13 octobre 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-23.784

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:CO00689

Texte de la décision

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 octobre 2021




Cassation partielle


Mme MOUILLARD, président



Arrêt n° 689 F-D

Pourvoi n° V 19-23.784









R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 13 OCTOBRE 2021

La société Laboratoires Auvex, société par actions simplifiée à associé unique, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° V 19-23.784 contre l'arrêt rendu le 23 octobre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Sabaviam, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à la société Laboratoires Novodex Pharma, société à responsabilité limitée,

3°/ à la société N2P Distribution, société à responsabilité limitée,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Mollard, conseiller, les observations de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de la société Laboratoires Auvex, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat des sociétés Sabaviam, Laboratoires Novodex Pharma et N2P Distribution, et l'avis de Mme Gueguen, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 6 juillet 2021 où étaient présents Mme Mouillard, président, M. Mollard, conseiller rapporteur, M. Guérin, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 octobre 2018), la société Laboratoires Auvex (la société Auvex), venant aux droits de la société Aspilabo, est titulaire de la marque semi-figurative française « Aspivenin », déposée le 30 janvier 1984 sous le numéro 1259051, renouvelée depuis et valable jusqu'au 30 janvier 2024, pour désigner notamment, en classe 10, les produits « pompes d'hygiène médicale à aspirer le venin », ainsi que de la marque semi-figurative communautaire « Aspivenin », déposée le 1er avril 1996 sous le numéro 72710 et valable jusqu'au 1er avril 2016, pour désigner, en classe 10, les produits « pompes à usage médical ».

2. Ayant été assignées par la société Aspilabo en contrefaçon des marques française et communautaire « Aspivenin », les sociétés Laboratoires Novodex Pharma (la société Novodex), Sabaviam et N2P Distribution (la société N2P) ont demandé reconventionnellement l'annulation de ces marques.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexé


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

4. La société Auvex fait grief à l'arrêt, confirmant le jugement entrepris, d'annuler pour défaut de distinctivité les marques n° 1259051 et n° 72710, dont elle est titulaire, désignant les produits de pompes d'hygiène médicale à aspirer le venin, alors :

« 3°/ qu'une marque qui, lors de son enregistrement, est dépourvue de caractère distinctif en ce qu'elle indique la qualité essentielle du produit désigné, peut acquérir un caractère distinctif par l'usage qui en a été fait après son enregistrement ; qu'en l'espèce, la société Laboratoires Auvex faisait valoir, pièces à l'appui, que la marque française semi-figurative "Aspivenin" avait acquis un caractère distinctif par l'usage qui en avait été fait après son dépôt ; qu'en retenant que "l'acquisition du caractère distinctif par l'usage au jour du dépôt de la marque (30 janvier 1984)" n'était pas établie, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la marque n'avait pas acquis un caractère distinctif par l'usage qui en avait été fait après son enregistrement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 quinquies C de la Convention de Paris du 20 mars 1883 pour la protection de la propriété industrielle et de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle ;

4°/ que la société Laboratoires Auvex faisait valoir, pièces à l'appui, que la marque communautaire semi-figurative "Aspivenin" avait acquis un caractère distinctif par l'usage qui en avait été fait après son dépôt ; qu'en retenant que les pièces comportant une date certaine antérieure à avril 1996, produites par la société Laboratoires Auvex, "ne suffisent pas à établir un usage continu, intense et de longue durée du signe constituant la marque communautaire 'ASPIVENIN' au jour du dépôt (1er avril 1996)", sans rechercher, comme elle y était invitée, si la marque n'avait pas acquis un caractère distinctif par l'usage qui en avait été fait après son enregistrement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 7, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 40/94 du 20 décembre 1993, devenu l'article 7, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. Les sociétés Novodex, Sabaviam et N2P soutiennent que le moyen est irrecevable comme nouveau et mélangé de fait et de droit, voire comme contraire à la thèse soutenue en appel, au motif que la société Auvex avait exposé, dans ses conclusions d'appel, que la validité de ses marques devait s'apprécier à la date de leur dépôt et selon la loi ou le règlement communautaire en vigueur à cette époque.

