15 mars 2011
Cour de cassation
Pourvoi n° 10-13.896

Chambre commerciale financière et économique

ECLI:FR:CCASS:2011:CO00248

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :





Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Celthirest a vendu à la société Occitania un fonds de commerce de café-restaurant-hôtel ; qu'il a été stipulé à l'acte de vente que l'acquéreur prendrait le fonds en l'état sans pouvoir exercer de recours contre le vendeur qui a déclaré ne pas être alors l'objet d'une quelconque injonction de faire; qu'à la suite d'une visite de l'établissement effectuée quelques mois plus tard, la commission préfectorale de sécurité a notifié à la société Occitania un avis défavorable au fonctionnement de l'hôtel en raison de la non conformité de l'installation électrique laquelle avait déjà été signalée antérieurement à la société Celthirest dans un rapport de la Socotec qui prescrivait certains travaux pour y remédier ; que la société Celthirest, placée en redressement judiciaire, a bénéficié d'un plan, M. X..., représentant des créanciers, ayant été désigné commissaire à son exécution ; que prétendant n'avoir jamais été informée du défaut de conformité de l'établissement, la société Occitania a assigné la société Celthirest et M. X..., ès qualités, en fixation de créances au titre du coût des travaux de mise en conformité et de dommages-intérêts pour manquement à l' obligation de loyauté, au passif de celle-ci ;


Sur le moyen unique, pris en sa première branche :


Vu l'article 1134 du code civil ;


Attendu que pour débouter la société Occitania de ses demandes, après avoir constaté que le rapport Socotec ne lui avait pas été communiqué avant la vente, l 'arrêt retient qu'un procès-verbal de visite de la commission préfectorale, postérieur à celui-ci et réactualisant la situation de l'hôtel, avait été joint à l'acte de vente ;


Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'acte de vente ne faisait aucune mention de ce procès-verbal, la cour d'appel a dénaturé les dispositions claires de cet acte et violé le texte susvisé ;




Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche :


Vu l'article 4 du code de procédure civile ;


Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient encore que, grâce au procès-verbal de visite de la commission préfectorale, la société Occitania a pu savoir que l'installation électrique avait fait l'objet de réserves antérieures ;


Attendu qu'en statuant ainsi alors qu'il n'était pas soutenu que la société Occitania ait eu connaissance de ce procès-verbal au moment de la vente, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé le texte susvisé ;



PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :


CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 décembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;


Condamne la société Celthirest aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Occitania la somme de 2 500 euros ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mars deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils pour la société Occitania.


IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société Occitania de ses demandes tendant à ce qu'une créance de 47.520,16 € au titre des travaux de remise en état et une créance de 20.000 € pour manquement à l'obligation de loyauté soient fixées au passif de la société Celthirest ;


