20 mars 2012
Cour de cassation
Pourvoi n° 11-10.514

Chambre commerciale financière et économique

ECLI:FR:CCASS:2012:CO00317

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : Attendu, selon l'arrêt attaqué, que sur le fondement de diverses marques communautaires et françaises " Abercrombie & Fitch ", " Abercrombie " et " A & F ", dont elle est titulaire, la société A & F Trademark a assigné la société BSD 265 et Mme X...en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de cette société en contrefaçon ; que ces marques ont été cédées le 18 août 2010 à la société Abercrombie & Fitch Europe ;

Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et huitième branches :

Attendu que les sociétés A & F Trademark et Abercrombie & Fitch Europe font grief à l'arrêt d'avoir constaté que la première ne démontrait pas avoir fait un usage sérieux des marques communautaires " Abercrombie & Fitch " n° 325 258 et " Abercrombie " n° 2 315 083 ainsi que des marques françaises n° 1 511 852, n° 99 767 270, n° 3 008576 et n° 3 008 578 portant sur les mêmes dénominations et d'avoir en conséquence prononcé leur déchéance à compter de différentes dates, alors, selon le moyen :

1°/ qu'une marque communautaire fait l'objet d'un usage sérieux lorsqu'elle est utilisée dans la Communauté conformément, d'une part, à sa fonction essentielle qui est de garantir l'identité d'origine des produits ou services pour lesquels elle a été enregistrée et, d'autre part, à sa raison d'être commerciale consistant à créer ou à conserver un débouché pour lesdits produits ou services provenant d'autres entreprises ; que constitue un usage conforme à la fonction essentielle d'une marque l'usage de celle-ci qui conduit le public à établir un lien entre le signe et les produits ou services commercialisés en lui permettant d'en identifier l'origine ; qu'en l'espèce, pour retenir que les articles de presse concernant l'implantation de la boutique " Abercrombie & Fitch " à Londres seraient " dénués de pertinence ", la cour d'appel s'est bornée à relever qu'ils ne feraient " état que de l'activité de la société A & F Trademark " à Londres, " sans que soient distinguées voire même mentionnées les marques en cause " ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi que la société A & F Trademark l'y invitait dans ses conclusions d'appel, si l'ouverture médiatisée en Grande-Bretagne d'un magasin de vêtements à l'enseigne " Abercrombie & Fitch " ne conduisait pas le public de Grande-Bretagne à faire un lien entre cette dénomination et les vêtements commercialisés sous son enseigne en en identifiant l'origine, et n'était pas, en conséquence, de nature à caractériser un usage effectif de la marque communautaire « Abercrombie & Fitch » au sein de la Communauté pour désigner des vêtements, la cour d'appel a violé les articles 15 et 50 du Règlement CE n° 40/ 94 du 20 décembre 1993 (aujourd'hui devenu les articles 15 et 51 du Règlement CE n° 207/ 2009 du 26 février 2009) ;

2°/ que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner les arguments et les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties à l'appui de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, pour justifier de l'exploitation de ses marques en France, la société A & F Trademark faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que les catalogues " Back to School " 2001, 2003, 2004 et 2006 de la société A & F Trademark décrivaient et présentaient des vêtements sur lesquels ses marques étaient apposées et qu'ils renvoyaient expressément au site internet de vente en ligne accessible à l'adresse " abercrombie. com " ; qu'ayant constaté que " son site internet accessible à l'adresse abercrombie. com permet au consommateur résidant en France de connaître ses produits et d'en faire l'acquisition ", la cour d'appel ne pouvait se borner à retenir qu'il n'était " pas justifié de la diffusion en France des catalogues " back to school " des années 2001, 2003, 2004 et du catalogue Christmas 2006 " de la société A & F Trademark sans examiner, ainsi que la société A & F Trademark l'y invitait, si lesdits catalogues ne permettaient pas d'identifier les vêtements commercialisés sur le site internet abercrombie. com ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en retenant que les tableaux certifiés par notaire des ventes en France de produits via la site Internet abercrombie. com ne renseignaient pas sur les marques exploitées, quand ceux-ci faisaient précisément état de ventes en France de produits de marques " Abercrombie & Fitch " pour adultes et de marque " Abercrombie " pour enfants de 2000 à 2009, la cour d'appel a dénaturé les pièces n° 70 et 123, en violation de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt relève que les articles de presse ne font état que de l'activité de la société A & F Trademark à Londres et que les publicités parues dans divers journaux ou magazines mentionnent uniquement sa dénomination sociale sans référence aux marques en cause ; qu'en l'état de ces constatations, dont il résulte que le public avait seulement connaissance que la société A & F Trademark exploitait un magasin de vêtements à Londres, la cour d'appel a pu retenir qu'il n'était pas justifié d'un usage effectif de la marque communautaire " Abercrombie & Fitch " pour désigner des vêtements dans l'Union européenne ;

