10 novembre 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-16.750

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:CO00755

Texte de la décision

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 10 novembre 2021




Cassation partielle


Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 755 F-D

Pourvoi n° D 18-16.750




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 10 NOVEMBRE 2021

La société Automatisme mesure contrôle et conseils (AM2C), société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6], et domiciliée dans la procédure [Adresse 1],

a formé le pourvoi n° D 18-16.750 contre l'arrêt rendu le 22 février 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (2e chambre), dans le litige l'opposant à la société Berthold France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président et rapporteur, les observations de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de la société Automatisme mesure contrôle et conseils, de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société Berthold France, après débats en l'audience publique du 21 septembre 2021 où étaient présents Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président et rapporteur, M. Mollard, Mme Champalaune, conseillers, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 février 2018), la société Berthold France (la société Berthold) est titulaire de la marque verbale « Gammascan » n° 3 639 719, déposée le 26 mars 2009 à l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI) pour désigner des produits en classe 9.

2. Le 25 mars 2011, la société Automatisme mesure contrôle et conseils (la société AM2C), qui commercialise des portiques de contrôle de la radioactivité sous la dénomination « Gammascan », a assigné la société Berthold en annulation de la marque « Gammascan » pour dépôt frauduleux et en concurrence déloyale et parasitisme. La société Berthold a formé une demande reconventionnelle en contrefaçon de la marque n° 3 639 719 et, pour la période de 2006 à 2009, en concurrence déloyale. Devant la cour d'appel, la société AM2C a également demandé l'annulation de la marque en cause pour défaut de distinctivité, ainsi que la déchéance des droits de la société Berthold sur cette marque.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses troisième, quatrième, cinquième et sixième branches, ci-après annexé


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. La société AM2C fait grief à l'arrêt de rejeter la demande d'annulation de la marque « Gammascan » déposée par la société Berthold à l'INPI le 23 mars 2009 pour les produits de la classe 9 et, en conséquence, de lui interdire sous astreinte d'utiliser la dénomination « Gammascan » pour désigner ses portiques de contrôle de la radioactivité, lui enjoindre, également sous astreinte, de faire radier le nom de domaine « gammascan.fr » et de la condamner à payer à la société Berthold la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors « qu'une marque présente un caractère descriptif lorsqu'elle constitue actuellement, aux yeux des milieux intéressés, une description d'une caractéristique des produits ou services concernés ou s'il est raisonnable d'envisager que cela soit le cas dans l'avenir ; qu'en se contentant d'affirmer que le signe « Gammascan » ne serait pas la désignation d'une ou des caractéristiques des produits en cause, sans définir le public pertinent ni rechercher, comme elle y était invitée, si, aux yeux de ce dernier, le signe « Gammascan » n'indiquait pas la destination des produits litigieux, à savoir le « scan », c'est-à-dire le contrôle, de rayons gamma, et s'il n'était ainsi pas dépourvu de caractère distinctif au regard des produits en cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 :

5. Il résulte de ce texte que le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés et que sont dépourvus de caractère distinctif, notamment, les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service. Le caractère distinctif d'une marque s'apprécie par rapport à chacun des produits ou services visés par l'enregistrement.

6. Pour rejeter la demande d'annulation de la marque verbale « Gammascan » n° 3 639 719 pour défaut de distinctivité et, par conséquent, condamner la société AM2C pour contrefaçon de cette marque, l'arrêt retient que celle-ci désigne les portiques de détection de la radioactivité sous lesquels passent les véhicules transportant des déchets, mais n'est ni exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle de ces produits ni la désignation d'une ou des caractéristiques de ces derniers.

