3 mai 2022
Cour d'appel d'Agen
RG n° 21/00139

CHAMBRE SOCIALE

Texte de la décision

ARRÊT DU

03 MAI 2022



NE CO



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N° RG 21/00139 -

N° Portalis DBVO-V-B7F-C3MR

-----------------------





[I] [C]





C/





ASSOCIATION RELAIS





-----------------------











Grosse délivrée

le :



à

ARRÊT n° 43 /2022







COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Sociale







Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d'appel d'Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le trois mai deux mille vingt deux par Benjamin FAURE, conseiller faisant fonction de président assisté de Chloé ORRIERE, greffier



La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire



ENTRE :



[I] [C]

demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représenté par Me Aurélia BADY, substituant à l'audience Me Camille GAGNE, avocat inscrit au barreau d'AGEN







APPELANT d'un jugement du conseil de prud'hommes - formation paritaire d'AGEN en date du 02 février 2021 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. 19/00020



d'une part,



ET :



L'ASSOCIATION RELAIS prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège :

[Adresse 7]

[Localité 3]



Représentée par Me Louis VIVIER, avocat inscrit au barreau d'AGEN







INTIMÉE



d'autre part,





A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 08 février 2022 sans opposition des parties devant Pascale FOUQUET, conseiller faisant fonction de président de chambre et Nelly EMIN, conseiller, assistés de Chloé ORRIERE, greffier. Les magistrats en ont, dans leur délibéré rendu compte à la cour composée, outre eux-mêmes, de Benjamin FAURE, conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 805 du code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.




* *

*





EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :



L'association RELAIS gère une maison des enfants à caractère social l'[8] à [Localité 4] qui héberge, sur placement de l'autorité judiciaire, des mineurs en danger ou confrontés à des actes de délinquance.



Monsieur [C] a été embauché par l'association le 1er mars 2000 pour une durée indéterminée en qualité de veilleur de nuit au foyer l'[8].

Plusieurs avenants au contrat de travail sont venus modifier la relation de travail.

Ainsi, le 11 avril 2000, il a été détaché sur un poste d'éducateur non sélectionné.

Puis, ayant obtenu son diplôme d'éducateur spécialisé, Monsieur [C] à partir du 1er décembre 2009, a été reclassé à ce poste l'échelon 3, coefficient 491 de la convention collective nationale du 15 mars 1966.



Par courrier du 29 janvier 2018, Monsieur [C] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 8 février 2018, puis, ne s'étant pas présenté au premier entretien, par courrier du 12 février 2018 a été de nouveau convoqué à un entretien prévu, le 21 février 2018 auquel il s'est présenté, assisté d'un salarié, Monsieur [R].



Par lettre recommandée du 26 février 2018, l'employeur lui a notifié son licenciement pour faute grave aux motifs suivants :



« Dans le cadre de vos fonctions d'éducateur spécialisé au sein de notre Association, vous aviez en charge la référence éducative du mineur [E] [J], né le 07 avril 2001 au Maroc, dont le placement au sein du Foyer l'[8] a été renouvelé par ordonnance de Madame [D], juge des enfants au Tribunal de Grande Instance d'Agen, en date du 04 mai 2017.

Aux termes de cette ordonnance, des droits de visite et d'hébergement sont accordés chez M. [K] [P], et organisés par notre service éducatif (l'internat collectif) ayant le mineur en charge.

A l'occasion des fêtes de fin d'années, les jeunes de l'internat ont la possibilité de passer quelques jours à l'extérieur (en famille, ou chez des tiers dignes de confiance).

L'éducateur spécialisé est chargé d'organiser ces sorties, et il a de ce fait la qualité de « référent ».

Concernant [E] [J], dont vous êtes le référent, dans la semaine du 20 décembre 2017, nous vous avons demandé de vous assurer de son hébergement, avec cette particularité qu'il était prévu une alternance entre le foyer et l'extérieur, par périodes de trois jours.

Vous savez parfaitement que le jeune [E] [J], qui est par ailleurs fiché par les services du Commissariat d'[Localité 4] pour sa potentielle capacité à une radicalisation, doit faire l'objet d'une surveillance particulière, surtout lorsqu'il est hors foyer.

