9 décembre 1998
Cour de cassation
Pourvoi n° 97-13.416

Troisième chambre civile

Titres et sommaires

CONTRAT D'ENTREPRISE - responsabilité de l'entrepreneur - malfaçons - pose d'un carrelage - désordres consistant en fissuration à caractère esthétique - non application de la garantie décennale mais de la garantie contractuelle de droit commun

Texte de la décision

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le pourvoi formé par la Société nouvelle de pose de carrelages, société anonyme dont le siège social est Les Bossons à Thyez, 74300 Cluses,


en cassation d'un arrêt rendu le 28 janvier 1997 par la cour d'appel de Chambéry (Chambre civile), au profit :


1 / de M. Antoine X... , demeurant Le Bellevue, ... Mont-Blanc,


2 / de M. Michel Y..., demeurant ... Mont-Blanc,


3 / de la compagnie d'assurances Mutuelle des architectes français (MAF), dont le siège social est ...,


4 / de M. Dominique Z..., demeurant ... Mont-Blanc,


5 / de la société Entreprise Burnier, dont le siège social est ...,


6 / de la compagnie d'assurances L'Auxiliaire, dont le siège social est ...,


7 / de la compagnie d'assurances La Concorde, dont le siège social est ..., aux droits de laquelle vient la compagnie Generali France assurances, qui a déclaré, par conclusions déposées au greffe le 26 novembre 1997, reprendre l'instance,


8 / de Mme Laetitia X...,


9 / de Mme Vanina X...,


demeurant toutes deux ...,


défenderesses à la cassation ;


La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;


LA COUR, en l'audience publique du 3 novembre 1998, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Cachelot, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Villien, Martin, conseillers, M. Nivôse, Mmes Masson-Daum, Boulanger, conseillers référendaires, M. Weber, avocat général, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;


Sur le rapport de M. Cachelot, conseiller, les observations de la SCP Rouvière et Boutet, avocat de la Société nouvelle de pose de carrelages, de la SCP Philippe et François-Régis Boulloche, avocat de M. Y... et de la compagnie Mutuelle des architectes français, de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de la société Entreprise Burnier et de la compagnie L'Auxiliaire, de la SCP Le Bret et Laugier, avocat de la compagnie La Concorde, aux droits de laquelle vient la compagnie Generali France assurances, les conclusions de M. Weber, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;


Donne acte à la Société nouvelle de pose de carrelages du désistement de la troisième branche de son premier moyen ;

Sur le premier moyen :


Attendu que la Société nouvelle de pose de carrelages (SNPC), entrepreneur, assurée par la société La Concorde, devenue société Generali France assurances, fait grief à l'arrêt attaqué (Chambéry, 28 janvier 1997) de la condamner in solidum avec M. Y..., architecte, à indemniser MM. X... et Z..., maîtres de l'ouvrage, des désordres affectant le carrelage posé par elle en 1987 dans des locaux leur appartenant, alors, selon le moyen, "1 / que constituent un ouvrage au sens de l'article 1792 du Code civil les éléments d'équipement d'un bâtiment lorsqu'ils font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert ; qu'ayant relevé, par motifs adoptés des premiers juges, à partir des constatations expertales, que les carreaux en grès étiré étaient complètement solidaires de la dalle sur laquelle ils étaient collés et que la fissure de la dalle, due à sa trop faible épaisseur, avait inévitablement entraîné la fissure des carreaux, la cour d'appel, qui a néanmoins déclaré que la garantie décennale n'était pas applicable, a violé les articles 1792 et 1792-2 du Code civil ; 2 / subsidiairement, que les désordres qui relèvent d'une garantie légale ne peuvent donner lieu contre les personnes tenues à cette garantie à une action en réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun ; qu'en déclarant que les désordres en cause ne relevaient pas de la garantie décennale et en condamnant cependant la SNPC, in solidum avec l'architecte, à les réparer, sur le fondement de l'article 1147 du Code civil, sans rechercher si ces désordres ne se trouvaient pas soumis à la garantie biennale des menus ouvrages et si l'action du maître de l'ouvrage ne se trouvait pas prescrite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 1147, 1792, 1792-2, 1792-3 et 2270 du Code civil ; 3 / qu'ayant constaté que la SNPC avait contesté l'applicabilité du DTU 52-1, la cour d'appel, qui a néanmoins considéré que cette société avait commis une faute en posant le carrelage sur un support trop récent en application de ce DTU 52-1, sans vérifier qu'il était effectivement applicable à un carrelage collé et non scellé, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil

; 4 / qu'en énonçant que la SNPC contestait l'applicabilité de ce DTU sans en proposer d'autre, sans répondre aux conclusions d'appel de cette société faisant valoir que le DTU 52-1 s'appliquait exclusivement aux revêtements de sol scellés, c'est-à-dire posés avec sable et ciment, et non aux sols collés faisant l'objet d'autres spécifications telles que le cahier des prescriptions n° 2478 émis par le Centre scientifique du bâtiment, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile" ;


Mais attendu que la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef en retenant souverainement, sans violer les articles 1792 et 1792-2 du Code civil et répondant aux conclusions, que les désordres consistaient en fissurations du carrelage, conséquence des fissurations de la dalle sur laquelle il était posé, mais que ces fissurations superficielles, ayant un caractère purement esthétique, ne compromettaient pas la solidité de l'ouvrage et ne le rendaient pas impropre à sa destination, en en déduisant exactement que ces désordres ne relevaient pas de la garantie décennale, mais de la garantie contractuelle de droit commun pour faute prouvée et en relevant que la SNPC avait commis une faute en posant le carrelage sur un support trop récemment achevé sans le désolidariser de celui-ci, contrairement aux prescriptions du document technique unifié applicable ;


Sur le second moyen :


Attendu que la SNPC fait grief à l'arrêt de retenir que son assureur, la société La Concorde, ne lui devait pas sa garantie pour des désordres engageant sa responsabilité civile de droit commun, alors, selon le moyen, "que, d'une part, la cassation à intervenir sur la première branche du premier moyen de cassation, relative à la garantie décennale due pour les désordres en cause, entraînera, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt attaqué en ce qu'il a exclu la garantie de la compagnie La Concorde, par application des dispositions de l'article 625 du nouveau Code de procédure civile ; que, d'autre part, en toute hypothèse, en omettant de répondre aux conclusions de la SNPC ayant invoqué la renonciation de son assureur à se prévaloir de la limitation de sa garantie, renonciation résultant de la direction du procès qu'il avait assumée sans réserves, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile" ;


Mais attendu, d'une part, que le premier moyen ayant été rejeté, le moyen, pris en sa première branche, est devenu sans portée ;


Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que la société La Concorde soutenait, tant devant les premiers juges qu'en instance d'appel, qu'elle ne garantissait son assurée qu'au titre de la garantie décennale et qu'elle ne pouvait intervenir que dans les limites de sa police, la cour d'appel n'avait pas à répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes ;


D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi ;


Condamne la Société nouvelle de pose de carrelages aux dépens ;


Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la Société nouvelle de pose de carrelages à payer à la société Entreprise Burnier et à la compagnie d'assurances L'Auxiliaire, ensemble, la somme de 8 000 francs et à M. Y... et à la compagnie d'assurances Mutuelle des architectes français, ensemble, la somme de 9 000 francs ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, prononcé et signé par Mlle Fossereau, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du nouveau Code de procédure civile, en l'audience publique du neuf décembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.

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