Attendu, d'autre part, que la société A & F Trademark n'ayant pas soutenu dans ses conclusions d'appel que ses catalogues de 2007 permettraient d'identifier les produits vendus dans la boutique qu'elle avait ouverte à Londres en mars 2007, le grief pris de ce que la cour d'appel n'aurait pas procédé à cette recherche est nouveau et mélangé de fait et de droit ;

Attendu, enfin, que les tableaux certifiés par notaire ne portant aucune mention d'où résulterait de manière claire et précise que les ventes en France sont relatives à des vêtements commercialisés sous les marques " Abercrombie & Fitch " ou " Aberccrombie ", la cour d'appel a pu en déduire, hors toute dénaturation, qu'ils ne donnaient aucune information sur l'exploitation de ces marques ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa deuxième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que les sociétés A & F Trademark et Abercrombie & Fitch Europe font grief à l'arrêt d'avoir prononcé la déchéance de la marque française " Abercrombie & Fitch " n° 1511852 à compter du 13 juillet 1994, alors, selon le moyen, que seul l'article 11 de la loi n° 64-1360 du 31 décembre 1964 est applicable pour statuer sur une demande en déchéance de marques, dès lors que la période de non-exploitation alléguée s'est partiellement écoulée avant la date d'entrée en vigueur de la loi du 4 janvier 1991, soit le 28 décembre 1991 ; que sous l'empire de la loi de 1964, le délai à prendre en compte pour l'appréciation de l'exploitation de la marque correspondait aux cinq années précédant la demande en déchéance, la déchéance prenant effet à la date de la demande ; qu'en l'espèce, la société BSD 265 sollicitait la déchéance de la marque française " Abercrombie & Fitch " n° 1511852, enregistrée le 13 juillet 1989, à compter du 13 juillet 1994 ; qu'en retenant, pour prononcer la déchéance de cette marque à compter du 13 juillet 1994, que le délai de cinq ans courait " à compter de la date de la publication de l'enregistrement au bulletin officiel de la propriété industrielle (BOPI) ", la cour d'appel a violé l'article 11 de la loi de 1964 ;

Mais attendu que l'arrêt ayant relevé que la marque n° 1511852 avait été déposée le 31 janvier 1989 et son enregistrement publié le 13 juillet 1989 et que la période alléguée de non-exploitation s'était en partie écoulée après le 28 décembre 1991, date d'entrée en vigueur de la loi du 4 janvier 1991, en a exactement déduit que les dispositions de ce texte étaient applicables et que la déchéance des droits sur cette marque devait prendre effet à compter du 13 juillet 1994 ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen, pris en ses cinquième et sixième branches :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que pour refuser d'examiner les pièces 66 et 69 de la société A & F Trademark, l'arrêt retient qu'elles sont postérieures au 18 septembre 2008, date de la demande de déchéance formée par la société BSD 265 ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la pièce 66 comportait des articles de presse rédigés en français, datés des 3 mars 2008, 27 juillet et 29 août 2008, concernant les marques en cause et que la pièce 69 était notamment constituée de confirmations de commandes de produits, revêtus des marques de la société A & F Trademark, transmises avant le 18 septembre 2008 à la société A & F Trademark, par des personnes habitant en France, la cour d'appel a dénaturé les dispositions claires de ces pièces et violé le texte susvisé ;

Sur ce moyen, pris en sa septième branche :

Vu l'article 50 du règlement CE n° 40/ 94 du 20 décembre 1993 et l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour écarter les factures versées aux débats par la société A & F Trademark, après avoir constaté qu'elles rendaient compte de la réalité de ventes d'articles vestimentaires en France à compter de l'année 2002, l'arrêt relève que ces factures ne comportent aucune référence aux marques invoquées ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si certaines des dénominations mentionnées sur les factures ne correspondaient pas à des vêtements revêtus des marques " Abercrombie & Fitch " ou " Abercrombie " représentés sur le catalogue " Abercrombie & Fitch " " Spring Break " 2007, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Et sur le troisième moyen :

