4 mai 2022
Cour d'appel d'Agen
RG n° 21/00236

CHAMBRE CIVILE

Texte de la décision

ARRÊT DU

04 Mai 2022





CV/CR





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N° RG 21/00236

N° Portalis

DBVO-V-B7F-C3U5

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CAISSE DE CREDIT

MUTUEL DE [Localité 8]



C/



[P] [Z]

épouse [M],



[H] [M],



[X] [F] en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. [H] [M]







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GROSSES le

à









ARRÊT n°











COUR D'APPEL D'AGEN



Chambre Civile









LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,







ENTRE :



CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 8]

RCS n°320 773 484

[Adresse 3]

[Localité 8]



Représentée par Me Lynda TABART, membre de la SCP DIVONA LEX, avocate inscrite au barreau du LOT



APPELANTE d'un Jugement du Juge des contentieux de la protection de CAHORS en date du 02 Février 2021, RG 11-20-0175



D'une part,





ET :



Madame [P] [Z] épouse [M]

née le [Date naissance 4] 1979 à [Localité 9] (Arménie)

Monsieur [H] [M]

né le [Date naissance 5] 1975 à [Localité 9] (Arménie)

Domiciliés :

[Adresse 7]

[Localité 8]



Monsieur [X] [F]

en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. [H] [M]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 8]



INTIMÉS n'ayant pas constitué avocat



D'autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 07 Février 2022 devant la cour composée de :



Présidente : Claude GATÉ, Présidente de Chambre

Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller

Cyril VIDALIE, Conseiller qui a fait un rapport oral à l'audience





Greffières : Lors des débats : Nathalie CAILHETON

Lors de la mise à disposition : Charlotte ROSA, adjoint administratif faisant fonction de greffier





ARRÊT : prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile




' '

'



Faits et procédure



Par acte du 10 mai 2017, M. [H] [M] et son épouse Mme [P] [M] ont souscrit auprès de la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 8] (le Crédit Mutuel) une offre de crédit renouvelable d'un montant de 10 000 euros d'une durée de 48 mois remboursable par mensualités de 232,84 euros, au TAEG de 2,89%.



Une procédure de redressement judiciaire a été ouverte par jugement du tribunal de commerce de Cahors du 8 octobre 2018 à l'égard de M. [H] [M].



Le Crédit Mutuel a adressé une déclaration de créance en date du 25 octobre 2018 à Maître [X] [F], mandataire judiciaire, pour un montant de 6 709 euros outre les intérêts au taux de 2,86%.



Le Crédit Mutuel a adressé à Mme [P] [M], par courrier du 15 novembre 2018, une mise en demeure à de payer les échéances impayées d'un montant de 232,84 euros, renouvelée par courriers des 14 janvier et 3 avril 2019.



Par jugement du tribunal de commerce de Cahors du 7 octobre 2019, M. [H] [M] a été placé en liquidation judiciaire.



La créance du Crédit Mutuel a été admise au passif de M. [H] [M] par ordonnance du 21 octobre 2019.



Le Crédit Mutuel a sollicité le paiement de sa créance auprès de Mme [P] [M] par courrier du 14 octobre 2019 à hauteur d'une somme de 7 607,05 euros, laquelle a versé 450 euros laissant subsister un solde de 7 285,75 euros.



Par acte du 19 août 2020, le Crédit Agricole a assigné les époux [M] et Maître [X] [F], en qualité de liquidateur judiciaire de M. [H] [M], devant le juge du contentieux de la protection de [Localité 8] en vue d'obtenir leur condamnation au paiement des sommes dues, et de voir déclarer le jugement opposable à Maître [X] [F].



Par jugement du 2 février 2021, le juge des contentieux de la protection a :



- constaté que la présente décision est opposable à [X] [F], liquidateur judiciaire,

- débouté le Crédit Mutuel de l'ensemble de ses autres demandes,

- condamné le Crédit Mutuel aux dépens.



Le juge a considéré que le Crédit Mutuel avait valablement notifié la déchéance du terme à [P] [M] et qu'elle était survenue de plein droit à l'égard de M. [H] [M] à la suite de sa liquidation judiciaire.



Il a cependant considéré que la banque ne pouvait exercer une action tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent et à la résolution du contrat compte tenu des articles L.622-21 et L.643-1 du Code de commerce et que l'action était pas conséquent irrecevable à l'encontre de M. [H] [M].



Par ailleurs, considérant qu'il appartenait à la banque de produire un historique faisant apparaître les versements effectués et permettant de vérifier le montant de la créance, ce que les éléments versés ne permettaient pas de faire, l'action a été rejetée.



Le Crédit Mutuel a formé appel le 5 mars 2021, désignant en qualité d'intimés Mme [P] et M. [H] [M] ainsi que Maître [X] [F], et visant dans sa déclaration les dispositions du jugement qui ont constaté que l'action était opposable à Maître [X] [F], l'ont déboutée de l'ensemble de ses autres demandes, et l'ont condamnée aux dépens.



