13 décembre 1994
Cour de cassation
Pourvoi n° 92-21.976

Chambre commerciale financière et économique

Titres et sommaires

TRANSPORTS TERRESTRES - marchandises - connaissement - transport international - recours en garantie du commissionnaire de transport contre le transporteur

Texte de la décision

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le pourvoi formé par la société Henry Johnson Sons and Co Ltd, dont le siège social est ... (18e), en cassation d'un arrêt rendu le 6 octobre 1992 par la cour d'appel de Grenoble (1ère chambre), au profit de :


1 ) la société anonyme Electro Outil, dont le siège social est ... à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine),


2 ) M. X..., demeurant ... à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine), ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société anonyme Electro Outil,


3 ) la société Likes Bros Stemship Likes Center, dont le siège est ...,


4 ) la société Steinweg NV, dont le siège est Ouland 265 D à Anvers (Belgique),


5 ) la société Van Aerde, SPRL de droit Belge, dont le siège social est Driesheide 84, 2241 Halle Zoersel (Belgique),


6 ) la société Custom Crating Inc, dont le siège est ...,


7 ) la société PVBA Van Laer, dont le siège est Dufelsesteenweg 25, 2548 Lint (Belgique),


8 ) la société anonyme AMC "Agence Maritime et Containers", dont le siège est ... (Hauts-de-Seine),


9 ) la société Soffriti, société de droit Néerlandais, dont le siège est Van Helmonstraat 15, 30029 AA Rotterdam (Pays-Bas),


10 ) la société Radix Groups International, dont le siège est ..., défendeurs à la cassation ;


La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt ;




LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 25 octobre 1994, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Nicot, conseiller rapporteur, M. Leclercq, conseiller, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;




Sur le rapport de M. le conseiller Nicot, les observations de Me Le Prado, avocat de la société Henry Johnson Sons, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la société Electro Outil et de M. X..., ès qualités, de la SCP Monod, avocat de la société Likes Bors Stemchip Likes Center, de Me Luc-Thaler, avocat de la société Steinweg et de la société PVBA Van Laer, de la SCP Boré et Xavier, avocat de la société Van Aerde, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué, que la société Hewlett Packard a acheté à la société Electro Outil une chaîne de soudure comprenant une machine à souder et une machine à nettoyer ; que la société Electro Outil a confié l'emballage et le transport à la société Henry Johnson sons and co (Johnson), commissionnaire de transport ; que la société Johnson a sous-traité l'ensemble de sa mission à la société Radix Groups international (Radix) ; que la société Radix a confié l'emballage à la société Custon Crating, le transport par chemin de fer de Los-Angelès à Galveston (Texas), puis le transport maritime de Galveston à Rotterdam à la société Likes Brothers Stean-smiplikeslewter (Likes), et enfin, le transport routier de Rotterdam à Eybens à la société Agence maritime et containers (l'Agence maritime) qui s'est notamment substituée la société Vanlaer ; que le matériel a été accepté le 4 novembre 1983 par la société Hewlett Packard, destinataire, avec la mention "sous réserve d'emballage" ; que le 11 novembre 1983, le destinataire a informé la société Vanlaer par lettre recommandée que le matériel avait subi des dommages importants ; qu'après le dépôt du rapport d'une expertise judiciaire, la société Electro Outil a assigné la société Johnson en réparation du préjudice résultant des avaries au matériel ; que la société Johnson a notamment assigné en garantie, outre la société Radix, la société Custom Crating, la société Likes et la société Agence maritimes ;




Sur le premier moyen pris en ses trois branches et sur le second moyen, réunis :


Attendu que la société Johnson reproche à l'arrêt de l'avoir condamné au paiement de dommages-intérêts avec la société Electro Outil, alors, selon le pourvoi, d'une part, que celles des avaries autres que par mouille, dont la cour d'appel a ordonné la réparation, sont des avaries apparentes ; que la société demanderesse devait donc à défaut de réserves valables, prouver qu'elles existaient lors de la livraison ; qu'en ne s'interrogeant pas sur la date de survenance, par rapport à la livraison, des avaries autres par mouille, la cour d'appel a entâché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles 17-1 et 30-1 de la convention de Bruxelles du 19 mai 1956 de la CMR ; alors, d'autre part, que si l'on considérait, que les constatations de l'arrêt ne font par apparaître l'existence d'avaries "non apparentes" au sens de la CMR, l'arrêt devait être censuré pour ne s'être entâché d'un défaut de base légale au regard des mêmes dispositions ; alors, en outre, que s'il était inexactement estimé que l'attribution, par la cour d'appel, à un défaut de calage, des avaries autres que par mouille, impliquait que ces dommages soient survenus avant la livraison, l'arrêt devrait encore être censuré ; qu'en affirmant, à la fois l'absence de toute hypothèse vérifiable et plausible, pour expliquer ces dommages, et la réalité d'un défaut de calage, la cour d'appel s'est contredite, et s'est à tout le moins fondée sur une motivation hypothétique, méconnaissant les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, que dans la mesure dans laquelle il peut constituer la cause, même partielle d'un dommage, le vice propre exclut, partielement au moins la responsabilité du transporteur, et par conséquent, celle du commissionnaire garant ; qu'en l'ignorant, la cour d'appel a violé l'article 17-2 de la CMR ;


