], au prix de 165 000 euros, dont les lots toiture, ossature, et isolation extérieure avaient été édifiés par la SARL Vignaux et Fils, assurée au titre de la responsabilité décennale auprès de la SA Axa France IARD. Une partie des travaux intérieurs avait été réalisée par les vendeurs.



Invoquant l'existence de désordres affectant le bois du sol, les consorts [R]-[W] ont adressé une déclaration de sinistre à la SA Axa France IARD qui a été suivie de la réalisation d'une expertise confiée au cabinet Ixi.



Par acte du 17 janvier 2020, les consorts [R]-[W] ont assigné la SARL Vignaux et Fils, la SA Axa France IARD, et les époux [N] devant le juge des référés du tribunal judiciaire d'Auch, et par ordonnance du 19 mai 2020, une expertise a été confiée à M. [L] [C], qui a établi son rapport définitif le 19 février 2021.



Par acte du 17 mars 2021, les consorts [R]-[W] ont assigné la SARL Vignaux et Fils, la SA Axa France IARD, et les époux [N] devant le tribunal judiciaire d'Auch afin d'obtenir leur condamnation solidaire à indemniser leurs préjudices.



Par conclusions d'incident du 11 juin 2021, les consorts [R]-[W] ont saisi le juge de la mise en état d'une demande de provision en faisant valoir la nécessité de réparer d'urgence les désordres, et le caractère non sérieusement contestable des responsabilités des défendeurs.



Par ordonnance du 6 juillet 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Auch a :



- condamné solidairement la Société Vignaux et Fils, la SA Axa France IARD et les époux [N] à verser aux consorts [R]-[W], à titre de provision et en réparation des préjudices matériels non sérieusement contestables, la somme de 171 582,32 euros,

- condamné la SARL Vignaux et Fils à communiquer à la SA Axa France IARD les attestations d'assurance 2018/2019 couvrant son activité au cours de l'année 2020, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance,

- condamné solidairement la SARL Vignaux et Fils, la SA Axa France lARD et les époux [N] à payer aux consorts [R]-[W] la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- rejeté toute autre demande plus ample ou contraire,

- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du jeudi 16 septembre 2021,

- réservé les dépens.



Faisant application des dispositions de l'article 789 du Code de procédure civile lui attribuant jusqu'à son dessaisissement une compétence exclusive pour allouer une provision, le juge de la mise en état a considéré que les conclusions du rapport de M. [L] [C] permettaient sans ambiguïté de constater la réalité des désordres et leur caractère décennal tel que défini par l'article 1792 du Code civil puisqu'ils affectaient l'immeuble dans ses éléments constitutifs et étaient de nature à le rendre impropre à sa destination, et qu'ils étaient pour certains imputables au constructeur et pour d'autres aux vendeurs réputés constructeurs.



Il a en outre été observé que le prix avait été entièrement payé par les époux [N] avant qu'ils prennent possession de l'immeuble qui avait fait l'objet d'une réception tacite de leur part au mois de mars 2016.



Le juge de la mise en état a écarté le premier moyen relatif à l'existence d'une contestation sérieuse portant sur le partage des responsabilités, question ne relevant pas de ses attributions et ne caractérisant pas une telle contestation, le second moyen rattachant à une telle contestation le montant élevé de la demande, en se référant au caractère précis des conclusions de l'expert non contestées par les parties, quant à la réalité des dommages, retenant la nécessité de recourir à une reconstruction de la maison, chiffrée à la somme de 171 582,32 euros, et s'agissant, en troisième lieu, de la demande de complément d'expertise, l'a analysée en une demande de contre-expertise, injustifiée et relevant de la compétence du juge du fond.



S'agissant des objections élevées par la SA Axa France IARD portant en premier lieu sur la contestation de sa garantie, le juge de la mise en état a relevé que la question de l'opposabilité aux consorts [R]-[W] d'une clause limitative de garantie relevait de l'appréciation du juge du fond, observant cependant que la dite clause n'était pas signée par l'assuré ; la seconde objection tenant à écarter les préjudices de déménagement et de relogement exclus du champ de la garantie décennale, et à voir appliquer la franchise contractuelle, a été partiellement admise, et la provision allouée limitée au préjudice matériel, tandis que la question de l'opposabilité aux acquéreurs de la franchise a été renvoyée à l'examen de l'affaire au fond.



