20 octobre 2008
Cour d'appel de Grenoble
RG n° 02/01943

Texte de la décision

RG N° 05 / 01369



COUR D'APPEL DE GRENOBLE

2E CHAMBRE CIVILE

ARRET DU LUNDI 20 OCTOBRE 2008



Appel d'un Jugement (N° RG 02 / 01943)
rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE
en date du 28 octobre 2004
suivant déclarations d'appel des 11 février 2005, 4 mars 2005, 21 mars 2005 et dénonciation d'appel et appel provoqué et assignation du 17 janvier 2007



APPELANTE :

L'INSTITUT NATIONAL POLYTECHNIQUE DE GRENOBLE pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
46 Avenue Félix Viallet
38031 GRENOBLE CEDEX 1

représentée par la SCP JEAN CALAS, avoués à la Cour
assistée de la SCP BALESTAT-DETROYAT, avocats au barreau de GRENOBLE



INTIMES :

SOCIETE AVIVA ASSURANCES, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
52 Rue de la Victoire
75445 PARIS CEDEX 09

représentée par Me Marie-France RAMILLON, avoué à la Cour
assistée de Me ARRUE, avocat au barreau de LYON



SOCIETE AXA FRANCE IARD, anciennement dénommée AXA COURTAGE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
Assureur de L'INSTITUT MECANIQUE DE GRENOBLE devenu aujourd'hui L'INSTITUT NATIONAL POLYTECHNIQUE DE GRENOBLE
26 Rue Louis Le Grand
75002 PARIS

représentée par la SCP HERVE-JEAN POUGNAND, avoués à la Cour
assistée de Me Joëlle GRANDCLEMENT, avocat au barreau de LYON substitué par Me CASANE, Sophie, avocat au barreau de LYON



Monsieur Michel A...

Chez Z...-...

38000 GRENOBLE

représenté par la SELARL DAUPHIN & MIHAJLOVIC, avoués à la Cour
assisté de Me LIOCHON, avocat au barreau de CHAMBERY substitué par Me DURAZ, avocat au barreau de CHAMBERY



SOCIETE AXA Assureur de Monsieur D...

26 Rue Drouot
75009 PARIS

représentée par la SCP HERVE-JEAN POUGNAND, avoués à la Cour
assistée de Me Joëlle GRANDCLEMENT, avocat au barreau de LYON substitué par Me CASAVE, Sophie, avocat au barreau de LYON



ENTREPRISE GINON prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
15 Rue Moriaud
38080 L'ISLE D'ABEAU

représentée par la SCP GRIMAUD, avoués à la Cour
assistée de Me Richard BELLON, avocat au barreau de GRENOBLE



SARL JEAN FRANCOIS VIEUX NORD ISERE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
6 Rue Joseph Cugnot
38300 BOURGOIN-JALLIEU

non représentée

Société AGF-PFA, ès qualités d'assureur de l'Entreprise GINON, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
33 Rue Lafayette
Case Postale 7C6
1 Cours Michelet
92076 PARIS LA DEFENSE CEDEX

représentée par la SCP GRIMAUD, avoués à la Cour
assistée de Me Richard BELLON, avocat au barreau de GRENOBLE



Maître Jean-Yves G... ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la Société JEAN-FRANCOIS VIEUX NORD ISERE

...

38300 BOURGOIN JALLIEU

représenté par la SELARL DAUPHIN & MIHAJLOVIC, avoués à la Cour



COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Mme Anne-Marie DURAND, Président,
Monsieur Jean-Michel ALLAIS, Conseiller,
Madame Joëlle BLATRY, Conseiller,

Assistés lors des débats de Mme Brigitte BARNOUD, Greffier.

DEBATS :

A l'audience publique du 08 Septembre 2008, Mme DURAND, Président a été entendue en son rapport.

Les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries.

Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour.