Le 23 décembre 2017, [E] [J] part du foyer et est aussitôt déclaré mineur en fugue, dès lors qu'aucune information n'avait été recueillie sur son lieu d'hébergement hors de notre foyer.



Le 26 décembre 2017, en consultant son dossier, nous découvrons un document relatif à son hébergement :

- Document manuscrit au nom de M. [G] [L], résidant à [Adresse 5] qui :

« certifie sur l'honneur héberger [E] [J] du samedi 23/12/17 au 01/01/18 ».

Or, nous avons constaté que l'écriture de ce document était totalement différente de celle de M. [A] [S], résidant à [Adresse 6], connu de nos services pour avoir déjà déclaré héberger [E] [J].

Nous relevons au surplus, que la signature n'est pas du tout celle de M. [A] [S], de même qu'il y aurait une erreur sur le nom.

Egalement, était jointe à cette « attestation », une seconde, en tous points identiques (même nom, même écriture et même signature) mais portant sur la période du 15 décembre au 17 décembre 2017.

Nous avons interrogé [E] [J] à son retour ; ce dernier a refusé de nous répondre lorsque nous lui avons demandé où il se trouvait pendant ces jours d'absence.

Dans le cadre de l'entretien préalable, nous vous avons présenté ces documents : vous avez reconnu les avoir écrits et signés.

Cependant, vos explications sont loin d'être convaincantes, puisque vous nous avez indiqué qu'il s'agissait de « modèles » qu'il convenait de faire recopier, etc.

En réalité, il s'agit purement et simplement de faux, établis par vous.

Ces faits sont d'une extrême gravité et ce, pour plusieurs raisons.

Non seulement il s'agit de faux documents rédigés par vous-même, éducateur référent de ce jeune, mais de même, ils établissent faussement une domiciliation chez un tiers.

Nous vous rappelons que notre structure collabore avec l'institution judiciaire et qu'à ce titre, nous devons rendre compte des responsabilités qu'elle nous confie.

[E] [J] était signalé pour sa possible radicalisation à deux reprises, ce qui, dans le contexte actuel, justifiait une attention particulière nos services à son égard.

Or, entre le 23 décembre 2017 et le 1er janvier 2018, nous sommes dans l'incapacité de justifier du lieu d'hébergement de ce jeune mineur de 17 ans.

Nous n'osons imaginer quelles auraient pu être les répercussions pour notre Association si ce jeune avait été impliqué dans un acte de délinquance.

Votre conduite met en cause la bonne marche du service et est de nature à nuire à la réputation de notre Association ».





Monsieur [C] a adressé une lettre de contestation de son licenciement par courrier du 13 mars 2018 puis suivant requête du 26 février 2019, il a saisi le conseil des prud'hommes d'Agen à l'effet de contester le licenciement pour faute grave.





Par jugement du 2 février 2021, le conseil des prud'hommes d'Agen a dit que le licenciement pour faute grave prononcé le 26 février 2018 par l'Association RELAIS-Foyer [8] à l'encontre de Monsieur [C] est justifié, l'a débouté de toutes ses demandes et condamné à régler à l'Association RELAIS-Foyer [8] une indemnité de 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.





Par déclaration au greffe du 16 février 2021, Monsieur [C] a formé appel de toutes les dispositions du jugement du conseil des prud'hommes d'Agen du 2 février 2021, dans des conditions de forme et de délais qui ne sont pas contestées.





L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 décembre 2021 et l'affaire fixée pour plaider à l'audience du 8 février 2022.





MOYENS ET PRÉTENTIONS :



Dans ses dernières conclusions, reçues au greffe le 23 juillet 2021, auxquelles il est renvoyé pour une parfaite connaissance des moyens, Monsieur [C] demande à la cour de :



- réformer le jugement du conseil des prud'hommes d'Agen du 2 février 2021 en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné au paiement de la somme de 200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure ainsi qu'aux entiers dépens.