6. Cependant, la société Auvex ayant soutenu, dans ses écritures d'appel, que l'usage et la notoriété dont, selon elle, la marque française « Aspivenin » jouissait déjà au moment de son dépôt, en 1984, n'avaient fait que s'accroître par la suite « jusqu'à aujourd'hui », et que cette marque étant distinctive tant en elle-même qu'en raison de son usage et de sa notoriété, elle était valable sous l'empire de la loi ancienne comme sous celui de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, le moyen par lequel elle soutient que la cour d'appel aurait dû apprécier si cette marque avait acquis un caractère distinctif par l'usage qui en avait été fait depuis son dépôt n'est ni nouveau ni contraire à la thèse soutenue en appel.

7. De même, la société Auvex ayant soutenu, dans ses écritures d'appel, que l'usage et la notoriété dont, selon elle, la marque communautaire « Aspivenin » jouissait déjà au moment de son dépôt, en 1996, s'étaient encore développés « par la suite » et ayant invité la cour d'appel à constater que cette marque avait acquis, en tout état de cause, un caractère distinctif par l'usage notoire qui en avait été fait « avant comme après le dépôt de la marque communautaire en 1996 », le moyen par lequel elle soutient que la cour d'appel aurait dû apprécier si ladite marque avait acquis un caractère distinctif par l'usage qui en avait été fait depuis son dépôt n'est ni nouveau ni contraire à la thèse soutenue en appel.

8. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 6 quinquies, C, de la Convention de [Localité 3] du 20 mars 1883 pour la protection de la propriété industrielle, modifiée le 28 septembre 1979, et L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, ainsi que l'article 52, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire :

9. Il résulte du premier de ces textes qu'une marque qui, à la date de son dépôt, était dépourvue de caractère distinctif, ne peut être annulée si, depuis cette date, elle a acquis, par l'effet de la durée de son usage, le caractère distinctif qui lui faisait défaut. Selon le deuxième, n'est pas déclarée nulle une marque enregistrée lorsque le caractère distinctif a été acquis après son enregistrement. Tel est le cas lorsqu'une marque enregistrée en application de la loi n° 64-1360 du 31 décembre 1964 a acquis un caractère distinctif postérieurement à l'entrée en vigueur, le 28 décembre 1991, de la loi n° 91-7 du 4 janvier 1991.

10. Aux termes du troisième texte, lorsque la marque communautaire a été enregistrée alors qu'elle était dépourvue de caractère distinctif, elle ne peut toutefois être déclarée nulle si, par l'usage qui en a été fait, elle a acquis après son enregistrement un caractère distinctif pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée.

11. Pour confirmer le jugement entrepris en ce qu'il avait annulé les marques française et communautaire « Aspivenin » pour les produits « pompes d'hygiène médicale à aspirer le venin », l'arrêt retient que ces marques n'avaient pas, au moment de leurs dépôts respectifs, acquis un caractère distinctif par l'usage qui en avait été fait.

12. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ces marques n'avaient pas acquis un caractère distinctif par l'usage qui en avait été fait depuis leurs dépôts respectifs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement entrepris, il annule pour défaut de distinctivité la marque nationale n° 1259051 et la marque communautaire n° 72710, dont la société Laboratoires Auvex est titulaire, désignant les produits de pompes d'hygiène médicale à aspirer le venin, l'arrêt rendu le 23 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne les sociétés Laboratoires Novodex Pharma, Sabaviam et N2P Distribution aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Laboratoires Novodex Pharma, Sabaviam et N2P Distribution et les condamne à payer à la société Laboratoires Auvex la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour la société Laboratoires Auvex.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, confirmant le jugement entrepris, annulé pour défaut de distinctivité les marques n° 1259051 et n° 72710 dont la société Laboratoires Auvex est titulaire désignant les produits de pompe d'hygiène médicale à aspirer le venin ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur la nullité des marques « ASPIVENIN » n° 1259051 et n° 72710