FAITS-PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES



Les époux H... et les époux I... ont acquis de Monsieur J... des terrains situés à SAINT SAVIN (Isère) sur l'emplacement d'une ancienne carrière remblayée.

Monsieur A..., géotechnicien et L'INSTITUT MECANIQUE DE GRENOBLE, avait été missionné pour donner un avis sur le type de construction à envisager sur ce sol.

Les acquéreurs y ont fait construire chacun une villa par la société JEAN FRANCOIS VIEUX NORD ISERE, laquelle a confié le lot fondation gros œuvre de la villa H... à la société ENTREPRISE GINON, assurée auprès de la compagnie AGF et le même lot de la villa I... à Monsieur D..., assuré auprès de la société AXA France.

A la suite de la survenance de fissurations dans les murs des villas, l'instauration d'une mesure d'expertise a été sollicitée en référé.

Par ordonnance de référé du 21 mai 1996, Monsieur K... a été désigné en qualité d'expert. Il a accompli sa mission, et a déposé son rapport le 9 février 1998.

Au vu de ce rapport, la compagnie d'assurance ABEILLE, actuellement dénommée AVIVA, assureur dommages ouvrage a, par actes des 3, 5, 8, 9 avril 2002, sur le fondement du protocole signé avec les victimes du sinistre, fait assigner devant le Tribunal de Grande Instance de Grenoble :

- d'une part, l'entreprise GINON et son assureur la Compagnie AGF et Monsieur Michel A..., à l'effet d'obtenir leur condamnation à lui rembourser la somme de 156. 040, 56 euros, montant de l'indemnité versée au titre des désordres ayant affecté la maison de Monsieur et Madame H...,

- d'autre part, l'entreprise
D...
et son assureur décennal la compagnie d'assurance AXA, l'INSTITUT NATIONAL POLYTECHNIQUE DE GRENOBLE et son assureur la Compagnie AXA, à lui verser la somme de 175. 316, 37 euros, montant de l'indemnité versée au titre des désordres ayant affecté la maison de Monsieur et Madame I...,

- ce outre intérêts et indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civil.



Par Jugement du 28 octobre 2004, le tribunal de grande instance de Grenoble a :

a) s'agissant des désordres affectant la villa I... :

- déclaré Monsieur D... et la société JEAN-FRANCOIS VIEUX NORD ISERE, responsables in solidum,

- dit que dans les rapports des co-obligés entre eux, la société JEAN-FRANCOIS VIEUX NORD ISERE supportera 90 % de la responsabilité, et Monsieur D... les 10 % restants,

- condamné la compagnie AXA France, ès qualités d'assureur de Monsieur D..., à payer à la compagnie AVIVA la somme de 13. 770, 50 euros à titre de dommages-intérêts, outre intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation,

- mis hors de cause Monsieur A...


- dit n'y avoir lieu à l'article 700 du code de procédure civile.



b) s'agissant des désordres affectant la villa H... :

- déclaré la société JEAN-FRANCOIS VIEUX NORD ISERE, la société GINON et l'ENSHMG, responsables in solidum,

- dit que dans les rapports des co-obligés entre eux, la société JEAN-FRANCOIS VIEUX NORD ISERE supportera 40 % de la responsabilité, la société GINON 10 % et l'ENSHMG 50 %,

- condamné la société GINON et la compagnie AGF à payer à la compagnie AVIVA la somme de 14. 227, 80 euros outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- condamné l'ENSHMG à payer à la compagnie AVIVA la somme de 71 390 euros intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation,

- mis hors de cause la compagnie AXA COURTAGE, assureur de l'ENSHMG,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- réparti les dépens.



L'lNSTITUT NATIONAL POLYTECHNIQUE DE GRENOBLE, qui sera ultérieurement désigné sous son sigle INPG et qui vient aux droits et obligations de l'ENSHMG, a interjeté appel de cette décision.

La compagnie d'assurance AVIVA, la société GINON, son assureur la compagnie AGF et la compagnie AXA ès qualités d'assureur de Monsieur D... ont formé des appels incidents.

