16 février 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-10.451

Chambre commerciale financière et économique - Formation de section

ECLI:FR:CCASS:2022:CO00133

Texte de la décision

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 février 2022




Rejet


Mme MOUILLARD, président



Arrêt n° 133 FS-D

Pourvoi n° U 21-10.451









R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 16 FÉVRIER 2022

La société Automobiles [J] [R], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 21-10.451 contre l'arrêt rendu le 21 octobre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige l'opposant à la société Hyundai motor France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Comte, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Automobiles [J] [R], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Hyundai motor France, et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 janvier 2022 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Comte, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, Mmes Champalaune, Michel-Amsellem, conseillers, M. Blanc, conseiller référendaire ayant voix délibérative, Mmes Bessaud, Bellino, MM. Maigret, Régis, conseillers référendaires, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, +-
-financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Le 5 décembre 2003, la société Hyundai motor France (la société Hyundai), qui importe en France des véhicules neufs et des pièces de rechange de la marque Hyundai, a conclu avec la société Automobiles [J] [R] (la société Automobiles JPB) un contrat de distribution et un contrat de réparateur agréé.

2. Dans la perspective de l'entrée en vigueur du règlement (UE) n° 330/2010 du 20 avril 2010 concernant l'application de l'article 101 paragraphe 3 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées, la société Hyundai a résilié, le 27 juin 2012, les contrats conclus avec la société Automobiles JPB, à effet du 30 juin 2014. Celle-ci, malgré ses demandes, n'a pas fait l'objet d'un nouvel agrément comme distributeur de véhicules neufs par la société Hyundai, mais a conclu avec celle-ci un nouveau contrat de réparateur agréé.

3. Le 5 décembre 2016, la société Hyundai a notifié la résiliation du contrat de réparateur avec un préavis de deux ans.

4. Lui reprochant le caractère fautif des résiliations successives, la société Automobiles JPB a assigné la société Hyundai en réparation de son préjudice.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en sa première branche, et le troisième moyen ci-après annexés


5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

6. La société Automobiles JPB fait grief à l'arrêt de dire que la société Hyundai n'a pas commis de faute en résiliant le contrat de distributeur agréé qui les liait, notamment pour n'avoir pas examiné la demande de nouvel agrément en tant que distributeur ni justifié son refus d'un tel agrément, de rejeter en conséquence ses demandes de dommages-intérêts, alors « que si la tête d'un réseau de distribution sélective est libre dans le choix de ses distributeurs en présence d'un réseau de distribution sélective quantitative, elle doit en revanche, en présence d'une distribution sélective à la fois quantitative et qualitative, justifier de la mise en oeuvre des critères qualitatifs fixés et de la transparence de la procédure de sélection opérée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a énoncé qu'"un système de distribution sélective quantitative dans lequel la tête de réseau refuse son agrément sans avoir évalué la candidature sur la base des critères qualitatifs prédéfinis ne perd donc pas pour cela le bénéfice de l'exemption conférée par le règlement sur les accords verticaux" pour ensuite considérer que le refus d'agrément opposé par la société Hyundai Motor France n'était pas fautif et que cette tête de réseau n'avait pas à justifier d'un examen de la candidature de la société Automobiles [J] [R] sur la base des critères qualitatifs qu'elle avait prédéfinis ; qu'en se prononçant ainsi, tandis qu'en présence d'un réseau de distribution sélective à la fois qualitatif et quantitatif, comme au cas présent, le refus d'agrément de la tête de réseau, certes libre, ne pouvait intervenir qu'à la condition d'avoir au préalable examiné la candidature des concessionnaires potentiels à l'aune des critères qualitatifs qu'elle a prédéfinis, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, devenu l'article 1240 du même code, ensemble l'article L. 420-1 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

7. En premier lieu, le principe de la liberté contractuelle et la prohibition des engagements perpétuels s'opposent à la reconnaissance d'un droit à l'agrément d'un ancien membre d'un réseau de distribution. En outre, l'obligation de bonne foi contractuelle n'impose à la tête d'un réseau de distribution ni la détermination ni la mise en oeuvre d'un processus de sélection des distributeurs sur le fondement de critères définis et objectivement fixés ni l'application de ceux-ci de manière non discriminatoire. Ayant retenu qu'il n'était pas établi que la société Hyundai se fût engagée à examiner la candidature des concessionnaires sortants, la cour d'appel en a exactement déduit que la circonstance que cette société n'ait pas contracté un nouveau contrat de distribution avec ses anciens concessionnaires ne constituait pas une faute.

