3 avril 2012
Cour de cassation
Pourvoi n° 11-13.370

Chambre commerciale financière et économique

ECLI:FR:CCASS:2012:CO00390

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° K 11-13. 370 et n° Q 11-13. 581 qui attaquent le même arrêt ;

Donne acte à la société CMS du désistement partiel de son pourvoi n° K 11-13. 370 en tant qu'il est dirigé contre les sociétés TAJ et RBA ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 décembre 2010), que le 23 novembre 2001, la société 3S informatique, aux droits de laquelle se trouve la société CMS, a conclu avec la société Deloitte et Touche Corporate finance, aux droits de laquelle vient la société Deloitte finance, un contrat d'assistance et de conseil en vue de l'acquisition des titres des deux sociétés filiales de la société EMC, les sociétés MCI SA et MCI Inc ; que la société Deloitte finance a remis un rapport intitulé " Analyse de l'opportunité MCI pour 3S " ; que le 21 décembre 2001, la cession des titres des deux sociétés est intervenue ; qu'à la suite de difficultés financières ultérieures rencontrées par celles-ci, la société CMS a recherché la responsabilité de la société Deloitte finance pour manquement à son obligation de conseil ;

Sur l'irrecevabilité du pourvoi n Q 11-13. 581, relevée d'office après avertissement délivré aux parties :

Vu le principe " Pourvoi sur pourvoi ne vaut " ;

Attendu que, par application de ce principe, le pourvoi formé le 7 mars 2011 par la société CMS qui succède à un précédent pourvoi formé le 3 mars 2011 par celle-ci contre la même décision, n'est pas recevable ;

Sur le premier moyen du pourvoi n K 11-13. 370 :

Attendu que la société CMS fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de condamnation de la société Deloitte finance à lui payer des dommages-intérêts pour manquement à son devoir de conseil, alors, selon le moyen :

1°/ qu'un devoir de conseil s'exécute par la formulation d'un conseil, c'est-à-dire d'une prise de position claire à propos de l'opportunité même de la décision pour laquelle le conseil est sollicité ; qu'en estimant que la société Deloitte finance avait satisfait à ses obligations en l'état de motifs desquels il résulte qu'après avoir énuméré les arguments favorables à l'opération litigieuse, celle-ci s'est bornée à faire la liste des " contre " et n'en a tiré formellement aucune conclusion, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil ;

2°/ qu'en estimant que la société Deloitte finance avait " clairement fait connaître " les risques de l'opération sur l'opportunité de laquelle elle avait à se prononcer par l'énumération des arguments défavorables à sa réalisation en des termes dont elle a pourtant ressenti le besoin de fournir, pour les rendre intelligibles, une traduction entre crochet, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 1147 du code civil ;

3°/ qu'en affirmant inexactement que, dans le document intitulé par la société Deloitte finance " Analyse de l'opportunité MCI pour 3S ", le mot " risque " figurant après la question " Quid du financement de l'acquisition ? " avait été " souligné par l'auteur du rapport ", la cour d'appel a dénaturé ce dernier, et par conséquent violé l'article 1134 du code civil ;

4°/ qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir constaté, d'une part, que la société Deloitte finance avait exécuté sa mission dans un court laps de temps et reconnu n'avoir recueilli que peu d'informations sur la situation des sociétés MCI SA et MCI Inc. et, d'autre part, que l'opération était " risquée ", sans rechercher, ainsi qu'elle y était cependant invitée, si la société Deloitte finance n'avait pas commis une faute en recommandant à la société 3S informatique la conception et la formalisation d'un " projet industriel séduisant pour " vendre " à EMC le rachat de MCI par 3S pour un prix autour de 50 MF ", la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1147 du code civil ;

