3 mai 2022
Cour d'appel d'Agen
RG n° 21/00170

CHAMBRE SOCIALE

Texte de la décision

ARRÊT DU

03 MAI 2022



NE CO



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N° RG 21/00170 -

N° Portalis DBVO-V-B7F-C3QC

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[N] [T] épouse [C]





C/





S.A.S. GRAND VISION FRANCE









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Grosse délivrée

le :



à

ARRÊT n° 45 /2022







COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Sociale







Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d'appel d'Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le trois mai deux mille vingt deux par Benjamin FAURE, conseiller faisant fonction de président assisté de Chloé ORRIERE, greffier



La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire



ENTRE :



[N] [T] épouse [C]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée par Me François DELMOULY, avocat inscrit au barreau d'AGEN







APPELANTE d'un jugement du conseil de prud'hommes - formation paritaire d'AGEN en date du 01 février 2021 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. 19/00137



d'une part,



ET :



La SAS GRAND VISION FRANCE prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]



Représentée par Me Erwan VIMONT, avocat postulant inscrit au barreau d'AGEN et par Me Frédéric ZUNZ, avocat plaidant inscrit au barreau de PARIS







INTIMÉE



d'autre part,





A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 08 février 2022 sans opposition des parties devant Pascale FOUQUET, conseiller faisant fonction de président de chambre et Nelly EMIN, conseiller, assistés de Chloé ORRIERE, greffier. Les magistrats en ont, dans leur délibéré rendu compte à la cour composée, outre eux-mêmes, de Benjamin FAURE, conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 805 du code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.






* *

*



EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :



Madame [T] a été engagée par la société GRANDVISION France, par contrat durée à indéterminée, à compter du 17 Juin 2019 en qualité d'opticien vendeur, statut employé.

Le contrat de travail prévoyait que la salariée exercerait ses fonctions au magasin de [Localité 8] moyennant une rémunération à l'embauche pour un emploi à temps complet de 1800 euros bruts.

L'article 2 du contrat de travail prévoyait une période d'essai d'une durée d'un mois. Il était précisé également qu'elle serait en formation au magasin de [Localité 6] [Localité 7] du 18 juin au 13 juillet 2019.



Le 10 juillet 2019, la société GRANDVISION France a souhaité remettre à Madame [T], dans les locaux de son magasin à [Localité 4], par l'intermédiaire de son responsable régional Monsieur [S], une lettre de rupture de sa période d'essai. Monsieur [S] a notifié verbalement la rupture de la période d'essai à Madame [T] sans qu'elle ne signe la lettre de rupture, selon cette dernière en raison d'un malaise provoqué par la brutalité de cette annonce, selon l'employeur en raison d'un esclandre commis par Madame [T] dans le magasin ayant nécessité la venue d'un huissier, Maître [E] et de la police.

Madame [T] a ensuite été conduite aux urgences.



Le 19 juillet 2019, la CPAM a reconnu le caractère professionnel de l'accident du 10 juillet 2019.



Le 21 août 2019, Madame [T] a déposé plainte contre Monsieur [S] et Maître [E] pour non assistance à personne en danger.



Le 18 octobre 2019, Madame [T] a saisi le conseil des prud'hommes d'Agen pour contester la rupture de son contrat de travail et obtenir réparation du préjudice subi.



Par jugement du 1er février 2021, le conseil des prud'hommes d'Agen a :



- dit et jugé la rupture pendant la période d'essai régulière ;

- constaté qu'il n'y a pas d'accident du travail de Madame [T] reconnu par la CPAM après la lettre de rupture de la période d'essai datée du 10 juillet 2019 ;

- débouté Madame [T] de l'intégralité de ses demandes ;

- condamné Madame [T] à verser à la société GRANDVISION France la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.