Vu l'article 6 bis de la convention d'union de Paris ;

Attendu que le régime spécifique de protection organisé par l'article 6 bis de la convention d'union de Paris protège les marques notoirement connues indépendamment de tout enregistrement ;

Attendu que pour refuser d'examiner si la marque française A & F était une marque notoire au sens du texte susvisé et débouter par voie de conséquence la société A & F Trademark de sa demande en contrefaçon, l'arrêt retient que la société A & F Trademark ne pouvait plus se prévaloir de droits sur les marques françaises à la date des actes argués de contrefaçon ;

Attendu qu'en statuant ainsi la cour d'appel a violé ce texte ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a prononcé la déchéance des droits de la société A & F Trademark sur les marques françaises " Abercrombie & Fitch " n° 1511852, " Abercrombie & fitch " n° 99767270, " Abercrombie " n° 3008578, " A & F " n° 3008576, en ce qu'elles désignent les vêtements en classe 25, en ce qu'il a prononcé la déchéance des droits de la société A & F Trademark sur les marques communautaires " Abercrombie & Fitch " n° 325258 et " Abercrombie " n° 2315083, pour les même produits en ce qu'il a débouté la société A & F Trademark de sa demande en contrefaçon fondée sur les marques françaises " Abercrombie & Fitch " n° 1511852, " Abercrombie & Fitch " n° 99767270, " Abercrombie " n° 3008578, " A & F " n° 3008576 et sur la marque " A & F " au sens de l'article 6 bis de la convention d'union de Paris, l'arrêt rendu le 17 septembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet en conséquence sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société BSD 265, Mme X..., ès qualités, et la société FHB SELARL, prise en la personne de M. Y..., ès qualités aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le conseiller doyen qui en a délibéré, en remplacement du président, à l'audience publique du vingt mars deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils pour la société A & F Trademark INC et autre