Statuant à nouveau,

Sur le licenciement,



A titre principal :

- juger que le licenciement notifié le 26 février 2018 est dépourvu de cause réelle et

sérieuse,

- juger que doit être écarté le montant maximal d'indemnisation prévu par l'article L.1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l'OIT et le droit au procès équitable ou à défaut faire une appréciation « in concreto » du préjudice subi par le salarié,

- condamner en conséquence l'Association RELAIS à lui verser la somme nette de 59 448 €, correspondant à 24 mois de salaire, en réparation de l'ensemble des préjudices professionnels, financiers et moraux subis dans le cadre de son licenciement,



A titre subsidiaire,

- condamner l'Association RELAIS à lui verser la somme nette de 34 678 € correspondant à 14 mois de salaire à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L. 1235-3,



En tout état de cause,

- condamner l'Association RELAIS à lui verser les sommes suivantes :

- 12 797,83 € au titre de l'indemnité de licenciement,

- 4 954 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 495 € au titre des congés payés sur préavis.

- ordonner la remise de l'attestation pôle emploi rectifiée ainsi qu'un bulletin de salaire récapitulant les sommes versées au titre des condamnations prononcées,

- condamner l'Association RELAIS à lui verser la somme de 2 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux dépens.



Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que :



Sur l'absence de faute grave

- la rupture de son contrat de travail s'inscrit dans le cadre d'une relation contractuelle fortement dégradée, il était devenu la cible de nombreuses humiliations et autres tentatives de discréditation de la part du directeur, en particulier lorsqu'il lui a été fait la proposition, au cours d'une réunion de service, en présence de nombreux salariés, de reprendre un poste en cuisine totalement étranger à ses compétences et a été évincé du projet «Alternatives» pour lequel il avait pourtant été félicité pour son implication,

- l'employeur a fait preuve d'une particulière déloyauté en adoptant une attitude injuste et agressive à son égard,

- l'employeur attendra un mois avant d'envisager de licencier son salarié et l'absence de mise à pied conservatoire est une décision étonnante compte tenu des faits reprochés,



- il affirme avoir rédigé les deux attestions pour modèle, et s'il avait voulu faire de fausses attestations, il n'aurait pas utilisé son écriture ; sa seule erreur a été de ne pas prendre la précaution de faire figurer la mention « modèle » ou « spécimen » sur le document afin d'éviter les risques d'utilisations frauduleuses,

- Monsieur [J] confirme cette réalité dans son attestation,

- l'employeur évoque des faits qui pourraient revêtir les caractères d'une infraction pénale, sans pour autant avoir déposé une plainte auprès des services compétents,

- une simple erreur involontaire ne peut revêtir le caractère de faute grave, en conséquence la sanction du licenciement apparaît comme injustifiée et disproportionnée,

- le jeune dont il est question était dans ce schéma de défier l'autorité de ses encadrants et tester leurs capacités à céder,

- l'insistance sur la radicalisation et les sous entendus gênants du potentiel terroriste du jeune homme, associée à l'emploi du terme de complicité pour associer les faits reprochés au salarié donne une coloration pénale au dossier qui n'a pas lieu d'être, alors qu'[E] [J] avait été placé sous la responsabilité de l'association suite à des faits de vol en réunion et qu'à ce titre, sa situation ne requérait pas d'attention plus particulière que pour un autre mineur délinquant,

- il est faux d'affirmer que le mineur avait pu se soustraire à l'autorité du foyer grâce à ces attestations, le mineur ayant prouvé qu'il pouvait s'en passer et avait par ailleurs décidé de fuguer, pour la seconde sortie,

- bien qu'en fugue, il est rentré au foyer après son séjour en extérieur et aucun acte de délinquance n'a été commis,

- les potentielles conséquences gravissimes alléguées par l'employeur ne sont que pures spéculations et ne peuvent servir de justification à la qualification de la faute grave du salarié,

- l'employeur évoque le risque de perte d'agrément et d'incidence sur la réputation de l'association, ces conséquences éventuelles ne peuvent constituer un préjudice né et actuel, ni même une perte de chance,

- la possibilité évoquée par l'employeur que l'autorité judiciaire demande des comptes sans que l'on ne soit capable de pouvoir donner les informations demandées est totalement mensongère, le mineur étant déclaré en fugue, l'association avait dès lors respecté la procédure et n'avait pas d'avantage de compte à rendre à l'administration,

- nombre de mineurs confiés à l'association ont fugué et commis des infractions sans que l'association n'ait perdu son agrément,