Madame [T] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 24 février 2021 ainsi rédigée : 

« appel total en ce que le conseil des prud'hommes a : - dit et jugé la rupture pendant la période d'essai régulière - constaté qu'il n'y a pas d'accident du travail de Madame [T] reconnu par la CPAM après la lettre de rupture de la période d'essai datée du 10 juillet 2019 - débouté Madame [T] de l'intégralité de ses demandes - condamné Madame [T] à verser à la société GRANDVISION France la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.»





MOYENS ET PRÉTENTIONS :



Dans ses dernières conclusions, reçues au greffe le 21 mai 2021, auxquelles il est renvoyé pour une parfaite connaissance des moyens, Madame [T] demande à la cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil des prud'hommes d'Agen le 1er février 2021, et statuant à nouveau :



A titre principal,



- juger que la rupture de la période d'essai s'analyse en un licenciement nul ;

- ordonner la réintégration de Madame [T] à son poste ;

- condamner la société GRANDVISION FRANCE à lui verser la somme de 21 600 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;



A titre subsidiaire,



- juger que la rupture de la période d'essai est abusive ;

- condamner la société GRANDVISION FRANCE à lui verser la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de la période d'essai ;



En tout état de cause,



- condamner la société GRANDVISION FRANCE à lui verser les sommes suivantes :

- 60 bruts à titre de rappel de salaire ;

- 6 € bruts au titre des congés payés y afférents ;

- 2 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture vexatoire du contrat de travail ;

- 2 000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de résultat ;

- 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



- condamner la société GRANDVISION FRANCE aux entiers dépens.





Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :



À titre principal, sur la nullité de la rupture du contrat de travail

- pendant une période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident de travail survenu durant la période d'essai, la rupture du contrat ne peut être prononcée par l'employeur que s'il justifie d'une faute grave du salarié ou de l'impossibilité de maintenir le contrat pour des circonstances indépendantes du comportement du salarié, sinon cette rupture s'analyse en un licenciement nul,

- elle a fait l'objet d'un arrêt pour accident du travail du 10 au 11 juillet 2019 et la société GRANDVISION, qui lui avait notifié oralement la rupture de la période d'essai le 10 juillet 2019 au matin et avait parfaitement connaissance de l'accident du travail survenu immédiatement après, aurait dû annuler la rupture de la période d'essai,

- l'employeur a confirmé sa décision par courrier adressé après l'accident du travail, pendant la période de suspension du contrat, or la lettre ne mentionne aucune faute grave ou impossibilité de maintenir le contrat pour des circonstances indépendantes du comportement de la salariée,

- si l'employeur l'a bien informée de la rupture de la période d'essai avant son accident du travail, cette rupture ne devait prendre effet que deux jours plus tard, à l'issue du délai de prévenance légal,



- le conseil des prud'hommes s'est uniquement fondé sur la décision d'inopposabilité de prise en charge de l'accident du travail à l'employeur, or cette décision d'inopposabilité ne l'impacte pas, le bénéfice de la législation professionnelle lui restant acquis, et ne fait pas obstacle à ce que le salarié se prévale des dispositions protectrices de l'article L. 1226-9 du code du travail,



À titre subsidiaire, sur la rupture abusive contrat de travail

- la rupture du contrat présente un caractère abusif s'il apparaît qu'elle est en réalité motivée par un événement ayant trait à la vie personnelle du salarié sans lien avec ses compétences professionnelles,

- elle a donné entièrement satisfaction à la société GRANDVISION durant sa période d'essai et aucun reproche ne lui a été adressé,

- lors du bureau de conciliation et d'orientation du 19 novembre 2019, le conseil de la société GRANDVISION a affirmé que le seul motif ayant justifié la rupture de sa période d'essai était son passif judiciaire, indiquant « vous comprenez que mon client ne pouvait décemment conserver une salariée comme Madame [T] qui a fait la une des journaux et a plus de 22 condamnations à son casier »,