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté que la société A & F TRADEMARK ne démontrait pas avoir fait un usage sérieux des marques françaises ABERCROMBIE & FITCH n° 1 511 852, ABERCROMBIE & FITCH n° 99 767 270, ABERCROMBIE n° 3 008 578, A & F n° 3 008 576, et des marques communautaires ABERCROMBIE & FITCH n° 325 258 et ABERCROMBIE n° 2 315 083, et d'avoir, en conséquence, prononcé la déchéance des marques françaises « ABERCROMBIE & FITCH » n° 1511852 à compter du 13 juillet 1994, ABERCROMBIE & FITCH n° 99 767 270, à compter du 18 juin 2004, ABERCROMBIE n° 3 008 578, à compter du 21 juillet 2005, A & F n° 3 008 576, à compter du 21 juillet 2005 et des marques communautaires ABERCROMBIE & FITCH n° 325 258, à compter du 28 novembre 2006 et ABERCROMBIE n° 2 315 083, à compter du 2 octobre 2008, et débouté la société A & F TRADEMARK de ses demandes en contrefaçon fondées sur les marques françaises ABERCROMBIE & FITCH n° 1 511 852, ABERCROMBIE & FITCH n° 99 767 270, ABERCROMBIE n° 3 008 578 et A & F n° 3 008 576 ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'article 15 du Règlement CE n° 40/ 94 du 20 décembre 1993 et l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle sanctionnent par la déchéance de ses droits le propriétaire d'une marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux pour les produits et services désignés durant une période ininterrompue de cinq ans ; que pour faire obstacle à une mesure de déchéance, l'exploitation de la marque doit être réelle ce qui implique que le signe déposé exerce sa fonction qui est de distinguer les produits offerts à la vente en étant apposé sur eux ou bien en accompagnant leur mise à disposition du public dans des conditions ne laissant aucun doute sur cette fonction ; que le délai de cinq ans court, s'agissant des marques communautaires, à compter de leur enregistrement et, s'agissant des marques françaises, à compter de la publication de leur enregistrement au bulletin officiel de la propriété industrielle (BOPI) ; que si les certificats relatifs aux marques communautaires mentionnent la date de leur enregistrement, en revanche, les certificats de l'Institut national de la propriété industrielle mentionnent le numéro du BOPI dans lequel était publié l'enregistrement mais non sa date de publication et l'appelante n'a pas plus que devant les premiers juges fourni à la cour les éléments précis à ce titre ; que, cependant, les dates de publication visées dans les écritures de l'appelante sont tenues pour exactes par la société BSD 265 (cf. page 7 de ses conclusions), étant à cet égard observé que cette dernière a omis d'évoquer dans ses conclusions la date d'effet de la déchéance concernant la marque française « A & F » n° 3008576 mais que cette omission est sans conséquence dès lors qu'elle sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a " prononcé la déchéance des marques en litige ", soit des six marques sus mentionnées ; qu'en l'espèce, le délai précité court :- à compter du 13 juillet 1989 pour la marque française « ABERCROMBIE & FITCH » n° 1511852,- à compter du 18 juin 1999 pour la marque française « ABERCROMBIE & FITCH » n° 99-767270,- à compter du 21 juillet 2000 pour la marque française « ABERCROMBIE » n° 3008578,- à compter du 21 juillet 2000 pour la marque française « A & F » n° 3008576,- à compter du 28 novembre 2001 pour la marque communautaire « ABERCROMBIE & FITCH » n° 325258, à compter du 2 octobre 2003 pour la marque communautaire « ABERCROMBIE » n° 2315083 ; qu'en déposant et opposant les marques françaises et communautaires précitées dont la partie dénominative et la présentation graphique sont très proches, la société A & F TRADEMARK Inc. a entendu les distinguer, en sorte que l'exploitation de l'une ne saurait constituer la preuve de l'exploitation des autres ; qu'il lui incombe dès lors de justifier de l'usage sérieux qu'elle a fait de chacune d'elles ; que toute référence aux décisions rendues par le tribunal de grande instance de Bobigny ayant estimé, à l'occasion d'autres litiges, que la preuve d'un usage sérieux des marques était rapportée est indifférente pour l'appréciation de la déchéance sollicitée à titre reconventionnel par la société BSD 265 qui, comme il a été dit ci-dessus, doit être faite en l'espèce, de façon autonome et au vu des pièces produites ; que sont dénués de pertinence les pièces non datées, y compris les pièces intitulées " exemples de produits de la classe 25 (...) revêtus des marques (…) " ; les articles de presse qui ne font état que de l'activité de la société A & F TRADEMARK Inc. aux Etats-Unis, à Londres, à Milan ou encore annonçant l'ouverture d'un magasin à Paris, et les publicités comportant sa dénomination sociale mais sans que soient distinguées voire même mentionnées les marques en cause (Journal du Textile paru le 5 décembre 2005, le 12 juin 2006, le 11 mars 2008, le 9 décembre 2008, le 20 janvier 2009, le 3 novembre 2009, le 19 janvier 2010, diverses pièces relatives à l'avancement du projet d'implantation de cette société à Paris, magazines Vogue paru en novembre 2007, Elle paru le 11 septembre 2009, Le Figaro Magazine paru le 27 mars 2010 extraits de blogs-pièces n° 97, 129, 130), les pièces relatives aux noms de domaine comportant la dénomination abercrombie, la photographie d'une personnalité dont le vêtement porte un signe différent des marques (magazine Elle paru le 3 septembre 2007) ainsi que les pièces n° 126, 127, 128 qui sont des impressions datées du 8 juin 2010 d'articles rédigés en langue anglaise, sans traduction et ne comportant aucune photographie donnant à voir l'une quelconque des marques et la pièce n° 131 intitulée " extrait des réponses du moteur de recherches Google relatif à la recherche « abercrombie » sur la période du 1er janvier 2000 au 1er juillet 2006 " qui ne témoigne pas de la réalité de