3 avril 1997
Cour d'appel de Caen
RG n° 9601287

Texte de la décision

Le 15 Janvier 1995, Madame Chantal X... a conclu avec la SARL N... une convention aux termes de laquelle cette dernière lui a donné à bail un lot de cent vingt cassettes de jeux vidéo pour qu'elle-même le propose en location à sa clientèle ; Par jugement du 29 Mars 1996, le Tribunal de Commerce de HONFLEUR a prononcé la nullité de ce contrat en énonçant que, "en faisant état d'une forte demande potentielle sans en justifier, la société N... a agi par dol" ; Appelante de cette décision, la société N... soutient que le "mailing" prétendument reçu par Madame X... n'est qu'une proposition commerciale, qui ne revêt aucun caractère contractuel, ne contenait aucune information mensongère, et ne peut donc être constitutif d'un dol ; Elle prétend que, par ailleurs, il n'est nullement établi que les jeux vidéo loués seraient obsolètes, et que ses droits de procéder à leur location ne peuvent être contestés, s'agissant d'oeuvres audiovisuelles sur lesquelles ce droit n'est pas réservé à l'auteur; Elle affirme que les sociétés de droit français et japonais exploitant la marque S... commettent des actes de concurrence parasitaires en intervenant dans ses relations avec ses cocontractants, en ce que les droits d'auteurs de ces jeux, acquis aux Etats-Unis et seulement compatibles avec les appareils de cette marque, n'appartiennent pas à ces sociétés; " Madame X... conclut à la confirmation en soutenant essentiellement que le mailing avait pour but de l'induire en erreur, et que les marchandises, objet du contrat litigieux, étaient totalement obsolètes et n'avaient aucun caractère négociable ; Attendu que Madame X... fait d'abord grief à la société appelante de lui avoir adressé, avant la conclusion de la convention litigieuse, un courrier faisant état d'une "forte demande potentielle" pour la location de films ou jeux vidéo, en soutenant qu'il s'agit là d'une affirmation mensongère ; Attendu cependant que la lettre produite, qui n'évoque, d'ailleurs de façon pléonastique,



que des "possibilités potentielles importantes" ne constitue qu'une proposition commerciale, une invitation à contracter, rédigée en des termes vagues et généraux, qui ne peuvent certainement pas abuser un professionnel du commerce; Qu'elle ne peut donc constituer une manoeuvre dolosive ; Attendu que l'intimée reproche ensuite à sa cocontractantes de lui avoir fourni du matériel obsolète, sans intérêt pour sa clientèle; Qu'il est certain que le succès de l'entreprise projetée par Madame X... dépendait essentiellement de l'attrait que pouvait présenter pour ses clients, essentiellement, en cette matière, un jeune public très sensible à l'effet de mode, les cassettes de jeux vidéo proposés par la société N...; Attendu toutefois que Madame X... avait la charge de prouver que son engagement se trouvait, comme elle le prétend, dépourvu à ce titre d'une contrepartie réelle; Qu'elle ne produit, pour ce faire, qu'un courrier contenant déjà ce reproche qu'elle a adressé à la société N... le 16 Mars 1995; Qu'elle ne précise nullement, ni dans ses écritures, ni dans les pièces communiquées, quels étaient les titres des jeux fournis, leurs caractéristiques, leur date de sortie sur le marché, les critiques émises par les rédacteurs des revues spécialisés sur l'intérêt de ces jeux; Qu'il s'ensuit qu'elle n'a pas prouvé le caractère obsolète et inutilisable, parce que dépourvus d'intérêt pour sa clientèle, des articles loués ; Attendu, enfin, que Madame X... produit aux débats un courrier émanant d'une société S... qui, certes, ne lui est pas adressé, mais traite cependant de la même matière litigieuse; Que dans ce courrier, cette société S... soutient que la société S.E dont elle est la mandataire, est seule titulaire des droits de propriété intellectuelle sur "les jeux utilisés sur les machines de cette marque ; Attendu que les jeux vidéo sont effectivement, comme l'affirme la société N..., des oeuvres consistant dans des séquences animées d'images; Que cependant, pour



être reproduites par un ordinateur, ces images doivent être composées à partir d'une suite d'instructions logiques, écrites dans un langage compréhensible pour le processeur équipant cette machine ; Que ces oeuvres sont donc, avant tout, des logiciels, bénéficiant de la protection générale accordée à toutes les oeuvres de l'esprit, au sens du Code de la Propriété Intellectuelle, mais aussi de celle résultant plus spécialement de l'article L 122-6 ; Attendu qu'il appartient donc à la société N..., qui prétend que l'objet du contrat n'est pas illicite, de prouver qu'elle était investie de l'autorisation de l'auteur de chacun des jeux vidéo mis en location pour se livrer à cette utilisation de son oeuvre; Qu'il y a lieu d'ordonner la réouverture des débats sur ce seul point ; PAR CES MOTIFS : -Déboute Madame X... de ses demandes d'annulation de la convention pour dol ou défaut de cause ; Avant dire droit sur sa demande en annulation de la convention pour illicéité de l'objet ou de la cause ; Ordonne le renvoi à la mise en état, -Fait injonction à la société N... de produire, pour chacun des logiciels donnés à bail, la justification de l'autorisation de l'auteur pour une telle utilisation ou de la cession par l'auteur de son droit ; -Réserve les dépens ;

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