Que la société Laboratoires Auvex soutient que, tant en application des textes applicables à l'époque des dépôts - la loi du 31 décembre 1964 pour la marque française et le Règlement CE 40/94 pour la marque communautaire - qu'en application de la loi actuelle, ni la marque n° 1259051 ni la marque n° 72710 n'encourent la nullité ; qu'elle fait valoir que le terme ASPIVENIN, pur néologisme, totalement arbitraire et original, ne peut être considéré, à l'époque du dépôt de la marque française (janvier 1984), comme la désignation nécessaire et générique du produit ou indiquant exclusivement la qualité essentielle de ce produit, la notion de fonction du produit auquel le jugement fait référence étant étrangère à l'article 3 de la loi du 31 décembre 1964 qui fait référence aux seules qualités essentielles du produit ; qu'elle observe que même si les termes « ASPI » et « VENIN », pris indépendamment, font référence d'une part à l'aspiration et d'autre part au venin, l'association des deux en un terme nouveau est originale et se distingue aisément de la stricte évocation de la fonction du produit, à l'instar de marques concurrentes (« VENIPUMP », « VENISTOP ») ; qu'elle soutient qu'en tout état de cause, le terme ASPIVENIN avait acquis un caractère distinctif très fort par l'usage qui en avait été fait et par la notoriété, acquise déjà à l'époque de son dépôt, du fait de l'obtention de divers prix et diplômes (diplôme du 11ème Salon International des inventions et des techniques nouvelles de [Localité 1] en 1982, concours [P] de 1983...), arguant que les pièces qu'elle produit, seraient-elles postérieures à la date du dépôt, témoignent d'une notoriété bien antérieure ; qu'elle ajoute que pour la marque communautaire n° 72710 déposée en avril 1996, l'acquisition par l'usage et la notoriété d'un caractère distinctif certain est incontestable du fait du dépôt de la marque française en 1984, de la large diffusion du produit sous cette marque tant sur le territoire national que sur le territoire européen et de la grande notoriété qui s'en est suivie ;

Que les sociétés intimées objectent que les marques « ASPIVENIN » sont dépourvues de caractère distinctif au regard des produits couverts, qu'elles n'ont pas acquis de caractère distinctif par l'usage, la notoriété alléguée étant inexistante avant 1984, année de dépôt de la marque française, et insuffisamment établie à la date de dépôt de la marque communautaire en 1996 au vu des pièces versées aux débats par l'appelante et que le signe « ASPIVENIN » n'est pas apte à assurer la fonction d'identification d'origine de la marque, étant couramment employé comme nom commun par le public ;

Que la validité d'une marque, notamment au regard de son caractère distinctif, doit s'apprécier à la date de son dépôt et selon la loi en vigueur à cette époque ;

Qu'en l'espèce, la loi applicable à la marque française déposée le 30 janvier 1984 est la loi n° 64-1360 du 31 décembre 1964 sur les marques de fabrique, de commerce ou de service et celle applicable à la marque communautaire déposée le 1er avril 1996 est le Règlement CE 40/94 sur la marque communautaire ;

Sur le caractère distinctif intrinsèque des marques à la date de leur dépôt

Qu'aux termes de l'article 3 de la loi n° 64-1360 du 31 décembre 1964 :
« Ne peuvent, en outre, être considérées comme marque :
Celles qui sont constituées exclusivement de la désignation nécessaire et générique du produit et du service ou qui comportent des indications propres à tromper le public ;
Celles qui sont composées exclusivement de termes indiquant la qualité essentielle du produit ou du service, ou de la composition du produit » ;

Qu'il résulte de ces dispositions qu'il est nécessaire pour qu'un signe soit considéré comme distinctif qu'il ait un caractère arbitraire et qu'il soit apte à remplir la fonction essentielle de la marque, c'est à dire qu'il puisse être appréhendé par le consommateur comme une indication de l'origine des produits et services qu'il désigne, ce que rappelle d'ailleurs l'article 1 de la loi n° 64-1360 du 31 décembre 1964 qui définit les marques comme « en général, tous signes matériels servant à distinguer les produits, objets ou services d'une entreprise quelconque » ;

Que l'article 7 du Règlement CE 40/94 prévoit que :
« 1. Sont refusés à l'enregistrement :
b) Les signes qui sont dépourvus de caractère distinctif ;
c) Les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l'époque de la production du produit ou de la prestation de service, ou d'autres caractéristiques de ceux-ci ;
d) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce » ;

