4 juin 2013
Cour de cassation
Pourvoi n° 12-10.166

Chambre commerciale financière et économique

ECLI:FR:CCASS:2013:CO00580

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :






Sur le premier moyen, pris en sa première branche :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 octobre 2011), que la société Prologis France IX (société Prologis) a confié le 1er juin 2005 à la société VSE télésurveillance (société VSE), une mission générale de surveillance d'un ensemble immobilier ; qu'après avoir mis en demeure la société VSE de justifier de l'agrément préfectoral de ses agents, MM. X... et Y..., et de la possibilité pour cinq autres salariés d'intervenir sur ses sites, la société Prologis a résilié le contrat par courrier du 17 juin 2008, invoquant à l'encontre de la société VSE des manquements caractérisés à ses obligations justifiant l'application de la clause résolutoire prévue à l'article 7.1 du contrat ; qu'elle a été assignée en responsabilité par la société VSE ;


Attendu que la société Prologis fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société VSE la somme de 425 250 euros à titre de dommages-intérêts et celle de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, alors, selon le moyen, que nul ne peut être employé pour participer à une activité de sécurité privée telle que définie par l'article 1er de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983, dans sa rédaction applicable en la cause, s'il n'a fait l'objet d'un agrément préfectoral ; qu'en l'espèce, pour affirmer que la société Prologis ne pouvait se prévaloir de la clause résolutoire stipulée à l'article 7.1 du contrat litigieux, l'arrêt a affirmé que la loi précitée se bornait à exiger de l'employeur d'un agent de sécurité qu'il déclare l'embauche de celui-ci à la préfecture, ce qui avait été le cas de MM. X... et Y..., peu important que ceux-ci n'aient pas été agréés ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 6 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983, dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble les articles 1134 et 1184 du code civil ;


Mais attendu qu'ayant retenu, par motifs propres, que la société VSE avait déclaré à la préfecture de Bobigny l'embauche de M. X... le 1er juin 2007 et celle de M. Y... le 4 octobre suivant, et ainsi satisfait à la seule obligation imposée par le texte, et, par motifs adoptés, qu'à réception de la mise en demeure, la société VSE a remplacé les deux salariés dont elle n'était pas en mesure de justifier l'agrément par d'autres salariés dont elle en justifiait, l'arrêt en déduit qu'aucun manquement contractuel ne peut être reproché à la société VSE et que la société Prologis ne peut se prévaloir de la clause résolutoire ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, dès lors qu'il n'était ni démontré ni même allégué que les salariés concernés ne remplissaient pas les conditions légales pour remplir leurs fonctions, a légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli ;


Et attendu que le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, et le second moyen, ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;


PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi ;


Condamne la société Prologis France IX aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer la somme de 2 500 euros à la société VSE télésurveillance ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juin deux mille treize.MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Prologis France IX


PREMIER MOYEN DE CASSATION


IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société PROLOGIS FRANCE IX EURL à payer à la société VSE TÉLÉSURVEILLANCE SARL la somme de 425 250 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;