La déclaration d'appel a été signifiée le 4 mai 2021, à étude pour M. [H] [M] et Mme [P] [M], et à une personne présente en l'étude pour Maître [X] [F].



Prétentions :



Par uniques conclusions du 25 mai 2021, notifiées le 28 mai 2021 à étude pour les époux [M] et à une personne présente en l'étude pour Maître [X] [F], le Crédit Mutuel demande à la Cour de :



- infirmer le jugement en ce qu'il a :

- constaté que la présente décision est opposable à Maître [X] [F], liquidateur judiciaire de M. [H] [M],

- débouté le Crédit Mutuel de l'ensemble de ses autres demandes,

- condamné le Crédit Mutuel aux dépens,



- statuant à nouveau,

- à titre principal,

- constater que M. [H] [M] bénéficie de l'insaisissabilité de sa résidence principale depuis la loi du 6 août 2015,

- déclarer recevable le Crédit Mutuel, créancier personnel de M. [H] [M], en sa demande visant à voir constater l'existence, le montant et l'exigibilité de sa créance à l'égard de M. [H] [M] et Mme [P] [M] au titre du prêt de 10 000 euros,

- déclarer opposable 'le présent jugement' (il convient de lire l'arrêt à intervenir) à Maître [X] [F], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. [H] [M],

- condamner Mme [P] [M] à régler au Crédit Mutuel la somme de 6 083,40 euros, outre les intérêts au taux conventionnel de 2,86 % à compter du 22 mai 2021 jusqu'au parfait paiement,

- constater l'existence, le montant et l'exigibilité de la créance de la caisse de Crédit Mutuel sur M. [H] [M] pour un montant de 6 083,40 euros, outre les intérêts au taux conventionnel de 2,86 % à compter du 22 mai 2021 jusqu'au parfait paiement,



A titre subsidiaire dans l'hypothèse où la résiliation judiciaire du contrat devrait être prononcée :

- en toute hypothèse, prononcer, au vu des présentes conclusions, la résiliation judiciaire du contrat de prêt en date du 10 mai 2017 l'unissant à M. [H] [M] et Mme [P] [M] en raison des manquements graves de ces derniers à leurs obligations contractuelles,

- condamner Mme [P] [M] à régler la somme de 6 083,40 euros, outre les intérêts au taux conventionnel de 2,86 % à compter du 22 mai 2021 jusqu'au parfait paiement,

- constater l'existence, le montant et l'exigibilité de la créance de la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 8] sur M. [H] [M] pour un montant de 6 083,40 euros, outre les intérêts au taux conventionnel de 2,86 % à compter du 22 mai 2021 jusqu'au parfait paiement,

- statuer ce que de droit sur les dépens.



Le Crédit Mutuel présente l'argumentation suivante :



- la règle de l'arrêt des poursuites à l'encontre du débiteur faisant l'objet d'une procédure collective connaît une exception lorsqu'il est propriétaire de sa résidence principale (article L 526-1 du Code de commerce), or les époux [M] sont propriétaires de leur résidence principale située [Adresse 6],



- l'insaisissabilité n'a pas vocation à s'appliquer à l'encontre des créanciers pour les besoins autres que l'activité professionnelle ce qui est le cas en l'espèce s'agissant d'un crédit à la consommation,



- les pièces produites montrent que les mensualités étaient prélevées le 6 du mois, que le dernier règlement est intervenu le 7 octobre 2019, et que l'assignation a été délivrée le 19 août 2020, de sorte qu'il est satisfait aux conditions de l'action définies par l'article R.312-35 du Code de la consommation,



- Les pièces versées attestent des manquements graves des emprunteurs de nature à justifier la résiliation judiciaire du contrat, la déchéance du terme régulièrement notifiée du 14 octobre 2019, résultant du prononcé de la liquidation judiciaire de M. [H] [M] en date du 7 octobre 2019 (L 641-9 Code de commerce), et s'agissant de Mme [P] [M] de l'absence de suite aux mise en demeure des 15 novembre 2018, 14 janvier et 3 avril 2019.



Le ministère public a déclaré s'en rapporter à la décision de la Cour par observations du 10 novembre 2021.



Les époux [M] et Maître [X] [F] ne se sont pas constitués.



La Cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, fait expressément référence à la décision entreprise, et aux dernières conclusions déposées.



L'ordonnance de clôture est intervenue le 26 janvier 2022, et l'affaire a été fixée pour être examinée le 7 février 2022.



Il sera statué par défaut, par application de l'article 474 du Code de procédure civile.




Motifs



Sur l'opposabilité du jugement à Maître [X] [F]



Maître [X] [F] ayant été régulièrement assigné devant le tribunal, et intimé devant la Cour, c'est à juste titre que le jugement lui a été déclaré opposable, par une disposition qui sera confirmée.



Le présent arrêt lui sera déclaré opposable, l'acte d'appel et les conclusions du Crédit Mutuel lui ayant été régulièrement signifiés.