7. En statuant ainsi, par voie d'affirmation et par rapport à un produit ne figurant pas sur le certificat d'enregistrement de la marque, sans définir le public pertinent ni rechercher si, aux yeux de ce dernier, le signe « Gammascan », composé des éléments « gamma » et « scan », ne pouvait pas servir à désigner la destination des produits visés à l'enregistrement, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

8. La société AM2C fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant au prononcé de la déchéance des droits de la société Berthold sur la marque « Gammascan » n° 3 639 719 et, en conséquence, de lui interdire, sous astreinte, d'utiliser la dénomination « Gammascan » pour désigner ses portiques de contrôle de la radioactivité, lui enjoindre, également sous astreinte, de faire radier le nom de domaine « gammascan-fr » et de la condamner à payer à la société Berthold la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que pour échapper à la déchéance de ses droits, le propriétaire de la marque doit justifier d'un usage sérieux de celle-ci pour chacun des produits et services désignés par l'enregistrement, et visés par la demande en déchéance ; qu'en se bornant à affirmer, pour écarter la demande en déchéance présentée par la société Automatique mesure contrôle et conseils, que le défaut d'usage de la marque « Gammascan » après son dépôt le 26 mars 2009, allégué par cette société, serait écarté par les courriels échangés entre la société Berthold et M. [W] du 22 juin au 13 juillet 2011, par les procès-verbaux de constat d'huissier des 15 mars et 4 décembre 2011 sur le site internet de la société Berthold et par des factures pour les années 2010 à 2014, sans caractériser en quoi ces documents justifiaient d'un usage sérieux de la marque « Gammascan » par la société Berthold pour chacun des produits de la classe 9 couverts par son enregistrement et visés par la demande en déchéance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 714-5, alinéa 1er, du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 :

9. Aux termes de ce texte, encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans.

10. Pour rejeter la demande de déchéance des droits de la société Berthold sur la marque « Gammascan », l'arrêt retient que le défaut d'usage sérieux allégué par la société AM2C est écarté par les courriels échangés entre la société Berthold et M. [W] du 22 juin au 13 juillet 2011, les procès-verbaux de constat d'huissier de justice des 15 mars et 14 décembre 2011 sur le site internet de ladite société, établis à la requête de la société AM2C elle-même, et les nombreuses factures émises à l'égard de clients au cours des années 2010 à 2014.

11. En se déterminant ainsi, sans caractériser en quoi ces documents justifiaient d'un usage sérieux de la marque « Gammascan » par la société Berthold pour chacun des produits de la classe 9 couverts par son enregistrement et visés par la demande de déchéance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

12. La société AM2C fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir juger que la société Berthold s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme envers elle et ses demandes de dommages-intérêts, de mesures de publication et d'interdiction et, en conséquence, de lui interdire, sous astreinte, d'utiliser la dénomination « Gammascan » pour désigner ses portiques de contrôle de la radioactivité, lui enjoindre, également sous astreinte, de faire radier le nom de domaine « gammascan.fr » et de la condamner à payer à la société Berthold la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors « qu'au soutien de ses demandes pour concurrence déloyale et parasitisme, la société AM2C incriminait, en particulier, le dépôt, par la société Berthold, de la marque « Gammascan » et l'usage qu'elle en a fait après ce dépôt ; que la cassation du chef de l'arrêt ayant rejeté la demande d'annulation de la marque « Gammascan », qui sera prononcée sur le premier moyen, entraînera, par voie de conséquence, la cassation des chefs de l'arrêt visés par le présent moyen, et ce, par application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

