30 juin 2005
Cour d'appel d'Orléans
RG n° 04/02326

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'ORLÉANS CHAMBRE COMMERCIALE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE GROSSES + EXPÉDITIONS SCP LAVAL-LUEGER Me GARNIER ARRÊT du : 30 JUIN 2005 No : No RG : 04/02326 DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Tribunal de Commerce de TOURS en date du 25 Juin 2004 PARTIES EN CAUSE APPELANT : Maître Francis VILLA agissant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SOCIETE CAMELEON TECHNOLOGIE (anciennement dénommée BARRACUDA), 18 Rue Néricault Destouches - B.P. 31348 - 37013 TOURS CEDEX représenté par la SCP LAVAL - LUEGER, avoués à la Cour ayant pour avocat la SCP GROGNARD-LEPAGE-BAUDRY, du barreau de TOURS D'UNE PART INTIMÉS : SOCIETE CESKA POJISTOVNA prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège, Spaléna 16 - 113 04 PRAHA 1 (REP.TCHEQUE) représentée par Me Estelle GARNIER, avoué à la Cour ayant pour avocat la SCP HONIG BUFFAT METTETAL, du barreau de PARIS Monsieur Georges X..., Chez Monsieur Franck X... - 3 Route de Langeais - 37130 CINQ MARS LA PILE représenté par la SCP LAVAL - LUEGER, avoués à la Cour D'AUTRE PART DÉCLARATION D'APPEL EN DATE DU 08 Juillet 2004 COMPOSITION DE LA COUR Lors des débats et du délibéré : Monsieur Jean-Pierre REMERY, Président de Chambre, Madame Odile MAGDELEINE, Conseiller, Monsieur Alain GARNIER, Conseiller. Greffier : Madame Nadia Y..., lors des débats et du prononcé de l'arrêt. DÉBATS : A l'audience publique du 23 Juin 2005. ARRÊT : Lecture de l'arrêt à l'audience publique du 30 Juin 2005 par Monsieur le Président REMERY, en application des dispositions de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile. EXPOSÉ DU LITIGE :

La Cour statue sur l'appel d'un jugement du Tribunal de commerce de Tours du 25 juin 2004, tel que cet appel est interjeté par Me Villa, ès qualités de liquidateur judiciaire de, notamment, la société Caméléon Technologies, anciennement dénommée société Barracuda, appel formé suivant déclaration du 8 juillet 2004. Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et

moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions des parties signifiées et déposées les :

[*31 mai 2005 ( société Cie d'assurances CESKA POJISTOVNA), *]2 juin 2005 (Me Villa, ès qualités). M. X... a constitué avoué en la personne de la SCP Laval-Lueger, mais n'a pas spécialement conclu. Dans le présent arrêt, il sera seulement rappelé que, par arrêt de cette Cour du 14 mai 1996, la société de droit tchèque CESKA POJISTOVNA, solidairement avec un autre assureur, la société UNI Europe, devenue AXA Corporate solutions assurances) - et dont le sort, sur le point ici en litige, a été réglé depuis par un arrêt du 3 mars 2005 -, a été condamnée à payer à la société Barracuda Industries Nouvelles, devenue Caméléon Technologies, deux sommes de 18.000.000 et 2.000.000 francs à titre de dommages et intérêts, avec intérêts à compter de l'arrêt. Au titre de ces condamnations, la société CESKA POJISTOVNA a réglé, pour sa part, le 11 septembre 1997, après exequatur de l'arrêt en République tchèque, la somme totale de 9.058.353,06 F. (1.380.937,02 ç), tout en formant un pourvoi en cassation. La société bénéficiaire des condamnations avait été mise en redressement judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de Tours du 18 février 1997 - publié au BODACC le 18 mars 1997 - qui a désigné Me Villa en qualité de représentant de ses créanciers. Par arrêt du 16 juillet 1998 (pourv. no P 96-17.807, arrêt no 1352 P), la Première Chambre civile de la Cour de cassation a cassé partiellement l'arrêt de la Cour d'appel d'Orléans du 14 mai 1996, sauf en ses dispositions relatives à la condamnation complémentaire à 2.000.000 francs de dommages et intérêts et la Cour d'appel de Bourges, désignée comme cour de renvoi, a, par arrêt du 1er décembre 1999, sursis à statuer dans l'attente du règlement d'une information pénale en cours. Après avoir réclamé, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 23 juillet 1998, la restitution du principal