L'INPG expose que Monsieur L... a été chargé d'une simple étude de faisabilité destinée à préciser le type de construction possible sur le terrain sur lequel devait être construite la maison des époux H..., sans connaître l'implantation de celle-ci, qu'il n'a pas commis de faute en concluant à la possibilité de réaliser des fondations sur semelles filantes, option qui n'est pas exclue par l'expert, les désordres ne provenant que du fait que les maisons ont été construites en partie sur du remblai et en partie sur du terrain naturel.
Il ajoute que les préconisations de Monsieur L..., à savoir la réalisation d'une construction « rigide et bien chaînée » n'ont d'ailleurs pas été respectées.
S'agissant de la villa I..., sur l'appel incident de la société AVIVA, il réplique qu'il n'est pas intervenu au titre de cette construction.

Il conclut au rejet de l'appel en garantie formé à titre subsidiaire par Monsieur A....

Il demande la condamnation de la compagnie AVIVA à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



La Compagnie AVIVA a formé appel incident à l'encontre de Monsieur A..., de l'entreprise
D...
, la Compagnie AXA COURTAGE, et de l'INPG.

Elle écarte l'exception de prescription tirée de l'article L. 114-1 du code des assurances soulevée par la compagnie d'assurance AGF, indiquant que selon jurisprudence constante, celle-ci ne s'applique pas au recours de l'assureur subrogé dans les droits de la victime.

Elle soutient que le même assureur soulève vainement la nullité de l'assignation délivrée à la société GINON, régulière en la forme et qui n'est, en tout état de cause, à l'origine d'aucun grief.

Elle reprend ses explications relatives à la régularité de sa subrogation du fait du paiement prouvé par la quittance subrogative versée aux débats et dont résulte par ailleurs son intérêt à agir.

Elle demande, d'une part, la condamnation in solidum de la compagnie AXA COURTAGE en sa qualité d'assureur de l'entreprise
D...
, de Monsieur A..., de l'INPG venant aux droits de l'ENSHMG GRENOBLE et son assureur la compagnie AXA France lARD, venant aux droits d'AXA COURTAGE, à lui payer la somme de 175. 316, 37 euros outre intérêts de droit à compter de l'exploit introductif d'instance, avec anatocisme, en remboursement de l'indemnité versée aux consorts I... dans les droits desquels elle est subrogée.

Elle demande, d'autre part, la condamnation in solidum de l'entreprise GINON et son assureur les AGF, Monsieur A..., l'INPG venant aux droits de l'ENSHMG, et son assureur la compagnie AXA France lARD venant aux droits d'AXA COURTAGE, à lui payer la somme de 169. 267, 80 euros, outre intérêts au taux légal à compter de l'exploit introductif d'instance, avec anatocisme, en remboursement de l'indemnité versée aux consorts H... dans les droits desquels elle est subrogée.

Elle sollicite en outre leur condamnation à lui verser la somme de 5. 569, 51 euros au titre des frais d'expertise, aux intérêts à compter de l'exploit introductif d'instance et au paiement de la somme de 10. 000 euros au titre de l'article 700 du CPC.

Elle indique que les deux actes de vente des terrains font état de rapports géologiques, dont l'un, établi par Monsieur A..., conclut à l'aptitude du remblai à supporter des maisons individuelles et envisage la possibilité de fondations superficielles sur radié ou semelles filantes.

La société AXA France IARD, venant aux droits et obligations de la société AXA COURTAGE, assureur de l'INPG, demande la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé sa mise hors de cause.

Subsidiairement, elle maintient son exception d'irrecevabilité des demandes de la société AVIVA pour absence de subrogation et, subsidiairement, sur la limitation de celle-ci aux sommes fixées par l'expert sans que les intérêts puissent être exigibles à compter de l'assignation.