- la société GRANDVISION ne confirme même pas qu'elle ne lui aurait pas donné satisfaction, seul motif valable pour rompre une période d'essai, et en justifie d'autant moins,



Sur les circonstances vexatoires de la rupture du contrat

- la société GRANDVISION l'a inscrite sur le planning du magasin d'[Localité 4] du 10 au 13 juillet 2019, motif pris qu'elle devait y terminer sa formation sans avoir jamais eu l'intention de finaliser cette formation mais uniquement dans le but de la faire venir au magasin d'[Localité 4] sans l'alerter sur les motifs réels de sa venue, par un stratagème parfaitement déloyal,

- elle est tombée dans le piège tendu par son employeur, lequel, ayant préparé le rendez-vous, avait d'ores et déjà fait appel à un huissier qui est resté dissimulé lors de la notification de la rupture de la période d'essai et n'est intervenu qu'après son malaise,

- tant Monsieur [S] que Maître [E] se sont montrés agressifs et vindicatifs à son encontre, Monsieur [S] a alerté la police sans motif légitime et interdit à son conjoint de pénétrer dans le magasin,

- le constat de Maître [E], établi à charge et relatant une version des faits erronée, ne saurait tenir lieu de preuve,



Sur le manquement à l'obligation de sécurité

- à l'annonce de la rupture de la période d'essai, elle a fait un malaise et est tombée sur le sol, or malgré son état et sa demande expresse, Monsieur [S] a refusé d'appeler les secours,

- l' appréciation médicale de son état de santé par Monsieur [S] après sa chute n'a pas lieu d'être et l'absence de prise en charge par les secours aurait pu avoir des conséquences très graves,



Sur le rappel de salaire dû

- il est constant qu'un accident du travail interrompt le préavis et que le préavis est prolongé d'une durée équivalente à celle de l'arrêt de travail,

- le contrat de travail a été suspendu en raison d'un accident du travail pendant deux jours, les 10 et 11 juillet 2019, le contrat aurait donc dû être rompu le 3 juillet 2019 et la société, qui a retenu 60 € bruts sur la période de suspension pour accident du travail, aurait dû verser 60 € bruts pour la période allant du 12 au 13 juillet 2019.







Dans ses dernières conclusions, reçues au greffe le 22 juillet 2021, auxquelles il est renvoyé pour une parfaite connaissance des moyens, la société GRANDVISION France demande à la cour de :



A titre principal :

- constater que la déclaration d'appel de Madame [T] en date du 24 février 2021 ne vise aucun chef de jugement critiqué ;

- constater que l'effet dévolutif de l'acte d'appel de Madame [T] n'a nullement opéré ;

- constater que la cour d'appel d'Agen n'est saisie d'aucun chef de jugement critiqué par Madame [T] ;

- dire n'y avoir lieu à statuer sur les demandes formulées par Madame [T] ;



A titre subsidiaire, si la cour devait estimer l'appel de Madame [T] recevable :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit et jugé la rupture pendant la période d'essai régulière ;

- constaté qu'il n'a pas d'accident du travail de Madame [T] reconnu par la CPAM, après la lettre de rupture de la période d'essai du 10 juillet 2019 ;

- débouté Madame [T] de l'intégralité de ses demandes ;

- condamné Madame [T] au versement de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;



Y ajoutant,

- condamner Madame [T] au versement de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Madame [T] aux entiers dépens.



Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :



À titre principal

- l'acte d'appel doit préciser les chefs du jugement critiqués, à défaut de quoi la cour n'est saisie d'aucun effet dévolutif, même si l'appel est qualifié de total par l'acte d'appel,

- la cour qui constatera à la lecture de l'acte d'appel l'absence d'effet dévolutif ne pourra pas statuer sur les demandes formulées par Madame [T] ;



Sur la demande de nullité de la rupture du contrat de travail

- au moment où Madame [T] a eu le prétendu accident ayant entraîné la notification de la prise en charge au titre de la maladie professionnelle, le contrat de travail était d'ores et déjà rompu,

- il suffit pour s'en convaincre de relire les propres pièces que Madame [T] verse elle-même aux débats : le constat d'huissier, sa plainte pénale, l'attestation de son conjoint, et ses propres écritures qui sont un véritable aveu judiciaire,

- il n'existe aucun formalisme requis en matière de rupture de période d'essai ;



Sur la demande à titre subsidiaire à la rupture du contrat de travail

- Madame [T] entend faire application de la jurisprudence selon laquelle la rupture serait abusive s'il apparaissait qu'elle était motivée par un événement ayant trait à la vie personnelle du salarié sans lien avec ses compétences professionnelles mais oublie que la charge de la preuve lui incombe,

- elle n'a pas à justifier des raisons pour lesquelles elle a rompu la période d'essai de l'appelante ;



Sur les demandes afférentes aux circonstances vexatoires de la rupture du contrat

- il est démontré au travers notamment du constat d'huissier que ni Monsieur [S] ni Maitre [E] ne se sont montrés agressifs mais que c'est au contraire Madame [T] qui a fait preuve d'agressivité ;



Sur le manquement à l'obligation de sécurité de résultat

- il ne ressort à aucun moment des circonstance décrites par Monsieur [S] ni par Maitre [E] que Madame [T] ait eu du « mal à respirer » et se soit plainte d'une douleur au cou liée à sa chute et aucun manquement à l'obligation de sécurité de résultat n'est donc à noter de sa part,

Sur la demande en rappel de salaire

- elle s'en rapporte.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 décembre 2021 et l'affaire fixée pour plaider à l'audience du 8 février 2022.




MOTIVATION :



Sur la saisine de la cour



En application de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs du jugement qu'il critique expressément, et de ceux qui en dépendent et la dévolution ne s'opère pour le tout que lorsqu'il tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

L'effet dévolutif de l'appel est déterminé par la déclaration d'appel et l'étendue de la saisine de la cour ne peut être élargie que par un appel incident ou provoqué par les premières conclusions de l'intimé.

La cour constate à la lecture de la déclaration d'appel, ci-dessus reproduite lors du rappel de la procédure, que les chefs du jugement critiqués y sont expressément mentionnés et qu'en conséquence la cour est saisie du rejet de l'ensemble des demandes de Madame [T], de sa condamnation au paiement de frais irrépétibles et aux dépens.





Sur la nullité de la rupture du contrat de travail



Aux termes des articles L. 1221-19 à L. 1221-26 du code du travail, le contrat de travail à durée indéterminée peut comporter une période d'essai qui permet à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié et à celui-ci d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent, d'une durée variant selon la qualification du salarié et dont il peut prévoir le renouvellement une fois si un accord de branche étendu le prévoit, l'employeur et le salarié pouvant y mettre fin unilatéralement en cours ou au terme de la période, à charge pour l'employeur de respecter un délai de prévenance dont la durée est proportionnelle à celle de la présence dans l'entreprise, et pour le salarié un délai de prévenance de 48 heures, ramené à 24 heures si la durée de sa présence est inférieure à 8 jours.



Ainsi, aucun formalisme particulier n'est imposé à l'employeur ou au salarié qui entend mettre un terme à la période d'essai et la rupture d'essai peut être verbale.



Selon l'article L. 1226-9 du code du travail, l'employeur ne peut, à peine de nullité, rompre le contrat de travail au cours des périodes de suspension consécutives à un accident du travail, autre qu'un accident de trajet, ou une maladie professionnelle que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.



En l'espèce, les parties s'accordent sur le fait que lorsque Madame [T] est arrivée au magasin d'[Localité 4] le 10 juillet 2019, Monsieur [S], en sa qualité de responsable régional de la société lui a «immédiatement notifié la rupture de sa période d'essai, sans invoquer de motif».