8. En second lieu, l'article 2 du règlement (UE) n° 330/2010, auquel renvoie le règlement (UE) n° 461/2010 du 27 mai 2010 concernant l'application de l'article 101, paragraphe 3, du TFUE à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile, exempte les accords verticaux sous réserve, d'une part, que la part de marché détenue par le fournisseur, comme celle détenue par l'acheteur, sur le marché sur lequel le premier vend ses biens et services et le second les achète, ne dépasse pas 30 % du marché en cause et, d'autre part, que l'accord ne comprenne aucune restriction caractérisée ou exclue, telle que prévue par ces règlements. En vertu de l'article 3 du règlement 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, l'application du droit national de la concurrence ne peut pas entraîner l'interdiction d'accords qui sont couverts par un règlement ayant pour objet l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité.

9. Après avoir relevé que la part de marché de la société Hyundai était inférieure à 30 %, tout comme celle de la société Automobiles JPB, et qu'il n'était pas soutenu que le contrat de distribution contînt des clauses s'opposant à l'exemption, l'arrêt retient qu'un système de distribution sélective dans lequel la tête de réseau refuse son agrément sans avoir évalué la candidature sur la base des critères qualitatifs prédéfinis ne perd pas le bénéfice de l'exemption conférée par le règlement sur les accords verticaux. Il relève en outre que le numerus clausus appliqué à leur détriment n'est pas contesté par elles.

10. En l'état de ces motifs, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que le refus de la société Hyundai d'examiner la candidature de la société Automobiles JPB, en qualité de distributeur, échappait à l'application des articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L.420-1 du code de commerce.

11. Le moyen, n'est donc pas fondé.

12. Le réseau de la société Hyundai bénéficiant de l'exemption relative aux catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice d'une question préjudicielle, inopérante.

Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

13. La société Automobiles JPB fait grief à l'arrêt de dire que la société Hyundai n'a pas manqué à l'obligation de bonne foi et, en conséquence, de

rejeter ses demandes de dommages-intérêts contre ce constructeur automobile, notamment au titre de son refus de l'agréer en tant que réparateur, alors :

« 1°/ que la tête d'un réseau de distribution sélective purement qualitative doit justifier, lorsqu'il rejette la demande d'agrément qui lui est présentée par un concessionnaire, de la mise en oeuvre des critères qualitatifs fixés et de la transparence de la procédure de sélection opérée afin de motiver son refus ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que la résiliation, par la société Hyundai, du contrat de réparateur agréé conclu avec la société Automobiles JPB n'était pas fautive, dès lors que cette résiliation était intervenue le 5 décembre 2016, avec un préavis de deux ans, et procédait d'un droit pour le concédant, sans l'obliger à examiner la candidature de la société Automobiles JPB, conformément au principe de liberté contractuelle ; qu'en se prononçant ainsi, tandis qu'en présence d'un réseau de distribution sélective purement qualitative, la société Hyundai, tête de réseau, ne pouvait se borner à s'abstenir de répondre à la demande d'un nouvel agrément par la société Automobiles JPB, de sorte que l'absence de réponse à cette demande constituait par elle-même une faute, peu important l'absence d'un effet anticoncurrentiel au refus d'agrément dès lors qu'il n'est pas motivé, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, devenu l'article 1240 du même code et L. 420-1 du code de commerce ;

2°/ qu'une demande non chiffrée n'est pas, de ce seul fait, irrecevable ou mal fondée ; qu'il appartient au juge du fond d'inviter, le cas échéant, le demandeur à l'indemnisation à évaluer chaque poste de demande ; qu'en l'espèce, la société Automobiles JPB sollicitait l'indemnisation du préjudice consécutif au refus d'agrément de la société Hyundai en tant que réparateur agréé, qu'elle n'était pas en mesure de chiffrer immédiatement puisque la société Hyundai soutenait, à tort, que son concessionnaire était demeurée réparateur agréé de la marque, alors même que le contrat de réparateur avait été résilié à effet du 5 décembre 2018 ; que la cour d'appel a rejeté cette demande d'indemnisation au motif que ce préjudice n'était pas chiffré ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que l'absence de chiffrage de la demande ne pouvait suffire, à elle seule, à écarter cette demande, et qu'il appartenait le cas échéant à la cour d'appel d'inviter la société Automobiles JPB à évaluer ce poste de demande, la cour d'appel a violé les articles 4 et 12 du code de procédure civile ;