AUX MOTIFS PROPRES QUE « la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 dans sa version en vigueur en 2008 dispose que nul ne peut être employé pour participer à une activité de sécurité "s'il n'a fait l'objet, préalablement à son embauche ou à son affectation, d'une déclaration auprès du préfet du département ou, à Paris, auprès du préfet de police" ; Considérant que dans sa mise en demeure du 5 mai 2008, la societé Prologis demande à la société VSE de lui justifier des agréments de MM. X... et Y... et de la possibilité d'intervention sur ses sites de MM.
Z...
,
A...
,
B...
, Elie et Lemoine ; Considérant que dans sa réponse du 15 mai 2008, la société VSE lui adressait les agréments de MM. Z... et Lemoine, précisait que MM. A..., B... et Elie n'étaient plus affectés sur le site de Moissy-Cramayel et que la préfecture n'ayant pas répondu aux demandes d'agrément de MM. X... et Y..., elle renouvelait sa demande ; Considérant que la clause 7.1 du contrat autorise la résiliation du contrat en cas "de manquement caractérisé de l'une au l'autre partie à ses obligations" et suppose une mise en demeure préalable ouvrant à la partie défaillante un délai de régularisation de huit jours ; Considérant que le manquement caractérisé est nécessairement un manquement actuel de sorte que la société Prologis ne saurait résilier le contrat au motif quc certains salariés MM. A..., B... et Elie n'auraient pas été habilités, ce qui est au demeurant contesté et ne résulte d'aucune de ses pièces ; Considérant qu'en ce qui concerne MM. X... et Y..., il résulte des pièces produites que le 1er juin 2007 la société VSE a déclaré à la préfecture de Bobigny l'embauche de M. X... et celle de M. Y... le 4 octobre suivant ; Qu'elle a ainsi satisfait à la seule obligation imposée par le texte précité ; Considérant au surplus que respectant les termes de la mise en demeure de son cocontractant, la société VSE a renouvelé cette déclaration par courrier du 6 mai 2008 ; Considérant qu'il en résulte qu'aucun manquement ne pouvant être reproché à la société VSE, c'est à bon droit que le tribunal de commerce a jugé que la société Prologis ne pouvait se prévaloir de la clause résolutoire contractuelle et qu'elle doit supporter les conséquences de la rupture du contrat imposé à son prestataire de service dans le seul but de réaliser des économies sur le coût de la sécurisation du site comme le démontrent les pièces produites ; Sur le préjudice : Considérant que dans le calcul de son préjudice, la société VSE impute la perte de facturation de nouveaux salariés appelés à travailler sur le site à compter du 1er juin 2007 puis du 1er août 2008 ; Mais considérant que si une annexe du contrat précise le coût d'intervention de deux et de trois salariés, aucune de ses dispositions ne précise qu'un accord serait intervenu sur cette évolution du contrat aux dates précitées ; Considérant que la société VSE sollicite encore le remboursement des coûts de licenciements imposés par la perte du site : Mais considérant qu'il résulte des pièces produites par le repreneur qu'elle n'a pas satisfait aux obligations permettant leur reprise ; Considérant qu'elle sollicite encore le paiement du loyer du véhicule affecté au site pour la période du 1er août 2008 au 31 mai 2010 ; Mais considérant qu'elle ne verse pas aux débats le contrat signé pour justifier de l'impossibilité d'y mettre fin en août 2008 ; Considérant que la somme allouée par le tribunal, qui prend en compte tant la marge bénéficiaire de la société telle qu'elle résulte des comptes de résultat des années 2005 à 2007 produits aux débats que les frais divers liés à la rupture anticipée de ce contrat à durée déterminée, parmi lesquels les lourds investissements engagés dans le cadre de son exécution fait une juste appréciation du préjudice subi et qu'il n'y a pas matière à faire droit à la demande d'expertise ; Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile : Considérant que l'équité commande d'allouer à la société VSE la somme de 5.000 € » ;


ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE « le contrat prévoit qu'en cas de manquement caractérisé à une obligation la résiliation doit être constituée par un courrier recommandé avec avis de réception, après l'envoi d'une mise en demeure restée sans effet, de remédier à ces manquements dans un délai de 8 jours ouvrés, Attendu que par lettre recommandée du 5 mai 2008, la société PROLOGIS a mis en demeure la société VSE de justifier de l'agrément préfectoral des salariés affectés à la surveillance de son site, Attendu que la société VSE a transmis par lettre datée du 15 mai 2008 les agréments pour un certain nombre de ces salariés mais a précisé pour certains autres que l'agrément n'avait pas été obtenu "à la suite d'une erreur administrative" ou "que la Préfecture n'avait pas répondu", Attendu que, conformément à l'article 5.3, le prestataire s'engageait à respecter la législation applicable aux prestations définies, Attendu toutefois que dans la législation applicable à l'époque des faits la loi du 12 juillet 1983 réglementant les activités de sécurité prévoit que nul ne peut être employé pour participer à l'activité concernée s'il n'a fait l'objet préalablement à son embauche ou à son affectation d'une déclaration auprès du Préfet du département, Attendu qu'il ressort des pièces versées au débat que les salariés concernés, MM. X... et Y..., avaient bien fait l'objet d'une déclaration, Attendu par ailleurs qu'à réception de la mise en demeure du 5 mai, la société VSE avait remplacé les deux salariés dont elle n'avait pas été en mesure de justifier l'agrément par d'autres salariés dont la société VSE a justifié de l'agrément dans sa lettre du 15 mai 2008, Qu'ainsi la société VSE avait donné satisfaction à la demande de la société PROLOGIS, Attendu dans ce contexte qu'en décidant par lettre recommandée du 17 juin 2008 de résilier le contrat pour faute grave caractérisée par le fait qu'à défaut d'agrément administratif, certains salariés n'auraient jamais dû intervenir sur le site de Moissy-Cramayel, la société PROLOGIS a manifesté son intention de ne vouloir en aucun cas continuer la relation contractuelle avec la société VSE, Qu'ainsi le Tribunal décidera que la société PROLOGIS a rompu unilatéralement le contrat du 1er juin 2005. Attendu, sur le préjudice subi par la société VSE, que le contrat de prestation de service n'était prévu que pour un poste 24 h/24 et que l'extension à deux puis trois postes n'était pas contractuelle, même si les parties en avaient prévu l'occurrence, Attendu que dans ce contexte, le Tribunal se bornera à indemniser la société VSE du chiffre d'affaires au titre du contrat tel qu'il existe à la date de résiliation par la société PROLOGIS jusqu'à l'échéance prévue pour la première période, soit le 31 mai 2010, pour un montant de 425.250 euros (base facturée 3ème trimestre 2008 : 60.750 x 7 trimestres restant à courir), Qu'ainsi il n'y aura pas lieu à expertise » ;


1. ALORS QUE nul ne peut être employé pour participer à une activité de sécurité privée telle que définie par l'article 1er de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983, dans sa rédaction applicable en la cause, s'il n'a fait l'objet d'un agrément préfectoral ; qu'en l'espèce, pour affirmer que la société PROLOGIS FRANCE IX ne pouvait se prévaloir de la clause résolutoire stipulée à l'article 7.1 du contrat litigieux, l'arrêt attaqué a affirmé que la loi précitée se bornait à exiger de l'employeur d'un agent de sécurité qu'il déclare l'embauche de celui-ci à la préfecture, ce qui avait été le cas de MM. X... et Y..., peu important que ceux-ci n'aient pas été agréés ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé l'article 6 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983, dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble les articles 1134 et 1184 du Code civil ;


2. ALORS en tout état de cause QUE le juge ne peut dénaturer les termes du litige tels qu'ils sont fixés par les parties ; qu'en l'espèce, les parties s'accordaient pour dire que l'emploi d'agent de sécurité était soumis à un système d'agrément préfectoral et ne divergeaient que sur le point de savoir si l'agrément devait être obtenu préalablement ou non à l'embauche de l'agent de sécurité ; qu'en retenant que l'embauche d'un agent de sécurité devait seulement donné lieu à une déclaration à la Préfecture, la Cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;


3. ALORS QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans viser ni analyser, fût-ce sommairement, tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, la société PROLOGIS FRANCE IX soutenait, dans ses conclusions récapitulatives (p. 7, dernier alinéa et p. 8), qu'il résultait du compte-rendu d'activité tenu par la société VSE TÉLÉSURVEILLANCE pour la période du 16 mai au 30 juillet 2008, qu'elle produisait en cause d'appel (pièce n° 22), que MM. X... et Y... étaient demeurés en fonction sur le site appartenant à l'appelante après la mise en demeure adressée le 5 mai 2008 à la société VSE TÉLESURVEILLANCE et pendant toute la période couverte par ce compte rendu ; qu'à supposer adoptés sur ce point les motifs du jugement, la Cour d'appel aurait affirmé que ces deux salariés avaient été remplacés par d'autres salariés dont la société VSE TÉLÉSURVEILLANCE avait justifié de l'agrément dans sa lettre du 15 mai 2008 ; qu'en statuant ainsi, sans viser ni analyser, fût-ce sommairement, la pièce invoquée par l'exposante, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;


