27 novembre 2007
Cour d'appel de Bordeaux
RG n° 05/001343

Texte de la décision

ARRET RENDU PAR LA

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

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Le 27 novembre 2007,



PREMIÈRE CHAMBRE SECTION B



No de rôle : 05 / 01343



Monsieur Denis X...


Madame Dominique Y... épouse X...


c /



Monsieur Pierre Z...


Madame Suzy A... épouse Z...


Madame Cécile Z...


Nature de la décision : AU FOND



Grosse délivrée le :

aux avoués



Rendu par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450-2o alinéa du Nouveau Code de Procédure Civile,

Le 27 novembre 2007,

Par Monsieur Louis-Marie CHEMINADE, Président
en présence de Madame Armelle FRITZ, Greffier,



La COUR d'APPEL de BORDEAUX, PREMIÈRE CHAMBRE SECTION B, a, dans l'affaire opposant :



Monsieur Denis X..., né le 15 Février 1950 à BORDEAUX (33), de nationalité Française, Viticulteur, demeurant ...-11210 PORT LA NOUVELLE

Madame Dominique Y... épouse X..., née le 30 Août 1952 à BEZIERS (34), de nationalité Française, demeurant ...-11210 PORT LA NOUVELLE

Représentés par la S. C. P Annie TAILLARD et Valérie JANOUEIX, Avoués Associés à la Cour, et assistés de Maître Sophie RONGIER substituant Maître Jacques CHAMBAUD, Avocats au barreau de Bordeaux,

Appelants d'un jugement au fond rendu le 10 février 2005 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel en date du 04 Mars 2005,

à :

Monsieur Pierre Z..., né le 24 Mai 1931 à CASABLANCA (MAROC), de nationalité Française, demeurant...


Madame Suzy A... épouse Z..., née le 24 Août 1937 à SAUTERNES (33), de nationalité Française, demeurant...


Madame Cécile Z..., née le 24 Avril 1970 à TALENCE (33), de nationalité Française, demeurant...


Représentés par la S. C. P FOURNIER, Avoués à la Cour, et assistés de Maître Dominique RUAN, Avocat au barreau de Bordeaux,

Intimés,

Rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue, en audience publique le 11 Septembre 2007 devant :

Monsieur Louis-Marie CHEMINADE, Président,
Monsieur Pierre-Louis CRABOL, Conseiller,
Monsieur Michel BARRAILLA, Conseiller,
Madame Armelle FRITZ, Greffier,

Et qu'il en a été délibéré par les Magistrats du Siège ayant assisté aux débats :

* * *



Vu le jugement rendu le 10 février 2005 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX, qui, statuant au visa de l'article 1167 du Code civil, a déclaré inopposables à Pierre Z..., à Suzy A... épouse Z... et à Cécile Z... (les consorts Z...) le transfert dans le patrimoine de Dominique Y... épouse X... de règlements encaissés par Denis X... en paiement de factures délivrées à Yvon E... les 07 avril 1995,15 juin 1995 et 16 juin 1994 pour un montant total de 44. 816,48 €, et qui a ordonné la réintégration de cette somme, majorée des intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 1993, dans le patrimoine de Denis X..., qui, statuant au visa des articles 33 et suivants de la loi no 91-650 du 09 juillet 1991, a liquidé à la somme de 52. 400,00 € une astreinte prononcée par ordonnance du juge de la mise en état du 21 janvier 2004 et qui a condamné les époux X... au paiement de ce montant, enfin qui les a condamnés à payer une somme de 1. 200,00 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens ;

Vu la déclaration d'appel des époux X... du 04 mars 2005, enrôlée sous le no 05 / 1343 ;

Vu la déclaration d'appel des époux X... du 07 mars 2005, enrôlée sous le no 05 / 1473 ;

Vu l'ordonnance du président de la présente chambre, chargé de la mise en état, du 05 avril 2005, ayant ordonné la jonction de ces deux recours ;

Vu les dernières écritures des consorts Z..., signifiées et déposées le 22 août 2007 ;

Vu les dernières écritures des appelants, signifiées et déposées le 27 août 2007 ;

Vu l'ordonnance de clôture du 28 août 2007 ;

Vu la mention au dossier du 11 septembre 2007, par laquelle le président de la présente chambre a révoqué l'ordonnance de clôture susvisée et a prononcé une nouvelle clôture, avant l'ouverture des débats, en accord avec les avoués des parties ;



DISCUSSION :

Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère au jugement déféré, qui en contient une relation précise et exacte ;

1o) Sur l'action paulienne :