3°/ que la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions selon lesquelles le refus d'agrément opposé par la société Hyundai à la société Automobiles JPB au titre d'un contrat de réparateur agréé avait causé à cette dernière un préjudice lié à une décroissance brutale des ventes de pièces détachées, du fait de son remplacement par un nouveau partenaire, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile. »


Réponse de la Cour

14. Le principe de la liberté contractuelle et la prohibition des engagements perpétuels s'opposent à la reconnaissance d'un droit à l'agrément d'un ancien membre d'un réseau sélectif. L'arrêt retient qu'en l'absence de déloyauté établie de sa part, rien n'obligeait la société Hyundai à proposer un renouvellement de contrat au réparateur sortant et il en déduit que la société Hyundai n'a pas commis de faute en ne répondant pas à la demande de candidature de la société Automobiles JPB.

15. En l'état de ces seuls motifs, abstraction faite de ceux, surabondants, critiqués par la deuxième branche, et dès lors que la société Automobiles JPB, sans invoquer ni préciser l'objet éventuellement anticoncurrentiel de l'absence d'examen de sa candidature, soutient, à tort, que la méconnaissance de l'article L. 420-1 du code de commerce pourrait être établie et constituer une faute civile en l'absence de tout effet anticoncurrentiel, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre à des conclusions rendues inopérantes en l'absence de faute retenue, a pu rejeter la demande de la société Automobiles JPB.

16. Pour partie inopérant, le moyen n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Automobiles [J] [R] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize février deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat aux Conseils, pour la société Automobiles [J] [R].

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Sur le caractère abusif de la résiliation du contrat de distributeur automobile agréé

La société Automobiles [J] [R] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué, d'avoir dit que la société Hyundai Motor France n'avait pas commis de faute en résiliant le contrat de distributeur agréé qui la liait à la société Automobiles [J] [R], d'avoir dit que la société Hyundai Motor France maintenait les motifs de la résiliation du contrat et rappelait les conditions que le distributeur devait remplir pour postuler, sans que ce courrier puisse être considéré comme un engagement de la part de cette société, d'avoir dit que la société Hyundai Motor France n'avait pas manqué à l'obligation de bonne foi et n'avait donc pas résilié les contrats de manière abusive, d'avoir dit que la société [R] ne démontrait pas que la société Hyundai Motor France avait entretenu la perspective d'une poursuite des relations et qu'à ce titre elle n'avait pas compromis l'utilité du préavis ni conféré un caractère brutal à la rupture des relations et de l'avoir en conséquence déboutée de ses demandes de dommages et intérêts ;

1°) Alors que, si la résiliation d'un contrat de distribution automobile par la tête de réseau est en principe libre, sous réserve du respect d'un préavis suffisant, elle revêt un caractère fautif lorsqu'elle intervient après qu'il a été demandé au distributeur de procéder à des investissements dans ses infrastructures financières et immobilières d'une importance telle qu'ils ne peuvent que lui laisser légitimement croire que leurs relations se poursuivraient, de tels investissements ne pouvant se concevoir que dans la durée afin d'être rentabilisés ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré, par motifs propres comme adoptés (arrêt, p. 8 ; jugement, p. 5), que l'exigence, par la société Hyundai Motor France, du respect de nouveaux standards de la marque par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 mai 2010, avec un délai de mise en oeuvre fixé au 30 juin 2011, était conforme aux stipulations contractuelles, dès lors que « le respect des standards, s'agissant d'un système de distribution sélective, conditionne […] le maintien des statuts de distributeurs et de réparateurs agréés » ; qu'elle a également jugé que l'importance et la date des investissements engagés par le concessionnaire et l'impossibilité de les amortir sur trois ans étaient indifférentes, dans la mesure où la demande avait été adressée plus d'un an avant l'envoi de la lettre de résiliation et plus de trois ans avant la fin du délai de préavis ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la société Hyundai Motor France n'avait pas exigé de la société [R] de lourds investissements pour rénover son infrastructure au service de la marque, sans lui préciser qu'elle entendait, quelques mois plus tard seulement, résilier l'ensemble des contrats de distributeur et de réparateur agréés de son réseau, et si cette attitude avait pu légitimement faire croire à la société [R] qu'elle serait maintenue dans le réseau si elle procédait aux travaux demandés, lesquels ne pouvaient s'amortir qu'en considération d'un tel maintien, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de de l'article 1147, devenu 1231-1 du code civil ;