La demande de production des attestations d'assurances détenues par la SARL Vignaux et Fils a été admise en l'absence d'opposition claire de cette dernière à cette demande.



La SA Axa France IARD a formé appel le 23 juillet 2021, désignant en qualité d'intimés les consorts [R]-[W], les époux [N], la SARL Vignaux et Fils, mentionnant dans sa déclaration les dispositions de l'ordonnance qui ont :

- condamné solidairement la Société Vignaux et Fils, la SA Axa France IARD et les époux [N] à verser aux consorts [R]-[W], à titre de provision et en réparation des préjudices matériels non sérieusement contestables, la somme de 171 582,32 euros,

- condamné solidairement la SARL Vignaux et Fils, la SA Axa France lARD et les époux [N] à payer aux les consorts [R]-[W] la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.



Les époux [N] se sont constitués le 2 août 2021.



La SARL Vignaux et Fils s'est constituée le 13 août 2021.



La SA Axa France IARD a déposé ses conclusions le 13 septembre 2021.



Les consorts [R]-[W] se sont constitués le 14 septembre 2021.



L'avis de fixation de l'affaire à bref délai a été délivré le 15 septembre 2021.



La SARL Vignaux et Fils a déposé ses conclusions le 19 septembre 2021.



Les époux [N] ont déposé leurs conclusions le 20 septembre 2021.



Les consorts [R]-[W] ont déposé leurs conclusions le 12 octobre 2021.





Prétentions :



Par dernières conclusions du 5 novembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, la SA Axa France IARD demande à la Cour de :



- à titre principal,

- réformer l'ordonnance du 6 juillet 2021 en ce qu'elle a :

- condamné solidairement la SARL Vignaux et Fils, elle-même, et les époux [N] à verser aux consorts [R]-[W] la somme provisionnelle de 171 582,32 euros,

- condamné solidairement la SARL Vignaux et Fils, elle-même, et les époux [N] à verser aux consorts [R]-[W] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- et statuant à nouveau :

- débouter l'ensemble des demandes formées par les consorts [R]-[W] et dirigées contre elle dès lors que son obligation se heurte à plusieurs contestations sérieuses,



- à titre subsidiaire,

- confirmer l'ordonnance du 6 juillet 2021 en ce qu'elle a :



- limité sa condamnation, solidairement avec les époux [N], à la somme de 171 582,32 euros,

- et donc :

- débouter les consorts [R]-[W] de leurs demandes au titre des frais de déménagement, relogement et garde meuble constituant des préjudices immatériels,

- limiter sa condamnation à hauteur de 50 % s'agissant des frais de démolition et reconstruction,



- en toute hypothèse,

- confirmer l'ordonnance du 6 juillet 2021 en ce qu'elle a :

- condamné la SARL Vignaux et Fils à lui communiquer les attestations d'assurance 2018/2019 couvrant son activité au cours de l'année 2020, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance,



- et y ajoutant,

- se réserver le pouvoir de liquider l'astreinte et, au besoin, d'en prononcer une nouvelle.



La SA Axa France IARD présente l'argumentation suivante :



- l'article 789 du Code de procédure civile autorise le juge de la mise en état à accorder une provision lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ce qui n'est pas le cas car :



- les travaux réalisés ne relèvent à l'évidence pas de l'activité mentionnée aux conditions particulières du contrat puisque la maison n'a pas été édifiée suivant le procédé Eko-Rex et que le bois n'a pas été fourni par l'entreprise Rantasalmi Oy,



- le montant de la provision a été déterminé en fonction d'une simple estimation de l'expert judiciaire, ne repose sur aucun devis ou chiffrage établi contradictoirement par l'une des parties, et est disproportionné en l'absence de démonstration de la nécessité de recourir à une reconstruction de la maison, la SARL Vignaux et Fils ayant produit un devis chiffrant à 29 614,20 euros les travaux de réfection du plancher et de consolidation de l'ensemble de la structure par IPN préconisés par l'expert dans son pré-rapport du 2 novembre 2020, lequel expert ayant annoncé qu'il se rendrait sur les lieux accompagné d'une entreprise spécialisée dans la construction de maisons à ossature bois pour établir un devis de reconstruction ou de réparation, mais n'ayant par la suite pas communiqué ces éléments, et s'en étant tenu à une estimation forfaitaire,



- subsidiairement, seul le préjudice matériel peut donner lieu à provision, les préjudices immatériels invoqués n'étant pas couverts par la garantie décennale souscrite, et les époux [N] doivent y être tenus pour moitié, compte tenu de l'absence de réalisation par la SARL Vignaux et Fils des étanchéités, des évacuations fuyardes, et du remblaiement ayant supprimé la ventilation naturelle du vide sanitaire,



- la SA Axa France IARD est fondée à obtenir le communication des attestations d'assurance du nouvel assureur de la SARL Vignaux et Fils.