Attendu que selon jugement du Tribunal Paritaire des Baux Ruraux de BAZAS (33) du 17 décembre 1993, confirmé par un arrêt de la présente Cour du 13 décembre 1995, Denis X... a été condamné à payer à Suzy Z... diverses sommes d'argent d'un montant total de 429. 202,98 F en principal (65. 431,57 €) ; que le 28 septembre 2001, Pierre Z..., Suzy A... épouse Z... et Cécile Z... (les consorts Z...) ont fait assigner les époux X... devant le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX, en exposant que l'épouse de Denis X..., née Dominique Y..., avait ouvert le 06 mars 1991 une activité commerciale de " vente de vins et produits régionaux ", qui lui avait servi à stocker et à vendre des vins produits par son époux, l'aidant ainsi à organiser son insolvabilité ; que faisant valoir que la valeur des stocks de vins qui avait " transité " par le patrimoine de Dominique Y... épouse X... pouvait être estimée à 1. 275. 000,00 F (194. 372,49 €), c'est-à-dire à un montant qui aurait permis de régler la créance de Suzy Z..., ils ont demandé au tribunal, sur le fondement de l'article 1167 du Code civil, de révoquer les cessions de vins opérées entre les époux X... et d'ordonner la réintégration des stocks cédés ou, à défaut, de leur valeur dans le patrimoine du débiteur, à concurrence de la créance ;

Attendu que c'est avec raison que le tribunal a estimé que les consorts Z... n'établissaient pas le transfert de stocks de vins détenus par Denis X... dans le patrimoine de l'épouse de celui-ci, faute de preuve de la présence de ces stocks dans les locaux professionnels de l'intéressée (page 7 paragraphe 3 du jugement) ; que les consorts Z..., qui concluent à la confirmation de la décision déférée, ne fournissent aucun élément de nature à combattre le raisonnement du premier juge sur ce point ;

Attendu en revanche que c'est à tort que le tribunal a ordonné la réintégration dans le patrimoine de Denis X... d'une somme de 44. 816,48 €, représentant tout ou partie de quatre factures des 16 juin 1994,07 avril et 15 juin 1995 émises par l'intéressé à l'ordre de l'un des acheteurs de sa production de vin, Yvon E..., et réglées par celui-ci, au motif que malgré une injonction du juge de la mise en état et un incident de communication de pièces, les époux X... n'avaient démontré, ni que la totalité de ces règlements aient servi à désintéresser d'autres créanciers, ni qu'ils n'aient pas transité par le compte de Dominique Y... épouse X... ; qu'en effet, le simple fait que les époux X... n'aient pas satisfait à l'injonction du juge ne suffisait pas à faire présumer que les sommes en litige avaient servi à organiser ou à aggraver l'insolvabilité de Denis X... au préjudice des consorts Z..., alors qu'il appartenait à ceux-ci, qui avaient la charge de la preuve, d'apporter la démonstration des détournements allégués et non aux époux X... de démontrer leur bonne foi ; que de surcroît, le défaut de production des justificatifs demandés n'était pas de nature à faire présumer les détournements prétendus, dans la mesure où il résultait des documents versés aux débats que Denis X... était poursuivi par de nombreux autres créanciers à l'époque des faits et qu'il avait pu, ainsi qu'il le prétendait, effectuer des paiements préférentiels, ce qui ne lui était pas interdit en l'absence d'ouverture d'une procédure collective, de sorte que les faits invoqués à son encontre étaient équivoques comme susceptibles de plusieurs interprétations ; que les consorts Z... se bornant, en cause d'appel, à énoncer des suppositions ne reposant sur aucun élément de preuve précis, il convient de réformer le jugement en ses dispositions fondées sur l'article 1167 du Code civil et de les débouter de leur action paulienne ;

2o) Sur la liquidation de l'astreinte :

Attendu que par ordonnance du 21 janvier 2004, le juge de la mise en état du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX a ordonné la production, par les époux X..., dans le mois de la signification de sa décision et, passé ce délai, sous astreinte de 50,00 € par jour et par document :

-de la déclaration de récolte complète pour 1991 ou d'une attestation de la mairie établissant l'absence de déclaration complémentaire pour 1991,

-des justificatifs des règlements effectués sur les factures suivantes, avec les références des comptes bancaires crédités :
• de la somme de 73. 339,15 F versée par Yvon E... sur une facture no 25 du 07 avril 1995 d'un montant total de 348. 339,15 F
• de la somme de 84. 859,83 F sur une facture Yvon E... no 26 du 15 juin 1995
• de la somme de 34. 666,05 F sur une facture Yvon E... no 27 du 15 juin 1995
• d'une facture du 16 juin 1994 ;

Que le tribunal a indiqué qu'il pouvait être considéré qu'il avait été satisfait à la demande, s'agissant de la déclaration de récolte pour l'année 1991, mais qu'aucune des autres pièces sollicitées n'avait été produite ; que pour ce défaut de production, il a liquidé l'astreinte à la somme de 52. 400,00 € et condamné les époux X... au paiement de ce montant ; que les appelants concluent à la réformation du jugement et les intimés à sa confirmation ;