13. Selon ce texte, la portée de la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

14. La cassation prononcée sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, entraîne la cassation, par voie de conséquence, de l'arrêt en ce qu'il condamne la société AM2C pour contrefaçon de la marque « Gammascan » n° 3 639 719 et en ce qu'il rejette les demandes formées par cette société contre la société Berthold au titre d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme fondées sur le dépôt et l'usage de ce signe.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande d'annulation de la marque « Gammascan » déposée par la société Berthold France le 23 mars 2009 pour les produits de la classe 9, déboute la société Automatisme mesure contrôle et conseils de toutes ses autres demandes, interdit à la société Automatisme mesure contrôle et conseils, sous astreinte, d'utiliser la dénomination « Gammascan » pour désigner ses portiques de contrôle de la radioactivité, lui enjoint, sous astreinte, de faire radier le nom de domaine « gammascan.fr » et la condamne à payer à la société Berthold France la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 22 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne la société Berthold France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Berthold France et la condamne à payer à la société Automatisme mesure contrôle et conseils la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour la société Automatisme mesure contrôle et conseils.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande d'annulation de la marque « Gammascan » déposée par la société Berthold France à l'INPI le 23 mars 2009 pour les produits de la classe 9 et d'avoir, en conséquence, interdit sous astreinte, à la société Automatique Mesure Contrôle et Conseils d'utiliser la dénomination « Gammascan » pour désigner ses portiques de contrôle de la radioactivité, enjoint à la société Automatique Mesure Contrôle et Conseils, également sous astreinte, de faire radier le nom de domaine « gammascan.fr » et condamné la société Automatique Mesure Contrôle et Conseils à payer à la société Berthold France la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QUE « la marque ci-dessus désigne les portiques de détection de la radioactivité sous lesquels passent les véhicules transportant des déchets, mais n'est ni exclusivement la désignation nécessaire ou usuelle de ces produits, ni la désignation d'une ou des caractéristiques des mêmes, et par suite présente un caractère distinctif au sens de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, contrairement à ce que soutient la société AM2C » ;

1°) ALORS QU'en se bornant à affirmer, sans donner aucune autre explication ni se livrer, même sommairement, à une analyse concrète de la perception du signe « Gammascan » par le public pertinent, que ce signe ne serait pas exclusivement la désignation nécessaire ou usuelle des produits en cause, ni la désignation d'une ou des caractéristiques des mêmes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QU'une marque présente un caractère descriptif lorsqu'elle constitue actuellement, aux yeux des milieux intéressés, une description d'une caractéristique des produits ou services concernés ou s'il est raisonnable d'envisager que cela soit le cas dans l'avenir ; qu'en se contentant d'affirmer que le signe « Gammascan » ne serait pas la désignation d'une ou des caractéristiques des produits en cause, sans définir le public pertinent ni rechercher, comme elle y était invitée, si, aux yeux de ce dernier, le signe « Gammascan » n'indiquait pas la destination des produits litigieux, à savoir le « scan », c'est-à-dire le contrôle, de rayons gamma, et s'il n'était ainsi pas dépourvu de caractère distinctif au regard des produits en cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle.