Par uniques conclusions du 19 septembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, la SARL Vignaux et Fils demande à la Cour de :



- à titre principal,

- accueillir son appel incident et, par voie de conséquence, réformer l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Auch en ce qu'elle a :

- condamné solidairement la SARL Vignaux et Fils avec la SA Axa France IARD et les époux [N] au paiement de la somme de 171 582,32 euros à titre de provision et en réparation des préjudices matériels,

- condamné la SARL Vignaux et Fils à communiquer à la SA Axa France IARD les attestations d'assurance 2018/2019 couvrant son activité au cours de l'année 2020, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance,

- condamné solidairement la SARL Vignaux et Fils avec la SA Axa France IARD et les époux [N] à payer aux consorts [R]-[W] la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- par voie de conséquence, débouter les consorts [R]-[W] de l'ensemble de leur demandes provisionnelles qui se heurtent à des contestations sérieuses,



- à titre subsidiaire,

- si la cour condamnait la SARL Vignaux et Fils au paiement d'une indemnité provisionnelle aux consorts [R]-[W], condamner la SA Axa France IARD qui n'élève pas de contestations sérieuses quant à sa non-garantie à la garantir et à la relever indemne de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre et à tout le moins la condamner solidairement avec cette dernière,

- limiter sa condamnation à hauteur de 50 % en raison de la responsabilité des époux [N] dans les désordres de l'immeuble litigieux,

- débouter les consorts [R]-[W] de leurs demandes au titre des frais de déménagement, relogement et garde meuble,

- condamner la SA Axa France IARD à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.



La SARL Vignaux et Fils présente l'argumentation suivante :



- il ressort des attestations d'assurance qu'elle a communiquées (période du 1er janvier 2014 au 1er janvier 2017) qu'elle était assurée au titre de la responsabilité décennale notamment pour les maisons à ossature bois à l'exclusion des travaux de fondations et de VRD, les travaux de charpente et ossature bois, y compris bardage et couverture sèche,



- la SA Axa France IARD n'est pas fondée à opposer une clause inexistante en raison de l'absence de signature par l'assuré des conditions particulières dans lesquelles elle est insérée, et de la délivrance d'attestations précises desquelles il ressort que son activité était assurée, l'assureur ne contestant pas l'existence du contrat, et étant informé des activités de l'assurée,



- la clause limitative, à la supposer opposable doit être réputée non-écrite, la jurisprudence de la Cour de Cassation retenant que l'assureur ne peut refuser la garantie souscrite au titre de l'assurance obligatoire en se fondant sur les modalités d'exécution de l'activité déclarée,



- le montant de la provision fait l'objet d'une contestation sérieuse, l'expert ayant estimé le coût des travaux de manière forfaitaire et disproportionnée, sans se référer à un devis ou à un chiffrage contradictoire, alors qu'il avait préconisé dans son pré-rapport des travaux de réfection que l'intimée a fait évaluer par la SARL 2B Constructions dont le devis retenait un coût de 29 614,20 euros,



- les consorts [R]-[W] ont refusé de permettre l'accès à leur maison d'entreprises et d'un bureau d'études afin de vérifier la solidité de la structure bois et de circonscrire les réparations au désordre du plancher, et l'expert, qui avait indiqué qu'il se rendrait sur les lieux accompagné d'une entreprise spécialisée en vue d'établir un devis de réparation ou de reconstruction, n'a communiqué par la suite aucun élément complémentaire,



- les désordres sont essentiellement dus aux infiltrations dont l'origine relève des travaux effectués par M. [J] [N], ce qui justifie un partage de responsabilité à hauteur de 50 %,



- la demande relative aux préjudices immatériels a été rejetée à juste titre.



- la communication d'attestations d'assurance 2018-2019 couvrant l'activité au cours de l'année 2020 est impossible car la société n'était alors pas assurée, n'ayant eu aucune activité de 2018 à 2020.