AUX MOTIFS QUE la société Celthirest a vendu à la société Occitania un fonds de commerce de café hôtel restaurant par acte authentique du 2 janvier 2004, qui stipulait notamment que l'acquéreur prendrait l'immeuble et le fonds de commerce dans l'état où il se trouvait, sans recours contre le vendeur ni possibilité de demander une indemnité pour quelque raison que ce soit ; que l'acte stipulait encore que l'acquéreur ferait son affaire personnelle de la réglementation relative à l'hygiène, la salubrité et la sécurité et qu'il devrait se soumettre aux éventuelles injonctions des services compétents sans recours contre le vendeur, ce dernier déclarant n'avoir fait l'objet d'aucune injonction ou obligation de faire ; que l'acte faisait état de la communication de rapports de vérification de l'installation électriques établis par l'Apave le 18 mars 1999 et du registre de sécurité dont l'acquéreur reconnaissait avoir pris connaissance ; que les clauses de non-garantie des vices cachés stipulées dans l'acte sont valables et s'appliquent à moins qu'il ne soit établi que le consentement de l'acquéreur avait été vicié par une tromperie, le professionnalisme de l'acquéreur supposant toutefois une connaissance minimale des exigences sécuritaires ; que la société Celthirest avait elle-même acquis ce fonds de commerce par acte du 21 août 1997 qui faisait mention d'un rapport de la Socotec du 29 mai 1996 comportant des remarques sur diverses installations électriques, certains des travaux ayant été réalisés et d'autres restant à effectuer ; qu'aux termes de cet acte, la société Celthirest avait pris connaissance de ce rapport et s'était engagée à faire son affaire personnelle des travaux restant à exécuter ; que ce rapport, qui n'a pas été porté à la connaissance de la société Occitania, signalait plusieurs non conformités réglementaires ; que plusieurs dispositions de protections contre les contacts indirects étaient préconisées, essentiellement par la nécessité d'assurer la mise à terre des masses de plusieurs appareils et équipements ; qu'au titre de la prévention incendie, il s'agissait d'assurer la protection contre les surcharges et courts-circuits ; que la société Celthirest indique avoir procédé aux travaux, mais n'a pas produit les factures correspondantes ; que ce document était réactualisé par ceux joints à l'acte de vente consistant en un procès-verbal de visite de la commission préfectorale du 2 avril 1998 mentionnant que les anomalies majeures des installations électriques avaient été levées par une entreprise d'électricité ; que cet acte attirait l'attention de l'acquéreur sur des réserves antérieures considérées comme levées et n'émettait que des préconisations secondaires, émettant un avis favorable à la poursuite d'exploitation ; qu'était également joint à l'acte le document Apave du 18 mars 1999 qui réactualisait les constatations du rapport Socotec et stipulait la fréquence de contrôle nécessaire ; qu'il y a lieu de s'interroger sur la carence de la société Occitania, professionnel de l'hôtellerie, à réclamer des documents de contrôle sur lesquels son attention avait été attirée ; qu'il résulte de ces documents que la société Celthirest ne faisait plus l'objet d'injonction à la date de la vente ; que le devis produit par la société Occitania est antérieur au rapport de visite de la commission préfectorale du 19 août 2004 ; que ce rapport renvoie pour l'électricité à la nécessité de lever les prescriptions émises par l'Apave dans son rapport non produit du 26 février 2004 ; que les anomalies imputables au vendeur seraient le mauvais état des installations électriques de la cuisine, l'absence d'isolement et de recoupement du rez-de-chaussée, l'absence de désenfumage des cages d'escalier, l'absence de ferme-porte pour les chambres, l'insuffisance d'éclairage d'évacuation, la chaufferie et la lingerie dans la même pièce, l'absence de coupure fuel et énergie extérieure, l'absence de coupure d'urgence des appareils de cuisson et la cuve de fuel sans protection ; que la société Occitania ne peut reprocher à son vendeur ses propres carences sur la sécurité électrique ; que la société Occitania avait vu son attention attirée sur le fait qu'elle prenait les lieux en l'état et qu'elle ne pouvait ignorer certains éléments mentionnés dans les documents transmis et visés au titre des non conformité ; qu'elle devait interroger son vendeur sur l'absence de contrôle depuis 1998 et qu'elle avait mesuré les risques afférents à l'installation électrique puisqu'elle avait assigné la société Celthirest en référé devant le président du tribunal de commerce de Pau le 5 avril 2004, ce dernier ayant rejeté sa demande au visa de la clause hygiène et sécurité de l'acte de vente ; que la preuve n'est pas rapportée de manoeuvres de la part du vendeur destinées à lui cacher des réserves ou anomalies non visibles de nature à induire la société Occitania en erreur quant à l'état de l'électricité et à ses effets quant aux autorisations administratives ;


1°/ ALORS QUE, pour exclure la dissimulation par la société Celthirest à la société Occitania de l'état de l'installation électrique au moment de la vente, faute de communication du rapport de la Socotec du 29 mai 1996, la cour d'appel a retenu l'existence de documents postérieurs qui auraient réactualisé la situation de l'hôtel et qui avaient été joints à l'acte de vente du fonds de commerce du 2 janvier 2004 ; qu'en se fondant à ce titre sur un procès-verbal de visite de la commission préfectorale du 2 avril 1998, tandis que l'acte de vente ne faisait aucune mention de ce procès-verbal qui n'avait pas été communiqué à la société Occitania, la cour d'appel a dénaturé l'acte authentique de vente du 2 janvier 2004, en violation de l'article 1134 du Code civil ;