AUX MOTIFS PROPRES QUE « de son côté la société BERTHOLD justifie par les pièces suivantes avoir utilisé le terme <GAMMASCAN> dix ans avant la société AM2C :
- le rapport d'essais physiques établi le 26 avril 1996 par la société ASCORA sous l'intitulé <étude de sensibilité des détecteurs à scintillation plastique destinés à équiper les portiques de détection de radioactivité « GAMMASCAN LB 111 » ;
- diverses factures émises contre la société TEAM et contre <C.I.E.> au cours des années 1995 à 1998 ;
- et diverses attestations de clients ;
qu'en conséquence la société AM2C n'est pas fondée à invoquer l'antériorité de ses droits sur le signe « GAMMASCAN », ni le caractère frauduleux du dépôt de la marque éponyme par la société Berthold » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « s'agissant enfin de l'appréciation de la bonne foi de la société BERTHOLD FRANCE lors de la demande d'enregistrement, il convient de rechercher, d'une part si elle savait ou devait savoir qu'un tiers utilisait un signe identique ou similaire pour un produit similaire prêtant à confusion avec le signe enregistré comme marque, d'autre part si elle avait pour intention d'empêcher ce tiers de continuer à utiliser son signe ; qu'à cet égard, la connaissance que le demandeur à l'enregistrement pouvait avoir de l'utilisation du signe pour un produit similaire peut être présumée s'il est établi que celle-ci est ancienne. En l'espèce, en 2009, au moment de l'enregistrement de la marque, la société AM2C utilisait le signe depuis déjà trois ans pour désigner ses portiques ; qu'elle produit notamment de nombreuses factures démontrant qu'entre 2006 et 2009, elle utilisait bien ce signe auprès sa clientèle pour désigner son portique de détection de la radioactivité ; or, que la société BERTHOLD en avait nécessairement connaissance s'agissant de son concurrent direct dans un secteur économique restreint et très peu concurrentiel ; que cependant, cette connaissance ne permet pas, à elle seule, de présumer la mauvaise foi du déposant ; celle-ci suppose la démonstration par la société AM2C que la société BERTHOLD avait uniquement pour intention à la date de l'enregistrement, de l'empêcher de continuer à utiliser son signe ; que tel serait le cas notamment si le déposant avait fait enregistrer le signe à titre de marque sans intention réelle de l'utiliser ; or, qu'en l'espèce, la société BERTHOLD, non seulement démontre qu'elle a effectivement utilisé ce signe pour désigner ses propres portiques de détection de la radioactivité à compter de l'enregistrement, de sorte que sa demande d'enregistrement ne tendait pas exclusivement à empêcher la société AM2C d'utiliser ce signe, mais encore qu'elle avait déjà utilisé le vocable GAMMASCAN dans le passé à titre de marque verbale avant de solliciter son enregistrement ; qu'il résulte ainsi d'un rapport d'essais de la société ASCORA en date du 26 avril 1996 que la société BERTHOLD utilisait pour désigner le portique soumis à l'essai, le vocable GAMMASCAN ; que certes, ce document ne démontre pas la réalité de la commercialisation du produit, mais il résulte des déclarations de [K] [V], responsable d'exploitation de la société SEDE Environnement, qu'il utilisait bien un portique de détection de la radioactivité dénommé GAMMASCAN, fourni par la société BERTHOLD, qu'il a fait remplacer en 2009 par un nouveau portique Radascan LB 112 ; que tel est également le sens de l'attestation d'[M] [D] qui expose avoir remplacé à la fin des années 90, son portique de détection de la radioactivité LB111 GAMMASCAN, par un portique de la génération suivante Radascan LB 112 ; que d'autres clients ([G] [C], [W] [U], [I] [Z]) confirment également avoir fait l'acquisition, à la fin des années 90 d'un portique dénommé GAMMASCAN auprès de la société BERTHOLD ; qu'enfin, [S] [P] atteste avoir, en 1997, fabriqué des pièces pour une enveloppe de détecteur et produit, en annexe à son attestation, le plan fourni à l'époque par la société BERTHOLD, lequel porte la mention "enveloppe détecteur 3231 pour GAMMASCAN" ; que ces attestations émanent de tiers au litige, même s'ils ont été en relation d'affaire avec la société défenderesse ; qu'elles ne peuvent donc être suspectées de partialité et ne peuvent être considérées comme contredites par les seules attestations de messieurs [X] et [R] qui, outre qu'ils sont liés à la société demanderesse par des liens de droit plus étroits, attestent tout au plus ne pas avoir eu connaissance de l'utilisation du signe GAMMASCAN par la société BERTHOLD France ; que ces déclarations ne peuvent donc suffire à ôter toute valeur aux déclarations concordantes des clients de la société BERTHOLD France qui assurent, quant à eux, que le nom du portique acquis auprès de cette dernière à la fin des années 90 était bien GAMMASCAN ; qu'au demeurant, si la société BERTHOLD justifie avoir souffert d'un incendie fin 2006 et ne pas être en mesure de produire les factures relatives à cette période afin de prouver l'existence de la commercialisation d'un portique sous ce nom, elle verse aux débats, outre les attestations précitées, un bon de livraison à son en-tête datant du 29 mars 1995, portant sur un "détecteur GAMMASCAN" ainsi que la documentation remise lors de l'installation en 1998 d'un portique dans les locaux du centre de traitement des déchets d'[Localité 5], faisant référence à l'installation d'un GAMMASCAN LB 111 et une attestation de monsieur [A] gérant de la société MGW, spécialisée dans la création de brochures et qui atteste « avoir créé pour la société BERTHOLD France en 1995 plusieurs documents dont la documentation commerciale (...) GAMMASCAN LB 111 (...) reproduite à diverses reprises jusqu'en 1998 » ; qu'enfin, elle verse aux débats trois factures datées du 3 août 1995, 13 septembre 1996 et 3 novembre 1997 adressées à la société TEAM ENVIRONNEMENT démontrant qu'elle commercialisait bien, à cette époque, ses portiques sous la dénomination GAMMASCAN ; que certes, il n'est pas établi que cet usage ait été continu jusqu'en 2009, dans la mesure où aucune pièce n'établit son exploitation par la société BERTHOLD après 1999, mais l'existence de cet usage antérieur et le fait que la société BERTHOLD a effectivement exploité de nouveau la marque à compter de son enregistrement, démontrent que le dépôt n'était pas empreint de mauvaise foi ; qu'en effet, même si l'analyse du contexte dans lequel le dépôt est intervenu démontre que celui-ci était réactionnel, il n'est pas pour autant établi par les pièces produites aux débats que son but était exclusivement de parasiter ou paralyser l'activité de la société AM2C ; que la société BERTHOLD était légitime à reprendre l'exploitation du signe GAMMASCAN alors que la société AM2C n'avait pas elle-même jugé utile de le faire protéger en sollicitant son enregistrement. L'enregistrement du signe à l'INPI par les soins de la société BERTHOLD consacrait manifestement de sa part, après un usage antérieur du vocable, une volonté d'en reprendre l'exploitation tout en le protégeant afin de ne pas subir le moindre parasitisme en regard de la similarité des produits concernés ; qu'il appartenait en réalité à la société AM2C à partir de 2006, alors que le signe était disponible, de faire elle-même procéder à l'enregistrement de la marque plutôt que de se contenter d'une marque verbale par définition dépourvue de protection ; qu'au total, la société AM2C, sur laquelle pèse la charge de la preuve, échoue donc à rapporter la preuve de la mauvaise foi de la société défenderesse ; qu'au regard de l'ensemble de ces considérations, la société AM2C est mal fondée à opposer à la société BERTHOLD une quelconque antériorité ; qu'elle sera donc déboutée de sa demande d'annulation de la marque GAMMASCAN enregistrée à l'INPI le 23 mars 2009. ; qu'elle le sera également des demandes qui en sont l'accessoire, notamment de ses demandes tendant à interdire l'usage de la marque et à faire publier la décision, mais également de ses prétentions indemnitaires » ;