2°) Alors que la cour d'appel a jugé, par motifs réputés adoptés, qu'il n'était pas établi que la société [R] avait investi la somme de 93.951,39 € HT au titre des travaux demandés par la société Hyundai Motor France, dans la mesure où il ressortait de la pièce n°5 produite par la société [R] que les travaux concernaient également les autres marques qu'elle distribuait, comme Chevrolet, et que des travaux avaient été réalisés pour la salle d'attente du service occasions, ne correspondant pas à un show-room spécifique à la marque Hyundai (jugement, p. 5 § 9) ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les travaux qui avaient aussi impacté la surface de vente de la marque Chrysler ne concernaient pas uniquement la pose de lampes à iode de 150 watts, s'expliquant par l'impossibilité de limiter la modification de l'éclairage exigé par Hyundai à la seule surface de vente qui lui était dédiée (concl., p. 16 dernier §), et si la pièce n°5 ne correspondait pas au remplacement de l'éclairage dans la salle d'attente « niveau occasion », laquelle renvoyait à l'accueil du service après-vente Hyundai, se situant au même niveau que le hall d'exposition des véhicules d'occasion, et non à une salle d'attente du service occasion, inexistante (concl., p. 17), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de de l'article 1147, devenu 1231-1 du code civil ;

3°) Alors qu'en jugeant que la société Hyundai Motor France avait subventionné la société [R] à hauteur de 26.200,55 €, ainsi qu'il résultait d'une pièce n°6 produite par le concessionnaire (jugement, p. 5 § 6), sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (concl., p. 12 in fine), si la somme évoquée dans ce document ne constituait qu'un maximum, versé sous condition de production de factures, et si, comme elle en justifiait, elle n'avait reçu qu'une somme de 15.810 €, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de de l'article 1147, devenu 1231-1 du code civil ;

4°) Alors que, si la résiliation d'un contrat de distribution automobile par la tête de réseau est en principe libre, sous réserve du respect d'un préavis suffisant, elle revêt un caractère fautif lorsqu'elle intervient dans des circonstances qui laissent légitimement croire au concessionnaire que leurs relations se poursuivraient ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré, par motifs propres comme adoptés (arrêt, p. 8 et 9 ; jugement, p. 6), qu'il n'était pas établi que la société Hyundai Motor France avait entretenu la société [R] dans la croyance que le contrat de distributeur agréé serait reconduit à l'issue du préavis de deux ans annoncé dans la lettre de résiliation du 27 juin 2012 ; qu'elle a jugé sur ce point que la société Hyundai n'avait pas manifesté son intention de poursuivre ses relations avec la société [R], et lui avait indiqué que tout nouveau contrat serait soumis au respect des conditions qu'elle serait amenée à fixer, et qu'en outre, la société [R] avait conscience que le renouvellement de la concession de distributeur n'était pas acquise ; qu'elle a ajouté que la société Hyundai Motor France avait indiqué, le 8 avril 2014, après la réception du business plan et une visite des locaux, qu'elle ne souhaitait pas proposer un nouveau contrat de concession ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (concl., p. 18 et 19), si la société Hyundai Motor France n'avait pas entretenu la société [R] dans la croyance qu'elle pouvait présenter sa candidature pour conclure un nouveau contrat de distribution agréé, dès lors qu'elle lui avait demandé d'établir un prévisionnel d'activité sur cinq ans ainsi qu'un plan précis de rafraîchissement complet de son affaire, à plusieurs reprises et en dernier lieu le 5 février 2014, et l'avait conviée, le 28 mars 2014 à une réunion prévue le 3 avril suivant pour évoquer la « stratégie développement réseau Hyundai Motor », après avoir organisé une journée sur le même thème aux côtés d'autres distributeurs le 20 mars précédent, pour ensuite lui annoncer brutalement, le 8 avril 2014, qu'elle ne souhaitait pas lui proposer un nouveau contrat de concession et qu'elle l'invitait à céder son fonds de commerce, de sorte qu'elle l'avait fautivement entretenue dans l'illusion qu'elle pourrait utilement présenter sa candidature à la conclusion d'un nouveau contrat de distribution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de de l'article 1147, devenu 1231-1 du code civil ;