l'exploitation de chacune des marques ; qu'il est constant que l'appelante n'a pas de boutique en France – l'ouverture d'un magasin sur les Champs-Elysées à Paris étant prévue pour l'année 2011 – et que seul son site Internet accessible à l'adresse abercrombie. com permet au consommateur résidant en France de connaître ses produits et d'en faire l'acquisition ; qu'elle ne prétend pas avoir mené en France de campagnes publicitaires ; que les communiqués dans le magazine Vogue paru en août 2005 et en septembre 2006 font état de la commercialisation de vêtements par l'appelante via le site Internet précité mais ne permettent pas – même au vu des photographies les illustrant – d'identifier précisément et en les distinguant les marques invoquées ; qu'il n'est pas justifié de la diffusion, en France, des catalogues " Back to school " des années 2001, 2003, 2004 et du catalogue " Christmas 2006 " entièrement rédigés en langue anglaise ; que les factures d'impression n'apprennent rien à ce sujet ; que la photographie d'une personnalité du monde du spectacle vêtue d'un-tee-shirt comportant l'une des marques " (magazine Voici paru le 21 août 2006) ne suffit pas à caractériser l'usage sérieux de ladite marque ; qu'il en est de même du courriel de Mme Z... qui indique avoir commandé et reçu en France des " produits Abercrombie & Fitch " sur le site internet, sans la moindre précision sur les marques dont s'agit et sur la ou les datées) des faits ; que les pièces n° 66, 68, 69, 82, 83, 86, 100, 117, 122 sont postérieures à la demande de déchéance formée par la société BSD 265 devant les premiers juges qu'il convient de fixer, à défaut de toute précision dans le jugement et dans les écritures, au 18 septembre 2008, date de ses dernières conclusions de première instance ; que, par ailleurs, si la société A & F TRADEMARK Inc. verse un nombre significatif de factures qui rendent compte de la réalité de ses ventes d'articles vestimentaires en France à compter de l'année 2002, il convient toutefois de relever que ces documents ne comportent aucune référence aux marques invoquée ; que pas davantage n'est-il justifié que les références numériques qui y figurent renvoient à des articles précis permettant de vérifier qu'ils sont porteurs d'une ou de plusieurs des marques en cause ; que rien ne démontre que les photographies des articles, jointes aux sept factures des années 2005 à 2007 citées en exemple, correspondent effectivement à ceux qui furent commandés et livrés, étant au surplus observé que cette pièce communiquée sous le numéro 95 ne peut suffire à établir le sérieux de l'usage de chacune des six marques, et ce, de façon distincte ; que les tableaux certifiés par notaire des ventes en France des produits via le site Internet abercrombie. com et du chiffre d'affaires ainsi généré, respectivement, au 27 octobre 2006 et jusqu'à l'année 2009 ne renseignent pas plus sur les marques exploitées ; qu'enfin, l'ensemble de ces pièces ne permet pas davantage d'établir un usage sérieux dans l'un quelconque des pays de l'Union européenne s'agissant des deux marques communautaires invoquées ; que, dans ces conditions, il y a lieu de prononcer la déchéance des droits de la société sur les marques françaises « ABERCROMBIE & FITCH » n° 1511852 à compter du 13 juillet 1994, « ABERCROMBIE & FITCH » n° 99-767270 à compter du 18 juin 2004, « ABERCROMBIE » n° 3008578 à compter du 21 juillet 2005, « A & F » n° 3008576 à compter du 21 juillet 2005 et sur les marques communautaires « ABERCROMBIE & FITCH » n° 325258 à compter du 28 novembre 2006 et « ABERCROMBIE » n° 2315083 à compter du 2 octobre 2008 ; que la décision entreprise sera donc confirmée sauf sur les dates d'effet et sauf à y ajouter la déchéance des droits sur la marque communautaire « ABERCROMBIE & FITCH » n° 325258 » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU'« en application de l'article L 714-5 du code de la propriété intellectuelle, et de l'article 15 du règlement CE 40/ 94 relatif à la marque communautaire, le propriétaire de la marque encourt la déchéance de ses droits s'il n'en a pas fait, sans justes motifs, un usage sérieux pour les produits visés dans l'enregistrement pendant une période ininterrompue de cinq ans ; qu'en I'espèce, il est démontré que la société A & F commercialise ses produits dans des boutiques hors de l'Union européenne, en particulier aux Etats Unis ; qu'il est également établi que la presse y compris française se fait l'écho, postérieurement aux dates de déchéance potentielles des marques en cause, du succès de ces produits outre Atlantique et que le consommateur à travers le monde peut se les procurer via le site internet de vente www. abercrombie. com à condition de payer la transaction en dollars, d'acquitter des frais de livraison de 40 $ et de comprendre l'anglais, ce qui ne destine a priori pas particulièrement les produits offerts au public français ou européen ; que dès lors, la société A & F Trademark Inc ne peut se contenter pour établir que des ventes de ses produits revêtus des marques litigieuses ont été réalisées en France de fournir des factures portant le nom de consommateurs français, sans que les produits qui sont objets des ventes relatées ne soient identifiables et que leur existence ne soit établie ; qu'en effet, en l'absence de preuves que ces produits étaient porteurs des marques revendiquées, rien n'établit que les marques ont bien été utilisées sur le territoire français ou européen ; que de même, des factures postérieures aux dates de déchéance encourues sont inopérantes ; qu'enfin, un relevé des ventes numériques réalisées en France de 2000 à 2006, non attesté par un cabinet comptable, ni signé n'est pas suffisamment probant ; que par suite, il n'est établi aucun usage réel et sérieux de ces marques en France, pas plus que sur le territoire de l'Union Européenne » ;