3°) ALORS QUE l'annulation d'un dépôt de marque, pour fraude, ne suppose pas la justification de droits antérieurs de la partie plaignante sur le signe litigieux, mais la preuve de l'existence d'intérêts sciemment méconnus par le déposant ; qu'un dépôt de marque est entaché de fraude lorsqu'il est effectué dans l'intention de priver autrui d'un signe nécessaire à son activité ; qu'en déniant tout caractère frauduleux au dépôt, par la société Berthold France, de la marque « Gammascan » le 23 mars 2009, tout en relevant elle-même que cette société, qui est le concurrent direct de la société AM2C dans un secteur économique restreint et peu concurrentiel, avait nécessairement connaissance de l'usage de ce signe, effectué par la société AM2C depuis 2006 pour désigner son portique de détection de la radioactivité, que ce dépôt était « réactionnel », et que la société Berthold France n'a pas utilisé le mot « Gammascan » entre 1999 et 2009, ce dont il résultait que la société Berthold France avait connaissance, à la date du dépôt de la marque, que la société AM2C utilisait le signe, depuis plusieurs années, pour commercialiser ses produits et que l'enregistrement de la marque « Gammascan », pour des produits dont elle a elle-même constaté la similitude ou l'identité, aurait pour effet de priver la société AM2C de cet usage, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 711-1 et L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle ensemble le principe selon lequel la fraude corrompt tout ;

