19 février 2009
Cour de cassation
Pourvoi n° 07-18.039

Deuxième chambre civile

ECLI:FR:CCASS:2009:C200286

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :





Attendu, selon le jugement attaqué, qu'à la suite d'un accident de la circulation survenu entre la moto pilotée par M. X..., assuré auprès de la société de droit suisse Elvia assurances (Elvia) et le véhicule automobile conduit par M. Y..., assuré auprès de la MAAF, ces derniers ont assigné, devant une juridiction de proximité, M. Z..., la société Elvia et le Bureau central français, en réparation du préjudice matériel subi par le véhicule de M. Y... ; que la société Suva Sion, organisme social ayant versé des prestations à M. Z..., qui avait été blessé dans l'accident, est intervenue volontairement à l'instance pour avoir remboursement de ses dépenses ; que M. Z... a soulevé, avant toute défense au fond, l'incompétence de la juridiction de proximité, en soutenant qu'il entendait demander, en réparation de son préjudice corporel, une somme dépassant le taux de compétence de cette juridiction ;


Sur le moyen unique du pourvoi principal :


Vu l'article 76 du code de procédure civile ;


Attendu que le juge qui entend rejeter une exception d'incompétence et statuer au fond, dans le même jugement, doit, préalablement, mettre les parties en demeure de conclure sur le fond si elles ne l'ont déjà fait ;


Attendu que la juridiction de proximité, après avoir rejeté l'exception d'incompétence, a condamné les défendeurs à payer une certaine somme aux demandeurs, en réparation de leur préjudice matériel ;


Qu'en statuant ainsi, sans préciser que M. Z..., qui n'avait conclu qu'à l'incompétence de la juridiction, avait été invité à conclure sur le fond, la juridiction de proximité n'a pas donné de base légale à sa décision ;


Sur le moyen unique du pourvoi provoqué de la société Suva Sion :


Vu l'article 3 du code civil ;


Attendu que, pour déclarer la demande de la société Suva Sion irrecevable, le jugement retient qu'aucune décision définitive n'a été rendue sur la liquidation du préjudice corporel de M. Z... ;


Qu'en se déterminant ainsi, sans préciser les dispositions de la loi suisse sur lesquelles elle se fondait pour dire que l'organisme social ne pouvait agir avant la liquidation définitive des droits de son assuré, la juridiction de proximité n'a pas donné de base légale à sa décision ;


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi incident de la société Elvia et du Bureau central français :


CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par M. Z..., le jugement rendu le 10 avril 2007, entre les parties, par la juridiction de proximité de Toulon ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant la juridiction de proximité de Fréjus ;


Condamne M. Y... et la société MAAF assurances aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne, in solidum, M. Y... et la MAAF à payer à M. Z... et la société Suva Sion la somme de 2 000 euros chacun ; rejette la demande de la société Elvia suisse et du Bureau central français, d'une part, de M. Y... et de la MAAF, d'autre part ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf février deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils pour M. Z....


IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué d'avoir, après avoir rejeté l'exception d'incompétence soulevée par Monsieur Z..., condamné ce dernier, solidairement avec la compagnie Elvia Assurances Suisse et le Bureau central français, à payer la somme de 2.741,45 euros à la société MAAF, ainsi que les sommes de 276 et 150 euros à Monsieur Y... ;