Qu'en l'espèce, si les deux marques en cause sont des marques semi-figuratives, l'aspect figuratif, constitué par la police particulière adoptée pour le libellé du terme ASPIVENIN, est très faible et le contenu verbal des marques est dominant, ce qui n'est pas contesté par la société Laboratoires Auvex ;

Que le terme ASPIVENIN est composé de la combinaison des termes « aspi », qui est la contraction du verbe aspirer, et « venin » ; que cette combinaison se comprend immédiatement, comme décrivant la qualité essentielle du produit désigné par ce terme qui est une pompe destinée à aspirer le venin ; que contrairement à ce qu'affirme la société appelante, cette évocation immédiate de la qualité essentielle du produit existait dès 1984 et la circonstance que la combinaison examinée constitue un néologisme est sans emport, n'ayant pas pour effet de faire disparaître cette évidente évocation ;

Que pour le public pertinent, composé des professionnels de la santé et des utilisateurs du dispositif médical concerné, français et francophones, le mot « aspivenin » signifie nécessairement et du seul fait de sa structure un produit servant à aspirer le venin ; qu'il suit que le signe n'est pas apte à permettre au consommateur pertinent moyennement avisé de distinguer le produit désigné de celui d'entreprises concurrentes et n'est donc pas apte à remplir la fonction essentielle de la marque qui est de constituer une indication de l'origine du produit ;

Que le tribunal a donc jugé à juste raison que les signes « ASPIVENIN » déposés sous les numéros 1259051 et 72710 sont dépourvus de distinctivité intrinsèque au regard des produits qu'ils désignent ;

Sur l'acquisition du caractère distinctif par l'usage au moment du dépôt

Que la société appelante invoque l'article L. 711-2 in fine du code de la propriété intellectuelle selon lequel :
« Le caractère distinctif peu, sauf dans le cas prévu au c, être acquis par l'usage »
et l'article 7 (in fine, paragraphe 3) du Règlement CE 40/94 qui prévoit :
« 1. Sont refusés à l'enregistrement : (...)
b) Les signes qui sont dépourvus de caractère distinctif ;
c) Les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l'époque de la production du produit ou de la prestation de service, ou d'autres caractéristiques de ceux-ci ;
d) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce.
(...)
3. Le paragraphe 1 points b), c) et d) n'est pas applicable si la marque a acquis pour les produits ou services pour lesquels est demandé l'enregistrement un caractère distinctif après l'usage qui en a été fait » ;

Que l'acquisition du caractère distinctif par l'usage suppose un usage continu, intense et de longue durée du signe constituant la marque ;

En ce qui concerne la marque française, en admettant que l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, issu de la loi n° 91-7 du 4 janvier 1991 lui soit applicable, les pièces produites par la société Laboratoires Auvex ne sont pas de nature, ainsi qu'en a jugé le tribunal, par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte, à établir l'acquisition du caractère distinctif par l'usage au jour du dépôt de la marque (30 janvier 1984), s'agissant de prix ou de diplômes mentionnant l'Aspivenin comme un nom commun (pièces 1.1 et 1.15 bis) ou d'articles de presse postérieurs à janvier 1984 (pièces 1.14 et 1.14 bis) ; qu'il sera ajouté que la volumineuse pièce 1.13, constituée de courriers, messages ou articles de presse montrant que la société Aspilabo s'est efforcée de lutter contre l'utilisation du terme ASPIVENIN comme un nom commun est inopérante, ne faisant que confirmer l'existence et l'importance d'une telle utilisation ;