4. ALORS QUE les juges, tenus de motiver leur décision, ne peuvent se déterminer par le seul visa des pièces du dossier n'ayant fait l'objet d'aucune analyse ; qu'en l'espèce, en affirmant péremptoirement que la société PROLOGIS FRANCE IX avait imposé à son prestataire de service la rupture du contrat litigieux dans le seul but de réaliser des économies sur le coût de la sécurisation du site « comme le démontrent les pièces produites », sans indiquer quelles étaient ces pièces ni procéder à la moindre analyse de celles-ci, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.


SECOND MOYEN DE CASSATION, invoqué à titre subsidiaire


IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société PROLOGIS FRANCE IX EURL à payer à la société VSE TÉLÉSURVEILLANCE SARL la somme de 425 250 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;


AUX MOTIFS PROPRES QUE « la somme allouée par le tribunal, qui prend en compte tant la marge bénéficiaire de la société telle qu'elle résulte des comptes de résultat des années 2005 à 2007 produits aux débats que les frais divers liés à la rupture anticipée de ce contrat à durée déterminée, parmi lesquels les lourds investissements engagés dans le cadre de son exécution fait une juste appréciation du préjudice subi et qu'il n'y a pas matière à faire droit à la demande d'expertise ; Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile : Considérant que l'équité commande d'allouer à la société VSE la somme de 5.000 € » ;


ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE « le contrat de prestation de service n'était prévu que pour un poste 24 h/24 et que l'extension à deux puis trois postes n'était pas contractuelle, même si les parties en avaient prévu l'occurrence, Attendu que dans ce contexte, le Tribunal se bornera à indemniser la société VSE du chiffre d'affaires au titre du contrat tel qu'il existe à la date de résiliation par la société PROLOGIS jusqu'à l'échéance prévue pour la première période, soit le mai 2010, pour un montant de 425.250 euros (base facturée 3ème trimestre 2008 : x 7 trimestres restant à courir), Qu'ainsi il n'y aura pas lieu à expertise » ;


1. ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; que, par jugement du 24 novembre 2009 (p. 8, al. 1er), le Tribunal de commerce de Bobigny avait condamné la société PROLOGIS FRANCE IX à payer à la société VSE TÉLÉSURVEILLANCE une somme de 425 520 euros correspondant à la perte du chiffre d'affaires auquel cette dernière société aurait pu prétendre si le contrat litigieux était parvenu à son terme, le 31 mai 2010 ; qu'en affirmant que la somme ainsi allouée par le Tribunal tenait compte de la marge bénéficiaire de cette société telle qu'elle résultait des comptes de résultat de cette société des années 2005 à 2007 ainsi que des frais divers liés à la rupture anticipée dudit contrat, la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce jugement, violant ainsi le principe interdisant au juge de dénaturer les documents de la cause ;


2. ALORS QUE les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé ; qu'en l'espèce, il était acquis aux débats que la société VSE TÉLÉSURVEILLANCE exerçait son activité sur plusieurs sites, et que le contrat litigieux s'exécutait sur le seul site de Moissy-Cramoyel ; que, pour condamner la société PROLOGIS FRANCE IX à payer une somme de 425 520 euros à cette société à raison de la rupture anticipée du contrat litigieux, la Cour d'appel s'est bornée à énoncer que cette somme tenait compte de « la marge bénéficiaire de la société telle qu'elle résulte des comptes de résultat des années 2005 à 2007 » ; qu'en statuant par de tels motifs inopérants, sans déterminer quelle était la perte de la marge bénéficiaire de la société VSE TÉLÉSURVEILLANCE résultant de la seule rupture du contrat afférent au site en cause, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1149 du Code civil.

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