5°/ que le devoir de conseil comporte celui de déconseiller ; que manque gravement à ses obligations la société spécialisée en conseils stratégiques aux entreprises qui, informée par son client du souci de celui-ci, non pas de se lancer dans une activité spéculative, mais de seulement surmonter les obstacles prévisibles à la poursuite de sa croissance dans son propre secteur, ne lui déconseille pas formellement une acquisition dont elle a identifié les risques et qui ne correspond pas à cet objectif ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient qu'à la suite de l'étude de la situation des deux sociétés MCI, la société Deloitte finance a clairement fait connaître, dans la rubrique de son rapport intitulée " Analyse de l'opportunité MCI pour 3S " et sous la rubrique " synthèse ", divisée en " pour " et en " contre ", que, si l'opération présentait des atouts, elle était néanmoins risquée pour les raisons qu'elle énumérait et qu'elle posait en conclusion la question suivante : " Quid du financement de l'acquisition ? risque sur le groupe 3S dans son ensemble " ; que l'arrêt retient encore que la société Deloitte finance, qui disposait d'un court laps de temps pour procéder à sa mission, a décelé les points faibles de l'opération, qu'elle en a fait part à la société 3S informatique et que, malgré les très nettes réserves exprimées par le rapport, celle-ci a poursuivi l'opération qu'elle envisageait et que ses dirigeants ont pris les décisions qu'ils étaient libres de prendre ; qu'il en déduit que la société Deloitte finance a développé une opinion circonstanciée, complétant les avis émis par les deux autres prestataires de services intervenant à ses côtés, et soulignant, comme eux, les risques courus en cas de poursuite de l'opération envisagée, quand, de son côté, et selon la lettre d'intention du 26 novembre 2001, la société 3S informatique avait évalué le prix d'acquisition à 7, 6 millions d'euros, " quels que soient les résultats des contrôles préalables, sous réserve d'une documentation satisfaisante " ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations dont elle a pu déduire qu'aucune responsabilité n'était encourue par la société Deloitte finance, et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche non demandée visée à la quatrième branche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen qui ne peut être accueilli en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et sur le second moyen du même pourvoi :

Attendu que la société CMS fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société Deloitte finance une certaine somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en déduisant l'abus du droit d'agir en justice de la société CMS de ce que certaines de ses allégations ne reposaient sur " aucun document probant " et de " la légèreté et la témérité avec lesquelles ces accusations sont exprimées en vue de suggérer une collusion entre la société Deloitte et la société EMC les rendent fautive ", après avoir infirmé le jugement de première instance en ce qu'il avait déclaré la société CMS irrecevable à agir, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'abus de cette dernière dans l'exercice de son droit d'agir en justice, a violé l'article 1382 du code civil ;

2°/ que l'inexécution fautive, par la société Deloitte finance, de son devoir de conseil a conduit la société CMS à réaliser pour un prix très excessif une acquisition contraire à ses intérêts, mais ayant ouvert droit, au profit de ladite société Deloitte finance, à des commissions de résultats liées au montant de l'opération ; qu'en considérant que la société CMS avait commis une faute dans l'exercice de son droit d'agir en justice en formulant l'hypothèse que cette conséquence n'avait peut-être pas été étrangère à la
cause qu'elle invoquait à l'appui d'une demande à laquelle la défenderesse opposait une clause exclusive de responsabilité, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu, par une appréciation souveraine des faits qui lui étaient soumis, que les allégations formulées par la société CMS, de façon interrogative et dubitative, ne reposaient sur aucun document probant et que la légèreté et la témérité avec lesquelles cette société avait porté des accusations en vue de suggérer une collusion entre la société EMC et la société Deloitte finance les rendaient fautives en mettant cette dernière dans l'obligation de se défendre d'accusations graves et vexatoires portées contre elle, la cour d'appel, qui n'a pas retenu à l'égard de la société Deloitte finance une inexécution fautive du contrat, a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et attendu que par suite du rejet du pourvoi de la société CMS, le pourvoi incident éventuel de la société Deloitte finance est devenu sans objet ;



PAR CES MOTIFS :

DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi n Q 11-13. 581

REJETTE le pourvoi n° K 11-13. 370 ;

Condamne la société CMS aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Deloitte finance la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le conseiller doyen qui en a délibéré, en remplacement du président, en son audience publique du trois avril deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils pour la société CMS, demanderesse au pourvoi n° K 11-13. 370

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société CMS de sa demande d'indemnisation dirigée contre la société Deloitte Finance pour manquement de celle-ci à son devoir de conseil ;

