7 octobre 2009
Cour d'appel de Rennes
RG n° 08/01668

Septième Chambre

Texte de la décision

Septième Chambre





ARRÊT N°



R.G : 08/01668













SOCIETE BRETONNE D'AMENAGEMENT FONCIER ET D'ETABLISSEMENT RURAL



C/



E.A.R.L. [X] [E]-[A]

GAEC [Z] [Y]

GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE DE [Y]

M. [A] [X]

















Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours















Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 07 OCTOBRE 2009





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Madame Marie-Gabrielle LAURENT, Président,

Monsieur Patrick GARREC, Conseiller,

Madame Agnès LAFAY, Conseiller,



GREFFIER :



Madame Marie-Noëlle KARAMOUR, lors des débats, et Catherine VILLENEUVE, lors du prononcé,



DÉBATS :



A l'audience publique du 27 Mai 2009



ARRÊT :



Contradictoire, prononcé par Monsieur Patrick GARREC, Conseiller, à l'audience publique du 07 Octobre 2009, date indiquée à l'issue des débats: 09 septembre 2009







****



APPELANTE :



SOCIETE BRETONNE D'AMENAGEMENT FONCIER ET D'ETABLISSEMENT RURAL

[Adresse 5]

[Localité 2]



représentée par la SCP BAZILLE Jean-Jacques, avoués

assistée de Me Bertrand FAURE, avocat



INTIMÉS :



E.A.R.L. [X] [E]-[A]

[V]

[Localité 3]



représentée par la SCP GAUVAIN & DEMIDOFF, avoués

assistée de Me David LE BLANC, avocat





GAEC HAMON KERVERT

[Adresse 1]

[Localité 6]



représentée par la SCP JACQUELINE BREBION ET JEAN-DAVID CHAUDET, avoués

assistée de Me Daniel PRIGENT, avocat



----









GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE DE [Y]

[Y]

[Localité 6]



représentée par la SCP JACQUELINE BREBION ET JEAN-DAVID CHAUDET, avoués

assistée de Me Daniel PRIGENT, avocat





Monsieur [A] [X]

Le Poteau

[Localité 3]



représenté par la SCP GAUVAIN & DEMIDOFF, avoués

assisté de Me David LE BLANC, avocat









*************







I - CADRE DU LITIGE



A - OBJET



Action engagée par l'EARL [X] et M. [E] [A] [X], candidat à la rétrocession de deux parcelles figurant au cadastre de la commune de [Localité 6] sous les références [Cadastre 7] et [Cadastre 8] pour une superficie totale de 19 ha 45 ares 74 ca, contre la Sté SBAFER , le GAEC [Z] [Y] et le GFA de [Y], ce dernier étant attributaire des terres selon décision de rétrocession en date du 25 février 2005, tendant à voir annuler cette décision sur le fondement des articles L 143-2 et L 143-3 du Code rural, et, en conséquence, à voir annuler l'acte authentique de vente subséquent signé entre les parties assignées.



En l'état d'une décision ainsi motivée 'agrandissement , maintien du potentiel d'une exploitation agricole disposant d'une parcelle à proximité et dont le siège est non éloigné, en application de l'objectif n°2 de la loi n°62-933 du 8 août 1962 modifiée', le litige tient dans le fait que M. [E] [A] [X] et l'EARL [X] soutiennent,



- que cette motivation ne satisfait pas les exigences de la loi (article L 143-3 du Code rural) ni celles de la jurisprudence faute d'être concrète et de permettre de vérifier la conformité du choix opéré aux objectifs de la loi, faute de valoir information effective du candidat évincé au regard des dispositions de l'article R 142-4 du Code rural et, en définitive, parce que, stéréotypée, imprécise, elle se borne à reproduire le texte de la loi de 1962, par ailleurs abrogée et remplacée par la loi d'orientation agricole du 9 Juillet 1999.



- que, au fond, au regard des dispositions de l'article 3 c du Schéma Directeur Départemental des Structures Agricoles ( SDDSA) et de l'article L 352-1 du Code rural, sa candidature devait être accueillie par priorité, ressortant de ces textes que son exploitation agricole devant être amputée d'une superficie d'environ 14 ha dans le cadre de travaux publics ayant pour objet la construction d'une chaussée 2x2 voies en déviation de plusieurs communes reliées par la RN 164, il avait rang de priorité sur l'objectif évoqué par le GAEC [Z] [Y] (article 3 d) visant un agrandissement d'exploitation;



- qu'en tout état de cause l'opération, au regard des superficies en jeu après attribution des parcelles rétrocédées, devait obtenir l'aval des autorités dans le cadre du contrôle des structures en sorte que, le rétrocessionnaire ne justifiant pas avoir été autorisé à acquérir les parcelles attribuées selon les exigences et conditions fixées par l'article L 331.2 § 6 du Code rural précisant les limites de l'obligation dans le cadre des opérations diligentées par les SAFER, la décision ne peut qu'être annulée pour ce motif encore.