Par uniques conclusions du 20 septembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, les époux [N] demandent à la Cour de :



- confirmer l'ordonnance du 6 juillet 2021 en ce qu'elle a condamné la SARL Vignaux et Fils à communiquer les attestations d'assurance 2018/2019 couvrant son activité au cours de l'année 2020, sous astreinte de 100 € par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance,

- confirmer l'ordonnance du 6 juillet 2021 en ce qu'elle a réservé les dépens,

- confirmer l'ordonnance du 6 juillet 2021 en ce qu'elle a renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 16 septembre 2021,

- réformer l'ordonnance en date du 6 juillet 2021 en ce qu'elle a :

- condamné solidairement la SARL Vignaux et Fils, la SA Axa France IARD et les époux [N] à verser aux consorts [R]-[W], à titre de provision et en réparation des préjudices matériels non sérieusement contestables, la somme de 171 582,32 €,

- condamné solidairement la SARL Vignaux et Fils, la SA Axa France IARD et les époux [N] à verser aux consorts [R]-[W], la somme de 4.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- rejeté toute autre demande plus ample ou contraire,



Et statuant à nouveau,



À titre principal,

- constater l'existence d'une contestation sérieuse,

- dire et juger qu'il n'y a pas lieu à l'octroi d'une provision,



Subsidiairement,

- dire et juger que la provision ne pourra excéder la somme de 4 380 € TTC,



En tout état de cause,



- réserver les demandes formulées sur le fondement de dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile

- réserver les demandes relatives aux dépens.



Les époux [N] présentent l'argumentation suivante :



- si les désordres décrits et constatés dans le rapport d'expertise judiciaire ne sont pas contestés, la solution et les moyens d'y remédier sont sérieusement contestables,



- la responsabilité de la SARL Vignaux et Fils n'est pas sérieusement contestable, et résulte du rapport d'expertise, tandis que celle des époux [N] fait l'objet d'une telle contestation, et qu'ils disposent en tant que vendeur de l'ouvrage réputé constructeur, d'une action récursoire à l'encontre du constructeur et de son assureur ; or les défauts affectant les travaux qu'ils ont réalisés ne sont pas à l'origine des dommages qui rendent l'immeuble impropre à sa destination et l'expert, qui s'est prononcé sur les parts respectives de responsabilités, a outrepassé sa mission,



- l'expert avait préconisé dans un premier temps la reconstruction du seul plancher, avant de préconiser une reconstruction complète de la maison, sans se rendre sur place pour faire établir un devis par une entreprise bien qu'il l'ait annoncé aux parties,



- ils sont fondés, en qualité de maître de l'ouvrage, à solliciter la garantie de la SARL Vignaux et de son assureur la SA Axa France IARD, de toute condamnation,



- subsidiairement, la demande relative aux préjudices immatériels ne peut être admise et doit être rejetée, et la provision les concernant ne peut excéder une somme de 4 380 euros au titre des travaux réalisés par eux.







Par dernières conclusions du 16 février 2022, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, les consorts [R]-[W] demandent à la Cour de :



- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 6 juillet 2021 par Monsieur le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire d'Auch ;



- y ajoutant,

- condamner in solidum la SARL Vignaux et Fils, la SA Axa France IARD et les époux [N] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

- les condamner sous la même solidarité et aux entiers dépens de l'appel.



Les consorts [R]-[W] présentent l'argumentation suivante :



- l'engagement des responsabilités respectives des défendeurs, comme le montant de la provision, ne sont pas sérieusement contestables, car il ressort de l'expertise que les désordres sont de nature à nuire à la solidité de l'immeuble, et à la rendre impropre à sa destination, ce que confirme l'effondrement du sol de la cuisine survenu le 10 juin 2021,



- la SARL Vignaux et Fils a commis des fautes à l'origine des désordres, et sa contestation ne porte que sur la nature des travaux de réfection,



- les contestations soulevées par la SA Axa France IARD ne présentent pas de caractère sérieux, car elle était l'assureur de la SARL Vignaux et Fils, la clause limitative invoquée n'est pas validée par la signature de l'assuré, et elle a mandaté à l'origine le cabinet IXI pour procéder à une expertise dont elle n'a jamais communiqué le rapport aux parties malgré leurs demandes en ce sens,