AUX MOTIFS QUE la société Deloitte & Touche Corporate Finance, devenue la société Deloitte Finance, doit donc répondre de la bonne exécution de sa mission de conseil et d'assistance prévue par le contrat, même en l'absence de faute lourde ; que, comme le souligne la société Deloitte, sa responsabilité de prestataire de service ne s'apprécie qu'au regard du contenu du contrat et qu'à l'occasion d'une mission de conseil liée à une acquisition d'entreprise, telle qu'elle est rappelée ci-avant, le prestataire de service n'est tenu que d'une obligation de moyens dès lors que, comme l'a écrit un auteur cité par l'intimée, « la décision finale de faire ou de ne pas faire l'opération projetée reposera toujours sur l'investisseur » ; qu'en l'occurrence, la lettre de mission du 23 novembre 2001, approuvée par le représentant de la société 3 S Informatique, prévoit expressément que « l'acquisition de cette société dans le domaine des services en ingénierie informatique sera uniquement du ressort de 3 S Informatique » et que la société Deloitte ne prendra « aucune responsabilité sur les conséquences de cette décision par rapport aux recommandations effectuées » ; que, tout particulièrement, les parties étaient convenues que « les dirigeants du groupe E. M. C. étaient seuls responsables de l'exactitude et de l'exhaustivité de l'information qui... sera communiquée », que, s'agissant des comptes prévisionnels, les dirigeants du groupe étaient également responsables, la société Deloitte n'étant pas chargée « de valider les budgets, ni les hypothèses » ; qu'enfin, la société Deloitte rejetait toute responsabilité quant aux « conséquences des décisions d'investissement ou de financement qui pourraient être prises » ; qu'ainsi, était affirmée l'obligation de moyens contractée par la société Deloitte & Touche Corporate Finance ; qu'il y a lieu d'examiner successivement les cinq griefs articulés contre elle par la société C. M. S. ; (…) ; qu'il ressort de la traduction de la lettre d'intention signée le 26 novembre 2001 par le représentant de la société 3 S Informatique que « une analyse stratégique exhaustive de 3 S figure en annexe 4 et 5, récemment complétée avec l'aide du département Strategic Advisory Services de Deloitte & Touche Paris, ce qui a permis à la Direction de clarifier sa stratégie et d'adapter son organisation à la phase de forte croissance prévue » ; que « 3 S est désormais structurée de manière à intégrer, avec succès, d'autres sociétés des services en matière de technologies de l'infirmation... » ; qu'en revanche, à la suite de l'étude de la situation des deux sociétés M. C. I., la société Deloitte a clairement fait connaître, dans son « Analyse de l'opportunité MCI pour 3 S » et sous la rubrique « synthèse » qui est divisée en « POUR » et en « CONTRE », que, si l'opération présentait des atouts, elle était néanmoins risquée pour les raisons suivantes : «- peu d'éléments disponibles sur les aspects RH ressources humaines significatifs (motivation des personnels, taux d'inter-contrat actuel salariés en attente de mission, etc.) — aucune visibilité sur le carnet de commandes, hypothèses de construction de business plan non détaillées,- une partie de l'activité correspondant à de la sous-traitance, pas nécessairement intéressante,- timing délai extrêmement serré de l'opération avec un engagement fort sur un prix demeurant significatif pour la taille actuelle du groupe 3 S Informatique à émettre en peu de temps, et un closing fin de l'opération au plus tard fin décembre 2001 » ; que la société Deloitte Finance posait enfin la question suivante : « Quid du financement de l'acquisition ? (risque souligné par l'auteur du rapport sur le groupe 3 S dans son ensemble) » ; qu'il suit de ce qui précède que la société Deloitte, qui disposait d'un court laps de temps pour procéder à une mission qui ne comprenait pas la recherche d'un financement, a décelé les points faibles de l'opération et qu'elle en fait part à la société 3 S Informatique ; que, malgré les très nettes réserves exprimées par le rapport, la société 3 S Informatique a poursuivi l'opération qu'elle envisageait et que ses dirigeants ont pris les décisions qu'ils étaient libres de prendre ou de ne pas prendre ; qu'à cet égard, aucune responsabilité n'est encourue par la société Deloitte ; (…) ; que M. Alain X..., dirigeant de la société 3 S Informatique, a signé la lettre d'intention rédigée en anglais ; qu'aucun élément du dossier n'établit que lui-même ou Richard X..., son frère, aurait signé cette lettre sous la contrainte et sans en comprendre le sens et ce, alors qu'avant la rédaction et la signature de cette lettre, il avait déjà signé un document rédigé en anglais ; qu'en outre, il ressort de deux traductions assermentées de la lettre d'intention que ce document ne constituait pas un engagement ferme, l'expression « the price would be paid » signifiant non pas « le prix sera payé », mais « le prix serait payé » dont la forme conditionnelle est exclusive de tout engagement ferme et définitif de payer le prix comptant alors surtout que le document litigieux ne retient que des « principes d'évaluation » ; que, de plus, les termes de la lettre font apparaître que l'offre était expressément formulée sous réserve de la réalisation de divers événements ou autres conditions, tels qu'un audit, un accord sur le texte d'un contrat d'acquisition, l'absence de changements défavorables intervenant dans l'activité ou les résultats des sociétés M. C. I. ou l'accord définitif du conseil d'administration de la société C. M. S. ; (…) ; qu'il ressort des documents remis par la société 3 S Informatique à la société Deloitte avant la cession que la société 3 S Informatique savait que l'activité de la société M. C. I. était en recul et que, comme il est dit supra, elle a acquis les sociétés M. C. I. nonobstant l'avertissement donné par la société Deloitte qui n'a aucunement conseillé l'acquisition ; que la société Deloitte n'était pas chargée de remettre une étude se rapportant à la conduite des « due diligences » dès lors que la remise d'un tel document n'était pas contractuellement prévue et que, s'il avait été rédigé, il aurait fait double emploi avec les avis émis par la Selafa Taj, d'une part, et par la société R. B. A., d'autre part, qui attiraient l'attention de la société 3 S Informatique sur les difficultés rencontrées par la société M. C. I. ; qu'en revanche, la société Deloitte a exactement accompli les « due diligences » qui lui étaient confiées ainsi qu'il ressort d'une attestation de Mme Y...qui certifie que MM. Main et Richard X...et M. Z..., ensemble ou séparément, ont participé à plusieurs réunions dans les bureaux de la société Deloitte et qu'ont été évoquées les difficultés rencontrées par la société M. C. I. et à une réunion de synthèse à laquelle participait un salarié de la société R. B. A. qui l'atteste ; que la société Deloitte & Touche Corporate Finance a donc effectué toutes les tâches auxquelles elle était tenue ; (…) ; que, dans ses conclusions, la société C. M. S. consacre de longs développements en s'interrogeant sur les méthodes internes adoptées par la société Deloitte au regard notamment de la « politique de qualité et de risques » pratiquée par « tous les cabinets internationaux pluridisciplinaires » ; qu'en réalité, par cette succession d'interrogations, la société C. M. S. n'exprime aucun grief qui serait caractéristique d'une faute imputable à la société Deloitte ; qu'à cet égard, la société C. M. S. ne démontre aucun manquement n'est reprochable à là société Deloitte & Touche Corporate Finance ; (…) ; que la société C. M. S. reproche à la société Deloitte de lui avoir conseillé d'acquérir les deux sociétés pour le prix de 7, 6 millions d'euros en cachant l'offre d'acquisition pour 1 euro faite par la société Sylis, qui était également son client ; que la société C. M. S. verse aux débats trois attestations, deux d'entre elles, rédigées par M. Colin, son ancien salarié, qui atteste que la société Deloitte n'a jamais conseillé la société Sylis, l'autre établie par M. A..., salarié de la société M. C. I., qui prétend s'être rendu dans les locaux de la société Deloitte en vue de rencontrer le représentant de la société Sylis en vue d'une reprise de la société M. C. I. ; qu'aucune preuve ne saurait être déduite de ces témoignages rédigés en termes contradictoires alors surtout que M. B..., commissaire aux comptes de la société Sylis, atteste qu'il n'a jamais participé, dans les locaux de la société Deloitte, à une réunion relative à une reprise de la société M. C. I. ; qu'au surplus, il y a lieu d'observer que la société C. M. S. verse une pièce faisant apparaître que, le 26 octobre 2001, une société Ecsofi Group Plc a fait parvenir une lettre d'intention à la société E. M. C. et proposé un prix d'acquisition de 10. 000. 000 dollars payable comptant ; qu'il s'ensuit que la mauvaise foi alléguée n'est pas démontrée ; (…) ; que si chacune des trois sociétés prestataires de services, à savoir la société Deloitte & Touche Corporate Finance, R. B. A. et Taj, ne doit répondre que de sa propre faute et que, par des motifs qui ne sont plus critiqués, le Tribunal de grande instance de Paris a énoncé qu'aucune faute n'était imputable à la société R. B. A. et à la Selafa Taj, il n'est pas indifférent de noter que, d'une part, les premiers juges ont énoncé « que le rapport d'audit, daté du 14 décembre 2001, établi par la société Deloitte & Touche Juridique et Fiscal devenue Selafa Taj, fait un point précis des difficultés juridiques susceptibles d'apparaître au regard de l'ensemble des contrats qui ont été soumis à son analyse et qu'elle détaille » et que, d'autre part, la société R. B. A., qui a « recensé certaines zones de risques qui lui paraissaient devoir être traitée dans la négociation », avait attiré l'attention de la société C. M. S. sur la dégradation de la trésorerie de la société M. C. I, le ralentissement de son activité et la baisse du taux d'activité de ses ingénieurs ; qu'en outre, le rapport dressé le 13 mai 2003 par la société Coged, désignée en qualité d'expert à l'occasion de la procédure de redressement judiciaire de la société M. C. I., fait apparaître que « la baisse d'activité n'est pas un effondrement survenant soudain en 2002... mais une dégradation constante depuis le 2ème ou le 3ème trimestre 2001 » ; que, toutefois, intervenant à la fin de l'année 2001, la société Deloitte notait, à la page 7 de son « Analyse d'opportunité MCI pour 3S » que le bilan, plutôt sain, était contredit par les difficultés que rencontrait la société et que, surtout, était constatée une baisse régulière du chiffre d'affaires depuis 1999 ; que tous les renseignements utiles ont été fournis à la société 3 S Informatique avant que ses dirigeants prennent la décision envisagée ; qu'il en résulte que, comme il a été dit dans le paragraphe intitulé « Sur la prétendue erreur d'appréciation « majeure » », la société Deloitte a développé une opinion circonstanciée, complétant les avis émis par la société R. B. A. et par la Selafa Taj, chacune dans sa spécialité et au regard des questions qui lui étaient posées, et soulignant, comme ces deux prestataires de services, les risques courus en cas de poursuite de l'opération envisagée alors que, de son côté et selon la lettre d'intention du 26 novembre 2001, la société 3 S Informatique avait évalué le prix d'acquisition à 7, 6 millions d'euros « quels que soient les résultats des contrôles préalables, sous réserve d'une documentation satisfaisante » ; qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Deloitte Finance, qui, dans le temps limité qui lui était donné, a fourni une information complète sur la situation de la société M. C. I., n'a commis aucune des fautes qui lui sont reprochées et qu'il convient de débouter la société C. M. S. de toutes ses demandes ;

