29 octobre 2014
Cour de cassation
Pourvoi n° 13-22.694

Première chambre civile

ECLI:FR:CCASS:2014:C101264

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :





Sur le moyen unique, tel que reproduit en annexe :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 14 mars 2013), que la société ID voyages, dont un autocar avait été détruit par un incendie ayant pris naissance dans le compartiment moteur alors qu'il effectuait son trajet retour après une réparation réalisée par la Société du poids lourd (SPL), a, ainsi que son assureur, la société Axa France IARD (Axa), assigné en responsabilité cette société dont l'assureur, la société GAN, est intervenue volontairement à l'instance et a mis en cause la société Iveco, constructeur du véhicule ;


Attendu que les sociétés ID voyages et Axa font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes ;


Mais attendu que la responsabilité de plein droit qui pèse sur le garagiste réparateur ne s'étend qu'aux dommages causés par le manquement à son obligation de résultat et qu'il appartient au client de rapporter la preuve que l'origine du sinistre dont le véhicule a été l'objet est reliée à l'intervention du garagiste ; que l'arrêt relève que ni la localisation peu précise du point de départ de l'incendie « dans la zone d'intervention » de SPL, ni l'éventuelle manipulation de tuyaux de carburant gazole et de tuyaux hydrauliques dont rien n'établit qu'elle n'aurait pas été effectuée par SPL dans les règles de l'art, ni la concomitance de l'incendie et de la réparation, ne sont à eux seuls suffisants à établir un lien entre le sinistre et la réparation effectuée ; que l'arrêt ajoute que, selon l'expertise amiable versée aux débats, le faisceau remplacé, qui n'a aucune puissance électrique, n'a pu être en lui-même la source de l'embrasement et que la cause de l'incendie n'est en définitive pas déterminée ; que de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu déduire, sans inverser la charge de la preuve, que la responsabilité de plein droit du garagiste réparateur n'était pas engagée ; que le moyen n'est pas fondé ;


PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi ;


Condamne les sociétés ID voyages et Axa France IARD aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société ID voyages et de la société Axa France IARD ; les condamne à payer aux sociétés SPL et GAN assurances la somme globale de 3 000 euros ; rejette la demande de la société Iveco France ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf octobre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour les sociétés Axa France IARD et ID voyages


Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté les sociétés ID Voyages et AXA de leurs demandes et de les AVOIR condamnées aux entiers dépens de l'instance ainsi qu'au paiement d'une somme de 2.500 euros à la société Gan Assurances et à la Société de POIDS LOURD et de 2.000 euros à la société Ivéco au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;