La Sté SBAFER, le GAEC [Z] -[Y] et le GFA de [Y], réfutant à tous égards cette argumentation, opposent



- que la motivation critiquée répond aux exigences de la loi et de la jurisprudence et que la SAFER peut viser un objectif différent au stade de la

préemption et au stade de la rétrocession en sorte qu'il lui a été en vain reproché d'avoir visé au stade de la préemption l'objectif visé à l'article L 143'2 3è du Code rural consistant à se doter de réserves foncières en vue de faciliter la mise en oeuvre d'opérations de remembrement en cours et de permettre des échanges de parcelles dans le cadre du projet routier annoncé, ce dans le respect des prescriptions des articles L 123.24 et R 123.30 du Code rural et d'avoir, au stade de la rétrocession, visé l'objectif actuellement critiqué (agrandissement d'une exploitation-Article L 143-2 2è)



- que M. [E] [A] [X] est de mauvaise foi car dès juin 2003 il avait renoncé à se porter candidat à toute rétrocession ayant pour finalité de compenser la perte annoncée de plusieurs hectares de terre à la suite de la mise en oeuvre du projet routier, ce renoncement ayant pour source le fait que, dans le cadre d'accords particuliers, il avait parallèlement obtenu un bail, consenti par M. [K] [W], lui assurant la disposition de près de 30 ha de terres ce, précisément, pour compenser la perte annoncée découlant de la résiliation du projet public de déviation.



- que pour le reste, le poursuivant soutient inexactement que sa situation particulière lui donnait un rang de priorité, le SDDS A dont il se prévaut n'étant imposé qu'aux Préfets et CDOA mais non aux SAFER lorsque les cessions concernent des parcelles isolées, opérations visées aux articles

L 331.2 et L 331.4 § 7 du Code Rural.



- qu'en tout état de cause, son argumentation, implicitement fondée sur l'article L 352-1 du Code rural en première instance, n'est pas recevable, ledit texte évoquant que la priorité est accordée aux exploitants agricoles expropriés pour cause de grands travaux dont l'exploitation a été de ce fait supprimée ou gravement déséquilibrée, ce qui n'est pas le cas en l'espèce l'amputation de 14 ha supportée par l'exploitation de l'intéressé laissant à sa disposition une superficie égale à 151 ha comprenant un élevage de 350 truies.





B - DÉCISION DISCUTEE



Jugement du Tribunal de grande instance de SAINT BRIEUC en date du 12 février 2008 qui a:



- déclaré le jugement opposable au GAEC [Z] [Y]



- déclaré recevable l'action engagée par l'EARL [X]



- prononcé l'annulation de la décision de rétrocession du 25 février 2005 portant sur les parcelles cadastrées [Cadastre 7] et [Cadastre 4] d'une superficie de 19 ha 45 ares 74 ca situées au lieu-dit 'Coathual' sur la commune de [Localité 6].



- prononcé l'annulation de l'acte de vente subséquent SBAFER-GFA de [Y].



- condamné la Sté SBAFER à verser à l'EARL [X] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile .





C - MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES



La Sté SBAFER a relevé appel du jugement par déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 7 mars 2008.



Elle a signifié, et déposé au greffe de la Cour le 6 juin 2008, ses ultimes conclusions d'appelante accompagnées d'un bordereau de pièces communiquées visant 25 documents, bordereau auquel elle a demandé de substituer un second bordereau évoquant 7 pièces complémentaires communiquées le 7 mai 2009.



M. [E] [A] [X] et l'EARL [X] ont signifié, et déposé au greffe de la Cour le 10 Septembre 2008, leurs ultimes conclusions en réplique accompagnées d'un bordereau de pièces communiquées visant 10 documents.



Le GAEC [Z] [Y] et le GFA de [Y] ont signifié,et déposé au greffe de la Cour le 5 décembre 2008, leurs conclusions d'intimés.






II - MOTIFS DE LA DECISION





Il convient liminairement de remarquer que l'appelante ne tire aucune conséquence procédurale de la déclaration signée par M. [E] [A] [X] le 16 Juin 2003 dont elle a eu connaissance par l'intermédiaire de M. [K] [W] le jour même (Pièces 22 et 23).



