7 juillet 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-23.077

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:CO10396

Texte de la décision

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 juillet 2021




Rejet non spécialement motivé


M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président



Décision n° 10396 F

Pourvoi n° B 19-23.077






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 JUILLET 2021

La société JM propreté, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 19-23.077 contre l'arrêt rendu le 6 juin 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 5), dans le litige l'opposant à la société Bureau d'études et de recherches pour l'industrie moderne - Berim, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Comte, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société JM propreté, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Bureau d'études et de recherches pour l'industrie moderne - Berim, et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 mai 2021 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Comte, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.


1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société JM propreté aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société JM propreté et la condamne à payer à la société Bureau d'études et de recherches pour l'industrie moderne - Berim la somme de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société JM propreté

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que la société [M] ne s'était pas rendue coupable d'une rupture brutale de relation commerciale établie au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, d'avoir débouté la société JM propreté de l'intégralité de ses demandes, d'avoir autorisé la société [M] à remettre en déchetterie le matériel et consommables de la société JM propreté laissés dans ses locaux, et d'avoir condamné la société JM propreté à payer à la société [M] la somme de 4 000 ? au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Aux motifs propres que « Sur la rupture brutale de la relation commerciale établie : Selon l'article L. 442-6 I.5° du code de commerce, « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : 5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'économie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure (...) » ; que la rupture, pour être préjudiciable et ouvrir droit à des dommages et intérêts, doit être brutale c'est à dire effectuée sans préavis écrit tenant compte des relations commerciales antérieures ou des usages reconnus par des accords professionnels ; que les parties ne discutent pas de l'existence d'une relation commerciale établie, mais de son ancienneté et du caractère brutal de sa rupture ; que par acte du 30 novembre 2010, la société JM Propreté a acquis auprès de la société ECOM le fonds artisanal de nettoyage tous corps d'état portant sur la maintenance des locaux et de leur environnement, comprenant notamment la clientèle et le bénéfice de marchés, traités et conventions afférents à l'exploitation de ce fonds. Elle justifie que la société [M] figure sur la liste des clients cédés avec le fonds, et que la société ECOM a facturé des prestations à la société [M] à compter d'avril 1999 ; qu'en acquérant ce fonds et en poursuivant l'activité avec la société [M], à laquelle elle a régulièrement facturé des prestations de nettoyage qui représentent une part importante de son chiffre d'affaires, la société JM Propreté a repris la relation commerciale stable et durable nouée entre la société ECOM et la société [M] ; que l'existence d'une relation commerciale établie entre les parties nouée depuis avril 1999 est donc caractérisée ; que compte tenu de l'ancienneté de la relation commerciale et du volume d'activité générée, la société JM Propreté pouvait légitimement espérer que la relation commerciale établie se prolongerait ; Sur la rupture partielle de la relation commerciale établie : que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 26 novembre 2013, la société [M] a notifié à la société JM Propreté la résiliation du contrat de nettoyage sur le site de [Localité 1], à effet du 4 mai 2014, aux motifs d'une qualité de prestation trop irrégulière et superficielle malgré ses remarques répétées et un prix de prestation trop élevé ; que cette rupture partielle de la relation commerciale établie est intervenue alors que ladite relation était ancienne de 14 ans et 7 mois, avec un préavis de 5 mois et 9 jours ; que dès lors que la société [M] n'invoque pas l'exception d'inexécution mais le caractère suffisant du préavis respecté, il importe peu que les motifs de rupture évoqués dans le courrier du 26 novembre 2013 ne soient pas démontrés ; que seule est fautive la brutalité de la rupture de la relation commerciale établie en l'absence de préavis suffisant, et non pas la rupture elle-même ; que la société JM Propreté établit par l'attestation de son expert-comptable et le tableau du client [M] produit aux débats et non discuté, qu'elle a réalisé avec la société [M] un chiffre d'affaires de 176 675,82 ? HT pour l'exercice 2011, de 199 346,32 ? HT pour l'exercice 2012, de 176 524,24 ? pour l'exercice 2013 et de 97 795,14 ? HT pour l'exercice 2014, soit un chiffre d'affaires moyen de 188 011,07 ? les deux années précédant la rupture, représentant alors en moyenne 69,5% de son chiffre d'affaires ; que cependant, elle ne justifie pas la proportion que représentait le site de [Localité 1] dans ce chiffre d'affaires, en particulier le caractère significatif de l'activité exercée dans ce site ; qu'en outre, et ainsi que le fait valoir la société [M], la société JM Propreté n'a pas contesté la rupture partielle de la relation commerciale établie et a poursuivi ses prestations au sein du site de [Localité 2] ; que dans ces conditions, au vu de l'ancienneté de la relation commerciale et de la nature du secteur d'activité concerné présentant de nombreux débouchés et régi par la convention collective nationale des entreprises de propreté du 1er juillet 1994 fixant les conditions d'emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire, le préavis de 5 mois et demi respecté, supérieur au délai de préavis contractuel de 3 mois prévu dans les contrats de nettoyage industriel conclus entre la société [M] et les sociétés ECOM et TOURNETT, respectivement prédécesseur et successeur de la société JM Propreté qui ne justifie pas d'un usage autre dans ce secteur d'activité, était suffisant pour lui permettre de réorienter son activité ; que cette rupture partielle de la relation commerciale établie ne présente donc aucun caractère brutal ; Sur la rupture totale de la relation commerciale établie ; que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 18 avril 2014, la société [M] a notifié à la société JM Propreté l'arrêt de la prestation de nettoyage sur le site de [Localité 2], à effet au 1er août 2014, en précisant que les motifs de cette décision lui avaient été énoncés lors d'une réunion du 15 avril précédent et que ladite prestation n'avait fait l'objet d'aucun contrat signé avec une échéance annuelle ; que la société [M] a ainsi mis un terme à la relation nouée avec la société JM Propreté depuis 15 ans en respectant un préavis de 3 mois et 12 jours ; qu'ainsi qu'il ressort des développements ci-avant, il importe peu que la société [M] ne justifie pas des griefs ayant motivé la rupture totale de la relation commerciale établie, ladite société n'invoquant pas l'exception d'inexécution ; que la société JM Propreté n'établit pas la part que représentait son activité au sein du site de [Localité 2] sur son chiffre d'affaires total réalisé les trois années ayant précédé cette rupture ; qu'au vu de ces éléments, et compte tenu de la nature du secteur d'activité concerné, le délai de préavis de 3 mois et demi respecté, supérieur à celui de 3 mois pratiqué par les sociétés ECOM et TOURNET sans que la société JM Propreté ne justifie d'un usage distinct en la matière, était suffisant pour permettre à la société JM Propreté de se réorganiser, peu important qu'elle ait, ou non, effectivement retrouvé dans ce délai une activité lui procurant le même chiffre d'affaires ; que la rupture totale de la relation commerciale établie n'est donc pas brutale au sens des dispositions de l'article L.442-6 I.5° du code de commerce ; que le jugement entrepris sera confirmé, par motifs substitués, sauf en ce qu'il a daté la relation commerciale établie du mois de juin 1999, que la cour fixe au mois de mai 1999 » (arrêt attaqué, p. 5 à 8) ;

Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que « Sur la rupture brutale de relations commerciales établies ; que, selon les dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce « [?] « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant industriel de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels, ces dispositions ne faisant, toutefois, pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure [...] » ; que le respect combiné de la liberté contractuelle et des prescriptions de l'article L. 442-6-I.5° du code de commerce impose d'en limiter le domaine d'application aux cas où la relation commerciale revêt, avant la rupture, un caractère suivi, stable et habituel et où la partie qui s'en estime victime pouvait légitimement croire à la pérennité de la relation en anticipant raisonnablement pour l'avenir une certaine continuité de flux d'affaires avec son partenaire commercial, justifiant que l'intention de rompre soit précédée d'un délai de prévenance lui permettant d'organiser la recherche d'autres clients afin de maintenir l'activité de l'entreprise ; Sur l'exception d'inexécution ; que, quand bien même les lettres de résiliation font état d'insatisfaction de la part de [M], l'exception d'inexécution n'est pas invoquée ; que le tribunal dit qu'il n'y a pas lieu d'examiner la réalité de reproches invoqués ; Sur le caractère stable et établi de la relation commerciale et l'ancienneté de la relation commerciale ; que le caractère stable et établi de la relation contre JM Propreté et [M] n'est pas contesté ; que seule la date à laquelle l'ancienneté de la relation doit être appréciée oppose les parties ; qu'au cas d'espèce, JP Propreté avait poursuivi, après avoir acquis le fonds de commerce d'ECOM, les relations commerciales initiées par ECOM avec [M] ; que JM Propreté produite une facture d'ECOM datant de 1999, établissant que des prestations régulières de nettoyage industriel étaient facturées à [M] ; que [M] produit un projet de contrat datant de 2003, jamais régularisé, devant préciser les relations commerciales entre ECOM et [M] ; que les relations se sont poursuivies sans que les parties n'aient démontré avoir voulu poursuivre leurs relations sur une base nouvelle après l'acquisition du fonds de commerce d'ECOM par JM Propreté ; que le tribunal fixera au 1er juin 1999 le début de la relation commerciale ayant existé entre [M] et JM Propreté et dira que la relation commerciale aura duré 14 ans et 6 mois à la date de la notification de l'intention de mettre un terme à la relation ; Sur la durée du préavis et les usages professionnels ; qu'il est constant que les relations commerciales entre [M] et JM Propreté ont cessé à compter des mois de mai et août 2014 ; que le Conseil constitutionnel a été amené à affirmer la valeur constitutionnelle du droit à contracter et, de son corollaire, du droit de ne pas contracter ou à mettre un terme à un contrat existant ; qu'il n'existe donc aucun droit à la reconduction perpétuelle d'un contrat ; que seules les conséquences pécuniaires résultant des conditions de la rupture doivent être garanties ; que par courrier du 23 novembre 2013, [M] a informé JM Propreté de sa décision de mettre un terme à sa relation commerciale sur le site de [Localité 1] le 4 mai 2014, soit au terme d'un préavis d'une durée supérieure à 5 mois ; que par courrier du 18 avril 2014, [M] a informé JM Propreté de sa décision de mettre un terme à sa relation commerciale sur le site de [Localité 2] le 1er août 2014, soit au terme d'un préavis d'une durée supérieure à 3 mois ; que [M] invoque les usages professionnels ; que tant les contrats de nettoyage industriel proposés par ECOM que par Tournett prévoient qu'il peut être mis fin, à tout moment, à la relation commerciale moyennant un préavis de 3 mois ; que la convention collective nationale des entreprises de propreté du 1er juillet 1994 étendue par un arrêté du 31 octobre 1994 JORF 5 novembre 1994 fixe les conditions d'une garantie d'emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire, le prestataire entrant s'obligeant à reprendre les salariés du prestataire sortant ; que le tribunal dira qu'il ressort de l'organisation du métier de nettoyage industriel et des pratiques mises en place par les professionnels qu'un préavis de 3 mois est suffisant, quand bien même la relation commerciale s'est poursuivie pendant près de 15 ans pour permettre à un prestataire évincé de s'adapter à la perte d'un contrat ; qu'il dira que la rupture de la relation commerciale entre [M] et JM Propreté n'est pas brutale au sens des dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce ; qu'il déboutera en conséquence JM Propreté de ses demandes au titre de la rupture brutale de relations commerciales établies » (jugement entrepris, p. 3 et 4) ;

