9 septembre 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-22.080

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:C200781

Titres et sommaires

PROCEDURE CIVILE - Acte de procédure - Notification - Notification par la voie électronique - Preuve - Avis électronique de réception

Le demandeur au pourvoi, qui se prévaut, à l'appui d'un moyen de cassation, d'un message adressé via le RPVA, doit en établir la réception par la juridiction, par la production d'un avis électronique attestant de cette réception, conformément aux exigences de l'article 748-3 du code de procédure civile

APPEL CIVIL - Procédure avec représentation obligatoire - Conclusions - Transmission par voie électronique - Avis électronique de réception - Emission - Effet


PROCEDURE CIVILE - Fin de non-recevoir - Appel du jugement statuant sur la compétence - Irrecevabilité - Défaut de motivation - Cas - Conclusions remises par voies électroniques dans un message distinct de la déclaration d'appel

Selon l'article 85 du code de procédure civile, relatif à l'appel du jugement statuant exclusivement sur la compétence, la déclaration d'appel doit, à peine d'irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration. Lorsque ces actes sont remis à la juridiction par la voie électronique, la déclaration d'appel et les conclusions qui lui sont jointes doivent être transmises par un même message électronique, de sorte que la jonction de conclusions à une déclaration d'appel ne résulte pas de l'envoi le même jour de ces deux actes

APPEL CIVIL - Appel du jugement statuant exclusivement sur la compétence - Déclaration d'appel par voie électronique - Motivation - Formalisme - Nécessité - Jonction de conclusions à la déclaration d'appel - Portée

Texte de la décision

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 9 septembre 2021




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 781 F-B

Pourvoi n° P 20-22.080




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 SEPTEMBRE 2021

La société Yingli Green Energy France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2] et domiciliée, pour les besoins de la liquidation, chez la société Actiss, [Adresse 1], représentée par son liquidateur amiable, la société Yingli Green Energy Europe Gmbh, société de droit allemand, domiciliée Sonnenstr. [Adresse 3]), elle même représentée par son liquidateur amiable, M. [D] [U], domicilié [Adresse 5]), a formé le pourvoi n° P 20-22.080 contre l'arrêt rendu le 6 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 11), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Centrale photovoltaïque de le Boulou, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 4],

2°/ à la société EDF Renouvelables France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 6], anciennement dénommée EDF Energies nouvelles,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. de Leiris, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Yingli Green Energy France, de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société EDF Renouvelables France, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Centrale photovoltaïque de le Boulou, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 16 juin 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. de Leiris, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 novembre 2020), la société Centrale photovoltaïque de Le Boulou (la société Le Boulou) a saisi un tribunal de commerce de demandes dirigées contre la société EDF Renouvelables France puis, après le dépôt d'un rapport d'expertise judiciaire ordonné par le tribunal, a assigné, en intervention forcée, la société Yingli Green Energy France (la société Yingli), représentée par son liquidateur amiable, la société de droit allemand Yingli Green Energy Europe GmbH, elle-même représentée par son liquidateur amiable, M. [D] [U].

2. Le 11 septembre 2019, la société Yingli a relevé appel du jugement du tribunal de commerce ayant déclaré recevable son intervention forcée et irrecevable l'exception l'incompétence qu'elle avait soulevée et ayant dit que le tribunal de commerce était compétent.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La société Yingli fait grief à l'arrêt de déclarer son appel irrecevable, alors :

« 1°/ que la déclaration d'appel dirigée contre un jugement statuant sur la compétence doit, à peine d'irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration ; qu'il ressort des mentions du message adressé via le RPVA par le conseil de la société Yingli à la cour d'appel de Paris, le 11 septembre 2019 à 22 h 06, qu'étaient jointes à la déclaration d'appel visant le jugement du tribunal de commerce de Paris du 17 mai 2019 statuant sur sa compétence, des conclusions d'appel relatives à l'incompétence du tribunal de commerce de Paris ; que la cour d'appel a d'ailleurs elle-même constaté que l'appel avait été interjeté le 11 septembre 2019 par la société Yingli et que cette dernière avait remis ses conclusions le même jour ; qu'en affirmant qu'aucune conclusion sur la motivation n'avait été jointe à la déclaration d'appel de la société Yingli, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile, ensemble l'article 85 du même code ;

