30 avril 2014
Cour d'appel de Versailles
RG n° 13/02694

13e chambre

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 4IE



13e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 30 AVRIL 2014



R.G. N° 13/02694



AFFAIRE :



[G] [V]





C/

SARL MB Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Décembre 2012 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° chambre : 01

N° Section : 00

N° RG : 2012/0311



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 30.04.14



à :



Me Franck LAFON,



Me Chantal DE CARFORT



TGI VERSAILLES



REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LE TRENTE AVRIL DEUX MILLE QUATORZE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :



Maître [G] [V]

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représenté(e) par Maître Franck LAFON, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20130214 et par Maître J-P.FABRE, avocat plaidant au barreau de PARIS







APPELANT

****************





SARL MB Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : B35 178 108 3

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représenté(e) par Maître Chantal DE CARFORT de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 334 - N° du dossier 18813 et par Maître J-P SAULNIER - ARRIGNI, avocat plaidant au barreau de PARIS







INTIMEE

****************





Composition de la cour :



L'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Février 2014, Madame Marie-Laure BELAVAL, présidente, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :



Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente,

Madame Anne BEAUVOIS, Conseiller,

Madame Annie VAISSETTE, Conseiller,



qui en ont délibéré,



Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER



La société MB est propriétaire de divers locaux à usage commercial à [Localité 2]

[Localité 2], dont certains étaient loués à la société Saint-Maclou.



Par arrêt en date du 30 janvier 1997, la cour d'appel de Versailles a notamment fixé à la somme de 115 227,98 euros le montant de l'indemnité d'éviction due par la société MB à la société Saint-Maclou qui avait reçu congé, fixé au 1er août 1990 le point de départ du calcul de l'indemnité d'occupation, condamné la société Saint-Maclou à payer à la société MB la somme de 31 502,06 euros au titre des réparations locatives, et ordonné la compensation entre les créances réciproques des parties.



Par jugement en date du 2 septembre 1997, le tribunal de commerce de Versailles a ouvert la liquidation judiciaire de la société Saint-Maclou et désigné Maître [V] liquidateur . Le 2 mars 1999, la liquidation judiciaire a été étendue à MM. [J] et [M] [K], tous deux co-gérants, et une action en nullité de la vente de son fonds de commerce à une Sarl L'Oasis, le 14 octobre 1998 constituée par M. [J] [K] avec ses deux filles moyennant un prix de cession inférieur au prix d'acquisition en avril 1995, et la donation par M. [J] [K] à sa fille, le 9 décembre 1998, de ses parts dans la Sci L'Oasis propriétaire de deux immeubles dont l'immeuble mixte commercial et d'habitation situé au Tréport pendant la période suspecte a été engagée.



Toutefois, par arrêt du 7 mars 2006 rendu sur renvoi après cassation, la cour d'appel de Versailles a déclaré nulle l'assignation en extension délivrée à M. [J] [K] par Maître [V] ès qualités et toute la procédure subséquente.



Prétendant que l'annulation de la procédure lui causait un préjudice en ce qu'elle la privait de recours contre M. [J] [K], et que cette annulation était imputable à faute à M. [V], la société MB a agi en responsabilité contre ce dernier.



Par jugement réputé contradictoire du 12 décembre 2012, le tribunal de grande instance de Versailles a :



- condamné M. [V] à payer à la société MB la somme de 30 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par sa faute professionnelle,

- débouté la société MB du surplus de ses demandes,

- condamné M. [V] à payer à la société MB la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement,

- condamné le défendeur aux dépens.



M. [V] a fait appel du jugement.



Aux termes de ses dernières conclusions du 28 octobre 2013, M. [V] demande à la cour de :



- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- déclarer irrecevables les demandes de la société MB pour défaut de qualité à agir,

- subsidiairement, débouter la société MB de ses demandes,

- très subsidiairement, dire que le préjudice s'analyse en une perte de chance hypothétique, bien inférieure à celle de 80% fixée par les premiers juges, dont il faut déduire la somme déjà réglée de 7 231,80 euros,

- en tout état de cause, condamner la société MB à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même aux entiers dépens avec droit de recouvrement direct.



M. [V] soutient que le mandataire judiciaire a seul qualité à agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers, qu'un créancier n'est recevable à agir que pour autant qu'il justifie d'un préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers, que la société MB sollicite le paiement de dommages-intérêts équivalents à sa créance déclarée au passif de la société Saint-Maclou soit une fraction du préjudice subi par l'ensemble des créanciers, que la liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actif et que dans cette hypothèse, s'agissant d'une action dont le produit constituerait un actif qui devrait être distribué aux créanciers, la procédure aurait dû être reprise conformément aux dispositions de l'article L 643-13 du code de commerce, et que dès lors que la procédure n'a pas été reprise les demandes sont irrecevables pour défaut de qualité à agir de la société MB.



