2 mars 2007
Cour de cassation
Pourvoi n° 06-15.267

Assemblée plénière

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2007:PL00553

Titres et sommaires

BANQUE - responsabilité - faute - violation de l'obligation d'éclairer - applications diverses - manquement d'un banquier souscripteur d'un contrat d'assurance de groupe, à l'égard de son client emprunteur, adhérent à ce contrat - obligations - obligation d'éclairer - domaine d'application - adhésion de l'emprunteur à une assurance de groupe assurance de personnes - assurance de groupe - souscripteur - etendue - détermination - portée assurance de personnes - remise de la notice à l'adhérent - effets - limites - détermination pret - prêt d'argent - prêt assorti d'un contrat d'assurance de groupe - portée pret

Le banquier qui propose à son client, auquel il consent un prêt, d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu'il a souscrit à l'effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l'exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenu de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur, la remise de la notice ne suffit pas à satisfaire à cette obligation

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
1°/ M. Henri X...,
2°/ Mme Lydia Y..., épouse X...,
domiciliés ensemble ..., Le Bourg, 86150 Nérignac,
contre l'arrêt rendu le 8 février 2006 par la cour d'appel de Limoges (audience solennelle), dans le litige l'opposant à la caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou, dont le siège est 18 rue Salvador Allende, 86194 Poitiers,
défenderesse à la cassation ;
M. et Mme X... se sont pourvus en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers (2e chambre civile) en date du 20 novembre 2001 ;
Cet arrêt a été cassé le 26 mai 2004 par la chambre commerciale financière et économique de la Cour de cassation ;
La cause et les parties ont été renvoyées devant la cour d'appel de Limoges qui, saisie de la même affaire, a statué par arrêt du 8 février 2006 dans le même sens que la cour d'appel de Poitiers par des motifs qui sont en opposition avec la doctrine de l'arrêt de cassation ;
Un pourvoi ayant été formé contre l'arrêt de la cour d'appel de Limoges, M. le premier président a, par ordonnance du 21 novembre 2006, renvoyé la cause et les parties devant l'assemblée plénière ;
Les demandeurs invoquent, devant l'assemblée plénière, le moyen de cassation annexé au présent arrêt ;
Ce moyen unique a été formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Bachellier et Potier de La Varde, avocat des époux X... ;
Un mémoire en défense a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Gaschignard, avocat de la caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou ;
Une note de la Fédération bancaire française, une note de l'Union fédérale des consommateurs (UFC) Que Choisir et une note de l'association Consommation logement et cadre de vie (CLCV) adressées au procureur général ont été communiquées aux parties ;
Le rapport écrit de Mme Renard-Payen, conseiller, et l'avis écrit de M. Main, avocat général, ont été mis à la disposition des parties ;
Sur quoi, LA COUR, siégeant en assemblée plénière, en l'audience publique du 23 février 2007, où étaient présents : M. Canivet, premier président, MM. Weber, Tricot, Mmes Favre, Collomp, présidents, M. Joly, conseiller doyen remplaçant M. le président Cotte, empêché, M. Bargue, conseiller doyen remplaçant M. le président Ancel, empêché, Mme Renard-Payen, conseiller rapporteur, MM. Ollier, Peyrat, Mmes Cohen-Branche, Garnier, Mazars, MM. Pluyette, Rognon, Charruault, Barthélemy, Mme Radenne, M. André, conseillers, M. Main, avocat général, Mme Tardi, greffier en chef ;
Sur le rapport de Mme Renard-Payen, conseiller, assistée de Mme Sainsily-Pineau, greffier en chef au service de documentation et d'études, les observations de la SCP Bachellier et Potier de la Varde, de la SCP Gaschignard, l'avis de M. Main, avocat général, auquel les parties invitées à le faire, n'ont pas souhaité répliquer, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu que le banquier, qui propose à son client auquel il consent un prêt, d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu'il a souscrit à l'effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l'exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenu de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur, la remise de la notice ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué rendu sur renvoi après cassation (Com., 26 mai 2004, pourvoi n° 02-11.504), qu'à l'occasion de prêts consentis par la caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou (la caisse), M. X..., exploitant agricole, a adhéré à des assurances de groupes souscrites par le prêteur auprès de la Caisse nationale de prévoyance (l'assureur) ; que par arrêt irrévocable du 25 mars 1997, la cour d'appel a rejeté sa demande, et celle de son épouse, tendant à voir dire que l'assureur devait sa garantie ; qu'estimant que la caisse avait manqué à son devoir d'information et de conseil en faisant adhérer le mari à une assurance de groupe inadaptée, les époux X... l'ont assignée en réparation du préjudice subi du fait de la situation de non-assurance ;
Attendu que pour rejeter la demande indemnitaire, l'arrêt retient qu'en présence d'une clause claire et précise des contrats d'assurance, les époux X... ne pouvaient ignorer que l'assurance de groupe ne couvrait que l'invalidité totale et définitive et ne s'appliquait pas à la seule inaptitude à la profession d'agriculteur et que la caisse, qui n'avait pas l'obligation de conseiller à M. X... de souscrire une assurance complémentaire, n'a pas manqué à son obligation de conseil et d'information ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 février 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de la caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, prononcé en son audience publique du deux mars deux mille sept et signé par M. Weber, président, conformément aux articles 452 et 456 du nouveau code de procédure civile.Moyen produit par la SCP Bachellier et Potier de La Varde, avocat aux Conseils pour les époux X... ;
MOYEN ANNEXE :
Moyen produit par la SCP Bachellier et Potier de la Varde, avocat aux Conseils pour les époux X....
Les époux X... reprochent à l'arrêt attaqué de les avoir déboutés de leurs demandes tendant à faire condamner le crédit agricole à leur payer la somme de 608.997,52 euros de dommages-intérêts pour manquement à son devoir d'information et de conseil.
AUX MOTIFS QUE l'article 22-1 des conditions générales du contrat d'assurance définit l'invalidité comme étant l'impossibilité définitive de se livrer à toute occupation et/ou à toute activité rémunérée ou donnant à l'assuré gain et profit ; qu'en présence de cette clause claire et précise, les époux X... ne pouvaient ignorer que l'assurance groupe ne couvrait que l'invalidité totale et définitive et ne s'étendait pas à la seule inaptitude à la profession d'agriculteur ; qu'il s'ensuit que la caisse, qui n'avait pas l'obligation de conseiller à M. X... de souscrire une assurance complémentaire, n'a pas manqué à son obligation de conseil et d'information.
ALORS QUE l'existence de clauses claires dans le contrat d'assurance souscrit par l'emprunteur en garantie des prêts contractés par lui ne dispense pas le banquier de son devoir d'informer et de conseiller ce dernier sur l'étendue des garanties contractuelles compte tenu de sa situation personnelle ; qu'en se fondant, pour juger que la CRCAM n'avait pas manqué à son obligation de conseil et d'information, sur la circonstance inopérante que les clauses du contrat étaient claires et précises, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.