4°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE la seule circonstance que le déposant puisse justifier qu'il a commencé à utiliser le signe litigieux avant le demandeur à l'action en nullité ne peut, en soi, suffire à écarter la fraude, lorsqu'il apparaît qu'à la date du dépôt, il avait cessé d'utiliser ce signe depuis un certain nombre d'années ; qu'en déduisant, par motifs propres, de la seule circonstance que la société Berthold France justifierait avoir utilisé le terme « Gammascan » dix ans avant la société A2MC, que cette dernière n'est pas fondée à invoquer le caractère frauduleux du dépôt de la marque litigieuse, effectué le 23 mars 2009, par la société Berthold France, quand elle constatait que cette dernière n'avait pas utilisé le mot « Gammascan » depuis 1999, la cour d'appel a violé les articles L. 711-1 et L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle ensemble le principe selon lequel la fraude corrompt tout ;

5°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'un dépôt de marque est entaché de fraude lorsqu'il est effectué dans l'intention de priver autrui d'un signe nécessaire à son activité ; qu'il n'est cependant pas nécessaire de démontrer que le dépôt de la marque tendrait « exclusivement » à empêcher autrui d'utiliser le signe ; qu'en exigeant la preuve que le but de la société Berthold France aurait été « exclusivement » de parasiter ou paralyser l'activité de la société AM2C, la cour d'appel a violé les articles L. 711-1 et L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle ensemble le principe selon lequel la fraude corrompt tout ;

6°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE l'absence de fraude ne peut se déduire de la seule circonstance que le déposant a ensuite exploité la marque pour commercialiser des produits ; qu'en retenant que la société Berthold France démontre qu'elle a effectivement utilisé le signe « Gammascan » pour désigner ses propres portiques de détection à compter de l'enregistrement « de sorte que sa demande d'enregistrement ne tendait pas exclusivement à empêcher la société AM2C d'utiliser ce signe », la cour d'appel a violé les articles L. 711-1 et L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle ensemble le principe selon lequel la fraude corrompt tout.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Automatique Mesure Contrôle et Conseils de sa demande tendant au prononcé de la déchéance des droits de la société Berthold France sur la marque « Gammascan » n° 3 639 719 et d'avoir, en conséquence, interdit, sous astreinte, à la société Automatique Mesure Contrôle et Conseils d'utiliser la dénomination « Gammascan » pour désigner ses portiques de contrôle de la radioactivité, enjoint à la société Automatique Mesure Contrôle et Conseils, également sous astreinte, de faire radier le nom de domaine « gammascan.fr » et condamné la société Automatique Mesure Contrôle et Conseils à payer à la société Berthold France la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QUE « le défaut d'usage de la marque « Gammascan » après son dépôt le 26 mars 2009 par la société AM2C est écarté par :
- des courriels échangés entre la société Berthold et Monsieur [W] du 22 juin au 13 juillet 2011 ;
- les procès-verbaux de constat d'huissier de justice des 15 mars et 14 décembre 2011 sur le site internet de la même société Berthold, établis à la requête de la société AM2C elle-même ;
- et les nombreuses factures précitées pour les années 2010 à 2014 ;
que c'est donc également à tort que la société AM2C soutient le défaut d'usage sérieux de la société Berthold sur sa marque « Gammascan », laquelle n'est donc pas déchue »