Qu'en ce qui concerne la marque communautaire, la société appelante, outre les pièces précitées, invoque spécialement trois articles de presse parus en juillet 1989 dans la presse régionale des pays de Loire (insérés dans sa pièce 1.14 bis), relatifs à la participation d'un équipage féminin ASPIVENIN lors que la quatrième édition de la course à la voile [Localité 2], qui ne suffisent pas à démontrer, eu égard à l'audience limitée tant des articles que de l'événement sportif concerné, l'existence d'un usage susceptible de conférer à la marque la distinctivité alléguée ; que les autres articles de presse produits comportant une date certaine antérieure à avril 1996, à savoir : « SOS Piqûres » dans L'infirmière magazine (juillet/août1990), un article consacré à l'Aspivenin dans Le Trébuchet (à destination des pharmaciens) (juin 1991), un article consacré à [D] [Z], « père d'Aspivenin » dans Hommes et entreprises (janvier 1986), un court article « Gare aux bobos » dans le numéro de Télé Loisirs de juin 1986, indiquant qu'outre un autre produit, on trouve également « Aspivenin » en pharmacie, « Une guêpe ! Ouf, merci Aspivenin » dans Ça m'intéresse d'août 1996, un article « En cas de pépin » paru dans L'Evénement du jeudi de janvier 1995 comprenant 4 lignes concernant le produit « Aspi Venin » (en deux mots) pour décrire le contenu du coffret et indiquer son prix, « Les frelons piquent 20 000 personnes et en tuent vingt chaque année » dans France Soir (août 1983) dont le dernier paragraphe indique qu' « un laboratoire a mis au point cette année une « mini-pompe aspi-venin », applicable en cas de morsure de serpent, comme de piqûre d'insecte (...) » ne suffisent pas à établir un usage continu, intense et de longue durée du signe constituant la marque communautaire « ASPIVENIN » au jour du dépôt (1er avril 1996) ;

Qu'en conséquence, les marques française n° 1259051 et communautaire n° 72710 « ASPIVENIN » désignant les pompes médicales à venin doivent être annulées pour défaut de caractère distinctif ; que le jugement sera confirmé de ces chefs » (cf. arrêt p. 10 à 13) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Sur la nullité des marques ASPIVENIN n°1259051 et n°72710

Selon la défense, ces marques ASPIVENIN sont dépourvues de distinctivité au regard des produits « pompes à usage médical » et ne sont donc pas aptes à assurer la fonction de garantie d'origine d'une pompe à venin.

Il est répliqué en demande qu'à l'époque des dépôts de ces marques et au regard des textes en vigueur soit la loi du 31 décembre 1964 pour la marque française et du Règlement CE 40/94 applicable en 1996, l'association des deux mots « ASPI » et « VENIN » est nouvelle et originale et a un caractère distinctif en soit, que ce pur néologisme ne peut être considéré comme la désignation nécessaire et générique du produit. Les demandeurs font valoir que sous l'empire de la loi de 1964 les marques qui ne sont pas distinctives sont celles qui sont constituées exclusivement de la désignation nécessaire et générique du produit.
En outre, les demandeurs font valoir que ce terme « ASPIVENIN »
avait acquis par l'usage un caractère distinctif du fait de la notoriété du produit existant déjà à l'époque des dépôts. Il est ainsi fait remarquer que l'inventeur de ce produit avait remporté le concours [P] dès 1983 et reçu diverses médailles pour son invention.

SUR CE ;

Les marques dont la validité est critiquée ont été déposées en janvier 1984 pour la marque française et en janvier 1996 pour la marque communautaire.
La validité du droit attaché à une marque s'apprécie à la date à laquelle est né ce droit selon la loi applicable à cette date conformément aux dispositions de l'article 2 du Code civil.

Sur le caractère distinctif intrinsèque à la date du dépôt :

Pour la marque française, il convient d'appliquer l'article 3 de la loi n° 64-1360 du 31 décembre 1964 selon lequel :
« Ne peuvent, en outre, être considérées comme marque :
Celles qui sont constituées exclusivement de la désignation nécessaire et générique du produit et du service ou qui comportent des indications propres à tromper le public ;
Celles qui sont composées exclusivement de termes indiquant la qualité essentielle du produit ou du service, ou de la composition du produit ».
Or, contrairement à ce que prétendent les demandeurs, cet article ne définit pas le caractère distinctif d'une marque mais énumère les signes qui ne peuvent en aucun cas être considéré comme distinctif.