AUX MOTIFS QUE : « Attendu que la société ID VOYAGES a, selon ordre de réparation du 6 mai 2009, confié à la société SOCIETÉ DU POIDS LOURD (SPL) un autocar de marque IMBUS, équipé d'une motorisation IVECO, à la suite de l'allumage du voyant de dysfonctionnement électronique du moteur; qu'ayant décelé une anomalie sur le faisceau alimentant les servitudes moteur, SPL a réparé le faisceau avant de le remonter, le 3 juillet 2009 a posé un faisceau neuf, puis a procédé à un essai routier satisfaisant du véhicule ; que, le même jour, sur le chemin du retour au siège de l'entreprise, l'autocar, dont ID VOYAGES venait de prendre possession, a pris feu à l'arrière au niveau du compartiment moteur ; Sur la responsabilité du garagiste-réparateur Attendu qu'en application de l'article 1147 du code civil, le garagiste est débiteur d'une obligation de résultat envers son client et ne peut s'exonérer de sa responsabilité que s'il démontre que le préjudice invoqué par le propriétaire du véhicule réparé résulte de causes qui lui sont étrangères, pour autant que le dommage trouve son origine dans les travaux exécutés par le garagiste; Attendu que, selon rapport d'expertise amiable contradictoire du 25 septembre 2009 du Cabinet LEMAIRE agissant à la requête de GAN ASSURANCES, l'expert observe que « le point de départ de l'incendie se trouve dans la zone de l'intervention » de SPL, et que « l'origine pourrait en être un court-circuit, ou toute autre cause » ; que ce rapport retient toutefois que « le faisceau remplacé ne comprend aucune puissance » - ce faisceau se bornant à collecter des informations de diverses sondes moteur et à alimenter le calculateur moteur - et conclut que « la cause précise de l'incendie n'est pas démontrée » ; Que la société CAP EUROPE EXPERTS, mandatée par AXA, par note du 24 juillet 2009, se borne à indiquer « l'examen contradictoire sans démontage nous a néanmoins permis de localiser le foyer de l'incendie : compartiment moteur, partie arrière gauche » ; que le cabinet d'expertises AUTOTECH CONSEILS, expert conseil d'AXA, précise que « l'origine vraisemblable de l'incendie est à rechercher soit auprès du constructeur, surtout du réparateur SPL qui est intervenu directement sur les faisceaux électriques du moteur avec dépose d'éléments annexes à la gestion du moteur quelques kilomètres avant l'incendie du véhicule » ; Que, par rapport complémentaire du 12 novembre 2011, le Cabinet LEMAIRE précise que les notes du constructeur de 2010 et 2011 font état de la fragilité des canalisations de carburant in/out sur ces motorisations et conclut que ce n'est pas une action fautive de SPL qui est à l'origine du sinistre, mais la fragilité des canalisations de carburant qui a été mise en évidence prématurément du fait des deux manipulations successives lors de la réparation du faisceau ; Attendu que : - ni la localisation - peu précise - du point de départ de l'incendie « dans la zone d'intervention » de SPL ; - ni l'éventuelle manipulation de tuyaux de carburant gazole et de tuyaux hydrauliques - évoquée par le rapport complémentaire du 12 novembre 2011 du Cabinet LEMAIRE - dont rien n'établit qu'elle n'aurait pas été effectuée par SPL dans les règles de l'art, les notes techniques d'IVECO n°FH-2010- 109 et n° 2011/0115/2 recommandant l'élimination des colliers de fixation des tuyaux à carburant étant postérieures aux travaux du garagiste ; - ni la concomitance de l'incendie et de la réparation, ne sont à eux seuls suffisants à établir un lien entre le sinistre et la réparation effectuée ; qu'en outre, les experts soulignent d'une part que le faisceau remplacé, qui n'a aucune puissance électrique, n'a pu être en lui-même la source de l'embrasement, d'autre part que la cause de l'incendie n'est finalement pas déterminée ; que la preuve n'est, dans ces conditions, pas rapportée que le dommage trouve son origine dans les travaux exécutés par le garagiste ; que c'est donc à tort qu'ID VOYAGES et AXA invoquent la responsabilité de plein droit pesant sur le garagiste-réparateur ; que le jugement sera infirmé sur ce point ; Sur la responsabilité du constructeur Attendu que SPL et GAN soutiennent que le véhicule serait affecté de vices cachés favorisant une fragilité à l'incendie et tenant à la présence de matières plastiques dans les feux arrières et à la détérioration des tuyaux d'alimentation en carburant ; Attendu que les vices cachés au sens de l'article 1641 du code civil sont des défauts cachés, non décelables, de la chose vendue la rendant impropre à l'usage normal auquel on la destine ; que le manquement du débiteur ne donne lieu à réparation que s'il est en lien de causalité avec le dommage subi ; Mais attendu que SPL et GAN ne démontrent : - ni l'existence de défauts compromettant l'usage de la chose, tel n'étant le cas : - ni de la matière des feux arrières du véhicule, dont il n'est pas démontré qu'elle présentait un risque de propagation de l'incendie, la fiche de recommandation d'IVECO de 2008 sur ce point ne faisant état que de risque de corrosion et d'entrée d'eau projetée par les roues ; - ni d'une prétendue fragilité des tuyaux à carburant, aucune fissuration de ces tuyaux n'ayant été constatée sur l'autocar en cause ; - ni, en toute hypothèse, le lien de cause à effet entre les vices invoqués et le dommage survenu ; Qu'en conséquence, la Cour confirmera le jugement en ce qu' il a débouté ID VOYAGES, AXA, SPL et GAN ASSURANCES de leurs demandes fondées sur la responsabilité du constructeur à raison des vices cachés ; Attendu que l'équité commande de condamner in solidum ID VOYAGES et AXA, qui succombent, à payer, au titre des frais hors dépens, à SPL et GAN ASSURANCES la somme de 2.500,00 euros et à IVECO celle de 2.000,00 euros » ;