- l'attestation d'assurance versée aux débats par la SARL Vignaux et Fils ne contient aucune limitation de garantie liée à la mise en oeuvre de chalets bois selon le procédé Eko-Rex ou madriers lamellés rabotés distribués par la société Rantasalmi Oy,



- la responsabilité des époux [N] n'est pas sérieusement contestable, au titre de l'article 1792-1 du Code civil selon lequel toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire, est réputé constructeur de cet ouvrage, car ils ont exécuté des travaux sur la maison, de sorte qu'ils sont tenus à garantie y compris en l'absence de faute de leur part, et il ressort de l'expertise qu'ils ont fautivement contribué à la problématique majeure qui s'attache à l'absence de ventilation adéquate du vide sanitaire,



- la question du partage de responsabilité est inopérante dès lors qu'ils ont contribué à la manifestation du dommage, et qu'ils demeurent en outre, en qualité de vendeurs de l'ouvrage, soumis à la responsabilité de plein droit de l'article 1792, et sont responsables in solidum à l'égard des consorts [R]-[W],



- le montant de la provision n'est pas sérieusement contestable, état basé sur le rapport circonstancié de l'expert, et le préjudice matériel incluant le déménagement, la garde des meubles et le relogement durant les travaux d'une durée prévisible de dix mois,



- l'expert a été destinataire de dix devis adressés par leur conseil dans le cadre d'un dire, a minoré le montant des travaux en résultant, et il ne peut être reproché aux intimés d'avoir refusé l'accès à leur domicile, la demande présentée à cet effet le 24 novembre 2020 intervenant le 24 novembre 2020, alors que l'expert avait fixé au 23 novembre 2020 le délai de dépôt des dires.






Motifs



L'article 987 du Code de procédure civile énonce que lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent pour accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.



Les consorts [R]-[W] versent notamment aux débats, l'acte de vente par lequel ils ont acquis leur maison d'habitation des époux [N], la facture établie par la SARL Vignaux et Fils adressée aux époux [N], du 20 mai 2016, l'attestation d'assurance délivrée par la SA Axa France IARD à ce constructeur pour l'année 2014 (deux attestations concernant les années suivantes étant produites par la SARL Vignaux et Fils), par laquelle elle a déclaré assurer au titre de la garantie décennale l'activité de construction de maisons à ossature bois à l'exclusion des fondations et VRD, et celle de charpentes et ossatures bois, y compris bardage et couverture sèche, hors traitements curatifs, et le rapport d'expertise judiciaire du 19 février 2021.



Il en résulte que la SARL Vignaux et Fils est constructeur de la maison acquise par les consorts [R]-[W], les époux [N] vendeurs de ce bien, réputés constructeurs pour avoir réalisé des travaux intérieurs, et la SA Axa France IARD assureur de responsabilité décennale de la SARL Vignaux et Fils.



Le rapport d'expertise judiciaire établi par [L] [C] relève que les travaux n'ont pas été réalisés dans les règles de l'art, qu'ils présentent de graves défauts de conception et d'exécution et que 4 désordres sont imputables à la SARL Vignaux et Fils :



- hauteur insuffisante entre le sol et la structure bois

- imperméabilité à la vapeur d'eau de l'écran en sous-face de plancher

- défaut d'appui de la façade sud

- calfeutrement entre menuiseries et gros-oeuvre.



L'expert relève en outre deux désordres imputables aux époux [N] :



- ventilation insuffisante du vide sanitaire, en façades sud, ouest, et est, seule la façade nord offrant une ouverture suffisante pour assurer la ventilation du vide sanitaire,

- infiltration d'eau sous les carrelages, en raison de l'absence de système de protection à l'eau sous les carrelages muraux (SPEC) et d'étanchéité en périphérie du receveur, et absence de SPEC ou de système d'étanchéité liquide (SEL) sous les carrelages au sol de la cuisine combiné à un collage défectueux.



L'expert retient que ces défauts sont de nature à nuire à la solidité de l'immeuble et, l'affectant dans un de ses éléments constitutifs, à le rendre impropre à sa destination.



Dès lors, il est avéré que les consorts [R]-[W] sont fondés à se prévaloir d'une créance de réparation sur le fondement de la responsabilité de plein droit, dite garantie décennale, prévue par les articles 1792 et suivants du Code civil à l'encontre de la SARL Vignaux et Fils, constructeur, de son assureur de responsabilité décennale, et de leurs vendeurs, réputés constructeurs, les époux [N].