- l'association demeure dans l'impossibilité de démontrer un préjudice ou une quelconque perturbation de son service,



Sur les conséquences financières

- l'article 10 de la convention n° 158 de l'OIT sur le licenciement, ratifiée par la France le 16 mars 1989, dont le Conseil d'Etat a confirmé l'effet direct et l'article 24 de la charte sociale européenne du 3 mai 1996, ratifiée par la France le 7 mai 1999 garantissent un droit à une indemnité adéquate,

- le conseil des prud'hommes peut donc parfaitement décider d'écarter le plafonnement des indemnités prévu par l'article L.1235-3 du code du travail, s'il l'estime inconventionnel au regard de ces textes dont l'applicabilité directe ne peut qu'être reconnue,

- le critère de l'ancienneté ne saurait être le seul élément d'appréciation du préjudice du salarié licencié sans motif valable, et à ancienneté égale, les difficultés rencontrées pour retrouver un emploi équivalent, et la durée du chômage comme le déclassement imposé pour recommencer à travailler, sont notamment bien plus déterminants des préjudices financiers, professionnels et moraux,

- le préjudice est par nature personnel, ne saurait être comparé à une autre situation et correspond à l'indemnisation in concreto qui exige l'individualisation de la réparation et s'oppose à l'instauration de barèmes forfaitaires et abstraits,

- le droit à un procès équitable, consacré par l'article 6§1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, n'a pas de raison d'être sans que soit reconnu d'abord le droit d'accès à un juge, et ce droit d'accès à la justice n'a d'intérêt que s'il est concrètement effectif, et pas seulement théorique, ce qui suppose que le tribunal compétent ait une plénitude de juridiction pour traiter la demande dont il est saisi,

- il justifie de l'étendue de son préjudice : il n'a pas été en mesure immédiatement de retrouver un emploi en contrat à durée indéterminée, puis a été embauché en contrat à durée déterminée subissant ainsi une perte financière mensuelle brute de 420 €, par la suite embauché en contrat à durée indéterminée à temps complet puis à temps partiel en raison de sa situation médicale,

- la privation de l'emploi par l'employeur engendre, en sus de la perte financière immédiate, une perte financière incontestable sur les droits futurs à la retraite,

- il justifie de manière incontestable des conséquences de l'attitude de l'employeur sur sa santé.





Dans ses dernières conclusions, reçues au greffe le 19 juillet 2021, auxquelles il est renvoyé pour une parfaite connaissance des moyens, l'Association RELAIS-Foyer [8] demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 02 février 2021 par le conseil des prud'hommes d'Agen et y ajoutant condamner Monsieur [C] à lui payer une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens d'appel.



Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :



- loin de nier avoir commis une faute, Monsieur [C] tente d'en minimiser la gravité et de déplacer le litige sur un autre terrain, affirmant être «dans le collimateur » de l'employeur pour des raisons étrangères aux faits de décembre 2017,

- il s'agit d'une tentative maladroite de la part de Monsieur [C] de faire porter la responsabilité de la faute grave qu'il a commise dans la prise en charge du mineur [E] [J], sur l'employeur, au motif d'un prétendu harcèlement conduisant à la dégradation des conditions de travail,

- d'une part, Monsieur [C] n'a pas engagé de procédure spécifique pour dénoncer ce prétendu harcèlement, et que d'autre part, il procède par affirmations, sans apporter à la juridiction aucun élément objectif, se contentant d'exposer son «ressenti»,

- les certificats médicaux ne permettent pas de retenir une souffrance au travail, et ne sont pas de nature à excuser sa faute,

- le mineur [E] [J] était confié au Foyer [8] depuis août 2015 et était donc parfaitement connu des services, et notamment de Monsieur [C], son éducateur référent,

- à l'occasion des fêtes de fin d'année, les pensionnaires avaient la possibilité de passer quelques jours à l'extérieur, organisés par l'éducateur référent, et sous son contrôle,