de la somme qu'elle avait versée, la société CESKA POJISTOVNA a, par actes d'huissier de justice des 7 et 8 décembre 1998, assigné devant le Tribunal de grande instance de Tours la société Caméléon Technologies, ainsi que les organes de sa procédure collective (Mes Guillou, qui avait reçu les fonds, et Demarti, administrateurs successifs du redressement judiciaire ; Me Villa, représentant des créanciers, puis commissaire à l'exécution du plan de continuation, puis liquidateur), tant ès qualités qu'à titre personnel, en paiement de la somme de 9.058.353,06 F avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'arrêt de cassation. Entre-temps, la société CAMELEON TECHNOLOGIES avait, en effet, obtenu un plan de continuation par jugement du 6 octobre 1998, Me Villa étant nommé commissaire à son exécution, mais ce plan a été résolu par jugement du 21 décembre 1999 - publié au BODACC le 16 janvier 2000 - et Me Villa a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire. Le 20 janvier 2000, la société CESKA POJISTOVNA a alors déclaré, dans des conditions discutées entre parties, sa créance au liquidateur judiciaire pour un montant de 9.058.353,06 F outre les intérêts courus entre la date de l'arrêt de cassation et celle du prononcé de la liquidation judiciaire et, par assignation du 9 février 2000, elle a cité devant le Tribunal de grande instance de Tours Me Villa, ès qualités de liquidateur judiciaire, en vue de la fixation de sa créance au passif de la liquidation judiciaire. Après jonction, prononcée le 8 mars 2000 de cette nouvelle affaire avec celle introduite par les assignations des 7 et 8 décembre 1998, le juge de la mise en état du Tribunal de grande instance de Tours, par ordonnance du 28 mars 2000, a estimé que ce Tribunal n'était compétent que pour connaître des demandes dirigées à l'encontre des organes de la procédure collective pris personnellement, renvoyant la cause pour le surplus au Tribunal de commerce de Tours. Par arrêt du 31 mai 2001, cette Cour a confirmé



l'ordonnance et la Cour de cassation, Chambre commerciale, le 12 juillet 2004 (pourv. no 02-18.038), a déclaré non admis le pourvoi formé contre cette décision. Par jugement du 19 décembre 2002, le Tribunal de grande instance de Tours a sursis à statuer sur les demandes formées personnellement à l'encontre des organes de la procédure collective jusqu'à décision du Tribunal de commerce de Tours "sur la nature et l'allégation d'extinction de la créance déclarée par la compagnie CESKA POJISTOVNA entre les mains de Me Villa, mandataire à la liquidation judiciaire de CAMELEON TECHNOLOGIES pour la somme de 9.058.353,06 F en principal et pour les intérêts sur cette somme courus du 16 juillet 1998 au 21 décembre 1999". Statuant sur l'affaire qui lui avait été renvoyée par l'ordonnance du 28 mars 2000 et pour répondre à l'objet du sursis à statuer décidé par le jugement du 19 décembre 2002, le Tribunal de Commerce de Tours, par le jugement du 25 juin 2004, aujourd'hui déféré à la Cour, après avoir constaté que la créance de la société CESKA POJISTOVNA relevait, au moment où elle était née de l'arrêt de cassation, des dispositions de l'article L. 621-32 du Code de commerce puis qu'elle avait été déclarée régulièrement à la liquidation judiciaire, en a fixé le montant au passif de celle-ci pour son équivalent en euros de 1.380.937,02 ç outre intérêts au taux légal entre le 16 juillet 1998 et le 21 décembre 1999. Me Villa, ès qualités de liquidateur judiciaire a interjeté appel et, soutenant que la créance, qui ne peut être une créance visée par l'article L. 621-32 précité dans la liquidation judiciaire, n'aurait pas été déclarée régulièrement à celle-ci, demande à la Cour d'appel de constater son extinction, tandis que la société CESKA POJISTOVNA a conclu à la confirmation du jugement entrepris. En cause d'appel, chaque partie a développé les demandes et moyens qui seront analysés et discutés dans les motifs du présent arrêt. L'instruction a été



