11 avril 2012
Cour de cassation
Pourvoi n° 11-14.544

Troisième chambre civile

ECLI:FR:CCASS:2012:C300425

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :





Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 février 2011), que la société Place Saint-Charles, maître de l'ouvrage, a chargé de la construction d'un immeuble, vendu par lots en l'état futur d'achèvement, divers constructeurs, dont la société X... Bernard construction, intervenue en qualité d'entreprise générale, qui a sous-traité le lot "parquet" à la société Sol Leader, depuis lors en redressement judiciaire ; que le maître de l'ouvrage a souscrit une "police unique par chantier" (PUC) auprès de la société Axa Corporate Solutions Assurance (Axa), venant aux droits de la société Axa Global Risks ; que des désordres, consistant notamment en des décollements de parquet dans une chambre, ayant été constatés dans l'appartement acquis par la société civile immobilière L'Olivier (la SCI) pour être loué à ses associés, M. et Mme Y..., ceux-ci et la SCI ont, après expertise, assigné en réparation la société Place Saint-Charles, qui a appelé en garantie la société X... Bernard construction ; que cette société a, elle-même, appelé en garantie la société Axa ;


Sur le premier moyen, pris en sa première branche :


Vu l'article 1134 du code civil ;


Attendu que pour rejeter les demandes de la société X... Bernard construction à l'encontre de la société Axa, l'arrêt, après avoir relevé que le Titre II des conditions spéciales précise que bénéficie de la qualité d'assuré "toute personne physique ou morale désignée aux conditions particulières ayant donné mandat au souscripteur et intervenant dans l'opération de construction, en qualité de titulaire d'un contrat de sous-traitance" et que l'article 1.3.2. des conditions particulières de la police prévoit en outre "que postérieurement à la souscription de la police, les autres intervenants participant à l'opération de construction, à l'exception des sous-traitants non agréés (...) pouvaient bénéficier de la qualité d'assuré et que la liste des intervenants ayant ainsi adhéré à la police devait être remise à l'assureur au plus tard, lors de la communication de l'arrêté définitif des comptes", retient que la société X... Bernard construction ne peut se prévaloir des seules dispositions générales de la PUC de l'article 1.3 tout en prétendant ignorer celles plus précises et parfaitement claires de l'article 1.3.2. qui précisent les conditions dans lesquelles les sous-traitants agréés, qui ont certes vocation à être assurés, le sont effectivement, outre celles des conditions spéciales ci-dessus rappelées, et qu'il résulte clairement des clauses de la PUC que s'impose pour chaque sous-traitant agréé une procédure d'adhésion, d'ailleurs non formaliste permettant de s'assurer de leur volonté certaine et non équivoque d'adhérer à la PUC" ;


Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte de l'article 1.3.2. des conditions particulières de la PUC que "dans le cadre de la garantie définie au titre II des conditions spéciales modifiée par les présentes conditions particulières" "les autres intervenants participant à l'opération de construction et non désignés ci-dessus bénéficient de la qualité d'assuré à l'exception des sous-traitants non agréés" et que "la liste des intervenants sera fournie à l'assureur lors de la communication de l'arrêté définitif des comptes", la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de ces conditions particulières, a violé le texte susvisé ;


Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le premier moyen, pris en sa seconde branche qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;


PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :


CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de la société X... Bernard construction à l'encontre de la société Axa Corporate Solutions Assurance en sa qualité d'assureur PUC et la demande subsidiaire de la société X... Bernard construction à l'encontre de la société Place Saint-Charles en garantie de toute condamnation qui pourraient être prononcée contre elle du fait du défaut de communication du mandat d'adhésion de la société Sol Leader, l'arrêt rendu le 4 février 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;


Condamne la société Axa Corporate Solutions Assurance et la société Place Saint-Charles aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile rejette la demande de la société Axa Corporate Solutions Assurance et de la société Place Saint-Charles ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, troisième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du onze avril deux mille douze, signé par M. Terrier, président, et par Mme Berdeaux, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt ;

MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyens produits par la SCP Bénabent, avocat aux Conseils pour la société X... Bernard construction


PREMIER MOYEN DE CASSATION


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes de la société X... BERNARD à l'encontre de la compagnie AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE en sa qualité d'assureur PUC ;


