13 mai 2015
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-25.812

Deuxième chambre civile

ECLI:FR:CCASS:2015:C200884

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :






Attendu qu'à l'occasion du pourvoi formé le 27 octobre 2014 par Mme X... contre un arrêt d'une cour d'appel ayant confirmé un jugement d'un tribunal d'instance qui avait prononcé son expulsion sauf à constater que la mesure d'expulsion avait été effectuée, et dire n'y avoir lieu à ordonner sa réintégration dans les lieux, Mme X... a, par un mémoire distinct et motivé, saisi la Cour de cassation de questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigées :


« Les articles L. 613-1, L. 613-2 et L. 613-3 du code de la construction et de l'habitation, ensemble l'article 66-1 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, sont-ils contraires au principe à valeur constitutionnelle de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, au principe à valeur constitutionnelle du droit de mener une vie familiale normale, et à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accès à un logement décent, consacrés sur le fondement du Préambule de la Constitution de 1946, notamment ses alinéas 1er, 10 et 11, faute de prévoir qu'une personne ne peut être expulsée sans avoir la garantie de disposer d'une offre de relogement, et à tout le moins sans s'être vue proposer un relogement ? ;


Les articles L. 613-1, L. 613-2 et L. 613-3 du code de la construction et de l'habitation, ensemble l'article 66-1 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, sont-ils entachés d'incompétence négative au regard de l'article 34 de la Constitution, de sorte qu'ils portent atteinte au principe de valeur constitutionnelle de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, au principe constitutionnel du droit de mener une vie familiale normale et à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accès à un logement décent, consacrés sur le fondement du Préambule de la Constitution de 1946, notamment ses alinéas 1er, 10 et 11, faute de prévoir qu'une personne ne peut être expulsée sans avoir la garantie de disposer d'une offre de relogement, et à tout le moins sans s'être vue proposer un relogement ? » ;


Sur la première question :


Attendu que Mme X... fait valoir qu'il est impératif que le législateur prévoie qu'une mesure d'expulsion d'un occupant sans droit ni titre ne puisse être ordonnée que si un relogement lui est offert, ou à tout le moins si une proposition de relogement lui est faite et que l'expulsion d'un occupant sans droit ni titre, sans qu'il bénéficie d'une garantie et en tout cas d'une offre de relogement, constitue nécessairement une violation des principes et objectifs de valeur constitutionnelle visés ;


Mais attendu, d'abord, que l'article 66-1 de la loi du 9 juillet 1991, duquel il résulte que le conjoint violent expulsé du logement familial par décision du juge aux affaires familiales ne peut bénéficier des délais permettant de retarder l'expulsion, n'est pas applicable au litige dès lors que la mesure d'expulsion en cause est étrangère à la mise en oeuvre de cette disposition ;


Attendu, ensuite, que la question en tant qu'elle vise les dispositions du code de la construction et de l'habitation, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;


Et attendu, enfin, que la question posée en tant qu'elle vise ces mêmes dispositions ne présente pas un caractère sérieux dès lors que le dispositif législatif ainsi critiqué prend en compte les conséquences des mesures d'expulsion au regard de la situation de la personne concernée, occupant les lieux, sans que celle-ci ait à justifier d'un titre à l'origine de l'occupation ; que le législateur a notamment prévu la faculté pour le juge d'octroyer des délais renouvelables chaque fois que le relogement ne peut avoir lieu dans des conditions normales et a posé le principe de l'interdiction des mesures d'expulsion en période hivernale ; que ces dispositions s'inscrivent dans un dispositif global tendant à protéger les locaux servant à l'habitation et à faciliter le relogement des occupants ; qu'il convient par ailleurs de rappeler la nécessaire conciliation entre la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent, objectif de valeur constitutionnelle, et la protection des droits constitutionnellement protégés dont le droit de propriété ; que la question posée ne présente, par conséquent, pas de caractère sérieux au regard des exigences qui s'attachent aux principes constitutionnels et à l'objectif de valeur constitutionnelle invoqués ;


Sur la seconde question :


Attendu que Mme X... fait valoir que les dispositions législatives contestées sont entachées d'une incompétence négative qui porte atteinte aux principes constitutionnels et à l'objectif de valeur constitutionnelle précités ;


Mais attendu qu'il résulte de ce qui précède qu'aucun droit ou liberté que la Constitution garantit ne saurait être affecté par la méconnaissance alléguée de sa compétence par le législateur ; que la question posée ne présente pas, par conséquent, de caractère sérieux ;


D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de renvoyer les questions prioritaires de constitutionnalité ;


PAR CES MOTIFS :


DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille quinze.

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