30 juin 2005
Cour d'appel de Douai
RG n° 04/02378

Texte de la décision

ARRET DU

30 Juin 2005 N 2202/05 RG 04/02378 GF/MB

JUGEMENT DU Conseil de Prud'hommes de ROUBAIX EN DATE DU 18 Mars 2004 NOTIFICATION à parties

le 30/06/05 Copies avocats le 30/06/05

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes - APPELANT : M. Laurent X... 8 résidence du couvent 59990 MARESCHES Comparant, assisté de Me Patricia CHEVALLIER-DOUAUD (avocat au barreau de LILLE) (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 59178002040010972 du 11/01/2005 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI) INTIMEE : S.A. COFIDIS 1 rue Molinel 59675 WASQUEHAL Représentant : Me Hugues MAQUINGHEN (avocat au barreau de LILLE) Substitué par Me DANSET DEBATS :

à l'audience publique du 10 Juin 2005

Tenue par G.FLAMANT

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe. GREFFIER :

BURGEAT COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE Françoise FROMENT :

PRESIDENT DE CHAMBRE Claire MONTPIED : CONSEILLER Gérard FLAMANT :

CONSEILLER ARRET :

Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30/06/05

Françoise FROMENT, Président, ayant signé la minute

avec N. CRUNELLE, greffier lors du prononcé

Vu le Jugement en date du 18/03/04 par lequel le Conseil de Prud'hommes de Roubaix, statuant sur le litige opposant M. Laurent X... à son employeur la SA COFIDIS, a :

-requalifié le licenciement de M. Laurent X... en licenciement justifié par une cause réelle et sérieuse ; -condamné la SA COFIDIS à payer à M. Laurent X... les sommes suivantes :

-516.94 ç au titre des congés payés 2001,

-415.00 ç au titre des congés payés 2002,

-52.44 ç à titre de rappel d'heures supplémentaires,

-2 940.14 ç au titre de l'indemnité compensatrice du préavis,

-120.00 ç au titre de la prime,

-590.83 ç au titre de l'indemnité de licenciement, -débouté M. Laurent X... de ses autres demandes, -débouté la SA COFIDIS de ses demandes reconventionnelles, -condamné la SA COFIDIS aux dépens ; Vu l'appel régulièrement interjeté par M. Laurent X... le 28/04/04 ; Vu les conclusions des parties, visées par le Greffe le 10/06/05 et leurs observations orales, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel ; Y... qu'aux termes de ses conclusions et observations orales, M. Laurent X... demande à la Cour : -d'infirmer le jugement de première instance ; -de constater l'absence de caractère réel et sérieux de son licenciement ; -de dire que la rupture de son contrat de travail était injustifiée, abusive et imputable à la SA COFIDIS ; -de condamner la SA COFIDIS à lui payer les sommes de :

-52.44 ç à titre de rappel d'heures supplémentaires,

-120.00 ç à titre de rappel de prime,

-516.94 ç à titre d'indemnité de congés payés 2001,

-415.00 ç à titre d'indemnité de congés payés 2002,

-2 940.14 ç au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

-590.83 ç au titre de l'indemnité de licenciement,

-15 000.00 ç à titre d'indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-7 500.00 ç à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

-1 000.00 ç au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure

civile ; -de condamner la SA COFIDIS aux dépens ; Y... que, réfutant l'argumentation et les moyens développés par M. Laurent X..., la SA COFIDIS demande pour sa part à la Cour :-de dire que le licenciement de M. Laurent X... reposait bien sur une faute lourde ; -de débouter M. Laurent X... de l'ensemble de ses demandes ; -de condamner M. Laurent X... à lui rembourser les sommes réglées au titre de l'exécution provisoire du jugement de première instance ; -de condamner M. Laurent X... à lui payer les sommes de :

-1 530.00 ç en application de l'article 32-1 du nouveau code de procédure civile,

-3 000.00 ç au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; SUR CE, LA COUR Y... que M. Laurent X... a été engagé par la SA COFIDIS à compter du 13/05/00 en qualité de conseiller commercial ; Que la SA COFIDIS a constaté que, dans la période du 20 au 30 mai 2002, des commandes au magasin des Trois Suisses avaient été passées sur le compte de différents clients, sans que ceux-ci soient à l'origine de ces ordres ; Que, pour différents motifs, la SA COFIDIS a considéré que M. Laurent X... était à l'origine de ces malversations ; Que des poursuites pénales ont été engagées contre M. Laurent X..., la SA COFIDIS s'étant constituée partie civile ; Que, par courrier daté du 23/08/02, M. Laurent X... a été convoqué à un entretien préalable prévu le 06/09/02 ; que, par ce même