En sa qualité d'assureur de Monsieur D..., sous-traitant des fondations de la maison I..., elle invoque l'absence de faute prouvée.

Elle soutient que la société JEAN FRANCOIS VIEUX NORD ISERE, constructeur et maître d'œuvre de la maison des époux I..., est entièrement et seule responsable des désordres l'affectant.

Subsidiairement, elle demande la limitation de la part de responsabilité de celui-ci à 10 %, dont il devrait être relevé et garanti par la compagnie AVIVA en sa qualité d'assureur du constructeur sur le fondement de l'article 1147 du code civil ou par Monsieur A... sur le fondement de l'article 1382 du code civil.

Elle sollicite la condamnation de la société AVIVA à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



Maître G..., ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la société JF VIEUX NORD ISERE, fait observer qu'il ne peut être prononcé de condamnation à l'encontre du constructeur, qui fait l'objet d'une procédure collective, ni même de fixation au passif de la société en l'absence de déclaration de créance.

Il sollicite la condamnation de qui mieux le devra à lui payer, ès qualités, la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



La société GINON et son assureur la compagnie AGF / PFA soulèvent la nullité de l'exploit introductif d'instance délivré à la requête de la société AVIVA en ce qu'il ne fait pas mention de la date de la signification et comporte une contradiction entre les motifs, qui se réfèrent aux désordres affectant la maison de Monsieur et Madame H... et le dispositif, qui demande sa condamnation au titre des désordres affectant la maison de Monsieur et Madame I....

Elles affirment que la transaction intervenue entre la société AVIVA et les victimes des dommages ne leur est pas opposable et que celle-ci ne peut se prévaloir d'une subrogation.

Elles font valoir que l'entreprise GINON était sous-traitante de la société JF VIEUX NORD ISERE, que l'action de la société AVIVA est donc fondée sur les dispositions de l'article 1382 du code civil et qu'une condamnation ne peut intervenir que si elle rapporte la preuve d'une faute de cette entreprise, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Subsidiairement, la compagnie AGF demande sa mise hors de cause au motif que son assurée, sous-traitante, n'était pas tenue de souscrire la police d'assurance décennale qui a été conclue.

Plus subsidiairement encore, elle oppose sa franchise contractuelle de 20 %.
Elle demande la condamnation de la société AVIVA à lui payer la somme de 2. 500 euros au titre de dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



Monsieur Michel A... demande la confirmation du jugement déféré.
Y ajoutant, il sollicite la condamnation de l'INPG à lui payer la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et celle de la société AVIVA à lui payer celle de 7 500 euros à titre de dommages et intérêts.

Subsidiairement, s'il venait à être condamné, il demande la limitation de sa part de responsabilité, la condamnation de la société JF VIEUX NORD ISERE, de la société GINON, de la compagnie d'assurances AGF / PFA, de l'INPG et la compagnie d'assurances AXA à l'en relever et garantir, la compensation avec les sommes mises à la charge de la société AVIVA.

En tout état de cause, il demande la condamnation de la compagnie AVIVA à lui payer 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.





MOTIFS ET DECISION



I. Sur la recevabilité des demandes formées par la compagnie AVIVA



1. Sur la prescription

Attendu que la société GINON et son assureur, la compagnie d'assurances AGF, qui ne reprennent pas ce moyen, tiré de l'article L. 114-1 du code des assurances, dans leurs dernières écritures déposées le 14 février 2007, sont réputées l'avoir abandonné ;

Qu'aucune des autres parties au litige ne le soulève ;



2. Sur la validité de l'assignation

Attendu que selon l'article 648 du code de procédure civile, l'assignation en justice, comme tout acte d'huissier de justice, porte notamment la mention de sa date ;

Que l'acte critiqué, qui figure dans les pièces communiquées par le tribunal, comporte en première page la date du 5 avril, seul l'ajout du mot « deux » ayant été omis après la mention « l'an deux mil » ; mais que le procès-verbal de signification est lisiblement daté du 05 / 04 / 2002 ;