Sur le fond, M. [V] soutient qu'il n'a pas commis de faute en demandant à l'huissier de justice instrumentaire de délivrer l'assignation à l'adresse de M. [K] à [Localité 3] qui était conforme aux renseignements figurant sur le Kbis de la société Saint-Maclou, et qu'il n'est nullement établi que la société MB lui avait transmis le commandement de payer délivré le 6 mai 1997 à M. [K] au Tréport.



Subsidiairement sur le fond, M. [V] fait valoir que la fixation de la perte de chance de percevoir un paiement si la procédure d'extension avait été confirmée à hauteur de 80 % telle que fixée par le tribunal est trop élevée car M. [K] contestait le bien-fondé de l'action en extension et qu'il n'est pas démontré que les actions en nullité des donations faites par M. [K] pendant la période suspecte auraient abouti . Enfin, il souligne que la liquidation judiciaire de M. [M] [K] a permis le règlement de la somme de 7 231,80 euros qui doit venir en déduction de la somme réclamée par la société MB.



Suivant conclusions du 27 août 2013, la société MB demande à la cour de :



- la déclarer recevable en toutes ses demandes,

- confirmer le jugement en ce qu'il a reconnu la faute de M. [V],

- le réformer, et condamner M. [V] à lui payer la somme de 75 921,44 euros au titre de son préjudice matériel, correspondant aux sommes qui étaient dues par M. [J] [K] augmentée des intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 1997 lesquels produiront eux-mêmes intérêts en application de l'article 1154 du code civil,

- condamner M. [V] à lui payer la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral,

- condamner M. [V] à lui payer la somme de 41 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [V] aux dépens avec droit de recouvrement direct.



La société MB indique qu'elle agit en responsabilité personnelle pour faute contre M. [V] sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil et que sa demande est recevable.



Elle soutient qu'elle a informé M. [V] par lettre du 3 septembre 1997 de ce que M. [J] [K] était propriétaire d'un fonds de commerce au [Adresse 6], qu'en l'assignant à une autre adresse, M. [V] a commis une faute qui a eu pour conséquence de mettre toute la procédure d'extension à néant et de la priver de toute possibilité de recouvrement des sommes qui lui étaient dues, soit 75 921,44 euros . Elle chiffre son préjudice matériel au montant de sa créance aux motifs que M. [J] [K] avait un patrimoine important qui aurait permis de régler cette somme et soutient avoir subi un préjudice moral du fait des longues et coûteuses procédures qu'elle a été contrainte d'engager en raison du manque de diligences, des errements et du manque de sérieux dont M. [V] a fait preuve.






SUR CE,



Considérant que la présente action engagée par la société MB est une action en responsabilité personnelle de M. [V] destinée à réparer le préjudice personnel que prétend avoir subi la société MB par sa faute et non une action en reconstitution ou recouvrement d'un actif constituant le gage des créanciers de la procédure collective dont le produit aurait vocation à être distribué entre ceux-ci de sorte que l'engagement de l'action n'entre pas dans le champ du monopole du mandataire judiciaire qui ne saurait d'ailleurs agir contre lui-même ; que la société MB est recevable à agir ;



Considérant que la cour d'appel a déclaré nulle l'assignation du 26 janvier 1999 remise à la mairie de [Localité 3] et toute la procédure subséquente, soit le jugement d'extension du 2 mars 1999 en ses dispositions regardant M. [J] [K], aux motifs que l'exploit qui comporte comme adresse de ce dernier celle du [Adresse 2] et actuellement [Adresse 4] dans la même ville, a été délivré en mairie, que l'huissier de justice instrumentaire s'est contenté de cocher la case remise en mairie suivie de la version imprimée sur l'impossibilité de signifier à personne, à domicile ou à résidence au gardien ou à un voisin, sans préciser les raisons de cette impossibilité ni faire une quelconque démarche pour l'opérer, que M. [J] [K] n'a jamais résidé [Adresse 5] qui constitue en revanche le domicile de son frère [M] [K], que Maître [V] ès qualités a fait signifier l'acte introductif d'instance, le 26 janvier 1999, à [Localité 3] alors que déjà plus de dix-huit mois auparavant il savait qu'il n'y résidait pas, qu'en effet ce mandataire n'a pu qu'être destinataire d'une copie du commandement délivré le 6 mai 1997 par la société MB à la société Saint-Maclou à la personne de son gérant parfaitement localisé sur les lieux de son commerce au [Adresse 6] et qu'il a été informé personnellement par le conseil de la société MB selon lettre du 3 septembre 1997 que M. [J] [K] était propriétaire d'un fonds de commerce en nom personnel [Adresse 6] ; qu'il convient de rechercher si M. [V] a commis une négligence fautive en communiquant à l'huissier de justice instrumentaire une adresse qu'il savait ne pas être l'adresse réelle de M. [J] [K] ;