2°/ que la déclaration d'appel dirigée contre un jugement statuant sur la compétence doit, à peine d'irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration ; que la cour d'appel a elle-même constaté que l'appel avait été interjeté le 11 septembre 2019 par la société Yingli et que cette dernière avait, le même jour, remis ses conclusions relatives à la l'incompétence du juge commercial ; qu'en affirmant qu'aucune conclusion sur la motivation n'a été jointe à la déclaration d'appel de la société Yingli, sans s'expliquer sur les conditions dans lesquels les conclusions de la société Yingli avaient pu être déposées le même jour que la déclaration d'appel sans y être jointes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 85 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Le demandeur, par la première branche, se prévaut d'un message, adressé via le RPVA par le conseil de la société Yingli, dont il n'établit toutefois pas la réception par la cour d'appel, faute de produire un avis électronique attestant de cette réception conformément aux exigences de l'article 748-3 du code de procédure civile.

5. Selon l'article 85 du code de procédure civile, relatif à l'appel du jugement statuant exclusivement sur la compétence, la déclaration d'appel doit, à peine d'irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration.

6. L'article 6 de l'arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire par avocat devant les cours d'appel, alors applicable, dispose que lorsqu'un document doit être joint à un acte, il est communiqué sous la forme d'un fichier séparé du fichier au format XML contenant l'acte sous forme de message de données.

7. Par conséquent, le moyen qui, en sa seconde branche, postule qu'une jonction des conclusions à la déclaration d'appel résulte du constat de l'envoi le même jour de ces deux actes à la cour d'appel, manque en droit.

8. Le moyen ne peut, dès lors, pas être accueilli.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

9. La société Yingli fait le même grief à l'arrêt, alors « que le défaut de motivation du recours, susceptible de donner lieu à la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel du jugement statuant sur la compétence, peut être régularisé, en matière de procédure avec représentation obligatoire, par le dépôt au greffe, avant l'expiration du délai d'appel, d'une nouvelle déclaration d'appel motivée ou de conclusions comportant la motivation du recours, adressées à la cour d'appel ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de la décision attaquée que l'appel avait été interjeté le 11 septembre 2019 par la société Yingli Green Energy France, avant même que le délai d'appel ait pu commencer à courir, et que la société Yingli Green Energy France avait, ce même 11 septembre 2019, déposé ses conclusions relatives à l'incompétence du juge commercial ; qu'en jugeant l'appel irrecevable quand ces conclusions, à supposer qu'elles n'aient pas été jointes à la déclaration d'appel, étaient de nature à régulariser l'absence de motivation de la déclaration d'appel dès lors qu'elles avaient été déposées devant la cour d'appel avant l'expiration du délai d'appel, la cour d'appel a violé les articles 85 et 126 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 85 et 126 du code de procédure civile :

10. Il résulte de la combinaison de ces textes que le défaut de motivation du recours, susceptible de donner lieu à la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel du jugement statuant sur la compétence, peut être régularisé, en matière de procédure avec représentation obligatoire par avocat, par le dépôt au greffe, avant l'expiration du délai d'appel, d'une nouvelle déclaration d'appel motivée ou de conclusions comportant la motivation du recours, adressées à la cour d'appel.