1°) ALORS QU'un devoir de conseil s'exécute par la formulation d'un conseil, c'est-à-dire d'une prise de position claire à propos de l'opportunité même de la décision pour laquelle le conseil est sollicité ; qu'en estimant que la société Deloitte Finance avait satisfait à ses obligations en l'état de motifs desquels il résulte qu'après avoir énuméré les arguments favorables à l'opération litigieuse, celle-ci s'est bornée à faire la liste des « contre » et n'en a tiré formellement aucune conclusion, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil ;

2°) ALORS QU'en estimant que la société Deloitte Finance avait « clairement fait connaître » les risques de l'opération sur l'opportunité de laquelle elle avait à se prononcer par l'énumération des arguments défavorables à sa réalisation en des termes dont elle a pourtant ressenti le besoin de fournir, pour les rendre intelligibles, une traduction entre crochets, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constations, en violation de l'article 1147 du code civil ;

3°) ALORS QU'en affirmant inexactement que, dans le document intitulé par la société Deloitte Finance « Analyse de l'opportunité M. C. I. pour 3 S », le mot « risque » figurant après la question « Quid du financement de l'acquisition ? » avait été « souligné par l'auteur du rapport », la cour d'appel a dénaturé ce dernier, et par conséquent violé l'article 1134 du Code civil ;

4°) ALORS QU'en statuant comme elle l'a fait, après avoir constaté, d'une part, que la société Deloitte Finance avait exécuté sa mission dans un court laps de temps et reconnu n'avoir recueilli que peu d'informations sur la situation des sociétés MCI SA et MCI Inc. et, d'autre part, que l'opération était « risquée », sans rechercher, ainsi qu'elle y était cependant invitée, si la société Deloitte Finance n'avait pas commis une faute en recommandant à la société 3 S Informatique la conception et la formalisation d'un « projet industriel séduisant pour " vendre " à EMC le rachat de M. C. I. par 3 S pour un prix autour de 50 MF », la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1147 du code civil ;