5°) Alors qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée (concl., p. 14), si la société Hyundai Motor France avait adressé à la société Automobiles [J] [R] une lettre circulaire datée du 24 mai 2013 l'informant qu'elle incitait ses concessionnaires – qui étaient alors dans le cadre du préavis de la résiliation décidée au mois de juin 2012 – à recruter des vendeurs afin de développer son activité de vente de véhicules à destination des sociétés, et d'une circulaire datée du 8 juillet 2013 que la société Hyundai avait annoncé un partenariat avec la société Autoconsultant dont le rôle était de présenter des candidats préalablement présélectionnés au recrutement pour ce nouveau type de poste, et s'il en résultait qu'elle avait, dès lors, entretenu la société Automobiles [J] [R] dans la croyance que cet investissement, d'un montant de 47.451 € pour un salarié, participait d'une volonté de poursuivre leurs relations commerciales, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de de l'article 1147, devenu 1231-1 du code civil.

DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION :

Sur le refus d'agrément, par la société Hyundai Motor France, de la société Automobiles [J] [R] en tant que distributeur agréé

La société Automobiles [J] [R] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué, d'avoir dit que la société Hyundai Motor France n'avait pas commis de faute en résiliant le contrat de distributeur agréée qui la liait à la société Automobiles [J] [R], notamment pour n'avoir pas examiné la demande de nouvel agrément en tant que distributeur ni justifié son refus d'un tel agrément, de l'avoir en conséquence déboutée de ses demandes de dommages et intérêts ;

1°) ALORS QUE si la tête d'un réseau de distribution sélective est libre dans le choix de ses distributeurs en présence d'un réseau de distribution sélective quantitative, elle doit en revanche, en présence d'une distribution sélective à la fois quantitative et qualitative, justifier de la mise en oeuvre des critères qualitatifs fixés et de la transparence de la procédure de sélection opérée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré qu'il était constant que la société Hyundai Motor France avait entrepris de mettre en place un système de distribution sélective quantitative pour la vente de véhicules neufs, pour écarter toute faute de sa part dans le refus de renouvellement opposé à la société Automobiles [J] [R] (arrêt, p. 14 § 5) ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée (concl., p. 51 et s.), si la société Hyundai Motor France ne revendiquait pas elle-même la mise en oeuvre d'un système de distribution sélective qualitative et quantitative (et non seulement quantitative), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, devenu l'article 1240 du même code, ainsi que de l'article L. 420-1 du code de commerce ;

2°) ALORS QUE si la tête d'un réseau de distribution sélective est libre dans le choix de ses distributeurs en présence d'un réseau de distribution sélective quantitative, elle doit en revanche, en présence d'une distribution sélective à la fois quantitative et qualitative, justifier de la mise en oeuvre des critères qualitatifs fixés et de la transparence de la procédure de sélection opérée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a énoncé qu' « un système de distribution sélective quantitative dans lequel la tête de réseau refuse son agrément sans avoir évalué la candidature sur la base des critères qualitatifs prédéfinis ne perd donc pas pour cela le bénéfice de l'exemption conférée par le règlement sur les accords verticaux » pour ensuite considérer que le refus d'agrément opposé par la société Hyundai Motor France n'était pas fautif et que cette tête de réseau n'avait pas à justifier d'un examen de la candidature de la société Automobiles [J] [R] sur la base des critères qualitatifs qu'elle avait prédéfinis (arrêt, p. 14) ; qu'en se prononçant ainsi, tandis qu'en présence d'un réseau de distribution sélective à la fois qualitatif et quantitatif, comme au cas présent, le refus d'agrément de la tête de réseau, certes libre, ne pouvait intervenir qu'à la condition d'avoir au préalable examiné la candidature des concessionnaires potentiels à l'aune des critères qualitatifs qu'elle a prédéfinis, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, devenu l'article 1240 du même code, ensemble l'article L. 420-1 du code de commerce.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Sur la faute de la société Hyundai Motor France ayant fait perdre une chance à la société Automobiles [J] [R] de céder son fonds de commerce à son successeur