La SA Axa France IARD objecte que les travaux n'entrent pas dans le champ de l'activité déclarée et ne sont pas couvert par le contrat d'assurance souscrit auprès d'elle par la SARL Vignaux et Fils ce qui constitue selon elle une contestation sérieuse.



Cependant, elle se fonde sur des documents, conditions particulières, et conditions générales, qui ne sont revêtus d'aucune signature permettant de les rendre opposables à son assuré et aux tiers victimes.



En outre, elle a délivré des attestations d'assurance spécifiant expressément qu'elle assurait l'activité de réalisation de maisons à ossature bois, de charpente bois et de bardage bois, sans mentionner une quelconque restriction tenant à un type de maison ou l'origine des matériaux employés. Elle n'objecte donc pas une contestation sérieuse sur ce point.









Par ailleurs, à l'égard du maître de l'ouvrage, et du sous-acquéreur titulaire d'une action directe à l'encontre de l'assureur du constructeur, les constructeurs et réputés constructeurs sont tenus solidairement à réparation, de sorte que la détermination des parts de responsabilité n'emporte pas une limitation de leur obligation à l'égard du maître de l'ouvrage ou du sous-acquéreur de l'immeuble, mais permet de déterminer, dans leurs rapports respectifs, l'étendue de leur contribution. Cette question ne constitue donc pas une contestation sérieuse quant à l'octroi d'une indemnité provisionnelle à la victime du dommage.



S'agissant du montant de la provision sollicitée, l'expert [L] [C] relève, dans son rapport, que le plancher présente des zones affaissées et déformées et une flexibilité anormale, des pourrissements de certaines parties de solives et de lambourdes les supportant, entraînant des déformations et fermetures défectueuses de fenêtres, que le plancher est à plusieurs endroits dégradé par l'humidité ce qui affecte gravement sa solidité, que des défauts d'étanchéité entraînent des infiltrations, que le mur sud porte très partiellement sur les IPN, et que l'affaissement de la structure du plancher entraîne la descente et la déformation des façades.



L'importance des malfaçons impose la reconstruction du plancher et sa reconstruction conforme aux règles de l'art, impliquant la réfection de tous les revêtements de sol, mais également la démolition et la reconstruction de toutes les façades qu'il supporte ainsi que des divers cloisonnements et équipements de la maison.



Le montant de la reconstruction a été évalué à la somme de 171 582,32 euros par l'expert qui a examiné et critiqué les devis remis par les parties, écarté pour excessifs certains de ceux produits par les consorts [R]-[W], comme celui établi à la demande de la SARL Vignaux et Fils, invoqué par les appelants.



À cet égard, la SA Axa France IARD, la SARL Vignaux et Fils et les époux [N] objectent que la reconstruction de la maison constitue une mesure disproportionnée au regard des premières préconisations de l'expert et du devis produit par le constructeur à hauteur de 29 614,20 euros.



Toutefois, dans son rapport définitif, comme dans son pré-rapport, l'expert relève que ce devis estimant le coût du remplacement du plancher en bois par un dallage en béton armé sur hérisson, ne permet pas de restituer une isolation thermique sous la chape, et nécessite en outre la démolition des façades sauf à envisager un étayage général de la construction techniquement extravagant.



Cette objection ne constitue donc pas une contestation sérieuse.



Il en résulte que l'ordonnance doit être confirmée sur la provision relative au préjudice matériel.



C'est par des motifs pertinents, que la Cour adopte, que le juge de la mise en état a exclu les demandes portant sur les dommages immatériels, et par ailleurs ordonné la production par la SARL Vignaux et Fils des attestations d'assurance pour la période postérieure à l'édification de la maison, cette société affirmant sans le démontrer qu'elle n'a pas exercé d'activité et n'était pas assurée pour les années visées dans l'ordonnance (2018-2020).



Les dépens d'appel seront supportés par la SARL Axa France IARD, dont le recours est infondé.



La SARL Axa France IARD sera condamnée à verser aux consorts [R]-[W] 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.









PAR CES MOTIFS :



La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition et en dernier ressort,



Confirme l'ordonnance du 6 juillet 2021,



Y ajoutant,



Condamne la SA Axa France IARD aux dépens d'appel,



Condamne la SA Axa France IARD à payer à [H] [R] et [P] [W] la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.



Le présent arrêt a été signé par Cyril VIDALIE, président, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



La Greffière,Le Président,

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