1) Alors qu'en présence d'une relation commerciale établie, la durée du préavis doit être appréciée au regard de la durée de la relation commerciale et des autres circonstances au moment de la notification de la rupture ; que l'existence d'usages professionnels et d'accords interprofessionnels ne dispense pas la juridiction d'examiner si le préavis, qui respecte le délai minimal fixé par ces usages et ces accords, tient compte de la durée de la relation commerciale et des autres circonstances de l'espèce ; qu'en fixant à trois mois le préavis raisonnable devant être accordé à la société JM Propreté, en se référant aux usages de la profession et à la convention collective nationale des entreprises de propreté, sans expliquer en quoi la durée de la relation commerciale, de 14 ans et 7 mois, avait justifié un préavis aussi bref, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;

2) Alors qu'en présence d'une relation commerciale établie, la durée du préavis doit être appréciée au regard de la durée de la relation commerciale et des autres circonstances au moment de la notification de la rupture ; qu'en retenant qu'un préavis de trois mois était suffisant au regard de la nature du secteur d'activité concerné présentant de nombreux débouchés, sans nullement préciser quels étaient ces nombreux débouchés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce.

3) Alors qu'en présence d'une relation commerciale établie, la durée du préavis doit être appréciée au regard de la durée de la relation commerciale et des autres circonstances au moment de la notification de la rupture, notamment de l'état de dépendance économique de l'entreprise évincée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que sur les deux années ayant précédé la rupture, les prestations effectuées auprès de la société [M] avaient représenté 69,5% du chiffre d'affaires de la société JM Propreté ; qu'en écartant l'état de dépendance économique de la société JM Propreté, dès lors que celle-ci ne justifiait pas, de manière distincte, des chiffres d'affaires réalisés auprès de la société [M] sur le site de Martigues et sur le site de Pantin, et qu'elle n'avait pas contesté la rupture partielle de la relation commerciale établie et avait poursuivi ses prestations au sein du site de Pantin, quand il ressortait de ses propres constatations que la société JM Propreté avait réalisé la majorité de son chiffre d'affaires auprès d'un seul client qui l'avait par la suite évincée, de sorte qu'elle se trouvait dans un état de dépendance économique vis-à-vis de la société [M], lequel aurait dû être pris en compte pour la fixation du préavis raisonnable, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;

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