ALORS QUE pour échapper à la déchéance de ses droits, le propriétaire de la marque doit justifier d'un usage sérieux de celle-ci pour chacun des produits et services désignés par l'enregistrement, et visés par la demande en déchéance ; qu'en se bornant à affirmer, pour écarter la demande en déchéance présentée par la société Automatique Mesure Contrôle et Conseils, que le défaut d'usage de la marque « Gammascan » après son dépôt le 26 mars 2009, allégué par cette société, serait écarté par les courriels échangés entre la société Berthold france et M. [W] du 22 juin au 13 juillet 2011, par les procès-verbaux de constat d'huissier des 15 mars et 4 décembre 2011 sur le site internet de la société Berthold France et par des factures pour les années 2010 à 2014, sans caractériser en quoi ces documents justifiaient d'un usage sérieux de la marque « Gammascan » par la société Berthold France pour chacun des produits de la classe 9 couverts par son enregistrement et visés par la demande en déchéance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Automatique Mesure Contrôle et Conseils de sa demande tendant à voir juger que la société Berthold France s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme envers elle et de ses demandes de dommages-intérêts, de mesures de publication et d'interdiction et d'avoir, en conséquence, interdit sous astreinte, à la société Automatique Mesure Contrôle et Conseils d'utiliser la dénomination « Gammascan » pour désigner ses portiques de contrôle de la radioactivité, enjoint à la société Automatique Mesure Contrôle et Conseils, également sous astreinte, de faire radier le nom de domaine « gammascan.fr » et condamné la société Automatique Mesure Contrôle et Conseils à payer à la société Berthold France la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « la société AM2C a offert et commercialisé à plusieurs reprises au cours des années 2006 et 2007 le portique de contrôle de la radioactivité et le logiciel de supervision sous le terme « Gammascan » ; cependant le jugement a précisé à juste titre que la société Berthold n'avait pas utilisé ce mot entre 1999 et 2009, ce qui exclut toute concurrence déloyale à son détriment » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « la société AM2C sera donc déboutée de sa demande d'annulation de la marque « Gammascan » enregistrée à l'INPI le 23 mars 2009 ; qu'elle le sera également des demandes qui en sont l'accessoire, notamment de ses demandes tendant à interdire l'usage de la marque et à faire publier la décision, mais également de ses prétentions indemnitaires ; qu'en effet, faute d'obtenir l'annulation de la marque, la société AM2C ne justifie d'aucun droit opposable à la société Berthold concernant la marque « Gammascan » à compter de son enregistrement le 23 mars 2009 ; que pour la période antérieure, la société AM2C soutient elle-même dans ses écritures que la société Berthold ne démontre pas avoir effectivement exploité le signe ; qu'en tout état de cause, il a été relevé plus haut que la société Berthold avait exploité entre 1995 et 1999 un portique de détection de la radioactivité sous la dénomination « Gammascan », de sorte qu'à supposer l'exploitation démontrée après 2006, les deux sociétés utilisaient le même signe à titre de marque d'usage ; or, qu'aucune faute ne peut être reprochée de ce chef à la société Berthold dans la mesure où elle démontre une priorité d'usage en ayant personnellement exploité ce signe pendant plusieurs années à partir de 1995 ; qu'aucune concurrence déloyale ou parasitisme ne peuvent donc lui être reprochés de ce chef » ;

1°) ALORS QU'au soutien de ses demandes pour concurrence déloyale et parasitisme, la société Automatique Mesure Contrôle et Conseils incriminait, en particulier, le dépôt, par la société Berthold France, de la marque « Gammascan » et l'usage qu'elle en a fait après ce dépôt ; que la cassation du chef de l'arrêt ayant rejeté la demande d'annulation de la marque « Gammascan », qui sera prononcée sur le premier moyen, entraînera, par voie de conséquence, la cassation des chefs de l'arrêt visés par le présent moyen, et ce, par application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'en relevant, pour écarter toute faute de concurrence déloyale pendant la période antérieure au dépôt de la marque « Gammascan », « qu'aucune faute ne peut être reprochée de ce chef à la société Berthold dans la mesure où elle démontre une priorité d'usage en ayant personnellement exploité ce signe pendant plusieurs années à partir de 1995 », tout en constatant elle-même que la société Berthold France n'a pas utilisé le signe « Gammascan » entre 1999 et 2009 et que la société A2MC avait, quant à elle, commercialisé le portique de contrôle de la radioactivité et le logiciel de supervision sous le terme « Gammascan » à compter de 2006, la cour d'appel s'est déterminée par un motif impropre à exclure que la société Berthold France ait commis une faute de concurrence déloyale et/ou de parasitisme en déposant la marque « Gammascan » en 2009 et en utilisant celle-ci ensuite, et a ainsi violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil.

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