La société Automobiles [J] [R] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que la société [R] n'apportait pas la preuve que la société Hyundai Motor France avait compromis la possibilité d'une cession de fonds de commerce en refusant de lui désigner son successeur, d'avoir dit que la société Hyundai Motor France n'avait pas détourné l'élément principal du fonds de commerce de la société Automobiles [J] [R], d'avoir dit que la société Hyundai Motor France n'avait pas manqué à l'obligation de bonne foi, et de l'avoir en conséquence déboutée de ses demandes de dommages et intérêts ;

1°) Alors que, si la résiliation d'un contrat de distribution automobile par la tête de réseau est en principe libre, sous réserve du respect d'un préavis suffisant, elle revêt un caractère fautif lorsque le concédant ne met pas en mesure son ancien concessionnaire de céder son fonds de commerce exploité dans le cadre du contrat de concession dans des conditions normales ; que le concédant commet ainsi une faute en s'abstenant de répondre à la demande de son concessionnaire de lui confirmer l'identité de son successeur pour représenter la marque, afin de pouvoir entrer en négociation avec ce dernier pour la cession de son fonds de commerce ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que la société [R] connaissait le nom de son successeur dès le 16 avril 2014 et que la société Hyundai avait fait valoir à juste titre « qu'il ne lui appartenait pas d'intervenir dans des discussions entre un cessionnaire et un cédant potentiels pour la cession d'un fonds, en l'absence de dispositions contractuelles relatives à des modalités d'assistance dans la cession du fonds en cas de résiliation » (arrêt, p. 9 § 3) ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (concl., p. 22 et 23), si la société Automobiles [J] [R], contactée par la société AC Bougault qui s'était tardivement présentée comme son successeur en tant que concessionnaire de la marque Hyundai à Saint-Etienne, avait demandé à la société Hyundai Motor France de lui confirmer que tel était bien le cas, ce qui était essentiel pour pouvoir entamer les négociations sur la reprise du fonds de commerce, et si, en s'abstenant de toute réponse, la société Hyundai Motor France avait manqué à son obligation de bonne foi, peu important l'absence d'obligation d'assister l'ancien concessionnaire dans la cession de son fonds, la société Automobiles [J] [R] n'ayant au demeurant jamais demandé une telle assistance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, devenu 1240 du même code ;

2°) Alors que le fichier de clientèle représente l'un des composants essentiels du fonds de commerce ; que l'exploitation ou la transmission, par un autre que le titulaire du fonds, de ce fichier de clientèle, constitue une faute ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que le détournement allégué du fichier client de la société Automobiles [J] [R] par le nouveau distributeur en raison de sa transmission par la société Hyundai, n'était pas établi, dès lors que ce concessionnaire avait pu se procurer la liste des clients par l'acquisition d'un fichier commercialisé à partir du fichier des immatriculations et extrait par de la société Association Auxiliaire de l'Automobile (AAA) non mis à jour (arrêt, p. 9 § 4) ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (concl., p. 27 et s.), si les données exploitées par la société AC Bougault ne pouvaient pas provenir d'un tel fichier, mais seulement du fichier de clientèle de la société Automobiles [J] [R] qui seul contenait les coordonnées complètes de ses clients, y compris les coordonnées personnelles de membres de la famille [R], de sorte que ces données n'avaient pu être communiquées que par la société Hyundai Motor France, qui seule détenait le fichier commercial de son concessionnaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, devenu 1240 du même code ;

3°) Alors que, en ne recherchant pas, comme elle y était invitée (concl., p. 27 et 28), si les données exploitées par la société AC Bougault, successeur de la société Automobiles [J] [R] en tant que concessionnaire Hyundai à Saint-Etienne, ne pouvait provenir que du fichier de clientèle de la société Automobiles [J] [R], et si la société Hyundai Motor France était la seule, en dehors de son ancien concessionnaire, à détenir les informations contenues dans ce fichier, ce dont il résultait des présomptions graves, précises et concordantes établissant que la société Hyundai Motor France avait transmis, sans autorisation, ces informations au nouveau concessionnaire, lequel n'avait pas proposé de racheter le fonds de commerce de la société Automobiles [J] [R], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, devenu 1240 du même code ;