Qu'il n'y a pas omission de la mention prescrite ;

Que la confusion entre les noms des victimes des désordres, erreur matérielle affectant le texte de la demande, susceptible d'être rectifiée pendant le cours de la procédure, n'est pas une cause de nullité, même de forme, de l'acte ;

Que les appelantes n'indiquent d'ailleurs pas en quoi le libellé de l'acte leur a causé un grief ;

Que c'est à juste titre que les premiers juges ont déclaré valable l'acte introductif d'instance ;



3. Sur la validité de la subrogation de la société AVIVA

Attendu que, par application des dispositions de l'article L. 121-12 du code des assurances, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ;

Que rien n'interdit à la compagnie d'assurances, à laquelle il est fait grief de n'avoir pas respecté le formalisme de la procédure applicable au préfinancement par l'assurance dommages ouvrage d'exercer, dans la limite de l'indemnité versée, l'action en responsabilité que cette victime aurait pu intenter contre l'auteur du dommage ;

Que c'est à juste titre que le tribunal a jugé que le protocole, qui comporte justification du paiement effectif des indemnités, permet à la société AVIVA d'être subrogée dans les droits et actions des assurés à l'encontre des responsables du sinistre à la condition d'établir leur responsabilité et dans la limite des sommes payées ;



4. Sur l'intérêt à agir de la société AVIVA

Attendu que la société AVIVA, qui a indemnisé les victimes du sinistre, a manifestement intérêt à agir contre les personnes dont elle estime qu'elles ont commis une faute ayant participé à la réalisation des dommages ;

Attendu que le jugement doit être confirmé en ce qu'il déclare recevable la demande formée par la compagnie d'assurance AVIVA ;



II. Sur les responsabilités dans la survenance des désordres

Attendu que Monsieur K..., expert judiciaire, a expliqué que la fissuration des deux maisons était consécutive au tassement différentiel de leur assise du fait de leur implantation sur un sol hétérogène, à savoir sur du remblai pour l'essentiel mais sur le terrain naturel dans un angle ;
Que l'origine et le caractère décennal des désordres ne font l'objet d'aucune contestation ;



Qu'au terme de ses investigations, l'expert a conclu que :

" les études géotechniques préliminaires réalisées par Monsieur A... (pour les deux maisons) et par l'INSTITUT MECANIQUE DE GRENOBLE (pour la maison H...) étaient insuffisantes pour mettre en évidence, d'une part, la géométrie précise de l'ancienne carrière et, d'autre part, les caractéristiques mécaniques des remblais de remplissage.
" Compte tenu des éléments en leur possession, Monsieur A... et l'INSTITUT MECANIQUE DE GRENOBLE auraient dû exclure la solution des fondations superficielles.
" Leurs études auraient dû être complétées et accompagnées d'études de structure par le constructeur, la Société Jean-François VIEUX. Un contrôle d'exécution rigoureux aurait pu permettre de mettre en évidence l'hétérogénéité du sol de fondations et de déterminer alors les mesures qui s'imposaient, à savoir des fondations profondes descendues dans le terrain naturel sablo-graveleux compact ".
" L'insuffisance de rigidité des structures avec d'éventuels défauts d'exécution et l'existence de puits filtrants injectant de l'eau dans les remblais ne constituent pour nous que des facteurs certes aggravants mais très secondaires. Avec des fondations profondes, ces facteurs n'auraient pas eu d'incidence.
" La responsabilité des deux géotechniciens, l'INSTITUT MECANIQUE DE GRENOBLE et Monsieur A... et du constructeur, la Société Jean-François VIEUX, ainsi que peut-être celle des deux sous-traitants, l'entreprise GINON et l'entreprise
D...
nous paraissent engagées dans des proportions que nous laissons au Tribunal le soin d'apprécier. "