ALORS, D'UNE PART, QU'une marque communautaire fait l'objet d'un usage sérieux lorsqu'elle est utilisée dans la Communauté conformément, d'une part, à sa fonction essentielle qui est de garantir l'identité d'origine des produits ou services pour lesquels elle a été enregistrée et, d'autre part, à sa raison d'être commerciale consistant à créer ou à conserver un débouché pour lesdits produits ou services provenant d'autres entreprises ; que constitue un usage conforme à la fonction essentielle d'une marque l'usage de celle-ci qui conduit le public à établir un lien entre le signe et les produits ou services commercialisés en lui permettant d'en identifier l'origine ; qu'en l'espèce, pour retenir que les articles de presse concernant l'implantation de la boutique « ABERCROMBIE & FITCH » à Londres seraient « dénués de
pertinence », la Cour d'appel s'est bornée à relever qu'ils ne feraient « état que de l'activité de la société A & F TRADEMARK Inc. » à Londres, « sans que soient distinguées voire même mentionnées les marques en cause » ;
qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi que la société A & F TRADEMARK l'y invitait dans ses conclusions d'appel (p. 19, § 3 à 5), si l'ouverture médiatisée en Grande-Bretagne d'un magasin de vêtements à l'enseigne « ABERCROMBIE & FITCH » ne conduisait pas le public de Grande-Bretagne à faire un lien entre cette dénomination et les vêtements commercialisés sous son enseigne en en identifiant l'origine, et n'était pas, en conséquence, de nature à caractériser un usage effectif de la marque communautaire « ABERCROMBIE & FITCH » au sein de la Communauté pour désigner des vêtements, la Cour d'appel a violé les articles 15 et 50 du Règlement CE n° 40/ 94 du 20 décembre 1993 (aujourd'hui devenu les articles 15 et 51 du Règlement CE n° 207/ 2009 du 26 février 2009) ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner les arguments et les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties à l'appui de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, la société A & F TRADEMARK faisait valoir dans ses conclusions d'appel (p. 18, § 6) que les marques communautaires « ABERCROMBIE & FITCH » et « ABERCROMBIE » faisaient l'objet d'un usage sérieux sur le territoire communautaire compte tenu de l'ouverture dès le 22 mars 2007 de la boutique londonienne dans laquelle il était possible d'acquérir des produits revêtus des marques revendiquées ce dont témoignaient les catalogues versées aux débats ; qu'en se bornant à affirmer que les articles de presse concernant le magasin de Londres seraient « dénués de pertinence » et qu'il ne serait pas justifié de la diffusion en France des catalogues « Back to school » des années 2001, 2003 et 2004 et du catalogue « Christmas » 2006 de la société A & F TRADEMARK, sans rechercher, comme elle y été invitée, si les catalogues de 2007 de cette société, qui présentaient des vêtements revêtus des marques en litige et mentionnaient l'adresse de la boutique de Londres, ne permettaient pas d'identifier les produits vendus dans cette boutique située sur le territoire communautaire, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner les arguments et les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties à l'appui de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, pour justifier de l'exploitation de ses marques en France, la société A & F TRADEMARK faisait valoir, dans ses conclusions d'appel (p. 24 et 25), que les catalogues " Back to School " 2001, 2003, 2004 et 2006 de la société A & F TRADEMARK décrivaient et présentaient des vêtements sur lesquels ses marques étaient apposées et qu'ils renvoyaient expressément au site internet de vente en ligne accessible à l'adresse " abercrombie. com " ; qu'ayant constaté que " son site internet accessible à l'adresse abercrombie. com permet au consommateur résidant en France de connaître ses produits et d'en faire l'acquisition ", la Cour d'appel ne pouvait se borner à retenir qu'il n'était " pas justifié de la diffusion en France des catalogues " back to school " des années 2001, 2003, 2004 et du catalogue Christmas 2006 " de la société A & F TRADEMARK sans examiner, ainsi que la société A & F TRADEMARK l'y invitait, si lesdits catalogues ne permettaient pas d'identifier les vêtements commercialisés sur le site internet abercrombie. com ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE l'appréciation du caractère sérieux de l'usage de la marque doit se fonder sur l'ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l'exploitation commerciale de celle-ci dans la vie des affaires ; qu'en se bornant à examiner isolément la pertinence de chacun des éléments de preuve versés aux débats, sans se livrer à une appréciation globale de ces différents éléments, en les combinant, la Cour d'appel a violé l'article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle, ainsi que l'article 50 du Règlement CE 40/ 94 du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire, aujourd'hui devenu l'article 51 du Règlement CE n° 207/ 2009 du 26 février 2009 ;

