15 décembre 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-15.437

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:CO10733

Texte de la décision

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 décembre 2021




Rejet non spécialement motivé


M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président



Décision n° 10733 F

Pourvoi n° T 20-15.437




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 15 DÉCEMBRE 2021

1°/ M. [H] [E], domicilié [Adresse 1],

2°/ Mme [B] [E], domiciliée [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° T 20-15.437 contre l'arrêt rendu le 27 février 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 9), dans le litige les opposant à la société Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boutié, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. et Mme [E], de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France, après débats en l'audience publique du 3 novembre 2021 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Boutié, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, Mme Gueguen, premier avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.


1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme [E] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme [E] et les condamne à payer à la société Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [E].

IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET CONFIRMATIF ATTAQUE d'avoir déclaré l'action en paiement des consorts [E] irrecevable comme prescrite,

AUX MOTIFS PROPRES QUE :

« Sur la recevabilité de l'action en paiement

Les parties produisent aux débats l'historique annuel pour l'année 2003 du livret d'épargne populaire que détenait feue Madame [E], qui fait apparaître que le compte a été clôturé le 8 février cette année là, avec un solde créditeur de 7.919,45 €, et l'intimée soutient que le code 0506 qui figure à côté de ce montant signifie qu'il a été retiré en espèces, ce que contestent les appelants en arguant d'un manque de preuves.

Cela étant, il n'est pas contesté que Madame [E], qui avait 77 ans en 2003, s'est manifestée en juin 2014, alors qu'elle avait 88 ans, donc 11 ans plus tard, auprès de la société Caisse d'Épargne Prévoyance IDF pour obtenir le justificatif de la clôture de son compte.

Pendant 11 années, la société Caisse d'Épargne Prévoyance IDF n'a plus envoyé aucun courrier à Madame [E] concernant son livret d'épargne populaire, et l'intéressée ne s'est à aucun moment enquis de connaître le sort de son livret, si elle avait des doutes.

L'article 2224 du code civil dispose que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ».

En 2003, la prescription trentenaire s'appliquait encore, mais elle a été ramenée à la prescription quinquennale à compter de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile.

Il résulte de cet article le principe de la nécessité de la connaissance par le créancier des faits lui permettant d'exercer son droit.

Madame [E], créancière du solde de son livret d'épargne populaire, si tant est qu'elle n'ait pas retiré les fonds en espèces dès la clôture du compte le 8 février 2003, comme le soutiennent Monsieur et Madame [E], avait donc cinq ans, à compter du 17 juin 2008 jusqu'au 17 juin 2013 inclus, pour exercer son action en paiement.

Au regard de l'historique du livret, que les appelants produisent eux-mêmes, reconnaissant que le livret d'épargne populaire a fait l'objet d'une dématérialisation en janvier 2003, et étant observé qu'il n'est donc pas surprenant que le retrait en espèces du solde ne figure pas sur le livret original, également produit aux débats, les consorts [E] ne peuvent raisonnablement fixer le point de départ de la prescription au courrier du 30 juin 2014 adressé à leur mère, Madame [E], par la société Caisse d'Épargne Prévoyance IDF.

Il convient par conséquent, au regard de l'absence totale de communication entre les parties sur le sort de ce livret d'épargne populaire du 8 février 2003 au 17 juin 2013, soit pendant plus de 10 ans, de confirmer le jugement en ce qu'il a fait courir le délai de prescription au 17 juin 2008, constatant la prescription de l'action en paiement par assignation du 10 février 2016, soit près de trois ans après l'expiration du délai. » (arrêt p. 4) ;

ET AUX MOTIFS NON CONTRAIRES DU PREMIER JUGE QUE :

« Sur la recevabilité de l'action

Si l'ancien article 2262 du code civil prévoyait une prescription trentenaire pour les actions réelles et personnelles, la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 a ramené le délai de prescription à cinq ans, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