Sur l'action en paiement



- la recevabilité de l'action :



L'article L.622-21 du Code de commerce prévoit que les actions en justice relatives aux dettes antérieures tendant à obtenir la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent sont interrompues ou interdites par le jugement d'ouverture d'une procédure collective.



Cependant, si le créancier auquel l'insaisissabilité d'un immeuble bénéficie d'un droit de poursuite sur cet immeuble, il peut exercer ce droit en obtenant un titre exécutoire par une action tendant à voir constater l'existence, le montant et l'exigibilité de sa créance.



Le Crédit Mutuel produit un relevé sollicité auprès du service de la publicité foncière de [Localité 8] duquel il ressort que les époux [M] y sont propriétaires d'un immeuble cadastré BD[Cadastre 2] faisant l'objet d'un privilège de prêteur de deniers en sa faveur.



Par ailleurs, le prêt n'a pas une destination professionnelle de sorte que le bien échappe à l'égard du Crédit Mutuel à l'insaisissabilité du domicile prévue par l'article L.526-1 du Code de commerce.



L'action est donc recevable à l'encontre de M. [H] [M] mais ne peut tendre qu'à la constatation de la créance et non à la condamnation qui avait été sollicitée en première instance.



- le bien-fondé de l'action :



Selon l'article R.312-35 du Code de la consommation, le tribunal judiciaire connaît des litiges en matière de crédit à la consommation, les actions en paiement engagées devant lui à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion, événement qui est caractérisé par:

- le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme,

- ou le premier incident de paiement non régularisé,

- ou le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti dans le cadre d'un contrat de crédit renouvelable,

- ou le dépassement, au sens du 13° de l'article L. 311-1, non régularisé à l'issue du délai prévu à l'article L. 312-93.



Le Crédit Mutuel verse aux débats, l'offre préalable de crédit renouvelable souscrite par chacun des époux [M], les documents relatifs à l'adhésion à une assurance, une note d'information préalable, indiquant le montant, la durée, le taux d'intérêt, le TAEG,

le coût total du crédit, le montant des mensualités, documents signés par les emprunteurs, ainsi qu'un relevé des échéances en retard arrêté au 17 juin 2020, duquel il ressort que la première échéance impayée est survenue le 5 novembre 2018, la dernière le 5 octobre 2019, soit un total d'arriéré de 2 838,81 euros dont 2 483,72 euros de capital échu, pour un capital restant dû de 4 225,37 euros, de sorte que le montant total du capital échu et non échu s'élève à 6 709,09 euros et l'indemnité de 8% à 536,73 euros.



Le décompte de créance arrêté au 19 mai 2021 qui est produit par la banque reprenant ces sommes, ainsi que le solde dû au titre de l'assurance et les intérêts courus, et un paiement de 1 800 euros, permet d'en arrêter le montant.



L'article L.643-1 dispose que le jugement qui prononce la liquidation judiciaire rend exigibles les créances non échues.



Le Crédit Mutuel produit les mises en demeures adressées à Mme [P] [M] avant et après la liquidation judiciaire, dont la réception est attestée par la signature des accusés de réception.



Est également versé aux débats un historique des mouvements du compte.



Il en ressort que la créance du Crédit Mutuel s'établit de la manière suivante :



- capital :4 909,09 euros

- indemnité : 536,73 euros

- intérêts arrêtés au 19 mai 2021 : 477,51 euros

- assurance : 160,07 euros

- paiements :1 800,00 euros

Total :6 083,40 euros



Mme [P] [M] sera par conséquent condamnée au paiement du reliquat sollicité majoré des intérêts au taux conventionnel.



Il sera fait droit à la demande de fixation de créance s'agissant de M. [H] [M].



Sur les dépens



En application de l'article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.



Les dépens de première instance et d'appel seront supportés par les époux [M], partie perdante.



Par ces motifs,



La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt par défaut prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,



Infirme le jugement du 2 février 2021, SAUF en ce qu'il a :



constaté que la présente décision est opposable à [X] [F], liquidateur judiciaire,



Statuant à nouveau,



- condamne Mme [P] [M] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 8] la somme de 6 083,40 euros, avec intérêts au taux conventionnel de 2,86 % l'an à compter du 22 mai 2021,

- Fixe la créance de la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 8] à la liquidation judiciaire de M. [H] [M] à la somme de 6 083,40 euros, avec intérêts au taux conventionnel de 2,86 % l'an à compter du 22 mai 2021,

- condamne Mme [P] [M] et M. [H] [M] aux dépens de première instance,



Y ajoutant,



- déclare le présent arrêt opposable à Maître [X] [F], en qualité de liquidateur de M. [H] [M],

- condamne Mme [P] [M] et M. [H] [M] aux dépens d'appel.



Le présent arrêt a été signé par Claude GATÉ, présidente, et par Charlotte ROSA, adjointe administrative faisant fonction de greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



La Greffière,Le Président,

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