1°/ ALORS QUE le garagiste, débiteur d'une obligation de sécurité de résultat, est présumé responsable des dommages affectant un organe sur lequel il est intervenu, à charge pour celui-ci de démontrer, pour s'exonérer de sa responsabilité, que le sinistre ne résulte pas de sa faute, et notamment, qu'il résulte de la survenance d'une cause étrangère ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a relevé que l'incendie du véhicule « trouvait sa source dans la zone d'intervention de la société SPL », c'est-à-dire dans « le compartiment moteur, partie arrière gauche » (Arrêt, p.4, §7 et §5) ; qu'il en résultait que la société SPL, qui était intervenue sur cette zone du moteur, était présumée responsable de l'incendie qui y avait pris sa source, à charge pour celle-ci de démontrer que l'incendie ne trouvait pas sa cause dans la mauvaise exécution des prestations qu'elle avait réalisées ou qu'il procédait de la survenance d'une cause étrangère ; qu'en déboutant cependant les sociétés ID Voyages et AXA de leur action en responsabilité au seul motif qu'elles n'apportaient pas la preuve que le dommage avait été causé par les travaux exécutés par le garagiste ¿ c'est à dire dans le remplacement d'un câble dénué de toute puissance électrique - , la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles 1315 et 1147 du code civil ;


2°/ ALORS EN OUTRE QUE la Cour d'appel a constaté que le véhicule n'était affecté d'aucun vice favorisant une fragilité à l'incendie (Arrêt, p. 5, §5), que l'incendie s'était manifesté sur le chemin du retour du véhicule après réparation (Arrêt, p.4, §2), et que les experts avaient situé le point de départ de l'incendie dans la zone d'intervention de la société SPL où se situaient d'ailleurs les conduites de carburants (Arrêt, p.4, §6 et 7) ; qu'en déboutant les Sociétés Axa et ID Voyages de leur action en responsabilité sans relever le moindre élément de nature à renverser la présomption de responsabilité pesant sur le garagiste pour les dommages affectant un organe sur lequel il était intervenu, la Cour d'appel a, de surcroît, privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1135 du code civil ;


3°/ ALORS EN TOUTE HYTPOTHESE QU' à supposer même que le garagiste ne soit pas présumé responsable du sinistre affectant un organe sur lequel il est intervenu, la responsabilité du débiteur d'une obligation de résultat est, en tout état de cause, engagée dès lors qu'existe un lien entre le manquement de celui-ci à son obligation de résultat et le sinistre ; qu'en l'espèce, les exposantes faisaient valoir, en invoquant notamment le témoignage du chauffeur de l'autocar, qui n'était contesté par aucune des parties au litige, que l'implosion du moteur avait été précédée par l'allumage du voyant de dysfonctionnement électronique du moteur, ce dont il résultait que si la cause exacte du sinistre n'était pas établie, l'incendie était à tout le moins lié en tout ou partie à un dysfonctionnement du matériel électronique du moteur (conclusions d'appel des exposantes, p.4) ; qu'était ainsi établi, d'une part, un manquement du garagiste à son obligation de résultat, puisqu'il avait précisément été chargé de supprimer les dysfonctionnements affectant le matériel électronique du moteur, et avait donc failli dans l'exécution de cette mission, et d'autre part, un lien de causalité entre ce manquement et le sinistre, puisque l'incendie était survenu immédiatement après l'allumage du voyant ; qu'en déboutant les sociétés AXA et ID Voyages de leur action en responsabilité dirigée contre la société SLP au motif qu'elles ne démontraient pas que le sinistre avait été causé par la prestation réalisée par le garagiste consistant dans le remplacement d'un câble dépourvu de puissance électrique, sans répondre à ces chefs péremptoires de conclusions, qui étaient de nature à justifier la mise en jeu de la responsabilité de la société SLP, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

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