Sous l'empire de la loi du 31 décembre 1964 comme sous celui des articles L. 711-2 et L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle, pour qu'un signe soit considéré comme distinctif il est nécessaire qu'il ait un caractère arbitraire.
De la même façon et ce quelle que soit la loi applicable, pour qu'un signe soit distinctif, il doit remplir la fonction essentielle de la marque, c'est-à-dire qu'il doit pouvoir être appréhendé par le consommateur comme une indication d'origine du produit ce que rappelle d'ailleurs l'article 1 de la loi du 31 décembre 1964 en définissant les marques comme « en général, tous signes matériels servant à distinguer les produits, objets ou services d'une entreprise quelconque ».

La fonction de la marque n'a pas varié de la loi du 31 décembre 1964 à celle du 4 janvier 1991 codifiée au sein du code de la propriété intellectuelle.

Il s'agit de permettre au public visé d'individualiser les produits ou services du titulaire de la marque par rapport à ceux ayant une autre origine commerciale et de savoir que tous les produits ou services désignés par la marque ont été fabriqués sous le contrôle du titulaire de cette marque.

En conséquence, la distinctivité du signe ne s'apprécie pas, même sous l'empire de la loi du 31 décembre 1964, qu'au regard de son caractère arbitraire mais également après une analyse de la capacité du signe à remplir la fonction qui lui est assignée pour les produits visés et au regard du public pertinent.

Pour la marque communautaire, il convient d'appliquer l'article 7 du règlement CE 40/94 selon lequel :
« 1. Sont refusés à l'enregistrement :
b) Les signes qui sont dépourvus de caractère distinctif ;
c) Les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l'époque de la production du produit ou de la prestation de service, ou d'autres caractéristiques de ceux-ci ;
d) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce ».

En l'espèce, il s'agit de deux marques semi-figuratives du fait que le terme verbal a été déposé dans une police particulière, cependant, le seul choix d'une police particulière ne peut donner au signe un caractère distinctif, l'aspect figuratif est donc en l'espèce très faible.

Le terme verbal « ASPIVENIN » est dominant.
Il s'agit d'un néologisme composé de la contraction du terme « aspirer » et du terme « venin » ; or, « aspirer le venin » est la description de la qualité essentielle du produit désigné qui est la pompe à venin.
Ainsi, pour le public français et pour une partie pertinente du marché communautaire c'est-à-dire les consommateurs francophones, le mot « aspivenin », même s'il s'agit d'un mot nouveau, signifie nécessairement et du seul fait de sa structure un produit servant à aspirer le venin. Ce signe n'est donc pas apte à remplir la fonction essentielle de la marque qui est l'indication de l'origine du produit.

Les signes « aspivenin » tels qu'ils ont été déposés comme marques sous les n° 1259051 et n° 825497 sont donc dépourvus de distinctivité intrinsèque au regard du produit qu'ils désignent.

L'acquisition du caractère distinctif par l'usage au moment du dépôt :

Les demandeurs invoquent l'article L. 711-2 in fine du code de la propriété intellectuelle et les dispositions de l'article 7 in fine du Règlement CE 40/94 pour prétendre à l'acquisition du caractère distinctif par l'usage au moment du dépôt des deux marques semi-figuratives « ASPIVENIN ».
Pour justifier de la notoriété du signe « aspivenin », les demandeurs font valoir que l'inventeur du produit vendu sous cette marque avait déjà reçu, à la date du dépôt des marques, des récompenses prestigieuses comme celle du concours [P] 1983. Cependant, le terme « aspivenin » est employé non à usage de marque pour indiquer l'origine du produit mais comme un nom commun permettant de désigner les fonctions du produit. Ainsi les inventions ayant remporté le concours [P] les années suivantes sont désignées ainsi : « bras hydraulique pour transfert de fonds » ou « escalier escamotable » (114 ans d'inventions Concours [P] : pièce 1-15 en demande).

Les articles de presse mentionnant le produit sous le nom « aspivenin » dont la date de parution est certaine sont tous postérieurs à janvier 1984, date du dépôt de la marque française.