2°/ ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que la cour d'appel s'est fondée sur le procès-verbal de visite du 2 avril 1998 pour retenir que les injonctions du rapport non-communiqué de la Socotec de 1996 avaient été exécutées et que la société Occitania avait pu savoir, grâce à ce procès-verbal, que l'installation électrique avait fait l'objet de réserves antérieures ; que pourtant, aucune des parties ne faisait valoir que ce procès-verbal de visite avait été porté à la connaissance de la société Occitania au moment de la vente ; que la cour d'appel a ainsi méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;


3°/ ALORS QUE commet une faute dolosive le vendeur d'un fonds de commerce qui ne communique pas à l'acquéreur, au moment de la vente, un rapport de contrôle faisant état de défaillances de l'installation électrique et prescrivant des travaux qui n'ont pas été totalement exécutés, et obtient ainsi frauduleusement de l'acquéreur l'acceptation d'une clause de prise du fonds en l'état, notamment en ce qui concerne la sécurité ; que la cour d'appel a constaté que la société Celthirest avait omis, au moment de la vente, de porter à la connaissance de la société Occitania le rapport de la Socotec de 1996 qui prescrivait l'exécution de travaux pour la mise en conformité de l'installation électrique ; qu'elle a relevé que le rapport Apave du 18 mars 1999 reprenait au moins pour partie les observations de ce rapport de la Socotec ; qu'en jugeant néanmoins que la société Celthirest n'avait pas commis de faute de dissimulation, faute de travaux restant à exécuter, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que certains travaux à effectuer avaient subsisté ; qu'elle a ainsi violé l'article 1382 du Code civil ;


4°/ ALORS, subsidiairement, QUE le vendeur d'un fonds de commerce est, nonobstant toute stipulation contraire, tenu à raison de l'inexactitude de ses énonciations dans les conditions édictées par l'article 1645 du Code civil ; que la cour d'appel a retenu qu'il n'existait plus d'injonction de faire relative à l'installation électrique du fonds de commerce à la date de l'acte de vente du 2 janvier 2004 ; qu'il résultait pourtant de ses constatations que le rapport Apave du 18 mars 1999 reprenait au moins pour partie les observations du rapport Socotec de 1996, de sorte que certaines des injonctions résultant de ce rapport ignoré de la société Occitania subsistaient au moment de la vente ; que la cour d'appel n'a donc pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi les articles L 141-3 du Code de commerce et 1645 du Code civil ;


5°/ ALORS QUE la cour d'appel a écarté la dissimulation de la société Celthirest, qui s'était abstenue d'informer la société Occitania de l'existence d'une lettre de l'Apave du 5 mars 2003 qui rappelait le retard d'exécution d'une visite de contrôle périodique des installations électriques du fonds de commerce cédé, au motif impropre que la société Occitania aurait eu les compétences nécessaires pour s'assurer que des visites de contrôle avaient été régulièrement effectuées ; qu'en statuant ainsi tandis que cette compétence et les diligences qui auraient pu en résulter ne remettaient pas en cause la dissimulation d'un document essentiel par la société Celthirest, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision, violant ainsi l'article 455 du Code de procédure civile ;


6°/ ALORS QUE la cour d'appel a retenu que la société Occitania avait effectué des diligences pour l'amélioration de l'installation électrique antérieurement à la notification de l'avis de la commission préfectorale le 19 août 2004, en faisant établir un devis de travaux électriques le 12 août 2004 et en assignant la société Celthirest en référé en avril 2004 ; qu'en statuant ainsi, tandis que ces mesures prises après la vente n'excluaient pas le défaut d'information suffisante par la société Celthirest, à la date de cette vente, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à écarter la faute de la société Celthirest, venderesse, et a ainsi violé l'article 455 du Code de procédure civile.

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