ALORS, DE CINQUIEME PART, QU'en refusant d'examiner la pièce 66 de la société A & F TRADEMARK, au motif qu'elle serait postérieure au 18 septembre 2008, date de la demande en déchéance formée par la société BSD 265, quand la pièce 66, rassemblant un certain nombre d'articles de presse et d'extraits de site Internet, comprenait plusieurs articles concernant les marques ABERCROMBIE & FITCH et A & F respectivement datés des 3 mars 2008, 27 juillet 2008 et 29 août 2008, la Cour d'appel a dénaturé cette pièce de la société A & F TRADEMARK, en violation de l'article 1134 du Code civil ;

ALORS, DE SIXIEME PART, QU'en refusant d'examiner la pièce 69 de la société A & F TRADEMARK, au motif qu'elle serait postérieure au 18 septembre 2008, date de la demande en déchéance formée par la société BSD 265, quand la pièce 69 était constituée de confirmations de commandes de produits revêtus des marques de la société A & F TRADEMARK passées par des internautes français pour certaines antérieurement au 18 septembre 2008, la Cour d'appel a dénaturé cette pièce de la société A & F TRADEMARK, en violation de l'article 1134 du Code civil ;

ALORS, DE SEPTIEME PART, QU'en retenant, pour écarter les nombreuses factures versées aux débats par la société A & F TRADEMARK, qu'elles ne comporteraient aucune référence aux marques invoquées, tout en constatant qu'elle rendaient compte de « la réalité de ses ventes d'articles vestimentaires en France à compter de l'année 2002 », sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée par la société A & F TRADEMARK dans ses conclusions d'appel (cf. p. 26), si les noms des articles mentionnés sur ces factures (notamment « KATARINA », « CORRINE », « AVA » et « MALLORY ») ne correspondaient pas à des vêtements revêtus des marques ABERCROMBIE & FITCH ou ABERCROMBIE représentés sur le catalogue « ABERCROMBIE & FITCH » SPRING BREAK 2007, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle, ainsi que l'article 50 du Règlement CE 40/ 94 du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire, aujourd'hui devenu l'article 51 du Règlement CE n° 207/ 2009 du 26 février 2009 ;

ALORS, ENFIN, QU'en retenant que les tableaux certifiés par notaire des ventes en France de produits via le site Internet abercrombie. com ne renseigneraient pas sur les marques exploitées, quand ceux-ci faisaient précisément état de ventes en France de produits de marque « ABERCROMBIE & FITCH » pour adultes et de marque « ABERCROMBIE » pour enfants de 2000 à 2009 (pièces de la société A & F TRADEMARK n° 70 et 123, pour la traduction), la Cour d'appel a dénaturé les pièces n° 70 et 123 précitées, en violation de l'article 1134 du Code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la déchéance de la marque française « ABERCROMBIE & FITCH » n° 1511852 à compter du 13 juillet 1994 ;