1. Sur la responsabilité de Monsieur A...


Attendu que Monsieur A... s'est valablement exonéré de l'obligation d'information lui incombant en concluant l'étude géologique et géotechnique, qui lui avait été commandée par Monsieur Bernard J..., précédent propriétaire des parcelles cadastrées section B, n° 113 et n° 114 sur la commune de Saint-Sorlin (Isère) en spécifiant : « NB : les recommandations concernant les fondations sont données à titre indicatif. Elles ne sauraient remplacer l'étude qui devra en être faite lors de la définition du projet » ;

Que ce faisant, après avoir analysé et confirmé la stabilité du remblai mis en place et sa capacité à supporter deux maisons d'habitation individuelles et émis des recommandations générales selon le type de fondations qui seraient choisies, il attirait l'attention du futur constructeur sur la nécessité de procéder à une étude spécifique au projet, tenant compte de l'implantation précise des maisons et du mode de construction adopté ;

Que la mise hors de cause de Monsieur A... doit être confirmée ;



2. Sur la responsabilité de l'INPG

Attendu que l'Institut Mécanique de Grenoble, devenu l'INPG, a rédigé un rapport destiné à compléter l'étude géotechnique générale effectuée par Monsieur A... « quant à la définition des fondations » ;

Que ce document, s'il porte sur « les parcelles 113 et 114 », est exclusivement relatif à la « maison H..., dont la construction est prévue sur la parcelle supérieure (114) » ;

Que c'est donc à juste titre que l'INPG a été mis hors de cause s'agissant des désordres affectant la maison I... ;

Attendu que le rapport remis le 22 novembre 1988 confirme l'étude précédente quant à la nature et les propriétés du terrain ; qu'il conclut que « la maison de Monsieur H..., prévue sur la parcelle 114, peut être envisagée sur semelles filantes, avec un taux de travail de l'ordre de 1, 8 bars, avec les précautions suivantes :

- la construction sera rigide et bien chaînée
-aucun terrassement important ne sera entrepris
-les eaux seront injectées en profondeur ; "

Attendu que l'Institut était tenu, en application de l'obligation de conseil et d'information pesant sur lui, de renseigner son co-contrant sur l'ensemble des contraintes devant être prises en considération pour assurer la stabilité de la construction ;

Qu'au-delà de l'analyse du remblai, qui n'occupait qu'une partie du terrain, il devait attirer l'attention du futur constructeur sur l'hétérogénéité du sol de l'ensemble de la parcelle en conseillant l'implantation de l'intégralité des fondations sur le sol en nature de remblai, dont il avait confirmé l'aptitude à les supporter, sauf à prévoir des mesures spécifiques ;

Qu'il a commis une faute engageant sa responsabilité en concluant à la faisabilité sans restriction ;

Qu'il ne peut s'en exonérer en invoquant l'insuffisance de rigidité des structures, dont l'expert judiciaire a relevé qu'elle ne constituait qu'un facteur aggravant mais très secondaire de la survenance des désordres ;



3. Sur la responsabilité de la société GINON

Attendu que l'action de la société AVIVA contre la société GINON, sous-traitante de la société JEAN-FRANCOIS VIEUX NORD ISERE, ne peut être fondée que sur les dispositions de l'article 1382 du code civil ;

Attendu que lors de la réalisation des fondations, la présence du terrain naturel constitué d'alluvions glaciaires sablo-granuleuses dans l'angle nord-est, par contraste avec les matériaux de remblai occupant le reste du terrain, ne pouvait lui échapper ;

Qu'en sa qualité de maçon professionnel, auquel avait été sous-traité l'ensemble du gros- œuvre, à la différence d'un tâcheron qui n'aurait accompli qu'une besogne précise dépourvue d'initiative, il ne devait pas ignorer l'incidence de l'hétérogénéité du sol d'assise et était tenu de s'interrompre et d'en faire rapport au constructeur ;

Qu'en négligeant d'apporter l'attention nécessaire à ce facteur essentiel de la bonne tenue du bâtiment, il a commis une faute présentant un lien de causalité direct avec les dommages constatés ;