Attendu que devant la Cour, les époux X... admettent que les sommes de 73. 339,15 F et de 34. 666,05 F ont été versées sur un compte ouvert à la BANQUE POPULAIRE, agence de BEGLES (33), au nom de Dominique Y... épouse X... ; qu'ils indiquent cependant que ces sommes ont été utilisées par l'intéressée pour régler divers créanciers, dont ils précisent l'identité, à concurrence d'un montant total de 101. 828,33 F ; qu'ils ajoutent que la somme de 84. 859,83 F a été perçue par le CREDIT AGRICOLE de LANGON (33) au titre d'une opposition, et que la somme de 101. 121,80 F, montant de la facture du 16 juin 1994, a été payée directement par la maison G... à Me BUSOLIN, huissier de justice, à la suite d'une saisie diligentée par Suzy Z..., qui l'a reçue le 30 septembre 2004 ;



Attendu que les appelants versent aux débats des extraits du compte bancaire de Dominique Y... épouse X... à la BANQUE POPULAIRE qui démontrent que ce compte a été crédité de la somme de 73. 339,15 F le 09 mai 1995 et de celle de 34. 666,05 F le 03 octobre 1995 (pièces 72 et 70 de leur production) ; qu'ils produisent également la photocopie de six chèques tirés sur le compte précité par Dominique Y... épouse X... au mois de mai 1995 pour un montant total de 101. 828,33 F, destiné à régler divers créanciers (pièces 77 à 82 de leur production) ; que par ailleurs, ils justifient, par la copie d'une lettre du directeur administratif et financier des établissements Yvon E... du 20 novembre 2002 adressée à l'avocat de leurs adversaires, de ce que la facture no 26 du 15 juin 1995 a été payée par leur débiteur directement entre les mains du CREDIT AGRICOLE de LANGON, à la suite d'une opposition du CREDIT AGRICOLE de LA REOLE (pièce 74 de leur production) ; qu'ils démontrent enfin que la facture du 16 juin 1994 établie à l'ordre de la Maison Jean G... avait fait l'objet le 23 mars 1994 d'une cession de créance au profit de Me Alain BUSOLIN, huissier de justice à LANGON, lequel a attesté dans une lettre du 20 juin 2005 adressée à leur avocat, qu'elle lui avait été réglée le 12 septembre 1994 (pièces 83 et 84 de leur production) ;

Attendu que la communication des justificatifs précités satisfait à l'ordonnance du juge de la mise en état ; qu'il y a donc lieu de réformer le jugement en ce qu'il a liquidé l'astreinte à la somme de 52. 400,00 € et de débouter les consorts Z... de leurs prétentions à ce sujet ;

3o) Sur la demande d'une nouvelle astreinte :

Attendu que le 16 février 2007, les consorts Z... ont signifié aux époux X... une sommation de communiquer :

-" Toutes pièces relatives aux opérations financières apparaissant sur le relevé de compte de Mme X... pour l'année 1991 (remises de chèques, LCR payées en débit ou crédit), et à son activité commerciale pour l'année 1991,
-BPTP les pièces no 217 et 409 (non communiquées)
-Les relevés de compte ouverts dans d'autres établissements pour la période 1991 à 1995 (par exemple CA LANGON CE dans le département du GERS etc)
-Le ou les comptes ayant enregistré (s) les règlements de traites « FONCALIEU » "

Qu'indiquant que cette sommation est demeurée infructueuse, ils prient la Cour de fixer une astreinte de 152,00 € par jour à compter de sa signification et de la liquider ;

Attendu cependant que les consorts Z..., qui ont la charge d'apporter la preuve des détournements qu'ils invoquent, ne peuvent suppléer leur carence à cet égard par des sommations ou des incidents de communication de pièces dirigées contre leurs adversaires ; que par ailleurs, une astreinte ne peut assortir que la décision d'un juge, et non une sommation délivrée par une partie ; qu'il y a donc lieu de débouter les intimés de leurs demandes ;



4o) Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Attendu que les consorts Z... succombant en toutes leurs prétentions, ils seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel ; que par ailleurs, il serait inéquitable que les époux X... conservent à leur charge la totalité des frais irrépétibles exposés par eux à l'occasion de cette affaire ; qu'il convient de faire droit à leur demande fondée sur l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;



PAR CES MOTIFS

LA COUR :

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Reçoit les époux X... en leurs appels ;

Infirme le jugement rendu le 10 février 2005 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX ;

Statuant à nouveau :

Déboute les consorts Z... de toutes leurs demandes dirigées contre les époux X... ;

Condamne les consorts Z... à payer aux époux X... une somme de 2. 500,00 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;

Condamne les consorts Z... aux dépens de première instance et d'appel, et dit que ces derniers seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau code de procédure civile ;

Signé par Monsieur Louis-Marie CHEMINADE, Président, et par Madame Armelle FRITZ, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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