11. Pour déclarer l'appel irrecevable, l'arrêt retient que tandis, d'une part, que la déclaration d'appel de la société Yingli se limite à énoncer que « L'appelante entend voir réformer le jugement entrepris en ce qu'il a : Dit l'exception d'incompétence soulevée par la SAS Yingli green energy France irrecevable, Et dit le tribunal de commerce de Paris compétent et condamné l'appelante aux dépens de l'incident », et d'autre part, qu'aucune conclusion sur la motivation n'a été jointe à cette déclaration, la société Le Boulou est bien fondée à conclure à l'irrecevabilité de l'appel pour avoir manqué à l'obligation de le motiver.

12. En se déterminant ainsi, sans rechercher si les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) le 11 septembre 2019 pour la société Yingli, qui étaient visées dans l'arrêt, ne comportaient pas la motivation de l'appel formé par une déclaration du même jour, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Centrale photovoltaïque de Le Boulou et la société EDF Renouvelables France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Centrale photovoltaïque de Le Boulou et la société EDF Renouvelables France et les condamne à payer à la société Yingli Green Energy France la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du neuf septembre deux mille vingt et un et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Yingli Green Energy France

La société Yingli Green Energy France fait grief à la décision attaquée d'AVOIR déclaré son appel irrecevable,

1) ALORS QUE la déclaration d'appel dirigée contre un jugement statuant sur la compétence doit, à peine d'irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration ; qu'il ressort des mentions du message adressé via le RPVA par le conseil de la société Yingli Green Energy France à la cour d'appel de Paris, le 11 septembre 2019 à 22 h 06, qu'étaient jointes à la déclaration d'appel visant le jugement du tribunal de commerce de Paris du 17 mai 2019 statuant sur sa compétence, des conclusions d'appel relatives à l'incompétence du tribunal de commerce de Paris ; que la cour d'appel a d'ailleurs elle-même constaté que l'appel avait été interjeté le 11 septembre 2019 par la société Yingli Green Energy France et que cette dernière avait remis ses conclusions le même jour ; qu'en affirmant qu'aucune conclusion sur la motivation n'avait été jointe à la déclaration d'appel de la société Yingli Green Energy France, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile, ensemble l'article 85 du même code ;

2) ALORS à tout le moins QUE la déclaration d'appel dirigée contre un jugement statuant sur la compétence doit, à peine d'irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration ; que la cour d'appel a ellemême constaté que l'appel avait été interjeté le 11 septembre 2019 par la société Yingli Green Energy France et que cette dernière avait, le même jour, remis ses conclusions relatives à la l'incompétence du juge commercial ; qu'en affirmant qu'aucune conclusion sur la motivation n'a été jointe à la déclaration d'appel de la société Yingli Green Energy France, sans s'expliquer sur les conditions dans lesquels les conclusions de la société Yingli Green Energy France avaient pu être déposées le même jour que la déclaration d'appel sans y être jointes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 85 du code de procédure civile.

Moyen produit au mémoire complémentaire par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Yingli Green Energy France

La société Yingli Green Energy France fait grief à la décision attaquée d'AVOIR déclaré son appel irrecevable,

ALORS QUE le défaut de motivation du recours, susceptible de donner lieu à la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel du jugement statuant sur la compétence, peut être régularisé, en matière de procédure avec représentation obligatoire, par le dépôt au greffe, avant l'expiration du délai d'appel, d'une nouvelle déclaration d'appel motivée ou de conclusions comportant la motivation du recours, adressées à la cour d'appel ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de la décision attaquée que l'appel avait été interjeté le 11 septembre 2019 par la société Yingli Green Energy France, avant même que le délai d'appel ait pu commencer à courir, et que la société Yingli Green Energy France avait, ce même 11 septembre 2019, déposé ses conclusions relatives à l'incompétence du juge commercial ; qu'en jugeant l'appel irrecevable quand ces conclusions, à supposer qu'elles n'aient pas été jointes à la déclaration d'appel, étaient de nature à régulariser l'absence de motivation de la déclaration d'appel dès lors qu'elles avaient été déposées devant la cour d'appel avant l'expiration du délai d'appel, la cour d'appel a violé les articles 85 et 126 du code de procédure civile.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.