5°) ALORS QUE le devoir de conseil comporte celui de déconseiller ; que manque gravement à ses obligations la société spécialisée en conseils stratégiques aux entreprises qui, informée par son client du souci de celui-ci, non pas de se lancer dans une activité spéculative, mais de seulement surmonter les obstacles prévisibles à la poursuite de sa croissance dans son propre secteur, ne lui déconseille pas formellement une acquisition dont elle a identifié les risques et qui ne correspond pas à cet objectif ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société CMS à payer à la société Deloitte Finance la somme de 20. 000 euros à titre de dommage-intérêts ;

AUX MOTIFS que le droit d'agir en justice et d'appeler d'un jugement ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts qu'en cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur équipollente au dol ; qu'en l'espèce, il ne saurait être reproché à la société C. M. S. d'avoir interjeté appel du jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Paris dès lors que, parvenant à faire écarter la fin de non-recevoir tirée d'une prétendue prescription de l'action et le moyen tiré de l'application de la clause limitative de responsabilité qui lui étaient opposés, elle obtient que l'affaire soit examinée au fond ; que, si tout prestataire de services s'expose, à raison de son activité, à ce que sa responsabilité professionnelle soit recherchée, encore faut-il que sa compétence et sa moralité ne soient pas mises en cause dans des circonstances propres à caractériser une faute telle qu'elle est définie ci-avant ; qu'en l'espèce, la société C. M. S. a, par une argumentation à laquelle il a été répondu, recherché la responsabilité de la société Deloitte Finance en critiquant le résultat de ses travaux et la méthode employée de sorte que, sur ce point, aucun grief ne saurait être utilement articulé contre elle ; que, toutefois, elle a également contesté la bonne foi de la société Deloitte qui, comme les sociétés Taj et R. B. A., soulignait les risques courus en cas de poursuite de l'opération envisagée, en soutenant qu'elle aurait trahi ses intérêts en favorisant une entreprise concurrente et ce, au mépris de ses propres règles internes ; qu'en réalité et comme il est dit dans le paragraphe consacré à ce grief, la société C. M. S. se borne à exprimer, aux pages 73 à 76 de ses dernières conclusions, une longue série d'interrogations sur le fonctionnement interne de la société Deloitte pour, d'une part, lui reprocher, mais de façon interrogative, de n'avoir pas « tout mis en oeuvre pour optimiser la transaction » et lui éviter, à elle, société C. M. S., d'être en cessation des payements le mois suivant l'acquisition des sociétés M. C. I. et, d'autre part, aux pages 92 à 96 des conclusions, d'arguer du « caractère intentionnel des fautes commises par le Cabinet Deloitte Finance » désireux, selon elle, « d'obtenir sa commission liée au montant de l'opération » et « ensuite peutêtre pour protéger des intérêts supérieurs à ceux de la société C. M. S. » ; que les allégations formulées par la société C. M. S., de façon interrogative et dubitative, ne reposent sur aucun document probant ; que la légèreté et la témérité avec lesquelles ces accusations sont exprimées en vue de suggérer une collusion entre la société Deloitte et la société E. M. C. les rendent fautives ; que la société Deloitte Finance subit, à cet égard, un préjudice caractérisé par l'obligation de se défendre d'accusations graves et vexatoires, témérairement portées contre elle ; que ce préjudice sera réparé par une indemnité de 20. 000 euros ; qu'il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement et de condamner la société C. M. S. à payer à la société Deloitte Finance la somme de 20. 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

1°) ALORS QU'en déduisant l'abus du droit d'agir en justice de la société CMS de ce que certaines de ses allégations ne reposaient sur « aucun document probant » et de « la légèreté et la témérité avec lesquelles ces accusations sont exprimées en vue de suggérer une collusion entre la société Deloitte et la société EMC les rendent fautive », après avoir infirmé le jugement de première instance en ce qu'il avait déclaré la société CMS irrecevable à agir, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'abus de cette dernière dans l'exercice de son droit d'agir en justice, a violé l'article 1382 du code civil ;

2°) ALORS QUE l'inexécution fautive, par la société Deloitte Finance, de son devoir de conseil a conduit la société CMS à réaliser pour un prix très excessif une acquisition contraire à ses intérêts, mais ayant ouvert droit, au profit de ladite société Deloitte Finance, à des commissions de résultats liées au montant de l'opération ; qu'en considérant que la société CMS avait commis une faute dans l'exercice de son droit d'agir en justice en formulant l'hypothèse que cette conséquence n'avait peut-être pas été étrangère à la cause qu'elle invoquait à l'appui d'une demande à laquelle la défenderesse opposait une clause exclusive de responsabilité, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil.

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