clôturée par ordonnance du 15 juin 2005, ainsi que les avoués des parties en ont été avisés. MOTIFS DE L'ARRÊT : Attendu que la créance litigieuse invoquée par la société CESKA POJISTOVNA n'a pu naître que de l'arrêt de cassation du 16 juillet 1998 qui, seul, ouvrait droit à restitution des sommes versées en exécution de l'arrêt partiellement cassé de la Cour d'appel d'Orléans du 14 mai 1996 (V. par ex. Cass. Com. 5 décembre 1995, Bull. civ. IV, no 283) ; que, dès lors, cette créance est née dans la période d'observation du redressement judiciaire de la société Barracuda Industries Nouvelles, devenue Caméléon Technologies, qui s'est étendue du 18 février 1997, date de l'ouverture de cette procédure collective, jusqu'au 6 octobre 1998, date de l'adoption de son plan de continuation ; qu'elle n'avait donc pas à être déclarée au passif du redressement judiciaire, puisqu'elle était nécessairement postérieure à l'ouverture de celui-ci au sens de l'article L. 621-32 du Code de commerce ; qu'elle n'avait pas davantage à faire l'objet d'un relevé de forclusion et aurait dû être payée à son échéance, comme le prévoit ce texte ; Que le redressement judiciaire ayant cependant conduit, sur résolution du plan de continuation, à la liquidation judiciaire, prononcée le 21 décembre 1999, de la société Caméléon Technologies, la société CESKA POJISTOVNA devait, cette fois, déclarer sa créance - non payée à son échéance - de restitution au passif de cette nouvelle procédure collective, puisque cette créance était née antérieurement à celle-ci ; qu'une déclaration a bien eu lieu le 20 janvier 2000, dans le délai légal - ici de quatre mois, en raison de l'établissement à Prague de la société s'assurances créancière -, qui avait commencé à courir le 16 janvier 2000, mais que le liquidateur en conteste la régularité, au motif que cette déclaration préciserait à tort que la créance déclarée relèverait du régime des créances postérieures et serait l'objet d'une instance en cours, celle introduite initialement devant



le Tribunal de grande instance de Tours par les assignations des 7 et 8 décembre 1998 ; que s'il est exact que la déclaration litigieuse n'est pas dépourvue d'ambigu'té, dès lors que la créance n'était postérieure qu'au seul redressement judiciaire et que l'instance n'était pas en cours au sens de l'article L. 621-41 du Code de commerce, puisque son objet était le paiement à son échéance d'une créance postérieure à l'ouverture de la procédure collective, il n'en demeure pas moins que la lettre du 20 janvier 2000 adressée par la société CESKA POJISTOVNA au liquidateur ne peut s'interpréter autrement, ainsi qu'il résulte d'ailleurs de son intitulé, qu'en une déclaration de la créance de restitution en vue de sa fixation au passif de la liquidation judiciaire ouverte après la naissance de la créance et que, sinon, la formalité accomplie n'aurait pas présenté le moindre intérêt, une créance soumise aux dispositions de l'article L. 621-32 ne faisant, justement, pas l'objet d'une déclaration ; Qu'il y aura donc lieu de l'admettre, mais que la Cour constate à cet égard deux difficultés ; Que la première concerne son propre pouvoir à procéder à cette admission ; qu'en effet, il résulte de ce qui précède que c'est le juge-commissaire, dans le cadre de la procédure normale de vérification du passif, et non le Tribunal de Commerce, comme il a fait par le jugement entrepris, qui aurait dû statuer sur l'admission à la liquidation judiciaire, exactement comme cela a été le cas pour la créance de même nature de la société UNI Europe (devenue AXA Corporate solutions assurances) admise par l'arrêt du 3 mars 2005 sur appel d'une décision du juge-commissaire ; que, néanmoins, la Cour d'appel a maintenant, pour cette admission, compétence liée, puisque c'est par une décision irrévocable que le juge de la mise en état du Tribunal de grande instance de Tours a renvoyé, non au juge-commissaire, mais au Tribunal de Commerce de Tours pour qu'il soit statué sur la fixation de la créance ici en