Dans la mesure où elle ne soutient pas que cette déclaration était de nature à rendre d'office irrecevable le dossier de candidature déposé le 22 Septembre 2004 par l'intéressé dans le cadre de la procédure de rétrocession, ce qui serait difficile à concevoir puisque ce dossier a été soumis, comme les autres, à l'examen de son Comité technique du 30 Septembre 2004, lequel n'a pas retenu expressément cette circonstance, non évoquée, pour justifier le choix qu'elle a fait d'attribuer les parcelles disputées au GFA de [Y], cette déclaration sera prise en considération à l'occasion de l'examen des arguments de fond soutenus par les parties pour autant qu'elle est susceptible d'influencer le sens de la décision.

En effet, M. [E] [A] [X], candidat évincé dans ces conditions, ne peut qu'être recevable en son action d'autant que l'appelante ne lui oppose pas non plus que sa déclaration du 16 Juin 2003 aurait la portée d'une renonciation à l'action que lui ouvre l'article L 143-14 du Code rural en sa qualité d'acquéreur évincé.



1. Sur la motivation de la décision de rétrocession



Les moyens et arguments développés par M. [E] [A] [X] et l'EARL [X] sont , sur ce plan, inopérants et le Premier Juge a, d'ailleurs, très complètement répondu aux objections formulées par les intimés.



Etant fait renvoi à cette motivation, adoptée, il est seulement ajouté,



- que la référence faite par la décision du 25 février 2005 à une 'exploitation agricole voisine' suffit à concrétiser celle-ci dès lors que l'identité du rétrocessionnaire est complètement déclinée dans l'acte de notification;



- que cette désignation permet en effet de vérifier les qualités et aptitudes de l'exploitant auquel les parcelles ont été rétrocédées à bénéficier de cet avantage dans un contexte local où l'anonymat des situations en concurrence est peu vraisemblable;



- que la motivation ainsi rendue concrète n'est, contrairement à ce que plaide M. [E] [A] [X], nullement stéréotypée, même si elle est laconique, qualité qui ne peut être sanctionnée en l'absence de définition légale de la notion même de 'motivation';



- que, par ailleurs, le rétrocessionnaire s'étant installé récemment, au cours de l'année 2003, il était aisé de vérifier qu'il s'agissait bien de satisfaire l'un des objectifs légaux (objectif 2 visé par l'article L 143-2 du Code rural: agrandissement);



- qu'enfin, la référence faite à la loi de 1962, irrégularité formelle n'empêchant nullement l'acquéreur évincé d'analyser les mérites de la décision au regard de la loi nouvelle (Loi du 9 Juillet 1999 et Loi du 11 décembre 1992) n'est pas de nature à emporter la nullité de la décision,



M. [E] [A] [X] s'abstenant de dénoncer le tort qu'a pu lui causer la mention de cette référence inexacte.



2. Sur la priorité et le respect du contrôle des structures



La première source de divergence entre les parties n'a pas lieu d'être appréhendée et il est également sans intérêt de rechercher si l'appelante avait de bons motifs de privilégier le GFA de [Y] au regard de la déclaration passée par M. [E] [A] [X] le 16 Juin 2003.



En effet, serait-il admis, en particulier, que M. [E] [A] [X] ne pouvait bénéficier d'un quelconque rang de priorité, il ressort de l'article

L 331-2 du Code rural en sa rédaction issue de la loi d'orientation agricole du 9 Juillet 1999 que '... 6è les opérations réalisées par une société d'aménagement foncier et d'établissement rural ayant pour conséquence...l'agrandissement, par attribution d'un bien préempté par la société d'aménagement foncier et d'établissement rural, d'une exploitation dont la surface après cette cession excède deux fois l'unité de référence définie à l'article L 312.5, sont soumises à autorisation dans les conditions de droit commun. Les autres opérations réalisées par ces sociétés font l'objet d'une simple information du Préfet du département où est situé le fonds'.



Or, les pièces versées aux débats par M. [E] [A] [X] établissent , ce que l'appelante ne conteste nullement aux termes de ses écritures: que dans le domaine de la polyculture et de l'élevage, l'unité de référence était fixée à 36 ha au cours de l'année 2004 (document édité par la Chambre d'Agriculture 22 en octobre 2000 et arrêté préfectoral du 18 Juillet 2000 portant, en application de la Loi du 9 Juillet 1999, règlement d'exécution du Schéma Directeur Départemental des Structures Agricoles : ' article 4, unité de référence: En application de l'article L 312-5 du Code rural l'UNITE DE REFERENCE est fixée à 36 hectares en polyculture élevage pour toutes les régions naturelles du département'.)