AUX MOTIFS QUE « le délai de cinq ans court (…) s'agissant des marques françaises, à compter de la publication de leur enregistrement au bulletin officiel de la propriété industrielle (BOPI) ; que si les certificats relatifs aux marques communautaires mentionnent la date de leur enregistrement, en revanche, les certificats de l'Institut national de la propriété industrielle mentionnent le numéro du BOPI dans lequel était publié l'enregistrement mais non sa date de publication et l'appelante n'a pas plus que devant les premiers juges fourni à la cour les éléments précis à ce titre ; que, cependant, les dates de publication visées dans les écritures de l'appelante sont tenues pour exactes par la société BSD 265 (cf. page 7 de ses conclusions), étant à cet égard observé que cette dernière a omis d'évoquer dans ses conclusions la date d'effet de la déchéance concernant la marque française « A & F » n° 3008576 mais que cette omission est sans conséquence dès lors qu'elle sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a « prononcé la déchéance des marques en litige », soit des six marques sus mentionnées ; qu'en l'espèce, le délai précité court à compter du 13 juillet 1989 pour la marque française « ABERCROMBIE & FITCH » n° 1511852 ; (…) ; que dans ces conditions, il y a lieu de prononcer la déchéance des droits de la société sur l a marque s française « ABERCROMBIE & FITCH » n° 1511852 à compter du 13 juillet 1994 » ;
ALORS QUE seul l'article 11 de la loi n° 64-1360 du 31 décembre 1964 est applicable pour statuer sur une demande en déchéance de marques, dès lors que la période de non-exploitation alléguée s'est partiellement écoulée avant la date d'entrée en vigueur de la loi du 4 janvier 1991, soit le 28 décembre 1991 ; que sous l'empire de la loi de 1964, le délai à prendre en compte pour l'appréciation de l'exploitation de la marque correspondait aux cinq années précédant la demande en déchéance, la déchéance prenant effet à la date de la demande ; qu'en l'espèce, la société BSD 265 sollicitait la déchéance de la marque française " ABERCROMBIE & FITCH " n° 1511852, enregistrée le 13 juillet 1989, à compter du 13 juillet 1994 ; qu'en retenant, pour prononcer la déchéance de cette marque à compter du 13 juillet 1994, que le délai de cinq ans courait « à compter de la date de la publication de l'enregistrement au bulletin officiel de la propriété industrielle (BOPI) », la Cour d'appel a violé l'article 11 de la loi de 1964.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société A & F TRADEMARK de sa demande en contrefaçon de sa marque A & F ;

AUX MOTIFS QUE « le fait que le tribunal de grande instance de Bobigny ait, dans différentes décisions versées aux débats, repris comme faits constants les seules assertions de ladite société à ce sujet est sans portée au regard de l'appréciation de la notoriété qu'il convient d'effectuer en l'espèce au vu des pièces produites et qui n'a d'intérêt que pour les marques communautaires dans la mesure où la déchéance des droits sur les marques françaises a pris effet avant la date des agissements incriminés ; que l'appelante ne donne aucun élément sur la part de marché occupée par les marques « ABERCROMBIE & FITCH » n° 325258 et « ABERCROMBIE » n° 2315083 ni sur l'intensité de leur exploitation aux dates des 2 novembres 2005 et 26 janvier 2006 ; qu'ainsi qu'il vient d'être relevé, les deux communiqués dans le magazine Vogue et le volume des ventes réalisées à ces dates portent indistinctement sur toutes les marques et les articles de presse relatifs à l'activité de l'appelante aux Etats-Unis, à Londres et à Paris, où il est annoncé l'ouverture d'un magasin, sont tous postérieurs au 2 novembre 2005 ; que la société A & F TRADEMARK Inc. ne démontre donc pas que les deux marques précitées avaient acquis une notoriété auprès du public en France et sur le territoire de l'Union européenne » ;

ALORS QUE le régime spécifique de protection organisé par l'article 6 bis de la Convention de Paris du 20 mars 1883 protège les marques notoirement connues indépendamment de tout enregistrement ; qu'en refusant d'examiner, comme elle y était invitée, si la marque A & F constituait une marque notoirement connue, au seul motif qu'elle avait constaté que la société A & F TRADEMARK n'était plus titulaire de droits sur la marque française A & F n° 3 008576 à la date des agissements incriminés, la Cour d'appel a violé l'article 6 bis de la Convention de Paris.

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