La production de quelques publicités pour ASPIVENIN ou articles mentionnant le produit sous le nom d' « aspivenin » ou « aspi-venin »
parus dans la presse locale ou nationale en France entre 1984 et 1996 n°72710 ne suffit pas à démontrer que ce signe était suffisamment connu par le public français et les consommateurs francophones, c'est à dire une part pertinente du marché communautaire, pour justifier d'une acquisition du caractère distinctif par l'usage au jour du dépôt de la marque communautaire (pièces 1-14 à 1-15 bis en demande).

Les marques n° 1259051 et n° 72710 dont la société Laboratoires Auvex est titulaire pour les produits de pompe à venin seront donc annulées pour défaut de distinctivité » (cf. jugement p. 9 à 11) ;

1°/ ALORS QU'en application de l'article 3 de la loi n° 64-1360 du 31 décembre 1964, ne peuvent être considérées comme marques « celles qui sont composées exclusivement de termes indiquant la qualité essentielle du produit ou du service ou la composition du produit »; qu'en retenant en l'espèce que la marque semi-figurative française ASPIVENIN déposée le 30 janvier 1984 n'était pas apte intrinsèquement à constituer une marque dès lors que « son aspect figuratif » tenant à la police particulière adoptée pour le libellé du terme ASPIVENIN « est très faible » et que le terme ASPIVENIN, « composé de la combinaison des termes « aspi », qui est la contraction du verbe aspirer, et « venin », (…) se comprend immédiatement, comme décrivant la qualité essentielle du produit désigné par ce terme qui est une pompe destinée à aspirer le venin dont il est l' « immédiate » et « évidente évocation » », tout en constatant que la marque n'est pas exclusivement constituée par ce terme, mais également par un aspect figuratif tenant à l'emploi d'une police particulière qui, même s'il est « très faible », n'est pas inexistant et que le terme ASPIVENIN est un « mot nouveau » et un « néologisme » qui, même s'il le fait de façon « immédiate » et « évidente », ne fait qu'évoquer la qualité essentielle du produit désigné dont il n'est pas par ailleurs constaté qu'il serait usuellement et couramment désigné par ce terme au jour du dépôt de la marque, la cour d'appel a violé l'article 3 précité de la loi n° 64-1360 du 31 décembre 1964 ;

2°/ ALORS QU'en retenant, pour les mêmes motifs, que la marque semi-figurative communautaire ASPIVENIN déposée le 1er avril 1996 était descriptive et n'était pas apte à constituer une marque, la cour d'appel a violé l'article 7 du Règlement (CE) n° 40/94 du 20 décembre 1993 ;

3°/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'une marque qui, lors de son enregistrement, est dépourvue de caractère distinctif en ce qu'elle indique la qualité essentielle du produit désigné, peut acquérir un caractère distinctif par l'usage qui en a été fait après son enregistrement ; qu'en l'espèce, la société Laboratoires Auvex faisait valoir, pièces à l'appui, que la marque française semi-figurative ASPIVENIN avait acquis un caractère distinctif par l'usage qui en avait été fait après son dépôt (cf. conclusions p. 18 § 1 et 2 et p. 20 § 1 à 3) ; qu'en retenant que « l'acquisition du caractère distinctif par l'usage au jour du dépôt de la marque (30 janvier 1984) » n'était pas établie, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la marque n'avait pas acquis un caractère distinctif par l'usage qui en avait été fait après son enregistrement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 quinquies C de la Convention de Paris du 20 mars 1883 pour la protection de la propriété industrielle et de l'article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle ;

4°/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE la société Laboratoires Auvex faisait valoir, pièces à l'appui, que la marque communautaire semi-figurative ASPIVENIN avait acquis un caractère distinctif par l'usage qui en avait été fait après son dépôt (cf. conclusions p. 20 § 1 à 3) ; qu'en retenant que les pièces comportant une date certaine antérieure à avril 1996, produites par la société Laboratoires Auvex, « ne suffisent pas à établir un usage continu, intense et de longue durée du signe constituant la marque communautaire « ASPIVENIN » au jour du dépôt (1er avril 1996) », sans rechercher, comme elle y était invitée, si la marque n'avait pas acquis un caractère distinctif par l'usage qui en avait été fait après son enregistrement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 7 § 3 du Règlement (CE) n° 40/94 du 20 décembre 1993, devenu l'article 7 § 3 du Règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.