AUX MOTIFS QUE « la Cie AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE est intervenue en qualité d'assureur PUC tant sur le volet dommages ouvrage que sur celui décennal ; que la société X... BERNARD se prévalant de sa qualité d'assuré au titre de la PUC et du fait que « tous les sous-traitants de la société X... BERNARD qui ont été agréés par le maître de l'ouvrage bénéficient de la garantie de la Cie AXA » en conclut que cet assureur devra la garantir des conséquences du sinistre affectant la chambre 1 ; que la société X... BERNARD rappelle qu'il résulte de l'article 1.3 des conditions particulières de la PUC que les assurés sont « les intervenants listés au paragraphe 1.2 (architecte, BET, et X... BERNARD entreprise générale) ainsi que « les autres intervenants participant à l'opération de construction et non désignés ci-dessous bénéficiant de la qualité d'assuré à l'exception des sous-traitants non agréés», qu'en conséquence les sous traitants agréés par le maître d'ouvrage font partie « des autres intervenants à l'opération de construction» et ont donc la qualité d'assuré ; que la société AXA réplique qu'elle n'est pas l'assureur de la société SOL LEADER au titre de la PUC souscrite par le maître de l'ouvrage, que la PUC est un contrat consensuel et que tous les participants à l'acte de construction ne sont pas de plein droit adhérents à la police, qu'il ne s'agit que d'une faculté qui leur est offerte, en particulier pour les sous-traitants, que l'adhésion à la police ne se présume pas, doit résulter d'un acte positif et manifeste de volonté d'adhérer à la PUC, que ces conditions nécessaires résultent d'ailleurs du titre II des conditions spéciales qui précisent que bénéficie de la qualité d'assuré « toute personne physique ou morale désignée aux conditions particulières ayant donné mandat au souscripteur et intervenant dans l'opération de construction, en qualité de titulaire d'un contrat de sous-traitance », qu'il n'est pas contesté que la SNC Saint Charles a reçu mandat seulement de la société BECHU, de la société VIGNERON et PARTENAIRES, de la société SEERI et de la société X... BERNARD de mettre en place une police unique de chantier pour leur compte commun ; que l'article 1.3.2 des conditions particulières de la police prévoient en outre :




« - que postérieurement à la souscription de la police, les autres intervenants participant à l'opération de construction, à l'exception des sous traitants non agréés…pouvaient bénéficier de la qualité d'assuré


- Que la liste des intervenants ayant ainsi adhéré à la police devait être remise à l'assureur, au plus tard, lors de la communication de l'arrêté définitif des comptes »


- Que l'article 6.3 précise encore que les conditions de garantie sont consenties sous réserve de la communication de l'identité des intervenants et des lots exécutés » ;


que la société X... ne peut se prévaloir des seules dispositions générales de la PUC de l'article 1.3 tout en prétendant ignorer celles plus précises et parfaitement claires de l'article 1.3.2 qui précisent les conditions dans lesquelles les sous traitants agréés, qui ont certes vocation à être assurés, le sont effectivement, outre celles des conditions spéciales rappelées plus haut ; que si l'agrément par le maître de l'ouvrage est une condition générale pour que le sous-traitant soit assuré, il résulte clairement des clauses de la PUC que s'impose en outre, pour chaque sous-traitant agréé, une procédure d'adhésion, d'ailleurs non formaliste, permettant de s'assurer de leur volonté certaine et non équivoque d'adhérer à la PUC, que le fait d'être un sous-traitant agréé, déclaré au maître de l'ouvrage, ne fait pas pour autant de ce sous-traitant, sans expression claire de volonté en ce sens, et de manière totalement automatique un sous-traitant adhérent à la PUC devant même exprimer sa volonté de ne pas y adhérer, si tel est son choix ; que les conditions particulières de la police PUC prévoient que le contrat est constitué « outre les présentes » d'AXA GLOBAL RISKS par les conditions générales et les conventions spéciales de l'UAP, documents communiqués régulièrement, dès le mois de février 2000, soit bien antérieurement à l'arrêt du coût définitif de l'opération de construction, achevée entre avril 2001 et juin 2001 dates entre lesquelles se sont échelonnées les opérations de réception ; que la liste pour solliciter la prise en compte des sous-traitants par l'assureur PUC ne lui a été transmise que le 24 octobre 2003 soit après la révélation des sinistres ; que la société X... BERNARD ne peut invoquer les conditions de son sous-traité avec la société SOL LEADER qui ne peuvent aucunement modifier les conditions de la police PUC ;