Mais attendu, en premier lieu, que, tant par motifs propres qu'adoptés, après avoir relevé que la société Hewlett Packard a eu la volonté marquée d'effectuer des réserves et que, si celles faites au transporteur sont trop vagues, le destinataire a en même temps "actionné" son vendeur, l'arrêt constate qu'outre la mouille par eau de mer, la cause de la déterioration a été le manque de calage intérieur ; que, déduisant de ces constatations, que les responsabilités se "circonscrivent", sans conteste sur la société Johnson, laquelle a fait organiser par son substitué, la société Radix, pour son compte et sur ses instructions, la sous-traitance de l'emballage et des différents modes de transport, la cour d'appel a effectué les recherches prétendument omises et, abstraction faite du motif surabondant visé au pourvoi, s'est décidée sans contradiction ni motivation hypothétique ;




Attendu, en second lieu, que, si elle a envisagé un "éventuel vice propre" de la chose au sujet du coffret de commande électrique, la cour d'appel en a ensuite écarté explicitement la réalité en retenant que, lui aussi, le coffret avait été oxydé par l'eau de mer ;




D'où il suit que les moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches respectives ;




Sur le troisième moyen, pris en sa première branche :


Attendu que la société Johson fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le pourvoi, qu'en n'apportant aucun élément de réponse au moyen tiré par elle de ce qu'elle pouvait opposer à la société Electro Outil, les limitations légales d'indemnité dont ses substitués pouvaient se prévaloir, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;


Mais attendu qu'ayant retenu que ses substitués, exception faite de la société Radix et de la société Likes, devaient être "mis hors de cause" après avoir écarté leur responsabilité, dans la survenance des avaries, la cour d'appel a par là même, répondu en les écartant aux conclusions relatives aux limitations légales d'indemnités dont lesdits substitués pouvaient se prévaloir ; qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé en sa troisième branche ;




Et sur le cinquième moyen :


Attendu que la société Johnson fait encore grief à l'arrêt d'avoir rejeté son recours contre la société Custom Crating à laquelle elle avait confié l'emballage du matériel, alors, selon le pourvoi, que la cour d'appel a retenu que les avaries autres que par mouille, souffertes par le matériel, avaient pour cause un défaut de calage ;

qu'en admettant, que cette affirmation implique que les dommages soient survenus en cours de transport, elle implique également la responsabilité de l'emballeur dont la juridiction du second degré n'a alors pu écarter la responsabilité sans omettre de tirer les conséquences de ses propres constatations, et violé les aticles 1147 et suivants du Code civil, applicables à la responsabilité de l'emballeur dès lors, que n'était en cause aucun droit autre que le droit français ;




Mais attendu que l'arrêt retient, tant par motifs propres qu'adoptés, que, si la société Custom Crating, chargée de l'emballage, n'a pas utilisé des emballages adaptés à une traversée maritime en pontée, c'est qu'elle n'avait pas reçu les instructions expresses d'utiliser ces emballages et non ceux dits "n 1" prévus pour le transport en cale ; qu'ayant constaté, en outre, que la société Custom Crating prouvait qu'elle avait porté sur l'extérieur des caisses des mentions appelant l'attention sur la nécessité de les manier avec précaution en raison de la fragilité de leur contenu, la cour d'appel a pu écarter la responsabilité de cette société ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;




Mais sur le quatrième moyen :


Vu l'article 3 de la convention internationle de Bruxelles du 25 août 1924 ;


Atendu que, pour déclarer irrecevable le recours en garantie formé par la société Johnson contre le transporteur maritime, l'arrêt retient que la société Johnson, commissionnaire de transport, ne dispose d'aucun droit contre ledit transporteur, n'étant pas porteur du connaissement ;




Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, si l'action en réparation des dommages subi par la marchandise transportée est exercée par celui dont le nom figure sur le connaissement à personne dénommée ou par celui qui le présente lorsqu'il est au porteur ou qui en est le dernier endossataire dans le connaissement à ordre, cette action peut être exercée, à titre principal ou à titre récursoire, par celui qui a supporté le préjudice résultant des avaries, la cour d'appel a violé le texte de la convention internationale susvisée ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du troisième moyen ;




CASSE ET ANNULE, l'arrêt, mais seulement en ce qu'il a "mis hors de cause" la société Likes Brothers Steamship et a condamné la société Henry Johnson Sons and co à lui payer la somme de 8 500 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt rendu le 6 octobre 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;




Condamne la société Henry Johnson à payer la somme de :

10 000 francs à la société Vanaerde 8 000 francs à la société Avabvanlaer 8 000 francs à la société Steinweg 10 000 francs à la société Likes Bros Steamship sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;


Condamne la société Henry Johnson aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;




Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Grenoble, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;




Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du treize décembre mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.

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