4°) Alors qu'en toute hypothèse, la preuve des faits est libre ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré qu'il n'était pas établi que la société Hyundai Motor France aurait transmis à la société AC Bougault, nouveau concessionnaire de la marque à Saint-Etienne, le fichier de clientèle de la société Automobiles [J] [R], dès lors que l'authentification de la réception ou de l'envoi des courriels ou SMS constatés par huissier le 6 novembre 2015 faisait défaut (arrêt, p. 9 § 4) ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que la preuve, par la société Automobiles [J] [R], des faits allégués était libre, de sorte que le constat d'huissier produit en justice, qui démontrait que la société AC Bougault avait envoyé des courriels et des SMS à des clients de l'ancien concessionnaire, à des coordonnées qui ne pouvaient être contenues que dans le fichier clientèle de ce dernier, était de nature à établir les allégations de la société Automobiles [J] [R], sans qu'il soit possible d'exiger d'elle l'authentification technique de la provenance de ces messages, la cour d'appel a violé l'article 9 du code de procédure civile.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Sur le refus d'agrément en tant que réparateur

La société Automobiles [J] [R] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué, d'avoir dit que la société Hyundai Motor France n'avait pas manqué à l'obligation de bonne foi et de l'avoir en conséquence déboutée de ses demandes de dommages et intérêts à l'encontre de ce constructeur automobile, notamment au titre de son refus de l'agréer en tant que réparateur ;

1°) Alors que la tête d'un réseau de distribution sélective purement qualitative doit justifier, lorsqu'il rejette la demande d'agrément qui lui est présentée par un concessionnaire, de la mise en oeuvre des critères qualitatifs fixés et de la transparence de la procédure de sélection opérée afin de motiver son refus ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que la résiliation, par la société Hyundai France Motor, du contrat de réparateur agréé conclu avec la société Automobiles [J] [R] n'était pas fautive, dès lors que cette résiliation était intervenue le 5 décembre 2016, avec un préavis de deux ans, et procédait d'un droit pour le concédant, sans l'obliger à examiner la candidature de la société Automobiles [J] [R], conformément au principe de liberté contractuelle (arrêt, p. 15 § 8 à 11) ; qu'en se prononçant ainsi, tandis qu'en présence d'un réseau de distribution sélective purement qualitative, la société Hyundai Motor France, tête de réseau, ne pouvait se borner à s'abstenir de répondre à la demande d'un nouvel agrément par la société Automobiles [J] [R], de sorte que l'absence de réponse à cette demande constituait par elle-même une faute, peu important l'absence d'un effet anticoncurrentiel au refus d'agrément dès lors qu'il n'est pas motivé, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, devenu l'article 1240 du même code et L. 420-1 du code de commerce ;

2°) Alors qu'une demande non chiffrée n'est pas, de ce seul fait, irrecevable ou mal fondée ; qu'il appartient au juge du fond d'inviter, le cas échéant, le demandeur à l'indemnisation à évaluer chaque poste de demande ; qu'en l'espèce, la société Automobiles [J] [R] sollicitait l'indemnisation du préjudice consécutif au refus d'agrément de la société Hyundai Motor France en tant que réparateur agréé (concl., p. 76 dernier §), qu'elle n'était pas en mesure de chiffrer immédiatement puisque la société Hyundai Motor France soutenait, à tort, que son concessionnaire était demeurée réparateur agréé de la marque, alors même que le contrat de réparateur avait été résilié à effet du 5 décembre 2018 ; que la cour d'appel a rejeté cette demande d'indemnisation au motif que ce préjudice n'était pas chiffré (arrêt, p. 15 avant-dernier §) ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que l'absence de chiffrage de la demande ne pouvait suffire, à elle seule, à écarter cette demande, et qu'il appartenait le cas échéant à la cour d'appel d'inviter la société Automobiles [J] [R] à évaluer ce poste de demande, la cour d'appel a violé les articles 4 et 12 du code de procédure civile ;

3°) Alors qu'en outre, la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions selon lesquelles le refus d'agrément opposé par la société Hyundai France Motor à la société Automobiles [J] [R] au titre d'un contrat de réparateur agréé avait causé à cette dernière un préjudice lié à une décroissance brutale des ventes de pièces détachées, du fait de son remplacement par un nouveau partenaire, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile.

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