Le seuil imposé par l'article L 331-2 du Code rural imposant la recherche et délivrance d'une autorisation d'exploiter était donc égal à 72 ha (2xUR): la surface de l'exploitation du GFA de [Y] avant rétrocession étant de 117 ha 71 ( déclaration de candidature), dont 34 ha en propriété, et passant à ( 117 ha 71 ares + 19 ha 45 ares 74 ca) 137 ha 16 ares 74 ca après rétrocession, sans tenir compte des correctifs visés à l'alinéa 2 de l'article 4 de l'arrêté préfectoral susvisé, M. [E] [A] [X] évoque à bon droit que l'opération considérée appelait une autorisation du contrôle des structures.



Il convient, au demeurant, de noter que l'appelante ne contredit pas dans ses dernières écritures cette assertion et se borne, hors du contexte de cette discussion en fait, à citer un arrêt de cette Cour du 22 Janvier 2003 dont elle reproduit un extrait qui, manifestement, renvoie au cadre légal applicable à une opération menée à terme dans le cadre de la réglementation en vigueur





avant promulgation de la loi d'orientation agricole du 9 Juillet 1999 (Loi du 1er Février 1995).



L'article L 331-4 du Code rural visé dans cet extrait d'arrêt soumettait effectivement à une simple déclaration préalable (§ 7è) '...les cessions d'immeubles opérées par une société d'aménagement foncier et d'établissement rural lorsqu'elle relèvent de la procédure définie aux articles L 331-2 et L 331-3 [textes eux-mêmes vierges de toute allusion aux opérations menées par les SAFER au contraire de l'actuel article L 331-2 6è qui, en sa rédaction nouvelle régissant le litige, a absorbé l'incidente figurant autrefois dans l'ancien article L 331-4-7è], sauf en cas de suppression d'une unité économique indépendante dont la superficie est égale ou supérieure au seuil défini au a) du 2è de l'article L 331-3".



L'arrêt du 22 janvier 2003 cité par l'appelante ne constituant pas un précédent pertinent et l'appelante ne discutant, par ailleurs, ni la validité de l'analyse de M. [E] [A] [X], ni le fait que la rétrocession opérée en février 2005 n'a pas donné lieu à une demande d'autorisation préalable, c'est à bon droit que ce dernier poursuit l'annulation de la décision du 25 février

2005.



Il est noté, par ailleurs, que le GFA de [Y] ne prétend pas lui-même avoir sollicité une quelconque autorisation et qu'il n'est pas non plus allégué par la Société SBAFER aux termes de ses écritures, soit dans le cadre d'une discussion totalement contradictoire, que la pièce 32 (Autorisation d'exploiter délivrée à M. [Z] le 25 mars 2003 et certificat administratif du 7 mai 2009) par elle communiquée vaudrait, par anticipation, autorisation d'exploiter les parcelles rétrocédées en 2004, sous convention d'occupation précaire en 2003.



Pour ces motifs, il convient de confirmer le jugement déféré sans entrer dans les méandres de la défense exposée par l'appelante qui ne peut faire obstacle au moyen ci-dessus développé par M. [E] [A] [X] auquel elle n'a pas répliqué officiellement, sans entrer non plus dans la discussion du bien fondé de la thèse de M. [E] [A] [X] visant à faire

juger, ce qui est inutile en l'état, qu'il aurait été un candidat prioritaire en 2004, et sans plus s'attarder enfin sur la portée de la déclaration du 16 Juin 2003 qui ne peut sur aucun plan exercer une influence sur la solution du litige.



Il n'apparaît pas inéquitable que la Sté SBAFER, l'EARL [X], M. [E] [A] [X], le GAEC [Z] [Y] et le GFA de [Y] conservent à leur charge les frais irrépétibles issus de l'appel:

ils sont donc déboutés de leurs prétentions respectives fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile et le jugement est confirmé en ce qu'il en ressort qu'il est alloué de ce chef une indemnité de 1 500 € à l'EARL [X].





III - DECISION



La Cour,



- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.



- Déboute la Société SBAFER, l'EARL [X], M. [E] [A] [X], le GAEC [Z] [Y] et le GFA de [Y] de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile et sur l'allégation de frais irrépétibles exposés au cours de la procédure d'appel.



- Condamne la Société SBAFER aux dépens d'appel; autorise les S.C.P. d'avoués GAUVAIN-DEMIDOFF; J. [L] à les recouvrer par application de l'article 699 du Code de procédure civile.



Le Greffier, Le Président,

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