Considérant qu'il résulte des propres conclusions de Maître [V] ès qualités devant le tribunal de commerce de Versailles à l'audience de l'instance en extension que M. [J] [K] avait acquis un fonds de commerce au Tréport en avril 1995 au prix de 300 000 euros que celui-ci exploitait personnellement jusqu'au 14 octobre 1998, date de la cession à la Sarl L'oasis ;



Considérant que l'assignation en redressement judiciaire délivrée par la société MB à la société Saint-Maclou mentionnait expressément que M. [J] [K] aurait, avec le co-gérant, utilisé les fonds provenant de l'indemnité d'éviction pour se réinstaller au [Adresse 6] ; que la société MB a communiqué à M. [V], le 3 septembre 1997 dans la lettre accompagnant sa déclaration de créance qui est versée aux débats, une copie de cette assignation en précisant que M. [H] [K] demeurait quant à lui [Adresse 4] ; qu'au cours de l'instance sur le fond relative à l'indemnité d'éviction, et notamment devant la cour d'appel de Versailles en janvier 1997, la société Saint-Maclou a comparu représentée par son gérant M. [J] [K] demeurant [Adresse 6] ;



Considérant qu'il résulte de ces éléments que M. [V], qui n'a pas communiqué à l'huissier de justice l'adresse au Tréport alors que le fonds de commerce situé à cette adresse était exploité par une société sont M. [K] était associé et que l'immeuble correspondant à cette adresse appartenait à une Sci dont ses filles étaient associées, savait que M. [J] [K] n'avait aucun domicile ni aucune résidence à [Localité 3] à la date de la délivrance de l'assignation en extension et ce même si un extrait Kbis de la société Saint-Maclou en date du 22 septembre 1997 mentionnait le contraire ; que la preuve de la négligence fautive de M. [V] est apportée ;



Considérant que la perte de chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu'est constatée la disparition d'une éventualité favorable ; que c'est exactement que le premier juge a retenu que le préjudice de la société MB résidait dans la perte de chance d'obtenir paiement de sa créance après agrégation des actifs personnels de M [J] [K] aux actifs de la société Saint-Maclou ; que si l'augmentation de l'actif constituant le gage des créanciers, favorable à la société MB, aurait éventuellement pu résulter du jugement d'extension, il n'en demeure pas moins qu'elle dépendait d'une série de décisions, dont la confirmation sur le fond du jugement d'extension lui-même qui était discutée, l'annulation des actes de la période suspecte qui a été décidée par un jugement du 30 mai 2000 frappé d'appel puis annulé, sans oublier les aléas de la réalisation des actifs dont la valeur demeure inconnue et ceux de la distribution entre les créanciers des sommes pouvant résulter de ces réalisations ; que la chance pour la société MB de recouvrer sa créance s'élevant à 68 689,34 euros après avoir déduit du montant de la créance admise, soit 75 921,44 euros, la somme de 7 231,80 euros distribuée à la société MB grâce à l'extension de la procédure collective à l'égard de M. [M] [K] doit être fixée à 40 % de sorte que la réparation de la perte de cette chance est égale à la somme de 27 475,74 euros ; que le jugement sera réformé en ce sens ;



Considérant que la société MB ne rapporte pas la preuve d'un préjudice moral résultant de la négligence fautive de M. [V] susceptible d'être indemnisé ; que le coût de l'engagement de la présente instance sera réparé par l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; que l'équité commande de condamner M. [V] à payer à la société MB la somme de 8 000 euros sur ce fondement ;





PAR CES MOTIFS



La cour statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,



Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre en date du 12 décembre 2012 en ce qu'il a condamné M. [V] à payer à la société MB la somme de 30 500 euros à titre de dommages-intérêts,



Statuant à nouveau de ce chef, condamne M. [G] [V] à payer à la société MB la somme de 27 475,74 euros à titre de dommages- intérêts,







Confirme le jugement pour le surplus,



Y ajoutant,



Condamne M. [G] [V] à payer à la société MB la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne M. [G] [V] aux dépens d'appel et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



Signé par Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente et par Monsieur MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





Le greffier,La présidente,

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