AUX MOTIFS QUE l'incompétence d'attribution de la juridiction de céans a été soulevée, avant toute défense au fond, par Monsieur Z..., au profit du tribunal de grande instance de Toulon, conformément aux dispositions de l'article 74 du Code de procédure civile ; qu'à l'appui de cette demande, il expose qu'ayant subi, à la suite de l'accident de la circulation survenu le 3 août 2002 impliquant son véhicule et le véhicule de Monsieur Y..., une importante atteinte à son intégrité physique, il entend faire valoir une demande reconventionnelle basée sur les conclusions du rapport d'expertise médicale, diligenté par la société MAAF et rendu public le 18 janvier 2006 ;
que le montant minimum qu'il entend demander, du seul fait de l'incapacité permanente partielle qui lui a été reconnue, serait de l'ordre de 60.000 euros ; que cependant Monsieur Z... n'a formulé officiellement, à ce jour, aucune demande reconventionnelle chiffrée, celle-ci est irrecevable ; que la demande envisagée par Monsieur Z... concerne la réparation de ses préjudices corporels alors que la demande des requérants concerne la réparation de simples préjudices matériels ; que les deux chefs de demandes peuvent être jugés indépendamment l'un de l'autre, conformément aux dispositions de l'article 70 du nouveau Code de procédure civile et ce « afin d'éviter de retarder à l'excès le jugement », ce qui est le cas en l'espèce, puisque l'accident remonte au mois d'août 2002 ; qu'il en résulte que la juridiction de proximité est compétente pour statuer sur les demandes de la MAAF et de Monsieur Y..., portant sur l'indemnisation des préjudices matériels ; qu'il est incontestable que l'accident de la circulation du 3 août 2002 implique deux véhicules, au sens de l'article premier de la loi du 5 juillet 1985 sur les victimes d'accidents de la circulation ; qu'eu égard à la relaxe prononcée par le tribunal de police de Toulon le 23 octobre 2003, aucune faute ne peut être opposée à Monsieur Y... ; qu'il en résulte que l'article de la loi du 5 juillet 1985, visant à limiter ou à exclure l'indemnisation des dommages subis par un conducteur fautif ne saurait trouver application en l'espèce ; que dans ces conditions, Monsieur Y... est bien fondé à solliciter de Monsieur Z... et de sa compagnie d'assurance, Elvia Assurances Suisse, l'indemnisation du préjudice matériel subi à l'occasion de l'accident ; que le véhicule de Monsieur Y... a bien subi des dégâts matériels lors de l'accident de la circulation du 3 août 2002 ; qu'il a ainsi été nécessaire de faire procéder au remplacement d'urgence du rétroviseur gauche par le garage de Bandol pour un montant de 121,40 euros comme l'atteste la facture du 21 août 2002 versée aux débats, afin de permettre à Monsieur Y... de regagner son domicile parisien en toute sécurité ; que l'ensemble des réparations rendues nécessaires pour la remise en état dudit véhicule ont été réalisés par le Garage Parking d'Enghein le 23 octobre 2002 pour un montant TTC de 2.896,05 euros, comme le prouve la facture versée aux débats ; qu'au titre de la garantie « tous risques » la société MAAF Assurances a pris en charge le montant des réparations déduction faire d'une franchise contractuelle d'un montant de 276 euros, soit 2.620,05 euros ; qu'il en résulte que MAAF Assurances, subrogée dans les droits de son assuré Monsieur Y..., est bien fondée à solliciter la condamnation solidaire de Monsieur Z..., de la compagnie Elvia Assurances Suisse et du Bureau Central Français, garant sur le territoire français de la responsabilité civile relative à un véhicule immatriculé et assuré à l'étranger, à lui payer la somme de 2741,45 euros (soit 2.620,05 + 121,40) ; que Monsieur Y... est tout aussi fondé à solliciter la condamnation conjointe des défendeurs à lui payer la somme de 276 euros représentant le montant de la franchise contractuelle qui est restée à sa charge, outre 150 euros au titre du préjudice résultant de l'immobilisation de son véhicule pendant la durée des travaux de remise en état de son véhicule ;


ALORS QUE le juge qui entend rejeter une exception d'incompétence et statuer au fond dans le même jugement doit, préalablement, mettre les parties en demeure de conclure sur le fond si elles ne l'ont pas déjà fait ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations du jugement attaqué et des conclusions de Monsieur Z... que ce dernier a uniquement soulevé l'incompétence de la juridiction de proximité au profit du tribunal de grande instance de Toulon, sans conclure au fond sur les demandes de Monsieur Y... et de la société MAAF Assurances ; qu'en statuant sur le fond du litige, après s'être déclarée compétente, sans avoir invité Monsieur Z... à conclure au fond, la juridiction de proximité a violé les articles 16 et 76 du Code de procédure civile.Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société suisse Elvia assurances et l'association Bureau central français.


Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR condamné la société ELVIA ASSURANCES SUISSE et le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS, solidairement avec Monsieur Z..., à payer la somme de 2.741,45 euros à la société MAAF ASSURANCES ainsi que les sommes de 276 et 150 euros à Monsieur Y... ;


AUX MOTIFS QUE "les constations effectuées lors de l'accident de la circulation du 3 Août 2002, il est incontestable qu'il implique deux véhicules, au sens de l'article premier de la loi du 5 Juillet 1985 sur les victimes d'accidents de la circulation ; que la relaxe prononcée par le Tribunal de Police de Toulon le 23 Octobre 2003, aucune faute ne peut être opposée à Monsieur Y... ; qu'il en résulte que l'article 4 de la loi du 5 Juillet 1985, visant à limiter ou à exclure l'indemnisation des dommages subis par un conducteur fautif ne saurait trouver application en l'espèce ; que dans ces conditions, Monsieur Y... est bien fondé à solliciter de Monsieur Z... et de sa compagnie d'assurance, ELVIA Assurances Suisse, l'indemnisation du préjudice matériel subi à l'occasion de l'accident précité ; Sur le montant de l'indemnisation du préjudice matériel : que le véhicule Citroën Xantia du requérant a bien subi des dégâts matériels lors de l'accident de la circulation du 3 Août 2002 ; qu'il a ainsi été nécessaire de faire procéder au remplacement d'urgence du rétroviseur gauche par le Garage de Bandol pour un montant de 121,40 euros comme l'atteste la facture du 21 Août 2002 versée aux débats, afin de permettre à Monsieur Y... de regagner son domicile parisien en toute sécurité ; que l'ensemble des réparations rendues nécessaires pour la remise en état dudit véhicule ont été réalisés par le Garage Parking d'Enghein le 23 Octobre 2002 pour un montant TTC de 2896,05 euros, comme le prouve la facture versée aux débats ; qu'au titre de la garantie "tous risques" la société MAAF Assurances a pris en charge le montant des réparations déduction faite d'une franchise contractuelle d'un montant de 276 euros, soit 2620,05 euros (2986,05 - 276) ; qu'il en résulte que MAAF ASSURANCES, subrogée dans les droits de son assuré Monsieur Y... est bien fondée à solliciter la condamnation solidaire de Monsieur Z..., de la compagnie ELVIA Assurances Suisse et du Bureau Central Français, garant sur le territoire français de la responsabilité civile relative à un véhicule immatriculé et assuré à l'étranger, à lui payer la somme de 2741,45 euros (soit 2620,05 + 121,40) ; que Monsieur Y... est tout aussi fondé à solliciter la condamnation conjointe des défendeurs à lui payer la somme de 276 euros représentant le montant de la franchise contractuelle qui est restée à sa charge, outre 150 euros, au titre du préjudice résultant de l'immobilisation de son véhicule pendant la durée des travaux de remise en état de son véhicule" ;


ALORS, D'UNE PART, que l'autorité de la chose jugée au pénal est circonscrite au fondement des poursuites ; qu'en l'espèce, Monsieur Y... a été relaxé par le Tribunal de Police des chefs de blessure involontaire et de la contravention de refus de priorité prévue par l'article R.415-6 alinéa 1 du Code de la Route ; que les exposants faisaient valoir que Monsieur Y... n'avait pas, au sens de l'article R.414-16 du Code de la Route, non visé dans la poursuite pénale, respecté l'obligation qui s'impose à tout conducteur de serrer immédiatement à droite lorsqu'il est sur le point d'être dépassé et que cette faute était de nature à exclure ou à limiter son droit à indemnisation au sens de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985 ; que le Juge de Proximité qui retient que compte tenu de la relaxe prononcée par le Tribunal de Police de TOULON, aucune faute ne pouvait être opposée à Monsieur Y..., a violé les articles 1351 du Code Civil et 4 de la loi du 5 juillet 1985 ;