courrier, M. Laurent X... se voyait notifier sa mise à pied immédiate à titre conservatoire ; Que la SA COFIDIS a adressé à M. Laurent X..., par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 10/09/02, une lettre de licenciement pour faute lourde rédigée dans les termes suivants : Les explications recueillies auprès de vous lors de notre entretien du 6 septembre 2002, entretien au cours duquel vous vous êtes fait assister par Mme Véronique Z..., ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits. Nous vous notifions donc par la présente votre licenciement pour actes de malversation (utilisation frauduleuse et répétée de comptes clients à votre profit) entraînant une perte de confiance. De tels agissements rendent évidemment impossible votre présence dans l'entreprise pendant la durée de votre préavis et nous vous notifions donc un licenciement pour faute lourde. Votre licenciement sans indemnité de licenciement, ni de préavis, ni de congés payés, prend donc effet à compter de la première présentation de cette lettre recommandée à votre domicile. La période de mise à pied à titre conservatoire qui a débuté le 23 août 2002 ne vous sera pas rémunérée. Que c'est dans ces conditions que, le 28/10/02, M. Laurent X... a saisi le Conseil de Prud'hommes de Roubaix ; Que, par jugement en date du 12/11/03, le Tribunal Correctionnel d'Avesnes sur Helpe, estimant qu'un doute subsistait quant à la participation aux faits de M. Laurent X..., l'a relaxé des fins de la poursuite et a déclaré la SA COFIDIS irrecevable, du fait de la relaxe du prévenu, en sa constitution de partie civile ; Que, par arrêt en date du 14/09/04, la Chambre des appels correctionnels de la Cour de Céans a constaté que le jugement sur la culpabilité, en l'absence d'appel du Ministère Public, avait l'autorité de la chose jugée, mais a néanmoins condamné M. Laurent X... à payer à la SA COFIDIS la somme de 1 000.00 ç à titre de dommages et intérêts, au motif suivant : "La société Cofidis



a dû effectuer certaines recherches destinées à révéler les fraudes commises, et subit un préjudice commercial dans la mesure où la confiance de ses clients est altérée à la suite des malversations découvertes permettant de douter de la sécurité des transactions commerciales ; en fonction des éléments soumis à son appréciation la Cour évalue ce préjudice à 1 000.00 ç et condamne Laurent X... ...à le réparer." ; Discussion 1) Sur les demandes concernant l'exécution du contrat de travail Y... que M. Laurent X... réclame certaines sommes au titre des heures supplémentaires qu'il aurait effectuées et qui ne lui auraient pas été payées, ainsi qu'au titre d'une prime qui ne lui aurait pas été réglée ; Que la SA COFIDIS conteste devoir les sommes en cause et observe que M. Laurent X... ne présente, à l'appui des demandes concernées, aucun élément de droit ou de fait susceptible d'en justifier le bien-fondé ; Y... que, selon l'article L.212-1-1 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; que le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; Qu'il résulte de ce texte que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties ; que le juge, après avoir vérifié que le salarié a bien produit préalablement des éléments de nature à étayer sa demande, doit examiner les pièces de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et que l'employeur est tenu de lui fournir ; Y... qu'en l'espèce, M. Laurent X... se borne à prétendre qu'il aurait effectué 6 heures supplémentaires en août 2002 ; qu'il ne verse strictement aucun élément à l'appui de cette affirmation ; Que, dans ces



conditions, il ne produit pas préalablement des éléments de nature à étayer sa demande ; qu'il doit en être débouté ; Y... que, concernant la demande de prime, M. Laurent X... n'explique ni la nature de la prime réclamée, ni la période pour laquelle elle est réclamée ; Que l'obligation de la SA COFIDIS n'est pas prouvée ; Qu'il échet de débouter M. Laurent X... de sa demande de prime ; 2) Sur les demandes concernant la rupture du contrat de travail Sur le motif du licenciement Y... que M. Laurent X...
Y... que M. Laurent X... conteste avoir commis les malversations qui lui sont reprochées ; qu'il considère qu'ayant été relaxé pénalement en première instance, décision confirmée par la Chambre des appels correctionnels, la Chambre sociale ne saurait prendre une décision différente sans méconnaître le principe de l'autorité de la chose jugée ; que sur le fond, il estime que les pièces du dossier ne démontrent pas la réalité des faits qui lui sont reprochés et que le licenciement ne peut reposer sur de simples soupçons ; qu'en outre la perte de confiance visée dans la lettre de licenciement ne constitue pas une faute disciplinaire ; qu'enfin l'intention de nuire n'est pas démontrée ; Y... que pour sa part, la SA COFIDIS demande à la Cour de prendre en compte les mêmes fautes civiles que celles retenues par la chambre des appels correctionnels ; que sur le fond, les pièces produites révèlent que M. Laurent X... était bien responsable des faits qui lui sont reprochés ; que ces faits, qui remettent en cause la confiance de la clientèle, ne pouvaient qu'être sanctionnés le plus lourdement possible ; qu'ils constituent en tout état de cause une faute grave ; Y... que M. Laurent X... était poursuivi devant le Tribunal Correctionnel d'Avesnes sur Helpe pour : "Avoir à Le Quesnoy, courant mai 2002, en faisant usage des faux noms de Renée Collin, Valérie Guillot, Liliane Baron, Christiane Cottreau, tenté de tromper les 3 Suisses, pour se faire remettre divers objets