Pour s'en convaincre, il suffit de se reporter aux propres écritures de Madame [T] ou à ses déclarations telles que retranscrites dans le procès verbal 225/2019/002802 du commissariat de police d'[Localité 4].



Madame [T] conteste la validité de la rupture en arguant :

- qu'ayant perdu connaissance face à la brutalité de cette annonce puis conduite aux urgences où elle a bénéficié d'un arrêt de travail de deux jours, elle se trouvait donc en arrêt de travail au moment de la rupture, précisant que la CPAM a reconnu le caractère professionnel de cet accident de travail.

- que l'employeur devait annuler la rupture de période d'essai ayant nécessairement connaissance de l'accident du travail survenu juste après l'annonce et la rupture ne prenant effet qu'à l'issue du délai de prévenance de deux jours.



La cour relève que du procès verbal d'huissier dressé le 10 juillet 2019 produit par l'employeur, dont le contenu fait foi jusqu'à preuve contraire, il ressort que :



- lors de l'arrivée de l'huissier, Madame [T] se trouvait assise avec devant elle trois exemplaires d'un document intitulé «rupture de votre période d'essai»

- l'huissier a signifié à Madame [T] la rupture de la période d'essai et lui a demandé de quitter le magasin

- Madame [T] s'est mise à hurler, puis a demandé à avoir accès à un médecin, Monsieur [S], sur demande de l'huissier a appelé les pompiers à 11h13 et Madame [T] s'est entretenue seule téléphoniquement avec les secours,

- à 11h30 les policiers appelés par Monsieur [S], craignant que la situation ne dégénère, sont arrivés,

- à 11h45, une ambulance est arrivée et a pris en charge Madame [T], laquelle n'a jamais fait de malaise durant le temps de présence de l'huissier et s'est expliquée de manière claire et ferme.



Madame [T] conteste la teneur du procès verbal mais ne verse aucune pièce utile à en combattre le contenu dont la sincérité ne saurait être ainsi remise en cause.

Au surplus, tant dans les termes de sa plainte déposée le contre Monsieur [S] que dans ses conclusions, elle convient que lors de son arrivée et avant son malaise, la rupture du contrat de travail lui a été annoncée.



Il s'en déduit que lors de la notification de la rupture de la période d'essai réalisée par l'annonce qui en a été faite verbalement par Monsieur [S] et la remise de la lettre de rupture, nonobstant l'absence de signature de Madame [T], le contrat de travail n'était pas suspendu, l'accident de travail ne s'étant pas encore produit, de sorte que l'employeur ne se trouvait pas dans une période consécutive à l'accident du travail mais dans une période antérieure, fût elle de quelques instants.



La cour relève ensuite que Madame [T] ne peut faire grief à l'employeur de ne pas avoir annulé la rupture de la période d'essai alors que d'une part même si la CPAM a conclu à un accident du travail, les circonstances de cet accident, telles qu'elles ressortent du constat d'huissier, ne permettaient pas à l'employeur, quand bien même la salariée se trouvait sur le lieu de travail et en sa présence, d'en supposer la qualification, que d'autre part aucune disposition n'oblige l'employeur a rétracter sa décision une fois la rupture actée.





Sur la rupture abusive du contrat de travail



Il est admis que chacune des parties dispose en principe d'un droit de résiliation discrétionnaire sans avoir à alléguer et justifier des motifs de la rupture de la période d'essai sauf si celle-ci a été détournée de sa finalité ou si la rupture résulte de la légèreté blâmable de l'employeur, la preuve de l'abus incombant au salarié.



Il appartient à la partie se disant victime d'un préjudice du fait de la rupture abusive de la période d'essai de rapporter la preuve de l'existence de l'abus et du préjudice.



Madame [T] soutient que le seul motif ayant justifié la rupture de sa période d'essai était son passif judiciaire, ainsi que révélé par le conseil de l'employeur lors de l'audience du bureau de conciliation, et que l'employeur n'allègue ni ne justifie de ce qu'elle n'aurait pas donné satisfaction.