ALORS, D'AUTRE PART, QU'en s'abstenant de répondre au chef péremptoire des conclusions des exposants qui faisaient valoir que Monsieur Y... avait commis une faute de nature à exclure ou à limiter son droit à indemnisation et consistant à n'avoir pas serré sur la droite lorsqu'il a été sur le point d'être dépassé par Monsieur Z..., laquelle faute n'avait été ni examinée ni même envisagée par le juge pénal, le Juge de Proximité a violé les articles 455 du Nouveau Code de Procédure Civile et 4 de la loi du 5 juillet 1985.Moyen produit au pourvoi provoqué par Me Haas, avocat aux Conseils pour la société Suva Sion.


Il est fait grief au jugement attaqué D'AVOIR déclaré irrecevable la demande de la société Suva Sion à l'encontre de M. Y... et de la société Maaf Assurances ;


AUX MOTIFS QUE la société Suva Sion est, en application de l'article 72 de la loi des assurances sociales en Suisse, subrogée dans les droits de l'assuré contre tout tiers responsable de l'accident ; qu'à ce titre, elle peut intervenir volontairement à une instance pour obtenir le remboursement des prestations versées et solliciter que ses droits soient réservés pour l'avenir, pour le cas où elle serait amenée à verser des sommes supplémentaires ; que, cependant, la créance de la société Suva Sion ne peut être évoquée indépendamment de celle de son assuré, M. Z... ; que les préjudices corporels de ce dernier sont loin d'être liquidés, l'expertise médicale faisant l'objet d'une contestation de la part de la Maaf Assurances, qui envisage de solliciter une expertise judiciaire ; qu'enfin, eu égard au montant des sommes qui sont réclamées par la société Suva Sion aux requérants, à savoir un montant provisoire de 122.619,47 francs suisses, la juridiction de céans ne peut que se déclarer incompétente, cette demande étant nécessairement liée à la liquidation des préjudices corporels de M. Z..., et relève de la compétence du tribunal de grande instance de Toulon ;


ALORS, en premier lieu, QU'aux termes de l'article 72 de la loi fédérale suisse sur la partie générale du droit des assurances sociales, applicable devant les juridictions françaises en application de l'article 93 du règlement CEE 1408/71 du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la communauté, applicable, selon l'accord du 21 juin 1999, entre les Etats membres de l'Union et la Confédération suisse, la société Suva Sion est subrogée, dès la survenance de l'accident, dans les droits de l'assuré jusqu'à concurrence des prestations sociales versées ; que, partant, dès la survenance de l'accident, la société Suva Sion dispose d'une action directe à l'encontre du tiers responsable pour se faire rembourser ses débours, laquelle peut être exercée indépendamment de l'action dont dispose son assuré contre le tiers responsable ; qu'en déduisant l'irrecevabilité de la demande de la société Suva Sion de ce que sa créance ne pouvait être évoquée indépendamment de celle de M. Z..., le juge de proximité a violé les textes susvisés ;


ALORS, en second lieu, QU'en application de l'article 72 de la loi fédérale suisse sur la partie générale du droit des assurances sociales, le recours de la société Suva Sion n'est pas limité au préjudice subi par l'assuré, la Suva pouvant réclamer au tiers responsable l'intégralité des sommes qu'elle avait été amenée à verser à la suite de l'accident, même si leur montant excède celui du préjudice subi par l'assuré ; qu'en considérant que la demande de l'organisme de sécurité sociale suisse ne pouvait pas être examinée avant que le préjudice de l'assuré n'ait été liquidé, cependant que le bien fondé de la demande de la société Suva Sion était indépendant de la liquidation du préjudice de M. Z..., le juge de proximité a, de nouveau, violé les articles 93 du règlement CEE 1408/71 du 14 juin 1971, applicable selon l'accord du 21 juin 1999, entre les Etats membres de l'union et la Confédération suisse et 72 de la loi fédérale suisse sur la partie générale du droit des assurances sociales.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.