cause, demande dont le Tribunal de grande instance de Tours avait été saisi par l'assignation précitée du 9 février 2000 ; Que la seconde concerne le montant de l'admission, en ce qui concerne les intérêts de la somme à restituer, objet de la créance ici en cause ; qu'en effet, ce n'est nullement à compter de l'arrêt de cassation - 16 juillet 1998 - que sont dus ces intérêts, contrairement à ce qu'indiquent la déclaration de créance du 20 janvier 2000, le jugement entrepris et les conclusions de la société CESKA POJISTOVNA, mais à compter de la signification de cet arrêt qui, seule, vaut mise en demeure de restituer ou, à la rigueur, en l'espèce, compte tenu de la demande de paiement faite par lettre du 23 juillet 1998, de cette date, encore que cette lettre n'étant pas accompagnée de la signification du titre, mais d'une simple copie de l'arrêt de cassation, il est peu probable qu'elle ait pu faire courir les intérêts ; que, quoi qu'il en soit sur ce point, la Cour observe que Me Villa n'a, fût-ce à titre subsidiaire, émis aucune objection sur le point de départ des intérêts de la créance de restitution ; que celle-ci sera donc admise comme demandée, par confirmation du jugement entrepris ; Attendu que les dépens d'appel seront supportés par Me Villa, ès qualités, qui, à ce titre, sera tenu de payer à la société CESKA POJISTOVNA une somme complémentaire de 2.000 ç en remboursement de ses frais hors dépens exposés en appel ; PAR CES MOTIFS : LA COUR, STATUANT publiquement, contradictoirement et en dernier ressort : CONFIRME le jugement entrepris dans toutes ses dispositions, sauf à remplacer le verbe "CONSTATE"par "JUGE", la Cour décidant : 1o qu'au moment de sa naissance, c'est-à-dire de l'arrêt de cassation du 16 juillet 1998, la créance de restitution réclamée par la société CESKA POJISTOVNA était une créance postérieure au redressement judiciaire de la société Barracuda, devenue Caméléon Technologies qui n'avait pas à être déclarée et aurait dû être payée



à son échéance ; 2o que cette créance est, en revanche, une créance antérieure à l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Caméléon Technologies, qu'elle a été régulièrement déclarée à cette nouvelle procédure collective et doit y être admise à titre chirographaire pour la somme de 9.058.353,06 F, soit 1.380.937,02 ç outre intérêts au taux légal entre le 16 juillet 1998 et le 21 décembre 1999, au titre de la restitution, en vertu d'un arrêt de cassation de la Première Chambre civile de la Cour de cassation du 16 juillet 1998 (pourv. no P 96-17.807, arrêt no 1352 P), des sommes que la société CESKA POJISTOVNA a versées à la société Caméléon Technologies en exécution de l'arrêt cassé de la Cour d'appel d'Orléans du 14 mai 1996 ; DIT que les dépens seront supportés par Me Villa en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Caméléon Technologies et le CONDAMNE, ès qualités, à payer à la société CESKA POJISTOVNA la somme complémentaire de 2.000 ç en remboursement de ses frais hors dépens exposés devant la Cour d'appel ;

ACCORDE à Me Garnier, titulaire d'un office d'avoué, le droit à recouvrement direct reconnu par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile ; ET le présent arrêt a été signé par M. Rémery, Président et Mme Y..., Greffier ayant assisté au prononcé de l'arrêt. LE GREFFIER

LE PRÉSIDENT

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