Il sera rappelé que sous réserve d'un abus, l'employeur n'a aucune procédure particulière à respecter ni aucune cause réelle et sérieuse à rapporter pour justifier le bien-fondé de la rupture.



Madame [T], à qui incombe la charge de la preuve, procède par voie d'allégations, sans apporter aucun élément au soutien de ses affirmations, de sorte que son moyen ne saurait prospérer.



Sur les circonstances vexatoires de la rupture



Madame [T] soutient que l'employeur a usé d'un stratagème déloyal en la faisant venir au magasin d'[Localité 4] sous le motif fallacieux qu'elle devait y terminer sa formation sans avoir jamais eu l'intention de la finaliser alors qu'il avait déjà requis un huissier et que lors de sa venue tant Monsieur [S] que Maître [E] se sont montrés agressifs et vindicatifs à son encontre.

Madame [T] procède là encore par allégations et la lecture du constat d'huissier permet de se convaincre d'une réalité toute autre que celle qu'elle décrit quant au comportement agressif nullement attribué à l'employeur et de constater que l'huissier a été requis alors que Monsieur [S] avait déjà annoncé la rupture à Madame [T] et pour constater le refus de Madame [T] de recevoir en main propre la lettre de rupture.

Enfin, aucun caractère vexatoire ne peut être attribué à l'invitation faite à Madame [T] de se présenter au magasin d'[Localité 4] dans le cadre de la poursuite de sa formation.



Le grief n'est ainsi pas démontré.





Sur le manquement à l'obligation de sécurité



L'employeur est tenu de prendre les dispositions nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs conformément aux dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail.



Contrairement à ce que prétend Madame [T], le constat d'huissier établit que c'est Monsieur [S] qui a appelé les secours, étant précisé que son état de choc et sa chute ne sont décrits que par elle-même. A cet égard, le certificat médical des urgences du centre hospitalier d'[Localité 4] constate uniquement une cervicalgie sans signes de gravité, d'allure musculaire, un ECG normal et un examen physique rassurant.



Ce grief ne saurait donc être retenu.





Sur le rappel de salaire



L'inobservation du délai de prévenance par l'employeur impose à celui-ci le versement d'une indemnité compensatrice égale au montant des salaires dus jusqu'à l'expiration du délai de prévenance, indemnité compensatrice de congés payés comprise, sauf en cas de faute grave du salarié.



L'employeur, qui s'en rapporte sur ce chef de demande, ne justifie pas du versement de cette indemnité.



La décision du conseil des prud'hommes ayant déboutée Madame [T] de cette demande sera ainsi infirmée.



Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens



Madame [T] succombant, la décision de première instance l'ayant condamnée à verser une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens sera confirmée. Madame [T] sera en outre condamnée aux dépens de la procédure d'appel.

L'équité conduit à rejeter les demandes formées en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS :



LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,



DÉCLARE la cour saisie des chefs du jugement afférents au rejet de l'ensemble des demandes de Madame [T], de sa condamnation au paiement de frais irrépétibles et aux dépens ;



CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du conseil des prud'hommes d'Agen du 2 février 2021 sauf en ce qu'il a débouté Madame [T] de sa demande au titre du rappel de salaire et des congés payés afférents ;



Statuant à nouveau,



CONDAMNE la société GRANDVISION FRANCE à verser à Madame [T] les sommes suivantes :

- 60 € bruts à titre de rappel de salaire ;

- 6 € bruts au titre des congés payés y afférents ;



y ajoutant,



DÉBOUTE les parties des demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;



CONDAMNE Madame [T] aux dépens de la procédure d'appel.



Le présent arrêt a été signé par Benjamin FAURE, conseiller faisant fonction de président et Chloé ORRIERE, greffier.



LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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