En l'espèce, il résulte des pièces produites et des débats que la banque a produit un relevé informatique qui n'a pas été contesté et qui mentionne qu'au cours de l'année 2003, Madame [E] a effectué le 15 janvier un retrait de 200 € portant le solde du livret à 7.891,50 €, que la dématérialisation et la clôture du compte sont intervenues le 8 février avec versement d'une somme de 7.919,45 € portant le solde du livret à zéro, contrairement à ce qui est allégué en demande ; Que par la suite et pendant 11 ans, Madame [E] et ses ayant droits ne peuvent justifier d'aucun courrier établissant que ce compte était toujours ouvert ; Qu'il n'est pas contesté qu'aucune opération ne soit intervenue par la suite et pendant 11 ans ; Qu'en respectant les dispositions de l'article L. 123-22 du code monétaire et financier relatif à la conservation des archives pendant dix ans, la banque n'a commis aucune faute et il ne peut lui être reproché d'être dans l'impossibilité de produire un bordereau d'opération comptable plus de 11 ans après l'opération ; Que les demandeurs ne peuvent, sans une certaine mauvaise foi, prétendre n'avoir eu connaissance de la clôture du livret que suite à la réception du courrier du 30 juin 2014 ; Que Madame [E], qui n'a reçu aucun courrier pendant 11 ans et qui n'a pas été relancée pour justifier de sa qualité d'ayant droit, ne peut se contenter de contester le retrait du solde et soutenir qu'elle ignorait que le livret avait été clôturé ; Qu'en application du texte susvisé, le délai de prescription se terminait donc le 18 juin 2013.

L'action engagée par assignation du 10 février 2016, après une première réclamation effectuée par Madame [E] auprès de la banque par courrier du 23 juin 2014, sera en conséquence déclarée irrecevable comme étant prescrite » (jugement, prod. 1 p. 5 in fine et p. 4) ;

1- ALORS QUE les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; Qu'il importait en conséquence de déterminer avec certitude la date, antérieure ou postérieure à la réforme de la prescription intervenue en 2008, à laquelle feue Madame [G] [E] avait connu ou aurait dû connaître la clôture de son livret d'épargne populaire ; Que, bien qu'ayant énoncé à juste titre qu'il résulte de l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, le principe de la nécessité de la connaissance par le créancier des faits lui permettant d'exercer son droit, la cour d'appel a dit l'action en paiement prescrite en se contentant d'affirmer qu'au regard de l'historique du livret, que les appelants produisent eux-mêmes, reconnaissant que le livret d'épargne populaire a fait l'objet d'une dématérialisation en 2003, et étant observé qu'il n'est donc pas surprenant que le retrait en espèces du solde ne figure pas sur le livret original, également produit aux débats, les consorts [E] ne peuvent raisonnablement fixer le point de départ de la prescription au courrier du 30 juin 2014 adressé à leur mère Madame [E] par la Caisse d'Épargne ; Qu'en statuant ainsi sans même rechercher ainsi qu'elle y était invitée quelle était la date de la connaissance par feue Madame [G] [E] de la prétendue clôture de son livret d'épargne populaire le 8 février 2003, qui seule lui aurait permis d'exercer son droit, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 2224 du code civil ;

2- ALORS QUE le jugement doit être motivé à peine de nullité ; Que le défaut de réponse aux conclusions équivaut au défaut de motifs ; Qu'en la présente espèce, après avoir relevé que l'historique informatique du livret d'épargne populaire litigieux pour l'année 2003 produit par la banque ne mentionne aucune opération de retrait en espèces de la somme de 7.919,45 €, les consorts [E] critiquaient le motif par lequel le premier juge avait estimé qu'au regard des dispositions de l'article L. 123-22 du code monétaire et financier (en réalité du code de commerce) relatif à la conservation des archives pendant dix ans, il ne pouvait être reproché à la banque d'être dans l'impossibilité de produire un bordereau d'opération comptable plus de 11 ans après l'opération en rappelant que la Cour de Cassation a jugé que le banquier doit pouvoir justifier la clôture du compte pour établir la prescription décennale, ce qui lui impose en pratique de conserver ses archives au-delà de ce délai (cf. leurs dernières conclusions d'appel, prod. 2 p. 4) ; Qu'en confirmant le jugement entrepris en toutes ses dispositions sans jamais répondre au moyen ainsi soulevé devant elle pour critiquer la motivation du premier juge, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3- ALORS QUE le jugement doit être motivé à peine de nullité ; Que le défaut de réponse aux conclusions équivaut au défaut de motifs ; Que, pour contester la réalité d'une clôture du livret d'épargne populaire par retrait total du solde en espèces au guichet le 8 février 2003, les consorts [E] faisaient valoir qu'au moment de cette opération, qui correspond à la date de dématérialisation du livret, le livret physique aurait dû être présenté au guichet et porter la mention de la dématérialisation et du retrait (cf. leurs dernières conclusions d'appel, prod. 2 p. 7 et 8) ; Qu'en affirmant, sans même s'expliquer sur ce moyen, que les appelants reconnaissent que le livret d'épargne populaire a fait l'objet d'une dématérialisation et qu'il n'est donc pas surprenant que le retrait en espèces du solde ne figure pas sur le livret original produit aux débats, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

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