mobiliers, ladite tentative, manifestée par un commencement d'exécution, en l'espèce le fait de passer des commandes sous un faux nom et d'aller chercher les marchandises, n'ayant manqué son effet que par des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur, en l'espèce par le refus de la victime de livrer." ; Y... que la SA COFIDIS a précisé à l'audience du 10/06/05, que son licenciement était strictement disciplinaire et que la perte de confiance n'avait été mentionnée dans la lettre de licenciement que comme la conséquence des faits de malversations qui motivaient à eux seuls la rupture du contrat de travail ; Y... que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, énonce comme motifs du licenciement de M. Laurent X... l'utilisation frauduleuse et répétée de comptes clients à son profit ; que ce motif recouvre exactement les termes de la prévention d'escroquerie, tels que rappelés ci-dessus ; que cette lettre de rupture ne fait état d'aucun autre motif ; Y... que M. Laurent X... a été relaxé des fins de la poursuite, le Tribunal Correctionnel considérant qu'il subsistait un doute quant à la participation de l'intéressé ; que la juridiction pénale a donc estimé que les faits n'étaient pas établis ; Qu'en l'absence d'appel par le ministère public, cette décision est devenue définitive ; Que l'autorité de la chose jugée au pénal s'impose au juge civil ; Qu'il y a lieu en conséquence de déclarer le licenciement de M. Laurent X... dénué de cause réelle et sérieuse ; Y... que, compte-tenu de l'ancienneté de M. Laurent X..., de son niveau de qualification et de sa rémunération, il convient de fixer, sur le fondement de l'article L 122-14-4 du code du travail, à la somme de 9 000.00 ç le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; Y... par ailleurs que les demandes concernant les congés payés, l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité de licenciement sont justifiées en leur principe ;



qu'elles ne sont pas critiquées en leur quantum ; qu'il convient d'y faire droit à hauteur des sommes demandées de :

-516.94 ç à titre d'indemnité de congés payés 2001,

-415.00 ç à titre d'indemnité de congés payés 2002,

-2 940.14 ç au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

-590.83 ç au titre de l'indemnité de licenciement, Sur la demande de dommages et intérêts du fait du caractère particulièrement abusif de la rupture Y... que M. Laurent X... estime que la nature particulièrement abusive de son licenciement lui a occasionné un préjudice distinct qui doit être réparé en sus de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; Que la SA COFIDIS conteste le caractère distinct de ce préjudice et considère qu'en tout état de cause il serait réparé par l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, si celle-ci venait à être accordée ; Y... que les agissements particulièrement graves imputés à M. Laurent X... pour motiver son licenciement pour faute lourde, n'ont pu que lui créer un important préjudice moral, lequel n'est pas réparé par l'indemnité allouée sur le fondement de l'article L 122-14-4 du code du travail ; que ce préjudice sera justement réparé par des dommages et intérêts à hauteur de 2 000.00 ç ; 3) Sur le remboursement des allocations Assedic Y... que le salarié ayant plus de deux ans d'ancienneté et l'entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, il convient d'ordonner le remboursement par l'employeur fautif à l'Assedic des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement dans la limite de six mois en application des dispositions de l'article L.122-14-4 du Code du Travail ; 4) Sur les demandes au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et les dépens Y... qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de M. Laurent X... l'intégralité des frais irrépétibles qu'il a dû exposer pour faire

valoir ses droits ; qu'il y a lieu de lui allouer la somme de 1 000.00 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Y... que, succombant, la SA COFIDIS supportera ses propres frais irrépétibles et les dépens de première instance et d'appel ; qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 32-1 du nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné la SA COFIDIS à payer à M. Laurent X... les sommes de :

-516.94 ç (cinq cent seize euros et quatre vingt quatorze centimes) à titre d'indemnité de congés payés 2001,

-415.00 ç (quatre cent quinze euros) à titre d'indemnité de congés payés 2002,

-2 940.14 ç (deux mille neuf cent quarante euros et quatorze centimes) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

-590.83 ç (cinq cent quatre vingt dix euros et quatre vingt trois centimes) au titre de l'indemnité de licenciement, et en ce qu'il a débouté la SA COFIDIS de ses demandes reconventionnelles et l'a condamnée aux dépens de première instance ; Statuant à nouveau pour le surplus et y ajoutant ; Déclare sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. Laurent X... ; Condamne la SA COFIDIS à payer en outre à M. Laurent X... les sommes suivantes :

-9 000.00 ç (neuf mille euros) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-2 000.00 ç (deux mille euros) à titre de dommages et intérêts,

-1 000.00 ç (mille euros) au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Ordonne le remboursement par la SA COFIDIS à l'Assedic concernée des indemnités de chômage versées à M. Laurent X... du jour de son licenciement et dans la limite de six mois ;

Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties ; Condamne la SA COFIDIS aux entiers dépens d'appel ;

Le Greffier, Le Président,

N. CRUNELLE

F. FROMENT

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.