- le 26 décembre 2017, en consultant son dossier, l'employeur découvre un document relatif à son hébergement, à savoir, un document manuscrit au nom de M. [G] [S], résidant à [Adresse 5], qui certifie sur l'honneur héberger [E] [J] du samedi 23/12/17 au 01/01/18 et constate que l'écriture de ce document était totalement différente de celle de M. [A] [S] résidant à [Adresse 6], connu des services pour avoir déjà déclaré héberger [E] [J],

- à deux reprises, [E] [J] a pu quitter le foyer [8] grâce à ces attestations d'hébergement, lesquelles faisaient croire qu'il était hébergé par la personne mentionnée sur ces attestations, alors qu'il apparaît qu'elles n'ont en aucun cas été écrites ou signées par ladite personne, et ce, avec la complicité de Monsieur [C], éducateur référent du mineur, alors qu'il a bien été rappelé, en réunion d'équipe, que ce jeune ne pouvait être hébergé chez un tiers que si toutes les conditions étaient remplies,

- à deux reprises au mois de décembre 2017, le mineur a purement et simplement disparu, sans que l'association ne puisse le localiser, et ce, en raison de la faute professionnelle commise par Monsieur [C], lequel a failli à sa mission,



- Monsieur [C] qui prétend qu'il s'agissait de modèles, n'explique pas pourquoi il a, non seulement écrit le texte,mais surtout pourquoi il a signé lesdits documents au nom d'[S], donnant à ceux-ci une apparence de réalité, ni pourquoi dans le dossier du mineur, on retrouve ces prétendus 'modèles' et non les attestations d'hébergement originales, écrites et signées par le véritable [A] [S],

- l'attestation de [E] [J] devra être écartée car elle ne respecte pas les prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile, et a été établie par un mineur,

- il appartenait à Monsieur [C] de s'assurer de la réalité et de la fiabilité de l'hébergement du mineur pendant ces deux périodes, de manière à pouvoir justifier de la localisation du mineur confié,

- elle ne peut en aucun cas prendre le risque de perdre son agrément, par la faute d'un salarié, éducateur spécialisé, ayant une expérience professionnelle de 18 ans, lequel s'est rendu complice de la disparition d'un mineur «fiché S» pendant plusieurs jours, en fournissant de fausses attestations d'hébergement rédigées et signées par lui-même au nom d'une autre personne,

- il n'était pas possible pour elle, de continuer à confier a Monsieur [C] des mineurs placés par l'autorité judiciaire, au vu des faits commis concernant le mineur [J], dont toute trace a été perdue pendant plusieurs jours,

- Monsieur [C] a été hospitalisé du 26 au 29 décembre 2017, puis il a été placé en arrêt de travail du 29 décembre 2017 au 28 janvier 2018, lequel a été prolongé jusqu'au 25 février 2018, avec cependant des sorties autorisées ; elle l'avait donc convoqué à la fin de son premier arrêt sans qu'il y ait donc lieu de s'étonner qu'elle ne l'ait pas convoqué avant, ni décidé d'une mise à pied conservatoire puisque le salarié n'était plus dans l'entreprise,

- il n'établit pas que sa situation médicale actuelle serait la conséquence du licenciement pour faute grave,

- après son séjour en hôpital psychiatrique, il a aussitôt retrouvé un emploi pour un an, dans sa spécialité,et le contrat, à l'origine à durée déterminée, a été transformé en contrat à durée indéterminée.






MOTIVATION :



Sur le licenciement pour faute grave



Il résulte des dispositions des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, et qu'en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.



Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables. En outre, s'il invoque une faute grave pour justifier le licenciement, l'employeur doit en rapporter la preuve.



Il sera par ailleurs rappelé que :

- la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise

- en application des dispositions des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis, ni à une indemnité de licenciement.







En l'espèce, il n'est pas contesté par Monsieur [C], qu'en sa qualité d'éducateur spécialisé, référent du mineur [E] [J], il lui appartenait d'organiser les droits de visite et d'hébergement et de s'assurer des conditions d'accueil de ce mineur confié à l'association par décision de justice, dans le cadre défini par la décision du juge des enfants.



Monsieur [C] reconnait avoir rédigé et signé deux attestations d'hébergement pour le mineur, au nom de Monsieur [G] [L], résidant à [Adresse 5], la première pour la période du 15 au 17 décembre 2017, et la seconde pour la période du 23 décembre 2017 au 1er janvier 2018.