Que c'est à juste titre que sa responsabilité a été retenue par les premiers juges ;



4. Sur la responsabilité de Monsieur D...


Attendu que la responsabilité de Monsieur D... est engagée sur le même fondement et pour le même motif ;

Que le sondage MP1, que l'expert judiciaire a fait pratiquer, révèle la présence du terrain naturel en sable et gravier à une profondeur de un mètre, inférieure à celle des fondations, creusées sur une profondeur de 1, 20 mètre ;
Que Monsieur D... n'a pas, comme le lui imposaient les règles de l'art de sa profession, attiré l'attention du constructeur sur l'hétérogénéité du sol et ses risques ;

Que cette faute, en lien direct avec la survenance des désordres, justifie le prononcé de sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;

Qu'aucune condamnation ne peut être prononcée, ni n'est d'ailleurs demandée à son encontre, du fait de la liquidation judiciaire prononcée ;



5. Sur la responsabilité de la société JEAN-FRANCOIS VIEUX NORD ISERE

Attendu que la responsabilité du constructeur peut être recherchée par les autres intervenants à l'opération de construction sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;

Que les premiers juges ont, à cet égard, très justement relevé que, maître d'œuvre de l'opération, la société JEAN-FRANCOIS VIEUX NORD ISERE a négligé de faire procéder aux études préliminaires qui s'imposaient et qui avaient été expressément recommandées par Monsieur A..., après fixation de l'implantation des deux maisons et détermination du type de construction ;

Or attendu que le sinistre est essentiellement dû au positionnement des bâtiments, en partie sur le terrain naturel ;

Que c'est donc à juste titre que la responsabilité du constructeur a été retenue par le tribunal ;



III. Sur la garantie des assureurs



Attendu que c'est à tort que la compagnie d'assurance AGF prétend que la société GINON n'était pas assujettie à l'obligation d'assurance décennale dès lors qu'elle intervenait en qualité de sous-traitant, l'obligation légale d'assurance s'attachant à la nature de la construction et non à l'existence d'un lien contractuel avec le maître de l'ouvrage ;

Que l'assureur, qui garantit l'entreprise au titre des dommages de la nature de ceux relevant de la responsabilité légale des constructeurs, est tenu à indemnisation ;

Que la franchise contractuelle n'est opposable ni à la victime ni à l'assureur dommages ouvrage subrogé dans ses droits ;



IV. Sur les appels en garantie



Attendu que les fautes commises par la société JEAN-FRANCOIS VIEUX NORD ISERE, les entreprises de maçonnerie GINON et

D...

ainsi que par l'INPG, s'agissant exclusivement de la maison H..., ont ensemble contribué à la réalisation de l'entier préjudice de sorte qu'ils devront être condamnés, in solidum avec leurs assureurs respectifs, à relever et garantir la société AVIVA, assureur dommages ouvrage, qui a pré-financé les travaux de reprise ;

Que les circonstances et éléments ci-dessus énoncés permettent de leur faire porter la responsabilité des désordres dans les proportions retenues par le tribunal soit :

- s'agissant de la maison H... : 40 % par la société JEAN-FRANCOIS VIEUX NORD ISERE, 10 % par la société GINON et 50 % par l'INPG,
- s'agissant de la maison I... : 90 % par la société JEAN-FRANCOIS VIEUX NORD ISERE et 10 % par Monsieur D... ;
Que dans leurs rapports entre elles, ces sociétés ou leurs assureurs supporteront donc la condamnation dans ces proportions ;

Attendu que la Cour n'estime pas devoir faire application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;





PAR CES MOTIFS



La Cour, statuant en audience publique, par défaut et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,



Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne l'INPG aux dépens d'appel, qui seront recouvrés par les avoués de ses adversaires conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame Anne-Marie Durand, président, et par Madame Brigitte Barnoud, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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