1°/ ALORS QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en jugeant qu'il résultait clairement des clauses de la PUC que s'imposait pour chaque sous-traitant une procédure d'adhésion non formaliste quand les conditions particulières de l'assurance indiquaient au titre des assurés que « les autres intervenants participant à l'opération de construction et non désignés ci-dessus bénéficient de la qualité d'Assuré, à l'exception des sous-traitants non agréés » sans faire aucune référence à une procédure d'adhésion, la cour d'appel a dénaturé les termes du contrat d'assurance, violant ainsi l'article 1134 du Code civil ;


2°/ ALORS QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en jugeant que la SNC SAINT CHARLES avait reçu mandat seulement des concepteurs du projet (architectes et bureau d'études techniques) et de la société X... BERNARD pour souscrire la garantie Police Unique Chantier bien que le contrat de marché stipule expressément que « le simple fait pour les intervenants d'avoir soumissionné à l'appel d'offre, donne mandat au maître de l'ouvrage pour eux-mêmes et leurs sous-traitants désignés de souscrire pour leur compte une police unique de chantier couvrant chacun des intervenants (…) conformément à l'article L. 112-1 du Code des assurances », la cour d'appel a dénaturé les termes du marché, violant derechef l'article 1134 du Code civil ;


SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de la société X... BERNARD de voir la SNC PLACE SAINT CHARLES la relever et garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre du fait du défaut de communication du mandat d'adhésion de la société SOL LEADER ;


AUX MOTIFS QUE « si le maître de l'ouvrage, la SNC SAINT CHARLES devait déclarer les sous-traitants qu'il avait agréés à l'assureur, il appartenait à la société X... BERNARD de faire diligence auprès du maître d'ouvrage pour que ses sous-traitants, nommément identifiés et volontaires, soient assurés au titre de la PUC, que d'ailleurs le marché conclu entre la société X... BERNARD et le maître de l'ouvrage, la SNC PLACE SAINT CHARLES, prévoit dans ses dispositions diverses la souscription d'une PUC et précise que le mandat de souscription doit être donné « pour les sous-traitants désignés » et rappelle les obligations de l'entreprise générale quant à la vérification des modalités d'assurance de ses sous-traitants ; qu'il est constant que parmi les documents d'agrément de la société SOL LEADER ont été communiquées au maître d'ouvrage, par la société X... BERNARD les attestations d'assurance RC/RD de la société SOL LEADER auprès de la SMABTP, que par contre il n'a été joint aucune demande expresse – ce qui ne signifie pas un document rédigé en des formes précises – d'adhésion à la PUC émanant de ce sous-traitant, ou même formulée pour lui par la société X... à cette occasion, qu'en conséquence aucune faute ne peut être reprochée au maître de l'ouvrage alors que celui-ci non seulement n'a reçu aucun élément d'information concernant les intervenants souhaitant adhérer à la PUC, mais a même reçu la preuve de ce que la société SOL LEADER disposait de ses assurances propres ; que la société X... BERNARD ne peut invoquer les dispositions de l'assurance pour compte sans transformer la faculté que constitue l'assurance pour compte en une obligation ; qu'en l'absence de tout élément transmis dans les délais à l'assureur concernant l'intervention de la société SOL LEADER, cette dernière – et la société X... BERNARD pour elle – prétendre à la qualité d'assuré au titre de la PUC (sic)» ;


ALORS QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en jugeant qu'il appartenait à la société X... BERNARD de faire diligence auprès du maître d'ouvrage pour que ses sous-traitants soient assurés au titre de la PUC bien qu'il résulte du marché que le simple fait pour les intervenants d'avoir soumissionné à l'appel d'offres donne mandat irrévocable au maître de l'ouvrage, pour eux-mêmes et leurs sous-traitants désignés, de souscrire pour leur compte une Police Unique Chantier, la cour d'appel a méconnu les obligations résultant du contrat, violant ainsi l'article 1134 du Code civil ;

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.