Les explications du salarié selon lesquelles il s'agissait de modèles ne sont pas recevables dès lors que ces attestations portent des renseignements précis quant à l'identité et l'adresse de l'hébergeant, aux dates d'hébergement et qu'elles sont revêtues d'une fausse signature dans la mesure où ce n'est pas celle de Monsieur [C]. Par ailleurs, des modèles auraient été remis à la personne censée les recopier alors que ces attestations figuraient au dossier du mineur. Enfin, l'explication de la perte de la première attestation pour justifier de la seconde n'est pas plus convaincante puisque précisément les deux attestations rédigées par Monsieur [C] sont retrouvées dans le dossier mais qu'aucune attestation établie sur ce "modèle" n'y figure.



L'attestation établie par [E] [J] le 27 février 2018, qui au demeurant ne concerne que l'attestation pour la période du 23 décembre au 1er janvier, et n'évoque absolument pas la perte d'une première attestation, ne peut qu'être écartée dans la mesure où, entièrement dactylographiée, elle a été rédigée alors que ce témoin était mineur et au profit de celui qui était son éducateur référent.



La cour souligne que Monsieur [C] comptait 18 ans d'ancienneté, connaissait donc parfaitement les obligations d'un éducateur spécialisé dans l'organisation des droits de visite et ne pouvait ignorer qu'une attestation entièrement rédigée, signée, versée au dossier du mineur, ne pouvait être qualifiée de modèle.



La cour en déduit que Monsieur [C], en établissant deux fausses attestations d'hébergement, en ne s'étant pas inquiété des conditions d'hébergement du mineur durant ces droits de visite, a commis une faute et que cette faute est d'autant plus importante que son attention avait été attirée sur la vigilance particulière nécessaire à l'endroit de ce mineur signalé.



Monsieur [C] ne saurait se dédouanner de sa responsabilité sous couvert d'une erreur, de l'existence d'autres fugues de mineurs au sein du foyer ou d'une dégradation de la relation de travail.

Sur ce dernier point, la cour ne peut que passer outre les affirmations de Monsieur [C] sur la déloyauté supposée de l'employeur dès lors qu'il n'en tire aucune conséquence juridique et que cet argument, peu étayé par les pièces produites, est sans aucun lien avec la rédaction des fausses attestations.



Enfin, la cour rappelle que la lettre de licenciement fixe les limites du litige et qu'il n'est nullement reproché à Monsieur [C] d'avoir favorisé la fugue du mineur, une quelconque complicité dans une potentielle activité délinquante ou dans le risque de radicalisation de ce mineur mais uniquement un défaut d'organisation des droits de visite et l'établissement de fausses attestations, ce qui est avéré.



L'établissement de fausses attestations rompt nécessairement la confiance de l'employeur envers le salarié, singulièrement s'agissant d'un éducateur spécialisé ayant la charge du suivi de mineurs confiés par décision de justice et justifie l'impossibilité de maintenir Monsieur [C] au sein de l'équipe éducative et au contact du mineur concerné.



Par ailleurs, il ne peut être fait grief à l'employeur de n'avoir pas prononcé la mise à pied du salarié immédiatement après la découverte des faits ou de l'avoir convoqué qu'à l'issue d'un délai d'environ un mois alors que le contrat de travail se trouvait suspendu par l'effet des arrêts de travail.



La décision du conseil des prud'hommes d'Agen doit ainsi être confirmée en ce qu'elle a débouté Monsieur [C] de l'ensemble de ses demandes.





Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens



Monsieur [C] qui succombe en appel sera condamné à payer à l'Association RELAIS une somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile aux dépens de la procédure d'appel.

La décision de première instance sera également confirmée en ce qu'elle l'a condamné au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et aux dépens de cette instance.





PAR CES MOTIFS :



LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,



CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du conseil des prud'hommes d'Agen du 2 février 2021 ;



y ajoutant,



CONDAMNE Monsieur [C] à payer à l'Association RELAIS une somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



CONDAMNE Monsieur [C] aux dépens de la procédure d'appel.



Le présent arrêt a été signé par Benjamin FAURE, conseiller faisant fonction de président et Chloé ORRIERE, greffier.



LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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